Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Les plombs pour sceller au XVIIIe siècle – 3 – les plombs de sel

Mis en ligne le 1 novembre 2019

Après le très grand nombre des plombs pour le textile et la relative variété de ceux pour le tabac, on pourra s’étonner du très petit nombre de plombs ayant trait au commerce du sel. Il y a trois motifs à cette rareté : le premier est que le sel quitte les salines à l’état de produit consommable, et les seules manipulations qu’il subira seront les pesées, donc pas de marque nécessaire pour différents états comme pour le textile, le second, nous le verrons plus loin, est qu’il ne fait que trois parcours avant la vente, enfin le troisième est la récupération méticuleuse des plombs par les agents de la gabelle pour la fonte afin d’en éviter la réutilisation frauduleuse.

 

Le sel

 

Le sel est un élément indispensable à l’homme, et pour cette raison a toujours fait l’objet d’un commerce ininterrompu entre les régions productrices (mines de sel gemme ou marais salants) et celles qui en étaient dépourvues. Le sel est aussi un conservateur utilisé pour la viande, le poisson et le beurre avant l’apparition des techniques actuelles de conserverie ou de congélation, sans oublier son usage pour le traitement des cuirs et peaux. Mais le sel est aussi indispensable aux animaux et les éleveurs ont toujours fourni à leurs troupeaux l’apport qui leur était nécessaire ; avant que les vaches ne soient en majorité au régime “fast-food”, avec apport en sel dosé dans les farines alimentaires, on voyait dans tous les prés des blocs de sel pour le bétail. D’où un usage quotidien dans lequel ceux qui avaient la tâche d’approvisionner le trésor royal virent très tôt le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer en taxant cet usage d’un impôt des plus haïs, la gabelle.

 

Les lieux de production (1)

 

La production du sel en France se faisait par l’exploitation des mines de sel gemme et des marais-salants, mais aussi des sources salées. Traité sur place, le sel était ensuite acheminé aux dépôts, puis aux greniers, enfin chez les détaillants sans autres transformations.

 

Des lieux de production, le sel gagne obligatoirement les dépôts, dont une ordonnance de 1680 donne la liste des six qui furent effectivement en usage : Caen, le Havre, Honfleur, Dieppedalle pour Rouen, Nantes et Saint-Valléry-sur-Somme, tous ces dépôts se trouvant près de l’embouchure d’un fleuve : l’Orne, la Seine, la Loire et la Somme.

Chaque dépôt fournit une centaine de greniers à partir desquels le sel est vendu aux détaillants ou aux particuliers. Le sel n’est vendu que lorsqu’il est “gabellé”, c’est-à-dire après avoir séjourné deux ans dans un dépôt ou un grenier (2) . Les dépôt s’avèrent souvent trop petit ; les comptes de celui de Dieppedalle montrent qu’il était nécessaire de louer à des particuliers une dizaine de caves, faute de place suffisante (AN – G/1/91).

Les greniers à sel furent institués en 1342 ; ce sont des lieux de vente, mais aussi des tribunaux chargés d’instruire les causes relevant de cet impôt. On comptait dix-sept directions, dont les sièges étaient établis à Abbeville, Alençon, Angers, Bourges, Caen, Châlons, Dijon, Laval, Le Mans, Moulins, Orléans, Paris, Rouen, Saint-Quentin, Soissons, Tours et Troyes.

Le grenier vendait à des grossistes qui revendaient aux regrattiers, détaillants de fruits, viandes et poissons cuits, épices et sel, un peu nos épiciers actuels. Le débitant était tenu de pouvoir fournir du sel en permanence, toute rupture de stock étant frappée d’une amende, et il devait avoir un sac bien en vue sur une banquette, assez près de la porte pour que le client puisse vérifier la pesée !

La production d’un site avait une destination bien définie ; ainsi, le Haut-Languedoc est approvisionné par le sel provenant de Peyriac et Sigean, le Lyonnais par celui de Péccais et le Dauphiné par celui de Berre et d’Hyères (3) … Le schéma de la figure 1 en montre l’organisation, il faut y ajouter les nombreux salins de faible importance qui alimentaient la Provence.

 

 

Le transport

 

Le sel acheté aux salins (4) est donc mis en sacs pour être conduit aux dépôts, principalement par voie fluviale. Les sacs sont alors confiés à l’entreprise des voitures des sels. Les transports sur le Rhône, et parfois sur la Seine, ne s’effectuaient pas en sacs, mais “en garenne”, c’est-à-dire en barils (AN – G/03/1144), et bien que le déplacement fut particulièrement contrôlé, il était l’objet de nombreux détournements (5) . Chaque sac, “aux armes de France”, d’environ cent kilos était plombé et un connaissement de transport précisait le poids total, le nombre de sac et leur état (neuf ou vieux), ainsi que les lieux de livraison. Les convois étaient constitués d’un nombre variable de bateaux qui chargeaient plusieurs milliers de sacs ; c’est donc par dizaines de tonnes que le sel était acheminé à destination des greniers. À la fin du XVIII e siècle, le voiturage était affermé à un seul entrepreneur, Antoine Gabriel Pelabout, pour l’ensemble du royaume ; en avril 1793, l’entreprise fut liquidée, et Pelabout indemnisé.

 

Le chargement, l’inspection des voitures au cours du trajet et le déchargement étaient minutieusement surveillés et faisaient l’objet de règlements draconiens. Une “instruction aux commis de la descente des sels à l’arrivée des trains-sauniers” datée du 6 décembre 1765 précise que les convois terrestres seront d’au moins dix à douze voitures escortées de gardes armés et circulant en plein jour, et qu’après déchargement au dépôt, le sol sera balayé, le sel “impur” submergé, et les sacs vides regroupés en paquets cachetés avant d’être mis à tremper dans la rivière afin d’en faire disparaître toute trace de sel (6) . L’observance de ces règlements exige un personnel de confiance, et, comme c’était le cas pour la ferme du tabac (voir DP n° 59), l’entreprise de la voiture des sels tient un registre de ses employés avec situation de famille, emplois précédents en dehors puis au sein de l’entreprise, revenus personnels et une note sur la façon de servir (AN – G/1/97).

 

La ferme tient aussi le registre des transports. En 1788, 178 voyages sont effectués du dépôt d’Honfleur pour celui de Dieppedalle. Leur durée est variable, entre cinq et dix jours ; un bateau “Le jeune Jacob” fait quatre rotations en deux mois. Parti d’Honfleur le 5 mai, il est à Dieppedalle le 10, il fait trois autres voyages du 7 au 17 mai, du 2 au 9 juin puis du 14 au 25 juin (AN – G/1/88). Les “allèges” qui montent de Rouen vers Paris, chargées de quatre à cinq mille sacs de sel, couvrent le trajet en 15 à 18 jours, ralenties par une vingtaine de péages qui augmentent d’autant le prix du sel. À l’arrivée à Paris, le chargement du navire est transbordé sur six à huit “marnois” qui, tirés par 36 à 40 chevaux, partent vers la Marne ou l’Yonne (7) . Au retour, ils sont chargés de bois ou de charbon. Dans le Midi, où la circulation est en partie maritime, les transports sont parfois victimes des corsaires anglais comme en témoignent les trois navires perdus avec leur chargement en 1782 (AN – G/1/97). Les transports terrestres posaient aussi des problèmes pour le nombre de chevaux autorisés par charette (8) et les vols fréquents.

 

Les plombs

 

À la différence des produits textiles, le sel ne subit plus de transformations après sa sortie des salines, mais effectue des déplacements très précis : lieu de production-dépôt, dépôt-grenier et grenier-détaillant. Il suffit donc d’un type de plomb au départ des salins, d’un second au départ du dépôt et d’un troisième au départ du grenier.

 

Ces plombs sont moins fréquents pour avoir été détruits ou refondus après usage. En effet, les faux-sauniers, venus des provinces hors gabelle, comme la Bretagne, appréciaient de récupérer des plombs pour “légaliser” leurs transports. La contrebande était active, et à la veille de la Révolution, plus de dix mille personnes étaient arrêtées chaque année, dont environ 60 % d’enfants, et trois cents peines de galères étaient prononcées. L’état des jugements de la cour des Aides de Saumur entre le 1er janvier et le 1er juillet 1782 contient cent onze condamnations (plus de quatre par semaine !) avec de nombreuses amendes (200 livres minimum), et des peines de galères de 3 ans à perpétuité (AN – G/1/91). Les sentences à l’encontre des voituriers étaient plus lourdes : le 23 août 1783, Louis Chartier, “voiturier infidèle, voleur et receleur de sel”, est condamné à être pendu et étranglé sur la place des halles du Mans avant d’être accroché aux fourches patibulaires ; ce voiturier avait prélevé quelques sacs de sel sur un transport entre Malicorne et Connéré (Sarthe) (9) .

 

Les instructions de la ferme nous éclairent sur la rareté de ces plombs : après que les sacs aient été vidés, les débitants “seront tenus de mettre à part les plombs qu’ils enlèveront” pour les “remettre en compte, entre les mains du receveur des greniers” sous peine d’amende. Cette récupération des plombs apparaît clairement dans les recettes des comptes du dépôt d’Honfleur pour 1790 sous la rubrique de “vente du plomb restitué”. Les mêmes comptes donnent les dépenses en “plomb, bouterolles et margottes (10) ” dont le fournisseur est le sieur Campenon de 1789 à 1790. Les coins sont commandés au graveur (Desmarteaux en 1788) au prix de 15 £ la pièce (AN – G/1/88). L’activité des dépôts peut se mesurer à la quantité de métal consommée et donne une idée du nombre de plombs qui a été émis : près de 9 tonnes à Dieppedalle, contre à peine 500 kg au Havre (11) .

Au XVIIe siècle, c’est le même fournisseur (Pierre Chevreaux, bourgeois d’Auxerre) qui approvisionne en “sacs garnis de leurs ficelles et plombs avec chevilles en forme de boubines à deux têtes”. Ces plombs du XVIII e n’ayant pas été retrouvé, la “cheville” reste pour moi mystérieuse.

 

Les plombs des lieux de production

 

Ce sont les premiers à être posés au départ de la saline, deux seulement ont été recensés à ce jour, ceux de Château-Salins et Peccais, le type est sobre, trois fleurs de lis d’un côté, le nom du lieu de production de l’autre. Les ballots pourvus de ce plomb étaient conduits aux dépôts de la ferme. Il est très probable que d’autres noms de lieux puissent apparaître.

 

 

Les plombs de voiturage

 

Ces plombs fermaient les sacs de sel pour le transport entre le dépôt et le grenier. Ce sont de gros plombs à tunnel double, d’un diamètre d’environ 30 mm et d’un poids légèrement inférieur à 40 g. Sabatier, qui connaissait celui de Dieppedalle, pensait qu’ils étaient destinés à sceller les toiles goudronnées recouvrant les sacs, mais les texte n’évoquent que des sacs plombés, et la fréquence des contrôles aurait rendu le plombage des bâches beaucoup trop contraignant avec la pose de nouveaux plombs après chaque visite. Ce sont donc plus probablement des plombs pour les sacs de sel.

 

 

Un plomb de Nantes (fig. 5), présenté par Sabatier, est le seul sur lequel figure le mot “gabelle” : GABELLE DE (fra)NCE autour d’une fleur de lis / DEPOST DE NANTES. autour d’une moucheture d’hermine Bien que situé dans la province franche de Bretagne, le port de Nantes est un dépôt important du sel de la ferme, et il approvisionne la province des grandes gabelles jusqu’en Bourgogne. Il était donc important, pour éviter toute confusion, de marquer particulièrement les sacs destinés à sortir de Bretagne. Portant la marque du dépôt de Nantes, il s’agit en principe d’un plomb posé au départ de celui-ci à destination d’un grenier, bien que le terme de “voiture” n’apparaisse pas.

 

 

Le dernier transport était assuré par le débitant, du grenier à son magasin. Le plomb qui scellait le sac lui permettait de voyager sans être inquiété. Je ne connais qu’un plomb pour cette catégorie, à tunnel double et à la légende DEPOT DE DIEPPE / GRENIER A SEL DE DIEPPE. Cependant, il ne comporte pas le terme “voitures” et il est percé de deux trous. Il doit être le plomb utilisé entre le grenier et le détaillant, “marqué d’un côté aux armes de Son Altesse Sérénissime, et de l’autre du nom du grenier” tel que décrit dans une instruction pour les débitants de sel du 20 décembre 1764 (AN – G/1/91).

 

 

Une des activités de Dieppe au XVIII e siècle est la salaison du poisson. Les poissons étaient mis en barriques avec 12 à 20 livres de sel pour la conservation, les lieux de salaison exigeaient donc de grandes quantités de sel, soit pour embarquer sur les bateaux à destination de Terre-Neuve, soit pour le salage au port. Là encore, les états de la ferme sont précis, les quantités délivrées sont inscrites en distinguant les “harangaisons” (salage du hareng), les “maquillaisons” (salage des maquereaux) et le salage des morues. Dans le même esprit, des contrôles étaient effectués sur les salaisons étrangères : une barrique sur dix était ouverte afin de vérifier que la quantité de sel contenu n’excédait pas la norme de 12 à 20 livres (12) et n’était pas un moyen de faire entrer clandestinement du sel. Sabatier signale un plomb de Dieppe au type des précédents avec la légende PESCHE D’ISLANDE qui indique qu’il existait un sceau spécifique pour le poisson salé. La figure 7 montre un plomb de Rouen proche de ce type mais qui est à plateaux.

 

 

Les textes concernant directement les plombs de la ferme sont des documents internes à la compagnie, on n’en rencontre donc pas dans les recueils royaux et aucune description n’apparaît dans les archives de la ferme qui ont été consultées. Il se pose donc un problème de datation, et si 1791 peut être retenue comme date terminale, il n’est pour l’instant pas possible d’établir une chronologie certaine des plombs qui illustrent cet article.

Lors de l’abolition de la ferme, tous ses plombs disparaissent et les comptes en témoignent : dans la colonne des achats de plomb, une somme d’environ 25 000 £ est réglée annuellement jusqu’en 1787 à la veuve Roussel, puis à partir de 1788 au sieur Campenon ; pour l’année 1791, la colonne reste vide.

On trouve également des plombs du XIX e siècle portant le mot “sel”, mais ils sont moins précis que ceux du XVIII e . Il faut rappeler qu’entre temps le système des province a fait place à celui des départements et que, les taxes étant uniformisées sur le territoire national, le lieu d’origine n’avait guère d’importance. Le sel, dont la taxation et la surveillance reprirent sous le Consulat, fut de nouveau plombé pour les transports ; la ferme avait disparu, les contributions indirectes prenaient la suite !

 

 

Quel que soit le régime, Monarchie, République ou Empire, il faut assurer les recettes de l’État, et le sel en assure, comme le tabac et plus tard les carburant, un apport régulier important. La taxation persistant jusqu’en 1946, on ne s’étonnera pas de trouver des plombs du XX e siècle posés au départ des lieux de production et dont le rôle est sans doute plus de clore les sacs que de justifier de la taxe.

 

 

La gabelle

 

Le mot gabelle nous vient de l’arabe qabãla (impôt en général), entré par la Sicile et transformé en gabella par les Italiens. Le mot devint “gabelle” en France pour désigner différentes taxes, mais désigna bientôt essentiellement l’impôt sur le sel.

Les sujets du royaume avaient des obligations d’achat très précises et proportionnelles au nombre d’individus de plus de huit ans d’un même foyer et aux animaux classés selon leur consommation (il fallait pour un porc destiné à finir au saloir dix fois plus que pour un mouton) ; c’était le sel du devoir. A titre d’exemple, la quantité trimestrielle dont l’achat était obligatoire était d’environ 3 kg pour un adulte, 1,5 pour un bœuf, 3 pour une vache laitière, 3,5 pour un cochon. Ce sel du devoir n’était imposé que dans les régions de grande gabelle afin d’éviter l’achat de sel de contrebande. Le sel volontaire était librement acheté. La ferme, en entreprise soucieuse de ses bénéfices, fit établir, pour chaque paroisse, la liste de tous les foyers avec le nombre de personnes y vivant et des animaux détenus (13) .

 

 

Le profit est important, l’Etat et les fermiers ne tiennent pas à le voir faiblir, et tout est organisé pour éviter les pertes. La ferme du sel dispose pour cela des “gabelous” qui pourchassent les très nombreux faux-saulniers, et des garde-sel qui vérifient, chaque semaine à domicile, que la quantité obligatoire a été achetée et qu’il n’y a pas de sel de contrebande dissimulé. Ces brigades de la ferme sont autorisées à être armées, mais semblent avoir la gâchette trop facile, un arrêt du 21 janvier 1783 leur interdit le fusil à deux coups, n’autorisant que celui à un coup . Les contraintes de la gabelle et les violences des gabelous expliquent la popularité et l’estime dont jouissait, dans la seconde moitié du XVIII e siècle, le célèbre brigand Louis Mandrin arrêté par les gardes de la ferme en mai 1755.

 

 

Supprimé par décret de l’Assemblée Nationale le 21 mars 1790, l’impôt sur le sel fut rétabli par le Consulat et perdura jusqu’en 1946.

 

Inégaux devant l’impôt

 

Pour des raisons historiques liées à la formation progressive du royaume de France et à la force des coutumes locales, l’impôt sur le sel frappait de façon très inégale les sujets du roi selon les provinces qui se répartissaient en six groupes :

 

 

• Pays de grande gabelle. Ce sont les provinces dans lesquelles le sel est au prix fort (50 à 60 livres le minot). Ce sont les généralités de “Paris, Orléans, Rouen, Amiens, Soissons, Chaslons, Dijon, Moulin, Bourges, Tours, Alençon et une partie de celle de Caen” ; elle sont divisées en dix-neuf départements et deux cent cinquante-six greniers.
• Pays de petite gabelle, où le prix est généralement inférieur (à partir de 10 £) mais peut atteindre un montant comparable à celui des grandes gabelles.
• Pays de salines, qui bénéficient de ressources en sel (sel gemme, sources salées) et paient le minot entre 12 et 36 £.
• Pays de quart-bouillon. Il s’agit de la Normandie où le sel était extrait du sable salé que l’on faisait bouillir (13 £).
• Pays redimés, qui avaient racheté l’impôt (11 £.)
• Provinces franches, ou exemptes (environ 8 £).

 

C’est-à-dire que l’habitant d’Angers payait son sel 8 à 9 fois plus que son voisin de Nantes. On comprend qu’à la veille de la Révolution de 1789, ces inégalités, qui s’expliquent historiquement, mais qui étaient injustifiables aux yeux des sujets du royaume, aient alimenté le mécontentement.

Les prix sont plus uniformes après la Révolution. Au 1er avril 1790, le prix national du quintal oscille entre 9 et 15 £, au 1er novembre entre 6 et 12 £ (AN – G/1/91).

L’année des gabelles commençait le 1er octobre. Au mois d’avril suivant, on pointait sur les listes paroissiales ceux qui n’avaient pas encore acheté le “sel du devoir”. Les noms étaient communiqués au collecteur des gabelles et affichés à l’issue de la messe dominicale. Les retardataires avaient ensuite quinze jours pour régulariser leur situation.

 

 

La Révolution abolira le système de la gabelle, mais le pays se trouvera rapidement devant des difficultés financières qui la pousseront à revenir à une taxe sur le sel, dont la perception est confiée à la douane dès 1806, et qui ne disparaîtra qu’après la seconde guerre mondiale (1946).

 

M. Jezequel

 

1 – Dans les textes du XVIII e siècle, on désigne par “salins” les exploitations maritimes du Midi, par “salines” celles de l’intérieur des terres (Lorraine), et par “marais salants” celles de l’Ouest.
2 – Comme les réserves stratégiques de pétrole aujourd’hui, chaque grenier devait avoir en permanence un stock de deux ans de consommation.
3 – Pour la Méditerranée, il serait logique de retrouver des plombs de ce type pour Badon, Berre, Hyères, Peyriac et Sigean.
4 – Les salins, propriétés privées à l’origine, sont peu à peu rachetés par le roi.
5 – les sacs étaient décousus, et le sel prélevé remplacé par du sable.
6 – AN – G/1/87. La quantité de sel “submergé” est scrupuleusement notée dans un registre afin de pouvoir vérifier ensuite que le poids déchargé au grenier correspond bien à celui chargé au dépôt.
7 – Les bateaux propriété de la ferme sont inspectés chaque année et la valeur de chaque pièce du gréement est estimée par un professionnel. Ces documents constituent un remarquable inventaire des voiles et accastillage d’un gros navire fluvial au XVIII e . AN – G/1/97.
8 – Un arrêt du Conseil du Roi en date du 20 avril 1783 fixe le nombre des chevaux autorisés selon qu’il s’agit de voitures à deux ou quatre roues, en fonction du mode d’attelage, de la largeur des jantes et de la taille respective des essieux pour quatre roues. Le but était d’éviter les lourds chargements sur peu de roues qui creusaient de profondes ornières, rendaient les routes impraticables et augmentait le travail de “mes sujets corvéables“. AN – G/1/98.
9 – AN – G/1/91. C’est un édit de février 1696 qui prévoit la peine de mort pour les voituriers coupables de vol de sel après avoir “décousu, déficelé et déplombé“ les sacs. Dans le cas de Louis Chartier, on a retrouvé des plombs aux armes du roi, prêts à être réutilisés. À l’occasion d’un autre procès, en 1769, c’est par “l’examen attentif des plombs que la fraude fut reconnue“, ce qui semble impliquer soit la fabrication de faux plombs, soit la réutilisation de plombs légaux.
10 – La margotte correspond à la pile, le coin dormant des monnaies, et la bouterolle au trousseau, le coin mobile des monnaies. L’usure est lente avec les plombs, Honfleur a 4 margottes et 6 bouterolles début 1788 ; elles sont toujours là sans nouveaux achats à la fin de l’année. L’activité des dépôts apparaît dans l’outillage : 12 margottes à Dieppedalle, 4 à Honfleur, 2 au Havre et 1 à Saint-Valléry sur Somme. AN – G/1/99.
11 – AN – G/1/99. A quelques 40 g par plomb, 9 tonnes permettent d’en fabriquer 225000. Un bateau transportant une moyenne d’environ 4500 sacs, cela ne représente en fait que la quantité nécessaire pour une cinquantaine de voyages.
12 – Il est précisé, pour ces contrôles, que le poisson doit être saisi par la queue afin que le sel retombe bien dans la barrique… AN – G/1/88. On note par ailleurs que le sel employé pour le poisson était récupéré et revendu. La Révolution abolira le système de la gabelle, mais le pays se trouvera rapidement devant des difficultés financières qui la pousseront à revenir à une taxe sur le sel, dont la perception est confiée à la douane dès 1806, et qui ne disparaîtra qu’après la seconde guerre mondiale (1946).

 

 

Sources :
• A. Sabatier, Sigillographie historique des administrations fiscales, communautés ouvrières et institutions diverses ayant employé des sceaux de plomb (XIV e -XVIII e ) – Plombs historiés de la Saône et de la Seine, Paris 1912.
• Archives Nationales (AN dans le texte). Les documents concernant le sel se trouvent dans la série G. Les gabelles sont groupés sous les cotes G/1/87 à 91, les salines G/1/92 à 95, les voitures des sels G/1/96 à 98, les greniers de G/1/99 à 103.
Photographies et dessins de l’auteur sauf indications contraires. Les illustrations avec numéro de référence à A. Sabatier (S) sont extraites de son ouvrage (op. cit.).

 

Cahiers d’histoire des douanes françaises
N° 38 –  2008
MENU