Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Marques postales douanières

Mis en ligne le 1 novembre 2020

Les empreintes apposées par les douanes lors de l’expédition de leur courrier.

 

En hommage à notre collègue Bernard Guillier décédé tragiquement le 12 février 1992 et qui fut le premier à écrire un article abondamment illustré sur ce sujet dans « Les cahiers d’histoire des douanes françaises » (N°5 de mars 1992).

 

 

 

Contreseing manuscrit de De Castelbajac, en 1825, sur pli adressé au préfet de l’Eure

 

 

Comme la plupart des administrations en France, celle des Douanes s’est beaucoup servie de la voie postale pour la transmission et l’acheminement de ses correspondances, aussi bien celles internes, de service, que celles adressées aux divers usagers et redevables.

 

Dès le début, l’Administration a cherché à bénéficier de la franchise postale pour son courrier officiel, mais les Postes ne l’ont octroyée que dans des conditions particulières et limitatives.

 

En fait, une part importante du courrier était transportée par les préposés des Douanes eux-mêmes, ce qui dérogeait au monopole postal mais était admis par les Postes. Ceci a fait l’objet d’un article intitulé « Quand les douaniers se faisaient facteurs », et publié par Jean Clinquart dans le n°198 de « La Vie de la Douane », en octobre 1984.

 

C’est pourquoi nous ne nous étendrons pas sur cet aspect particulier et privilégierons ici les plis réellement passés par la voie postale.

 

Les différentes empreintes apposées par les services des Douanes sur la suscription des envois postaux, c’est-à-dire côté adresse du destinataire sur la partie extérieure des plis ou au recto des enveloppes, peuvent se classer en plusieurs catégories. Cependant, une distinction sera faite auparavant entre le courrier administratif « civil » et celui des douaniers mobilisés durant les conflits.

 

Le courrier civil

 

Les simples marques manuscrites

 

Faute de disposer de matériel sous la main, soit parce qu’ils étaient dans l’attente de la réception d’une griffe, soit en raison de circonstances particulières temporaires, les chefs de service étaient contraints d’annoter les envois de leur propre main, apposant ainsi le contreseing qui permet de bénéficier de la franchise postale (Fig.1). Les changements politiques, notamment, sont à l’origine de décisions de transformation du matériel et de courtes périodes durant lesquelles la signature même du directeur apparaît sur les plis.

 

 

 

Les marques au tampon imitant l’écriture manuscrite

 

Dès septembre 1792, l’Administration des Postes a fourni des « griffes » aux premiers bénéficiaires de la franchise postale. La Régie des Douanes utilisa ce genre de marques dès 1794 (Fig.2).

 

2 – Lettre du 7 messidor an 6 (25 juin 1798), époque où les franchises étaient restreintes

 

La griffe utilisée au siège de l’Administration centrale changea plusieurs fois de libellé, en particulier avec la création de la Direction générale en 1801 (Fig.3).

 

3 – Lettre de 1825 en port dû (6 décimes payés par le destinataire)

 

Cette griffe, comme celles employées par les directeurs régionaux, sert surtout de marque d’expéditeur sur les lettres ne bénéficiant pas de la franchise, incitant peut être les destinataires à ne pas refuser d’en payer le port. En effet, l’affranchissement préalable n’était pas la règle jusqu’en 1854, et les administrations rechignaient à payer le port.

 

Ces griffes furent mises en service également dans les « départements réunis » qui résultaient des différentes conquêtes napoléoniennes (fig.4), façon de démontrer l’ancrage administratif des nouveaux territoires.

 

4 – Lettre franche de novembre 1810 du directeur à Parme (département du Taro)

 

Peu avant la suppression de la franchise postale, en 1996, il était encore possible de rencontrer de telles marques qui ne manquaient pas d’un certain charme (fig.5).

 

5 – Griffe utilisée en 1990/91 par Bernard GUILLIER

 

Les mentions imprimées

 

Au fur et à mesure de l’extension des franchises postales, ainsi que de l’augmentation du volume de courrier expédié, les différents ministères permirent à leurs administrations de faire imprimer des cartes, des cartes-lettres ou des enveloppes à leur en-tête, les dispensant ainsi d’apposer des griffes supplémentaires (fig.6).

 

6 – Carte imprimée du bureau de Paris-Batignolles en 1892

 

Ces supports ont été abondamment utilisés et les différents tirages d’enveloppes par l’Imprimerie Nationale servent toujours actuellement, permettant surtout de donner un caractère plus solennel aux envois parmi la masse de courrier reçu chaque jour.

 

7 – « Prêt-à-poster » utilisé pour le Droit Annuel sur les Navires

 

La nécessité d’affranchir et de mécaniser les envois, notamment pour la mise sous pli de ceux en grand nombre, a décidé deux services extérieurs à faire réaliser directement par La Poste, des enveloppes pré-affranchies à des formats particuliers, avec des mentions en cas de non-distribution (fig.7).

 

Les « cachets » officiels ou non

 

Si l’usage des contreseings est tombé en désuétude dans le courant du XX° siècle, l’emploi des enveloppes à en-tête imprimé et la généralisation de la franchise postale accordée aux administrations financières par l’article 51 de la loi de finance du 31 décembre 1935, ont fait naître une multitude de marques au tampon (fig.8).

 

8 – Une des nombreuses marques faisant référence à la loi généralisant les franchises

 

Certains services ont, en fait, utilisé tout ce qui leur passait par les mains, ou presque, pour tenter de justifier un droit à la dispense d’affranchissement qui ne leur était pas toujours accordé aveuglément (fig.9).

 

9 – Lettre des douanes de Marseille sans justification valable, donc taxée

 

Nous n’évoquerons pas ici les multiples timbres-adresses employés, aussi nombreux que les différents bureaux ou unités. Constatons simplement que, faute d’autres matériel ou par facilité, beaucoup ont employé les cachets d’authentification qui, réglementairement, ne doivent pas servir à un tel usage.

 

Si les cachets modèle O des directions ou divisions sont admis à servir sur les courriers (fig.10), il n’en est pas de même des cachets modèle N ou ND (Fig.11) ou de leurs prédécesseurs, voire des cachets individuels.

 

10 – Lettre du directeur de Sarrebruck, deux ans avant le retour de la Sarre à l’Allemagne

11 – Lettre sur enveloppe sans en-tête, revêtue d’une empreinte du cachet ND

 

Les empreintes de machines à affranchir

 

La suppression de la franchise, qui ne correspondait d’ailleurs pas à une gratuité du port, puisque les ministères rémunéraient annuellement La Poste, a mis fin à un tel florilège.

 

Depuis 1996, donc, tous les services douaniers affranchissent leur courrier, soit en timbres-poste, soit mécaniquement. Plus de 500 machines ont été ainsi commandées la première année et, très rapidement, certains ont eu l’idée de faire graver ou de programmer un espace comportant leurs coordonnées et leur permettant alors de ne plus apposer d’autres marques sur leurs enveloppes (fig.12).

 

12 – Empreinte de machine à affranchir du bureau de Cholet

 

Le courrier « militaire »

 

Plusieurs guerres, de défense ou de conquête de territoires, ont mobilisé les douaniers. Éloignés temporairement de leurs unités ou dans l’attente d’une meilleure organisation de leur affectation militaire, les douaniers ont continué à correspondre tant bien que mal.

 

Souvent, ne disposant pas de griffe ni de cachet pouvant justifier de la franchise, ils se contentèrent de mentions manuscrites comme pendant les guerres sous la Révolution (fig.13) ou sous la III° République (fig.14).

 

 

Lorsque la Première guerre mondiale se déclencha, le corps militaire des douanes était mis en place et la franchise postale (une vraie gratuité cette fois) était accordée à tous les militaires même si, parfois, dans les premières semaines, aucun cachet justificatif ne semblait disponible (fig.15).

 

Les unités, de forteresse ou d’active, furent toutes dotées de cachets et se servirent de l’encre violette caractéristique des armées (fig.16).

 

 

Ces franchises militaires subsistèrent jusqu’au 1° novembre 1919, sauf pour les troupes en opération hors de France, ce qui concernait notamment les douaniers présents dans les territoires rhénans (fig.17) ou au Proche-Orient (fig.18).

 

La Seconde guerre mondiale constitue le dernier conflit où des bataillons douaniers furent activés, mais ceux ci furent dissous dès le 27 juin 1940. Là encore, quelques cachets, le plus souvent circulaires, servirent de justificatif à l’obtention de la franchise postale (fig.19).

 

Par contre, les plis originaires des territoires occupés après 1945 et non confiés à la poste militaire devaient être affranchis (fig.20).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Laurent Bonnefoy

 

 

Bibliographie (en sus des articles cités en introduction)

 

  • Lois et règlements des Douanes Françaises
  • Bulletins Officiels des Douanes
  • Annales des Douanes
  • Jean Clinquart : Le corps militaire des Douanes, in « La vie de la Douane, n°199
  • Albert Reinharth: Départements conquis 1792-1815, 1989
  • Laurent Bonnefoy : Franchises postales : l’exemple des administrations financières in « Le collectionneur philatéliste et marcophile, n°113, 1° trimestre 1997
  • Sénéchal : Bureaux spéciaux. Franchises. Contreseings. Marques administratives des origines à 1900. 2 vol. 1998-1999
  • Jean-François Berthier : Civils ou militaires : les douaniers et leur courrier in « Le collectionneur philatéliste et marcophile, supplément au n°126, avril 2000
  • Laurent Bonnefoy : Douaniers mobilisés en Alsace-Lorraine in « Le Trait d’Union », n°113, 2° trimestre 2003

 

 

 

 

 

Cahiers d’histoire des douanes

 

N° 30

 

2eme semestre 2004

 

 

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