Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Plus de 20 ans déjà! le naufrage de l’Erika et la mobilisation douanière

Mis en ligne le 1 mars 2020

 

La marée noire

(cliquez ici pour revivre l’information télévisée)

 

Le 12 décembre 1999, à 6h00, le CROSS d’Etel (Centre Régional de Surveillance et de Sauvetage) a reçu un appel de détresse du pétrolier Erika, long de 180 mètres, battant pavillon maltais. Le message demandait l’évacuation des vingt-six hommes d’équipage en signalant de graves problèmes au niveau de la coque du navire. Les conditions météorologiques étaient très mauvaises, avec un vent force 8 à 9 et des creux de 6 mètres.

 

Dès réception du message de détresse, le CROSS a engagé des moyens nautiques et aériens. Les membres de l’équipage ont ainsi été sauvés tandis que l’Erika se brisait en deux parties qui se sont abîmées, le lendemain. Le naufrage a eu lieu à environ 35 milles (55 km) de la pointe de Penmarc’h (Finistère). La cargaison qui s’est échappée du pétrolier a provoqué une pollution maritime majeure.

 

POLMAR Mer

Le plan POLMAR a été déclenché, le 12 décembre, par le préfet maritime, coordonnateur de l’action de l’État en mer. La Douane a été associée immédiatement au plan de lutte contre la marée noire.

Ce sont au total 10 équipages comprenant chacun deux pilotes et deux PNT (personnels navigants techniciens) qui se sont relayés, en dépit de conditions météorologiques parfois difficiles, pour les missions des deux avions POLMAR à partir de la brigade de surveillance aéromaritime des douanes de Lann-Bihoué près de Lorient.

 

C’est tout d’abord l’avion POLMAR 1 de la Brigade de Surveillance Aéromaritime de Mérignac qui a été requis. Intégré au dispositif à 14h00, il était sur la zone de l’accident dès 16h45. Malgré de très mauvaises conditions météorologiques, il a pu survoler la nappe d’hydrocarbure pendant plus d’une heure afin d’en évaluer la superficie, l’évolution possible et la vitesse de dispersion. Il a permis aussi de situer la partie avant du pétrolier en dérive, la partie arrière étant prise en charge par un remorqueur.

 

Le second avion de télédétection de la douane, POLMAR 2, basé à Hyères, a rejoint le dispositif à partir du 13 décembre 1999. Ce jour là l’Erika a sombré avec dans ses cuves 24 000 tonnes de fioul lourd.

Les deux avions POLMAR 1 et 2 ont assuré, à tour de rôle, la surveillance de la nappe en dérive qui mesurait au départ environ 18 kilomètres de long sur 50 m de large. Ils ont informé en permanence, via le centre opérationnel des douanes (COD) à Nantes, la cellule POLMAR de l’évolution des pollutions. Deux missions de quatre heures environ ont été effectuées chaque jour, le matin et l’après-midi. Un vol complémentaire était assuré par la Marine nationale quotidiennement à partir de la base aéronavale de Lann-Bihoué. Un seul vol a été annulé pour des raisons météorologiques, le 27 décembre après-midi.

 

Pour procéder au repérage des nappes d’hydrocarbures issues de l’Erika, « les deux avions Polmar ont réalisé 160 heures de missions aériennes, soit l’équivalent de trois mois de missions habituelles », comme le souligne Patrick OLLIVIER, chef de la division garde-côtes de Nantes. Les bandes d’enregistrement infrarouge, permettant d’évaluer approximativement l’épaisseur des nappes et leur cartographie, ont été transmises, après chaque mission, au Préfet maritime. D’autres avions de la Douane, chargés de la surveillance maritime (SURMAR), ont également participé à des opérations dans le cadre du plan POLMAR. C’est le cas des deux avions de la brigade de surveillance aéromaritime (BSAM) de Lann-Bihoué et du nouvel avion de la BSAM de Bordeaux – Mérignac, équipé d’un système de détection à infra-rouge de type Hésis.

 

Le plan POLMAR ayant été allégé sur décision du Préfet maritime, l’avion de la Douane Polmar 2 a regagné la base d’Hyères après une dernière mission le 31 décembre. Les moyens aériens de la DGC de Nantes continuent, une fois par jour, à survoler la zone où es deux morceaux de l’Erika se sont abîmés. Il suit gaiement l’évolution des nappes de pollution lors de es vols effectués dans le cadre normal de ses missions. L’activité opérationnelle des deux avions de télédétection POLMAR a été essentielle en matière de recherche, d’identification du produit, de surveillance et de suivi de la dérive des nappes vers le littoral. La dispersion des nappes d’hydrocarbures rend leur détection difficile. La performance des moyens de la Douane été soulignée par le Préfet maritime de la région atlantique.

 

Un dispositif sous l’autorité du Préfet maritime.

 

La cellule POLMAR mer, installée au siège de la Préfecture maritime à Brest, est placée sous l’autorité du Préfet maritime de l’Atlantique. Elle est composée, en particulier, de représentants de chaque service de l’État en mer : la Marine nationale, les Affaires maritimes, la Gendarmerie maritime et, bien sûr, la Douane, qui est « la première administration civile en mer et la deuxième de l’ensemble des services de l’État en mer, derrière le Marine, par les moyens dont elle dispose », comme le souligne le chef de la division garde-côtes à Nantes. D’autres administrations ou institutions participent également aux travaux de la cellule POLMAR, comme le ministère de l’Environnement et le Centre de documentation de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE). Cette structure, composée d’experts, analyse l’évolution de la situation en mer et sur le littoral. Elle communique les observations et les prévisions dans un bulletin quotidien transmis à l’ensemble des autorités et services concernés.

 

 (de gauche à droite sur la photo : Jean-Michel TOUJA chef du BAN, André COTTIN et Patrick ROUSSEL).

 

C’est un inspecteur principal, Alain NICOLAS, qui est le correspondant de la douane dans la cellule POLMAR, en sa qualité de conseiller technique auprès du Préfet maritime de Brest. Son rôle a été essentiel dans la mise en œuvre du dispositif. En effet, c’est lui qui a assuré la liaison entre la cellule POLMAR et la Douane, dans un rôle d’interface entre le centre opérationnel dirigé par le Préfet maritime et le bureau aéronaval (BAN) de Nantes.

La division garde-côtes de Nantes abrite le BAN et le COD (centre opérationnel des douanes). Elle assure la coordination et la liaison des moyens de la douane dans le dispositif Polmar, en particulier par l’intermédiaire du PC Trans. Les 6 officiers navals et les 2 officiers aériens, ainsi que les officiers adjoints, ont assuré une permanence durant toutes les opérations. Des agents ont également participé aux réunions de la cellule de crise mise en place par le Préfet de Région dans le cadre du plan POLMAR terre

 

 

POLMAR Terre

 

La douane a également participé à la mise en œuvre de la partie « terrestre » du plan POLMAR.

 

Cette variante du plan contre les pollutions marines est pilotée par le ministère de l’Intérieur et coordonnée par un préfet. Ainsi, dès le 18 décembre, lorsque le risque de pollution du littoral s’est précisé, c’est le préfet de Charente-maritime, département où le risque était le plus grand, qui a assuré cette mission.

Par la suite, les côtes de Bretagne sud, de Loire Atlantique et de Vendée étant les plus touchées, ce rôle a été confié au préfet de région des Pays de Loire. Dans ce cadre, les moyens nautiques de l’interrégion de Nantes ont été mis à la disposition des autorités chargées de la coordination des opérations. Ainsi, la vedette garde-côtes Mervent de Saint-Nazaire a été mise en alerte. La vedette Vent d’Autan, de la BGC de La Rochelle, a participé activement aux exercices de remorquage de barrages flottants en Charente-maritime. Elle est restée mobilisée au service de la direction départementale des Affaires maritimes, ainsi que la vedette Suroît, basée à Royan.

 

 

Le stockage et le traitement du produit

 

Le fioul lourd est un produit résiduel destiné à être utilisé comme combustible ou revêtement. Embarqué à Dunkerque à destination de Milazzo (Italie), la cargaison de l’Erika devait alimenter une centrale thermique en Italie.

 

Un peu plus de 1600 tonnes de fioul lourd fortement émulsionné ont pu être pompées en mer. Chargé sur un bitumier, ce produit qui était constitué de 35 % d’eau de mer a ensuite été stocké dans la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique). Après une période de décantation dans un bac, plus de 1100 tonnes de fioul lourd ont pu être récupérées et seront utilisées.

 

Les opérations de pompage ont été particulièrement difficiles du fait des mauvaises conditions météorologiques et de la consistance du produit polluant. En effet, ce produit résiduel est chauffé pour être embarqué et maintenu à l’état liquide dans les cuves du pétrolier. En s’échappant du navire, il refroidit et devient très dense, prenant la consistance du chewing-gum.

 

Les déchets ramassés sur le littoral sont eux un mélange de sable, d’algues et de détritus. Ils ne sont constitués que de 10 % d’hydrocarbures. A la fin du mois de janvier, 125 000 tonnes de ces produits polluants avaient été transportées par camions dans des zones de stockage.

 

La raffinerie de Donges a été réquisitionnée par le Préfet de région, pour accueillir les déchets. « Nous avons aménagé des zones de stockage, non pas en creusant le sol mais en montant des merlons large de 8 mètres et haut de 2,5 mètres », précise le responsable de la communication à la raffinerie de Donges. « Le sol est protégé par des bâches en polyuréthane qui garantissent l’isolation. Ces lagunages ont été agréés par la DRIRE qui assure également le contrôle des zones de stockage ». Ces installations ont permis de stocker 50 000 tonnes de déchets, transportées par plus de 3500 camions à raison de plus de 200 rotations par jour. Dès le 18 janvier, ces bassins étaient remplis. De nouvelles zones ont donc été installées sur des terrains voisins de la raffinerie appartenant au port autonome de Nantes-Montoir et sur un site à Paimboeuf.

 

Ces déchets proviennent du littoral de Loire-Atlantique pour l’essentiel, mais aussi du Morbihan, du Finistère et de Vendée. Plusieurs traitements sont envisagés soit thermique (incinération), soit physico-chimique (ségrégation), soit par stabilisation à la chaux (produit réduit en poudre) ou biologique (dégradation accélérée des produits). Une commission composée d’experts de la DRIRE, du CEDRE et de sociétés pétrolières étudie la solution à adopter après avoir analysé la composition des produits en cause et la destination du produit final après traitement. Les aspects techniques mais aussi les conséquences du traitement sur l’environnement sont pris en compte. C’est à la DRIRE que reviendra la décision de la solution qui sera adoptée.

 

Le stockage de ces hydrocarbures a donné lieu à autorisation de la direction générale des douanes. La cargaison de l’Erika étant transportée sous douane, les quantités de produits traités dans la raffinerie feront l’objet d’une taxation, à la sortie, en fonction de leur destination.

 

 

La reconnaissance du rôle de la Douane

 

Cette pollution a mis en lumière l’action déterminante de l’administration des douanes dans cette mission d’intérêt général. Dans une lettre adressée au directeur interrégional à Nantes, le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, a félicité les services douaniers qui ont participé à la mise en œuvre du plan POLMAR. Il s’est déclaré fier de saluer la disponibilité, le sens du service public et le professionnalisme exemplaire.

Les inspecteurs élèves se mobilisent

 

La rubrique « Entre nous » est consacrée à l’initiative des inspecteurs élèves de la 52e session qui ont participé aux opérations de dépollution du littoral.

 

 

Un groupe d’inspecteurs-élèves de la 52e session a participé aux opérations de dépollution du littoral, du 26 au 30 janvier.

 

Des files de véhicules de pompier et de l’armée de terre et de nombreux camions civils stationnent le long de la route qui longe le littoral en direction de Batz­-sur-mer. L’autocar est guidé par un véhicule du ser­vice des pompiers du Pouliguen.

 

C’est au centre de secours de cette localité de Loire Atlantique que les inspecteurs-élèves avaient rendez-vous ce 27 jan­vier à 10H, pour le premier contact avec la marée noire.

 

Ils sont trente-sept à participer à cette opéra­tion, quinze femmes et vingt-deux hommes, dont six stagiaires étrangers. Ils ont tous été prévenus que la tâche serait difficile, qu’il fallait être en bonne forme. Ils sont arrivés la veille venant de Neuilly-sur-Seine. L’organisation de ce séjour n’a pas été simple.

« C’est une initiative citoyenne et non pas une opération organisée en raison de notre qualité de douanier », sou­ligne Florent Nourian, « nous avons voulu apporter notre contribution au nettoyage du littoral ». « Au retour des congés de Noël, nous étions tous très affectés par ce qui s’était passé », ajoute Quentin Faure. L’idée a germé de mettre en oeuvre cette opération.

 

 

Avec Norbert Gachet, ils prennent en charge le projet. « Nous en avons parlé, autour de nous. Nous avons reçu l’adhésion im­médiate de nos collègues ». « Le directeur de l’école, M. Barrère, saisi du projet lors d’une commission pari­taire des élèves, a entrepris la démarche auprès de la direction générale pour obtenir l’autorisation d’organi­ser cette opération et les crédits nécessaires à sa mise en œuvre, en particulier pour le transport » ajoute Florent Nourian.

 

Dès lors, avec l’aide de la correspondante so­ciale de l’école, Mme Lentz, ils prennent les contacts qui leur permettront d’être fixés sur le lieu et la date de leur entreprise et sur les conditions de leur accueil. Ils obtiennent des services sociaux du Ministère d’être hébergés village de vacances de La Baule. Fermé en cette période de l’année ce centre de colonies de vacances a été réquisitionné à la demande du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pour cueillir des jeunes qui participent aux opérations de dépollution. Les trois inspecteurs-élèves, initiateurs du projet, sont aussi les représentants du groupe, aux yeux des organisateurs sur place la mission de dépollution. Ce sont eux qui rencontrent les responsables de la protection civile au PC Polmar de La Baule – Nord Loire l’Hôtel de ville de La Baule, à leur arrivée le 26 janvier à 18H. On leur précise la localisation de leur chantier et on leur remet les tenu qui leur sont destinées. Les tailles et les pointures ont été précisé par fax quelques jours plus tôt. Cette panoplie du dépollueur, constituée d’une paire de bottes et d’un bonnet qu’ils conserve toute la durée du chantier, de gants, de vestes et de pantalons cirés à raison d’une tenue par jour.

 

 

Arrivés sur le site et après s’être mis en tenue, les inspecteurs élèves se mettent à la disposition d’un employé de la direction départementale de l’équipement (DDE) responsable du chantier. plage est souillée par de nombreuses galettes marrons et visqueuses. Les rochers sont noirs de bitume. Avec pour seuls moyens d pelles, des truelles, des grattoirs et des seaux, ils participent au grand nettoyage qui a mobilisé des centaines de volontaires sur cette ci de Loire-Atlantique.

 

Chaque soir, vers 18H, après une journée épuisante, Florent, Quentin et Norbert rendent compte du déroulement du chantier, au cours d’une réunion au PC de La Baule au milieu des pompiers, des militaires et des délégués des autres équipes de bénévoles. Au centre d’hébergement, ils retrouvent des jeunes venus de la banlieue parisienne. Certains de ceux-ci aimeraient faire carrière en Douane «Comment fait-on pour devenir douanier ?».

L’image de la Douane se porte bien…

 

 

 

Sources:

Vidéo information télévisée: INA

Revue « Douane Infos »

N° 198 – février 2000

Vidéo intitulée « Erika Elèves END 52e session »: Francis Roche

 

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