Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Prémices et génèse des services d’enquêtes et de recherches

Mis en ligne le 1 mai 2022

 

Depuis la Révolution les contrôles douaniers étaient effectués à la circulation dans le rayon des douanes , deux myriamètres de l’extrême frontière, et à la détention dans le cas de la poursuite à vue ininterrompue.

 

Les brigades de 1ère ligne, de deuxième ligne et de la ligne intermédiaire surveillent le passage de la frontière et la circulation à l’arrière de celle-ci et dans les intervalles entre les points de passage.

 

La recherche et la constatation des infractions au-delà du rayon, soit à l’intérieur du territoire, n’étaient pas possible en règle générale.

 

Les prémices 1816-1860

 

C’est en 1816 que la loi du 26 avril étend la possibilité de constatation à l’intérieur ainsi que le contrôle dans les écritures de certains redevables.

 

Le gouvernement de la restauration souhaitait en effet modifier le régime douanier en rendant les échanges plus faciles. Les milieux économiques et industriels étaient opposés  à une libéralisation complète et exigèrent des mesures de compensation.

 

Le titre VI de la Loi du 28/4/1816 « Recherche dans l’intérieur des marchandises soustraites aux douanes » prévoyait:

 

Art. 59: «  A dater de la publication de la présente loi, les cotons filés, les tissus de coton et de laine, et tous autres tissus de fabrique étrangère prohibée seront recherchés et saisis dans toute l’étendue du royaume… » .

 

Art. 60: « Devront en conséquence les préposés des douanes, en se  faisant accompagner d’un officier municipal ou d’un commissaire de police , se  transporter dans les maisons et endroits de toute l’étendue du rayon, qui leur seraient indiqués comme récelant des marchandises de l’espèce … et en éffectuer la saisie ».

 

Art. 62: «  Les mêmes obligations…sont imposées dans les villes et endroits de l’intérieur où il n’y a point de bureau de douane…

 

Les préfets et sous-préfets veilleront à ce qu’elles soient exactemment remplies…. » . 

 

Une circulaire n° 495 du 9 mai 1819 du directeur général Saint Cricq complétait les dispositions antérieures:

 

  • -« en portant secrétement en arrière des lignes des détachements mobiles de préposés pour tenir les fraudeurs dans une appréhension continuelle;

 

  • – en plaçant dans les villes de l’intérieur des employés…avec la mission spéciale de recueillir des renseignements sur la fraude, d’observer les démarches des individus connus pour s’y livrer…et de procéder dans les villes où ils seront en résidence et les lieux environnants à la recherche et à la saisie des tissus étrangers;
  •  
  • – en demandant aux préfets de rendre l’application de ces mesures facile et fructueuse par une circulaire de ministre de l’intérieur ».

 

Il fut ainsi décidé de créer une ligne spéciale des douanes, dans les directions exposées à la contrebande: Dunkerque, Valenciennes, Charleville, Thionville, Strasbourg, Besançon, Belley et plus tard Toulon.

 

Ce service spécial fut constitué de brigades à cheval dirigées par un lieutenant d’ordre ou un contrôleur. Composées de 20 à 30 agents garçons (non mariés) chacune, elles étaient au nombre de 2 ou 3 par direction, l’ensemble étant placé sous les ordres d’un inspecteur. 

 

La direction générale mit ainsi en place une ligne spéciale de 500 hommes environ.

 

Les préposés garçons avaient une solde élevée et bénéficiaient de parts de saisie. Les employés observateurs, doués de la sagacité nécéssaire, étaient détachés dans le service d’observation des villes concernées et bénéficiaient d’un complément de traitement.

 

L’inspecteur de la ligne spéciale de chaque direction avait une indemnité de déplacement.

 

Certains des inspecteurs de la ligne spéciale eurent une carrière qui les vit être nommés, plus tard, directeurs. On peut ainsi citer:

 

– Etienne, Louis Véron-Duverger, inspecteur spécial à Béthune en 1816 et à Besançon en 1818;

– Georges Magnier, inspecteur spécial à Thionville le 1er août 1816;

– Charles, François De Régnier, inspecteur spécial à Courcelles (90) le 1er décembre1820. Ce dernier était le grand-père du poète Henri de Régnier.

 

Selon Jean Clinquart, la ligne spéciale fut maintenue jusqu’en 1860. Les résultats obtenus ne sont pas connus et l’évolution de l’organisation pas davantage. Cependant, un registre des ordres de service de la direction de Besançon, détenu au musée national des douanes, mentionne la suppression le 31 octobre 1816 de la ligne spéciale dans la direction de Belley libérant ainsi 39 agents pour celle de Besançon.

 

Un internaute a apporté une précision en faisant des recherches généalogiques dans sa commune de Pouilly sur Meuse. Il a constaté que des douaniers y avaient été installés à compter de 1816 puis étaient disparus après 1842… L’examen des archives préfectorales du département de la Meuse a confirmé la création d’une brigade spéciale dans cette commune en 1816.

 

La ligne spéciale constitua donc le premier moyen de contrôle et de recherche à l’intérieur du territoire préfigurant ainsi les évolutions ultérieures.

 

La genèse: les premiers pas (1920-1930)

 

Une suite de novations et d’événements généra durant cette période le besoin d’une reprise progressive ou le  rétablissement  des enquêtes et recherches à l’intérieur et, enfin, la création d’un service dédié.

 

On peut ainsi citer:

 

– le maintien du contrôle des changes après 1918;

 

– la mise en place du régime douanier de l’admission temporaire spéciale en 1919, destinée à aider l’importation de matières premières sur le territoire français après la 1ère guerre mondiale (1);

 

– la création d’un impôt sur le chiffre d’affaires par la loi du 25 juin 1920, qui confia à l’administration des douanes la liquidation et le recouvrement de celui-ci auprès des transitaires et des commissionnaires des douanes (1);

 

– l »évolution de la définition de la valeur imposable aux droits de douanes des marchandises importées à partir du 17 août 1927 (1) supposant à terme le contrôle de celle-ci.

 

L’ensemble des mesures et dispositions décrites précédemment s’est perpétué sous des formes évolutives durant les années trente puis durant et après la seconde guerre mondiale.

 

Roland Giroire

 


Notes:

 

(1) «  L’administration des douanes de 1914 à 1940 »  de Jean Clinquart (Ed. CHEFF)

(2) « Les services douaniers d’enquêtes et de recherches »  Sarreau et Pignot (Ed. AHAD) 1980

(*) Illustration: Aquarelle de François-Auguste Biard (Wikipédia)


 

 

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