Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Poème : “Le douanier” de Jean Condou

Mis en ligne le 1 septembre 2022

Dans le cadre de “la douane littéraire”, nous inaugurons ici ce “Florilège des douaniers qui se piquent de poésie” que nous avions annoncé en janvier 2022 et que nous alimenterons au fil des éditions au gré de nos trouvailles mais aussi, nous l’espérons bien, grâce à de nouvelles contributions que vous êtes invités à nous faire parvenir.

 

Le poème de Jean Condou que nous invitons à découvrir fut publié en 1956 et rejoint au sein de ce Florilège, le ” procès-verbal versifié de Jean Antoine Trimolet” présenté en janvier 2022.

 

Pour consulter l’ensemble des poèmes recensés sur ce site, il vous suffira d’utiliser notre moteur de recherche avec la référence “Florilège”.

 

 


Le douanier

 

La tempête au dehors a balayé les rues,

L’éclair étincelant qui sillonne les nues

Menace de son feu. Pas un être vivant :

Tout se cache et s’enfuit. Soulevés par le vent,

Les toits hospitaliers, en sifflements funèbres,

Semblent se déchirer, et, parmi les ténèbres,

Chacun s’en va goûter un tranquille repos ;

La porte est verrouillée et les volets sont clos.

Il sort, lui, cependant, l’humble fonctionnaire,

Celui qui par ce temps garde la frontière :

Le douanier. C’est l’heure où l’austère devoir

L’appelle dans les champs pour y veiller ce soir.

Visage fouetté par la neige durcie,

Son premier ennemi c’est du vent la furie,

Il lutte, résigné, sur le sentier glissant,

Tombe, puis se relève. Oh ! quel drame angoissant

Se déroule en son coeur lorsqu’à l’abri d’un chêne

Il songe tristement : “L’orage se déchaîne

Pour moi seul, car là-bas, le sommeil de la nuit

Berce tous mes pareils puisque le jour a fui ;

Des rêves enchanteurs hantent les rideaux roses …

Loin du froid et du vent doucement ils reposent”.

Soudain, un bruit, des pas, parmi les flaques d’eau,

Il surgit du taillis. “Qui vive ?” – un gros ballot

Vient de choir lourdement et dans son épouvante

Un homme s’est lancé qui dévale la pente.

Le bois craque au passage. Il regarde : Minuit !

Tandis qu’au fond du val où son esprit le suit

Le nocturne fuyard a modéré sa course …

Il contemple la prise, en soupçonne la source,

Puis la tire à l’écart. Il narrera demain

Cet exploit dans l’orage. On serrera sa main …

Les journaux le diront en paroles banales ;

– Mais qui donc comptera tant de nuits cruciales,

Celles des douaniers sous la neige et le froid,

Ces marches sans histoire où se combat l’effroi ?

Qui donc reconnaîtra ces âpres randonnées

Par les chemins fangeux, les pistes ravinées ?

Dieu seul, dis-tu. Pourtant au retour, je crois voir

Du bonheur sur ton front : C’est celui du devoir.

 

Jean Condou (1)

 


Note (NDLR JFP 1957):
{1).— Jean Condou, actuellement retraité, était encore en 1954, Adjudant-chef des douanes à St-Lary. Il est l’auteur d’un recueil de poésies paru en 1940 ” Fleurs de la Neste”. Nous remercions M. Borgès, Directeur-adjoint à Pau, de nous avoir adressé le poème, ainsi que d’autres du même auteur et que nous nous ferons un plaisir de publier dans notre revue.

 


 

 

Journal de la Formation Professionnelle

 

n° 61 

 

Novembre-décembre 1956

 


 

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