Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Électronique : « La nouvelle recrue » de 1961 (1)

Mis en ligne le 1 mars 2020

En ce temps là…, fin 1961, le chef de l’administration douanière, Ph. de Montérémy adresse ses voeux au personnel pour la prochaine année. Il se félicite des avancées en termes de statut du personnel, de moyens – notamment maritimes – et réserve « une pensée spéciale pour ceux qui exercent fonction en Algérie et au Sahara ». La rédaction du « journal de formation professionnelle » (N° 102 – décembre 1961) signale également parmi les inaugurations – comme celles de de la gare routière d’Hendaye, du baptèmes de deux nouvelles vedettes (Haize-Egoa et Libecciu) un évènement particulièrement novateur: la naissance de « l’ensemble électronique de la direction générale ».

 

Inauguré le 11 décembre 1961 par le ministre des finances en personne, W. Baumgarner, cette « nouvelle machine électronique, dénommée « ordinateur IBM 1401 à bandes magnétiques » peut «  effectuer jusquà 5000 opérations arithmétiques à la seconde et dispose umémoire de 100 millions de chiffres »… L’ordinateur sera employé pour les « mises à jour quotidiennes des tableaux d’importation et d’exportation, …, pour les études statistiques du commerce extrieur et pour le contrôle des recttes douanières. Il prendra en charge les travaux administratifs de la direction générale des douanes (…) et sera utilisé pour analyser les infractions douanières et l’étude de la fraude».

 

Une véritable révolution!  Nous reproduisons ci-dessous un premier article publié dans le numéro suivant de cette revue (N°103) qui expose « la recherche d’objectifs nouveaux et la réforme des méthodes que traduit (à cette époque la mise en oeuvre de ce matériel perfectionné ».

 

Un second article précisant les caractéristiques de la « nouvelle recrue » et  ses possibilités d’emploi par l’institution douanière de l’époque est également disponible : « Électronique : « La nouvelle recrue » de 1961 (2) ».

 

L’équipe de rédaction

 


 

Il avait été annoncé, dans le précédent numéro de ce journal, et à propos de l’inauguration le 11 Décembre dernier par M. le Ministre des Finances de l’ordinateur électronique de la Direction Générale, un article relatif à la recherche des objectifs nouveaux et à la réforme des méthodes, que traduit sa mise en œuvre de ce matériel perfectionné.

 

 

La parution, dans la seconde livraison du « Bulletin », organe de la jeune Association des Anciens Élèves de l’École Nationale des Douanes, d’une étude fort imagée sur l’emploi des ordinateurs et l’utilisation que nous allons faire du nôtre, a quelque peu modifié ce projet.

 

Les rédacteurs de cette étude, en effet, MM. GALLIOT et GILLOT, inspecteurs-Analystes à la Direction Générale, ayant été parmi les premiers artisans de la mise en onde électronique sont particulièrement qualifiés pour démontrer, à l’intention de leurs collègues, le mécanisme à la fois complexe dans son fonctionnement et simple dans son principe de ce qu’ils appellent « la nouvelle recrue ».

 

L’association des Anciens Élèves de L’E.N.D. ayant accepté que cet article soit reproduit ici, je me contenterai, en guise de préface, de rappeler dans quel contexte se placent les actuelles transformations apportées au service National des Statistiques douanières et à l’atelier mécanographique de la Direction Générale et quel doit être le sens nouveau vers lequel s’oriente désormais la Perspective « électronique ».

 

Comme l ‘ont très bien indiqué GALLIOT et GILLOT, les efforts liés à l’installation du 1401 IBM vont se développer sur 3 Plans Principaux, tout en comportant des effets parallèles d’ordre Psychologique efforts de réflexion générale, de mise en condition et de réorganisation dont il ne faut pas mésestimer l’ampleur.

 

A – Modernisation des statistiques.

 

La première action, peut être la plus immédiatement spectaculaire, est celle qui touche ce domaine. L’aménagement des statistiques de marchandises est rendue nécessaire par le poids croissant de nos échanges (11 millions de fiches en 63 contre 4,5 en 50), par la disparition des autres modes d’information (dépouillement des licences délivrées) et l’amenuisement de la protection tarifaire. Cette dernière considération est essentielle. Dans un monde bientôt dominé -tout au moins en ce qui concerne nos principaux partenaires commerciaux- par le libre-échange, l’information restera le plus efficace outil de protection, à la fois sonnette d’alarme et facteur de décision, pour les pouvoirs publics et pour les milieux professionnels. D’où le travail préparé en ce sens, associé à la réforme des déclarations et du contrôle des changes, fruit d’une soigneuse collaboration inter-division qui s’est poursuivie dans le sein d’un groupe de travail interministériel associant les divers départements intéressés à ces problèmes statistiques. Il débouche notamment aujourd’hui sur une coopération organique avec le Centre National du Commerce Extérieur, pour l’élaboration d’une information vraiment internationale appelée sans nul doute à la plus prometteuse extension (recherche statistique systématique des débouchés pour nos exportateurs).

 

Cette action statistique se poursuit en outre sur des terrains encore vierges : statistiques des transports (comment est transporté notre commerce extérieur, combien cela coûte-t-il ? c’est-à-dire, vendons nous ce service « transport », ou bien au contraire l’achetons nous même lorsque nous vendons les produits transportés et à quel prix ? Sommes nous sous-équipés du point de vue de certains transports routiers par exemple, et Pourquoi ?

 

Statistique financière enfin, conclusion logique des progrès réalisés sur le plan des Marchandises et sur celui des transports, information prévisionnelle Particulièrement noble, véritable contrôle des dépenses et des recettes engagées par le Commerce Extérieur.

 

Si l’approche de cette statistique supérieure est aujourd’hui rendue possible, ce n’est qu’à la suite des aménagements essentiels qui viennent d’être apportés aux statistiques de marchandises, et de transports, lesquelles constituent la double base indispensable à ce nouveau travail.

 

B) Modernisation des contrôles.

 

Elle doit s’opérer en domaines : changes et fiscalité, budget, enfin contrôle douanier proprement dit.

 

Pour le contrôle des changes, la réforme est chose commencée depuis le 1er Janvier. Dans un second stade, en accord avec la Direction des Finances extérieures et grâce à l’ordinateur, il sera possible d’atteindre un triple objectif : simplification importante des formalités, plus grande efficacité du contrôle, possibilité afin de rétablir automatiquement une discipline plus sévère en cas de besoin (risque de détérioration monétaire) far le seul jeu des institutions douanières.

 

Pour les dégrèvements ou décharges de taxes à l’exportation, un cheminement de pensée analogue conduit à rechercher pour l’avenir le moyen de contrôler les demandes de chaque exportateur par la tenue de son compte individuel. On peut d’ailleurs faire une liaison « compte-export » – « compte rapatriement » – « compte dégrèvements » – Au vu des résultats  personnalisés, la carte d’exportateur serait alors délivrée à bon escient, et revalorisée. De même, ces études serviraient de base pour les autorisations d’amortissements accélérés dont peuvent bénéficier certains gros exportateurs. Cette personnalisation est nécessaire. En effet dans  divers domaines, l’Administration des Douanes exerce aujourd’hui le Contrôle fiscal ou y participe : T.V.A. à l’importation, taxes intérieures, dégrèvements à l’exportation, fiscalité des pétroles (détaxation) fiscalité des ports et transports. Pour certains mécanismes para-fiscaux, l’on fait appel à son concours ou à des justifications qu’elle délivre. On oublie trot facilement à côté des droits à l’importation, que sont bien souvent inférieurs à 15 et 20 %, l’importance des dégrèvements liés à l’exportation, mettant en jeu des sommes généralement supérieures. Or le fait générateur de ces détaxes est assez peu contrôlé. Il faut donc y remédier.

 

Sur le plan budgétaire, la nouvelle organisation statistique permettra, à titre général, l’établissement plus facile de prévisions précises et le contrôle plus satisfaisant des recettes à l’échelon national grâce à une vigilance renforcée sur l’assiette et le recouvrement (contrôle électronique des valeurs et des liquidations), et à la comparaison des « journées statistiques » et des « journées comptables » que va rendre possible « l’exactitude de plus en plus poussée et l’exhaustivité de nos dépouillements. Ce dernier point est très important : le ministre Pourrait être alors informé, au jour le jour comme en ce qui concerne le mouvement des marchandises, des rentrées budgétaires et de leurs comparaisons avec les prévisions établies.

 

Parallèlement La tenue des comptes Pétroles, qui concerneront non seulement les huiles étrangères mais aussi les produits nationaux, et donneront, par la prise en considération de raffinages même effectués à l’étranger, l’origine réelle des produits bruts, présentera un intérêt particulier pour les prévisions de recettes, les études budgétaires, les reprises de stocks.

 

Il ne faut cependant pas oublier le contrôle douanier proprement dit. Dans la mesure où l’une et l’autre dispose de l’électronique, l’administration et l’entreprise peuvent, en certains domaines -celle-ci pour ses obligations, celle-là pour ses contrôles- travailler sur des bases communes, l’une des vertus de l’électronique étant précisément de rendre très difficiles falsifications ou fraudes.

 

L’Administration des Douanes est déjà entrée dans cette voie comme MM. GALLIOT et GILLOT vous le disent plus loin : pour de très grosses entreprises – comme la construction automobile et aéronautique – rétablissement des déclarations et l’apurement des nombreux comptes d’admission temporaire reposent sur une organisation électronique mise sur pied en commun : il en résulte des économies très notables se traduisent par une réduction des prix de revient – Effet psychologique à signaler : atmosphère de confiance, analogies de Pensée en matière de méthodes.

 

On envisage même pour un avenir relativement proche, la création d’un bureau expérimental où les déclarations des assujettis et les contrôles reposeront entièrement sur les techniques mécanographiques.

 

C) Modernisation de la gestion administrative.

 

C’est un domaine bien connu d’application des machines électroniques. Il est naturellement aussi vaste que l’Administration elle-même : toute la part de celle-ci qui ne comporte pas la nécessité d’appréciations reposent sur des données plus humaines que mathématiques, c’est-à-dire celle qui englobe des travaux exclusivement comptables (et les plus lourds, et les plus fastidieux) doit pouvoir être réglée de façon satisfaisante, avec une notable réduction des temps d’exécution. D’autre part, l’organisation générale du travail administratif  mis en condition par rapport et l’emploi de l’ordinateur doit s’avérer « payante » par contagion même sur des secteurs qui ne seraient pas directement concernés. La paye – déjà mécanographiée – certains des mécanismes les plus simples de gestion du personnel, ainsi que Peut-être la tenue des comptes des immeubles et des matériels, la recherche et la codification de la fraude, enfin, seront sans doute des réalisations assez proches.

 

D’autres demeurent plus lointaines. Mais plus tard, on pourra songer à l’établissement de documents de direction permettant d’informer le chef de l’Administration, ses collaborateurs directs ou les chefs régionaux de l’état des  questions essentielles en cours de réalisation. Suivre l’exécution du plan d’action est en effet essentiel et difficile dans une maison aussi vaste que la nôtre, un carrefour de problèmes internes et extérieurs, administratifs, économiques ou fiscaux en perpétuelle évolution, qui réagissent sans cesse les uns sur les autres.

 

Du point de vue technique, dans une administration comme la Douane, quelques recherches opérationnelles à objet limité peuvent aussi être intéressantes, en fonction d’une part, des intensités de trafic ou des risques d’évasion fiscale, d’autre part, des potentiels en hommes et moyens.

 

Ainsi, l’ensemble électronique dont on va vous parler répond à un multiple besoin de rationalisation : statistique, contrôle, gestion administrative. Comme tel, il s’inscrit tout naturellement dans l’action de modernisation poursuivie par la Direction Générale, action qui ne peut porter tous ses fruits qu’avec l’adhésion enthousiaste de tous, à tous les postes et à tous les échelons. C’est en définitive de chacun de nous que dépend la portée de toute réforme en cours : résultat limité au domaine technique, ou bien, au contraire, succès générateur d’effets secondaires multiples, plus importants peut être que les objectifs Premiers. Cette remarque générale, valable et féconde dans tous les cas est ici particulièrement importante.

En effet tout travail électronique suppose « une mise en condition préalable » du problème à traiter, c’est-à-dire une révision des circuits et des temps d’exécution afin que les « avants » et les « arrières » de la matière traitée soient eux-mêmes au diapason de la nouvelle technique. Cela oblige à revoir progressivement tous les documents de service et les méthodes de travail.

Il faut le faire avec une certaine optique : esprit d’organisation, conscience du service public, vues d’ensemble sur l’économie et la fiscalité. Faute de cette évolution psychologique, la machine inaugurée hier Par le Ministre serait stérile, et ne nourrirait qu’elle même.

 

C’est très certainement la faiblesse de cet ensemble, qui impose des règles de conduite, condamne les disparités, improvisations et temps morts, et constitue en cela un certain emprisonnement des méthodes ; mais c’est aussi sa noblesse puisqu’il apparait au total comme un Puissant facteur de rénovation de l’Administration.

 

M. Salmochi
Administrateur Civil

 

 

 

Journal de formation professionnelle

 

N° 103 – janvier 1962

 

 

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