Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Le trafic du tabac au XVIIIe siècle à Noirmoutier

Mis en ligne le 1 septembre 2019

Le lecteur réalisera sans peine qu’un sujet tel que « le trafic du tabac », qui constituait une contrebande profitable mais illégale en France, présente quelques aspects délicats. Pour nous assurer, sans contestation possible, de la prescription sur les délits mentionnés, nous avons choisi le XVIIIe siècle !… Cet éloignement de plus de deux siècles nous fera aussi pardonner les faits délictueux cités qui sont attribués à des acteurs dont les patronymes ont survécu dans l’île. En fait, personne ne peut se glorifier des actes de bravoure, ni ne doit se culpabiliser des actes répréhensibles d’ancêtres qui ont vécu entre 1715 et 1775.

 

BREVE HISTOIRE DU TABAC EN FRANCE

 

Le tabac, (nicotiania), est une plante herbacée de la famille des Solanacées. On en recense 67 variétés.

En Amérique du Nord, elle était utilisée par les Indiens bien avant la venue des Européens, à l’occasion de rites religieux ou magiques. Des colons espagnols et portugais rapportèrent des graines dans la péninsule ibérique vers 1560.

C’est ainsi que le Français Jean Nicot, ambassadeur au Portugal, qui croyait aux vertus thérapeutiques du tabac, introduisit cette poudre à priser comme remède en France en 1561. La consommation du tabac connut alors un engouement croissant.

 

En 1629, Richelieu, alors chef du Conseil du roi Louis XIII, (sorte de premier ministre avant la lettre) et, qui avait quitté depuis 1623 son diocèse de Luçon, « le plus crotté du Royaume », comprit très vite qu’il tenait là un moyen de remplir les caisses de l’Etat, toujours vidées par les guerres continuelles.

Le cardinal décida que « l’herbe indienne appelée tabac » serait désormais sous contrôle de l’Etat.

 

détail d’après « un jeune adolescent apprend à fumer la pipe », Jean Steen (1626-1679)

En 1629, il taxa les tabacs d’importation d’un droit de douane à l’entrée (1). Qui dit « contrôle » implique des « contrôleurs ». L’histoire de « qui contrôle quoi » en manière de tabac ne manque pas de péripéties. En réalité, il faut attendre Colbert, alors surintendant des manufactures royales, pour voir l’Etat s’attribuer en 1674 le privilège exclusif de la vente et de la fabrication du tabac et lancer sans plus tarder l’implantation des deux premières manufactures de tabac en 1676 à Morlaix et Dieppe dont les installations portuaires permettaient l’importation des feuilles de tabac et l’exportation des produits finis.

 

A partir de 1680, Colbert confie alors le monopole du tabac à la Ferme générale qui prend à bail le produit des taxes et en assure le recouvrement moyennant un substantiel bénéfice.

Ainsi, la livre-poids achetée de 12 à 18 sols en pays étranger est revendue de 30 à 36 sols dans le domaine de la Ferme. Rappelons qu’à l’époque, la Ferme générale est un groupe très puissant qui a organisé la régie des impôts indirects à la façon d’une grande entreprise commerciale, remarquablement gérée, avec son réseau de greniers, entrepôts, magasins et bureaux, et ses cohortes d’employés dont les plus connus du public sont les célèbres gabelous.

Cependant, quelques provinces récemment acquises à la France, telles que Flandres et Artois, conservant le libre commerce de « l’herbe à Nicot ». Cette exception va favoriser l’introduction frauduleuse du tabac dans notre île, comme on le verra par la suite, grâce aux relations maritimes avec Dunkerque.

La Ferme générale abandonne son monopole en 1697 pour insuffisance de rentabilité. En outre, ce contrôle était probablement voué aux gémonies par l’opinion publique. Le Roi remet donc en adjudication son monopole et bientôt il va tomber dans l’escarcelle de la Compagnie des Indes contre un loyer de 1.5000.000 livres.

 

Entre 1717 et 1730, celle-ci va chercher à faire fructifier ce nouvel eldorado confortablement installé en France et non pas dans l’océan indien. Mais il s’avère très vite que la rentabilité de ce contrôle est loin d’atteindre celle des comptoirs lointains.

La négligence qui s’ensuit favorise la fraude qui atteint son âge d’or durant ces treize années.

En 1730, c’est le coup de frein brutal car la Ferme Générale reprend le monopole du tabac et cette fois-ci, c’est la répression judiciaire qui s’amplifie contre les trafiquants dont un certain nombre sont condamnés aux galères. Pendant les vingt-cinq années suivantes, on compte 4934 forçats envoyés aux galères pour cause de contrebande du tabac !…

Le détail de ces mesures et de leur conséquences est donné dans le remarquable livre d’André Zysberg : « Les galériens – 1680-1798 » paru en 1987. Il ne cite pourtant ni Noirmoutier, ni l’île d’Yeu (2).

 

Ce monopole d’Etat dura jusqu’en 1791, année où la Révolution, jusqu’alors éclairée, commença à prendre des initiatives contestables, comme par exemple (fait très peu connu) de fermer toutes les anciennes manufactures royales de tabac, sans doute parce que cette herbe devait avoir désormais une odeur républicaine et libre, mais ce qui jetait sur le pavé des milliers d’ouvriers, provoquant ainsi de nombreuses émeutes.

On se doute que Napoléon qui avait besoin d’argent pour ses guerres, ne tarda pas à reconsidérer le problème et dès 1810, le monopole d’Etat fut rétabli, mais cette fois-ci dans son intégralité, c’est-à-dire en incluant aussi la culture.

Dans son long parcours historique, l’herbe à Nicot est donc passée du rôle flatteur de remède au XVIIe siècle au banc d’accusé dangereux à la fin du Xxe siècle.

C’est ainsi que le loi française du 9 juillet 1976 organise la lutte contre le tabagisme et qu’en 1995, l’Etat se débarrasse d’un monopole de plus en plus encombrant en privatisant la S.E.I.T.A. qui contrôlait la fabrication et la commercialisation du tabac en France.

 

ORIGINE DU TRAFIC A NOIRMOUTIER

 

Il est bon de rappeler que lorsqu’un Etat, en plus de ses responsabilités dites régaliennes que sont la défense de la Nation, la sécurité des citoyens, l’organisation du territoire etc…, s’arroge aussi des monopoles économiques tels que le « tabac et … allumettes », il s’expose à la concurrence de certains citoyens astucieux qui désirent partager le pactole.

La fraude sur le tabac a donc toujours existé en France et ce qui s’est passé à Noirmoutier est loin de constituer une exception. En outre, cette fraude s’est largement appuyée sur le fait que le contrôle de l’Etat a toujours été étroit en aval sur « la manufacture et le commerce » mais beaucoup moins efficace en amont sur la culture ou l’importation des feuilles.

 

C’est donc dans ce créneau que va s’engouffrer la contrebande noirmoutrine. Celle-ci sera favorisée par le développement spectaculaire de la flottille des bateaux qui atteindra son tonnage optimum pour les longs périples à partir de 1740.

 

détail d’après « l’homme à la pipe », Paul Cézanne

A ce sujet, François Piet nous éclaire : « De temps immémorial, Noirmoutier jouissait de plusieurs privilèges reconnus et confirmés dès l’an 1392, par Charles VI, et depuis par ses successeurs jusqu’à Louis XV. On y était exempt de tailles, subsides, impositions et autres droits qui se prélevaient dans les provinces du royaume. Ces privilèges ne pouvaient manquer d’être favorables au commerce, surtout à celui des marchandises prohibées ou assujetties à des droits d’entrée ».

En outre, il s ‘est trouvé à l’époque, dit-il, entre 1730 et 1767, des gouverneurs de l’île, pauvrement payés et donc faciles à corrompre, qui n’hésitèrent pas à demander leur commission sur le tabac entré en fraude pour fermer les yeux.

Cette attitude favorisera d’une part la petite aisance des gouverneurs, le sieur Desmarais et son successeur Duhoux d’Hauterive, et d’autre part, le développement de la fraude au profit de leurs amis (3).

 

En fait on possède assez peu d’informations sur ce trafic qui, en raison de sa nature secrète, n’a pas laissé de récits ou mémoires de la part des trafiquants eux-mêmes.

En outre, on constate que les livres d’histoire récents sur Noirmoutier sont quasiment muets sur ce sujet peu glorieux et ne contiennent même pas le mot de « tabac ».

Cependant, on possède quantité d’informations remarquables mais éparses. En premier lieu, le témoignage intéressant sinon rigoureux d’un historien contemporain de ce trafic, Commard de Puylorson (1767) (4).

De plus les recherches de Claude Bouhier ont permis de découvrir et d’exploiter des lots de renseignements inédits sur les procès intentés aux fraudeurs qui refusaient d’engraisser le gouverneur et qui ont été pris la main dans le sac… de tabac, mais sans qu’aucun d’eux n’ait cependant été condamné aux galères.

PREMIERE PERIODE (1713-1730)

 

L’identification du trafic se fait par l’étude des procès intentés aux fraudeurs. Mais durant cette première période, le nombre de condamnations apparaît dérisoire ou nul, alors que la consommation de tabac, et a fortiori, la contrebande, n’ont cessé de se développer depuis le début du siècle.

En fait, on assiste à un certain relâchement du contrôle de la part de la Compagnie des Indes qui considère que le monopole qu’elle a acquis peut être utilisé autrement avec plus de profit.

Au lieu de perdre de l’argent à pourchasser les fraudeurs, les financiers qui dirigent cette mirobolante affaire préfèrent négliger leur monopole pour mieux développer sans entrave le commerce du tabac importé des plantations françaises d’Amérique.

En conséquence, la liberté complète de vente du tabac est établie en 1719.

On se bornait à percevoir les droits à l’entrée des ports, très élevés pour les tabacs originaires d’Espagne, du Brésil ou de Virginie et faibles pour ceux des Antilles et de la Louisiane.

 

Pour Noirmoutier, la seule affaire évoquée devant le Parlement de Paris concerne un certain Pastoureau, de Guernesey, qui apportait sa cargaison dans le port le 22 avril 1713. : « Le Roy ayant été informé qu’il a été arrêté depuis quelque temps à l’isle de Noirmoutier une barque de Guernesey chargée de charbon de terre et de 30 gros ballots de tabac que le nommé Pastoureau avait dessein de vendre en fraude estant descendu à terre à cet effet pour raison de quoy il a été commencé quelques procédures par les officiers de la juridiction de Noirmoutier…

Il paraît que ce même fraudeur a vendu une partie considérable de tabac à Belle Isle et sa Majesté voulant par un exemple prompt et sévère arrester la suite de ces désordres qui conduisent à la ruine entière de la ferme du tabac… »

Le procès de Pastoureau et des autres fraudeurs noirmoutrins fut renvoyé devant la juridiction de Poitiers où l’intendant de Richebourg est nommé pour instruire le procès en mai 1713 (5).

A Noirmoutier, l’affaire Pastoureau se poursuit indirectement par la « comparution au greffe, le 27 octobre 1713, de dame Magdeleine Trouvé, veuve (récente) de Toussaint Chapron. Celui-ci était chargé de la garde de la barque : « La Marie » de Guernezé, restée en ce port depuis huit mois en ça pour contrebande de tabac en icelle.

Sans préjudice de ce qui peut être dû à son mari, elle ne veut plus être chargée de la garde. Les scellés sont sur la serrure de la chambre dans laquelle sont les marchandises ; elle en remet les clefs » (6).

 

Il faut rappeler, pour expliquer le peu d’affaires litigieuses attribuables aux Noirmoutrins jusqu’en 1730, que leur flotte comportait alors très peu d’unités capables de naviguer au loin (îles anglo-normandes ou Dunkerque). En effet le tonnage minimum de 20 tonneaux pour ces longs périples n’était atteint que par 11 bateaux (7).

 

DEUXIEME PERIODE

 

L’événement majeur de ce début de décennie est la reprise en main du monopole du tabac par la Ferme Générale en 1730.

Dès lors, les arrestations et les procès vont commencer, sur un rythme d’abord modéré, qui va s’accélérer progressivement pour atteindre un maximum à partir de 1740.

Les fraudeurs épinglés sont surtout de marins, ceux dont le gouverneur dit que « ce sont les dignes de sac et de corde ». Ils habitent souvent le quartier de Banzeau tandis que les marchands ou les armateurs habitent « La Grande Rue ».

 

Ces fraudeurs sont pourchassés dès potron-minet par deux voyeurs-visiteurs , sorte de contrôleurs-douaniers. Le plus actif est Nicolas Cheval, dit « Chevalier » assisté à partir de 1741 par son compère Charles Henon, tous deux étant gardes-bois et chasses de S.A.S. le Prince de Condé, alors propriétaire de l’île de Noirmoutier.

Quelques infractions typiques vont être citées dans le style de l’époque parfois rectifié pour une meilleure compréhension. Chaque citation sera précédée d’un commentaire introductif.

Voici d’abord le scénario inventé par un fraudeur très comédien : 24 mars 1730 « Arrestation d’un nommé Raballand qui avait porté de nuit du tabac chez le capitaine Joseph Adrien depuis une barque bretonne mouillée depuis deux jours sous le bois de la Chaise.

Les gardes rencontrèrent Joseph Adrien et celui-ci se jeta au cou du garde Nicolas Chevalier en disant : « Voulez-vous me perdre et me mettre mal avec monsieur le Gouverneur ? » Se mettant à pleurer, il ajouta : « Prenez de l’argent, 10, 20 pistoles, ce que vous voulez et venez boire avec moi chez nous et que personne n’en sache rien ».

Il tenta de faire entrer le tabac par la porte de son jardin mais ne put. Le tabac fut emmené chez le gouverneur » (8). La surveillance étroite du port fait déplacer parfois beaucoup de « beau monde » pour aboutir à une méprise magistrale : 25 mai 1730 « Pierre Alexandre Imbert, avocat, seul juge civil, , François-Louis Prévost d’Autheuil, procureur fiscal, le gouverneur et le greffier se transportent au quai voir un canot suspect !…

C’est en fait la patache de Bourgneuf qui a amené un Bénédictin de la Chaume de Machecoul, les sieurs Villeneuve, receveur des droits du Roi à Bourgneuf et Delisle, son commis, qui allait à la Blanche… »

détail d’après « l’homme à la pipe », Vincent Van Gogh

Malgré la maigre moisson d’affaires récoltée dans les archives pour cette époque, il en est une cependant qui est remontée au plus haut niveau et qui laisse supposer une certaine quantité de prises sur le terrain : (9) 26 juin 1732 : Extrait des registres du conseil de S.A.S. le Prince de Condé du 29 mai 1732 : « En ce qui a été dit par Mr de Lezonnet que le gouverneur de Noirmoutier a fait arrêter une barque chargée de tabac de contrebande, savoir si on le vend au profit des pauvres de Noirmoutier ou si on le renvoie au Bureau des Fermiers généraux de Bourgneuf.

Il a été arrêté qu’on laissera le tabac dans le dépôt où il est » (10).

TROISIEME PERIODE (1740-1749)

 

C’est la grande époque de la fraude ou plus exactement, c’est l’époque sur laquelle on possède le plus d’informations.

En réalité, existe-t-il plus de contrebandiers dans cette décennie ou se font-ils prendre plus souvent, grâce à l’extrême diligence des contrôleurs de la Ferme ?

Cette seconde hypothèse semble la plus vraisemblable si l’on considère par ailleurs que sur les 4117 grands fraudeurs envoyés aux galères de 1730 à 1748, 1224 l’ont été de 1740 à 1742 .

Cette pointe se reflète aussi dans les procès et arrestations dans l’Île de Noirmoutier. Il faut ajouter que la situation de la flotte de commerce s’est considérablement améliorée en tonnage puisqu’en 1740, il y aura une quinzaine de bateaux noirmoutrins à Dunkerque en une année.

Les voyages de retour, après les livraisons de sel, avec la cale pleine de tabac vont se multiplier non sans risque.

 

Voici un témoignage contemporain extrait du libelle déjà utilisé : « Ceux qui ont à cœur les intérêts de l’île ne se mêlent plus du commerce du tabac depuis la défense faite par Monsieur de Fortia (nouvel intendant du prince de Condé en juillet 1740).

Continuent cependant les maîtres de barque, créatures du gouverneur et de son neveu, et nommément le sieur Jacobs (Jacobsen), et deus ou trois coquins ; les nommés Jean Durand, Joseph Adrien, François Baugé, Philibert Madra.

Nicolas Favreau, commandant le Saint Pierre et Nicolas Lebreton commandant le « Marie de grâce » sont arrivés avec quantité de tabac en rolle. Le sieur Desmarais est parfaitement informé » (11).

Ainsi, à la recrudescence des affaires litigieuses dans l’île, il faut aussi ajouter les affaires non moins frauduleuses vis-à-vis de l’Etat mais protégées par le gouverneur et donc non pénalisées.

 

Cette période est en réalité très complexe, car on voit se dérouler en parallèle des affaires placées sous la protection du gouverneur moyennant redevance, et d’autres qui concernent le « vulgaire » fraudeur sans protection parce qu’il ne veut pas cracher au bassinet.

Notre analyse étudiera donc successivement les deux catégories d’affaires pour ne pas mélanger sans distinction le blanc et le noir par un souci chronologique trop poussé.

 

Les fraudeurs sans protection

 

Voici les bretons bretonnants jouant les demeurés illettrés sur leurs chaloupes placées sous l’égide des saints apôtres : 24 juillet 1740 – Procès-verbal de capture de tabac « N. Cheval… a saisi et arresté deux chaloupes de chacune 2 tonneaux : « Le Saint Pierre » en provenance de l’amirauté d’Auray et le « Saint Jean » du département de Vannes.

Chacune est chargée de 800 livres de tabac. Chevalier a fait conduire au château, avec les agrés et apparaux, les deux capitaines Belz et Lhermite qui ont déclaré ne pas connaître les personnes qui leur ont vendu le tabac et ne parlent que breton, n’ont aucun papier, ne savent signer » (12).

On va jusqu’à tirer l’épée pour défendre sa balle de tabac : Me Jean Buord, voyeur et visiteur de l’isle, s’est transporté à bord de la barque de 8 tonneaux « la diligente » de cette isle, appartenant à Pierre Maublanc, marchand, et étant au quai.

Sous le charbon et le fer, il aurait aperçu d’autres marchandises… Fouasson, maître de barque, refuse de les montrer.

Aidé alors par Nicolas Cheval, il trouva 500 livres de tabac destiné à la barre de Monts. Fouasson dit que Maublanc les lui avaient confiées. Le femme du sieur Maublanc et sa suivante s’opposèrent à la saisie et emportèrent une balle chez elles.

Son gendre Marchais alla même chercher une épée et on fut obligé de prier le Sieur de la Cormerie, major garde côte, de donner main forte…

Saisie : 9 balles de 50 livres chacune marquée M. et H… Cargaison : 15 barriques de charbon et deux cents ou environ de fer.

La barque fut saisie et désarmée et laissée sous garde de N. Cheval » (13).

Nicolas Cheval tombe sur un fraudeur qui court plus vite que lui : 24 septembre 1740 Nicolas Cheval, dit Chevallier, est aux aguets à 5 h du matin rue de Banzeau.

« Il rencontre un homme étranger qui transporte deux balles de tabac marquées N.B. Il les saisit sur le champ sans pouvoir arrêter l’homme (qui se sauve ?) et les conduit au château » (14).

Le transporteur cherche à s’innocenter en dénonçant son fournisseur : 16 octobre 1740 Procès-verbal de capture de tabac. « N. Cheval déclare qu’environ 2 heures après minuit, il se transporta en la rue de Banzeau et rencontra un étranger à lui inconnu et Luc Ardoin de Noirmoutier qui étaient chargés d’un cent et demy de tabac qu’ils conduisaient à bord de la chaloupe d’Ardoin pour la transporter hors de l’isle.

Le tabac fut conduit au château. Ardoin dit à Chevalier que le tabac avait été pris chez Joseph Masson, maître de barque et marchand en cette ville. Le tabac était en trois balles marquées R » (15).

Une dure journée pour N. Cheval entre 5 h. du matin et 9 h du soir contre une veuve bien organisée : 10 novembre 1740 Procès-verbal de capture de tabac. « N. Cheval déclare que dans la nuit de mardi à mercredi 9, vers 15 h. du matin, il se transporte dans la rue de Banzeau et rencontre André Praud de Bois de Céné, chargé d’un demi cent de tabac en une balle marquée L.D. que Praud a déclaré avoir acheté chez la veuve Louis adrien.

N. Cheval se transporta aussi le 9 à la côte du moulin de la Lande vers 9 h. du soir et rencontra plusieurs chevaux chargés de 9 cents et ½ de tabac en 19 balles sous la conduite de Louis Adrien, fils de la veuve Adrien, pour le charger à bord d’une chaloupe bretonne.

Adrien voulut s’opposer à la saisie en disant que le tabac appartenait à sa mère et à Joseph Masson.

Le tabac fut transporté au château dans la charrette de Philbert Gourson (16).

 

Îles d’Yeu et de Noirmoutier, même trafic avec du tabac importé de Saint Domingue ?… 25 avril 1741 Procès-verbal de capture de tabac « Me Jean Buord, voyeur et visiteur, sur l’ordre de M. Desmarais, écuyer, gouverneur et commandant pour le Roy, se transporta au village de la Fosse pour faire saisie et capture de tabac du nommé Pierre Parnet venu de l’isle d’Yeu, sur la chaloupe « la Marie-Françoise » de 3 tx…

Pierre Parnet déclara qu’il avait déposé son tabac venu de l’isle d’Yeu (chez René Leroy à la Fosse) jusqu’au temps qu’il en eut trouvé la vente ou le débit.

Après une investigation chez le dénommé Le Roy, on découvre non seulement le tabac de l’île d’Yeu déposé par Parnet, mais aussi du tabac en provenance de Saint-Domingue ! Le tabac est confisqué ; il y avait 62 grosses andouilles ou carottes et dix petites andouilles et demies dans la chaloupe de Pierre Parnet ».

L’anse de Vieil sert aussi de port d’exportation du tabac noirmoutrin vers la Bretagne : 4 juillet 1741 « Charles Henon et Nicolas Cheval vont au Vieil et voient une chaloupe pleine de tabac.

Le patron est Jean Franc, les matelots Henri Duval et Joseph Cadrut, tous de Vannes. Ils ont perdu le rôle d’équipage. Le tabac est saisi ; on dit qu’il a été pris chez André Viaud et des inconnus.

Le tabac, un fusil et les agrés sont conduits au château. Douze balles dont une marquée F.P. La chaloupe est conduite au quai devant le château » (17).

 

Le rythme des saisies s’accélère.

Voici le record dans une même journée !… 18 août 1742 « Charles Henon, voyeur et visiteur de l’île, surprend à 4 h. du matin, rue de Banzeau, Estienne Ardoin qui conduisait deux charrettes chargées de 21 balles de tabac, dont voici l’inventaire : 15 balles marquées RV pesant 614 livres 4 balles marquées Rxx pesant 183 livres 1 balle marquée PRR pesant 45 livres 1 balle marquée HH pesant 45 livres Le tout pesant 887 livres a été mis dans le grand cellier du château dont le gardien s’appelle E. Semelin » (18).

Le même jour, Charles Henon – qui ne perd pas son temps après sa sieste – « se transporte en la maison de Philbert Madra et dans celle de Louis Fouasson, maîtres de barque et saisit 180 balles de tabac.

Fait en leur maison de Banzeau à 4 h. du soir. L’inventaire effectué dans la cour du château se présente maintenant ainsi : 73 balles marquées P.M. pesant 3271 livres (P.M. = Pierre Maublanc ?) 38 balles marquées R. pesant 1812 livres 11 balles marquées DER pesant 518 livres 15 balles marquées B.V. pesant 614 livres 9 balles marquées B.V. pesant 426 livres 17 balles marquées P.M. et contre marquées RI pesant 788 livres 6 balles marquées N pesant 268 livres 14 balles marquées d’une fleur de lis pesant 656 livres Total : 8353 livres, saisies et mises dans les celliers du château par ordre du gouverneur Desmarais.

Gardien : Etienne Semelin, ancien maître de barque » (19). Qu’adviendra-t-il de tout cet empilage de tabac au château ? Apparemment, il ne profita à personne.

En conséquence de l’ordonnance de Charles de Bourbon du 27 novembre 1740 et du jugement prononcé par le sénéchal Jacques Coindet, en date du 4 décembre 1741, toutes les saisies faites avant cette date seront mises sur un bûcher et brûlées sur la place d’armes devant le parquet (20).

 

 

Le libelle déjà cité mentionne de graves irrégularités dans le décompte des huit prises et un détournement important du tabac saisi le 24 juillet 1740.

En voici le texte qui se passe de commentaires (21).

« Ce jour là, le gouverneur envoie chercher Bouhier de la Davière, Maublanc père, Jolly de Nantes (un inconnu) et Courant de la Gravoillère.

Ils trouvent au château le sénéchal et le procureur d’office. Le gouverneur dit que le comte de Charolais ordonnait de brûler en leur présence le tabac saisi et de faire la vérification du procès-verbal.

A la vérification se trouvèrent André Viaud et la veuve Des Isleaux sur lesquels avaient été saisis des tabacs mais ils ne reconnurent pas leur marchandise ».

« Le sieur de la Davière objecta que le procès-verbal du 24 juillet faisait mention de la saisie d’une chaloupe bretonne pour un poids de 8 cents alors qu’elle pouvait porter 8 à 9 milliers. Le gouverneur dit (= se plaignit) qu’on voulait le rendre responsable de la méprise !… « En tout, on brûla 2150 livres.

Le sénéchal calcula qu’il manquait 1100 livres. Le gouverneur dit que la diminution est naturelle ».

Comme on le sait, cette diminution ne peut excéder 10% c’est-à-dire l’équivalent du % d’eau retenu par les fibres. On peut soupçonner que la différence n’était pas perdue pour le gouverneur !…

 

 Les démêlés des Maublanc

 

Les Maublanc se classent parmi les plus importants négociants de l’île mais aussi parmi les trafiquants les plus actifs sur le tabac.

Ils possèdent plusieurs bateaux qui leur permettent d’importer et d’exporter pour leur propre compte toutes sortes de marchandises dont le tabac.

Ils ont cependant un gros handicap à surmonter, à savoir l’hostilité du gouverneur et de son entourage. On les a déjà rencontrés ci-dessus dans plusieurs circonstances.

Quelques épisodes de leur aventure maritime vont nous montrer l’importance et la nature du trafic de l’époque qui sont jalonnés de démêlés souvent pittoresques.

Pierre Maublanc père travaille avec son fils et son gendre. Mais le gendre, Marchais a été contraint de quitter l’île par peur de « quelques choses de plus funestes ».

On vient de leur « refuser des brieux (passeports) ce qui leur a coûté plus de 7000 £ sur la cargaison d’Estienne Caillaud, chargée de bois de campagne, sur la cargaison du « Prince de Condé » – capitaine Baulon – chargée de 1500 quintaux de morue sèche ainsi que sur d’autres bâtiments chargés de sardines salées… Le tout pour l’Espagne ».

« Après un long retard, les bateaux partirent sans brieux, avec seulement un simple certificat signé par plusieurs habitants portant que le sieur Girault leur avait refusé leur expédition ordinaire, grâce à quoi ils évitèrent la confiscation à Bordeaux.

Le point de vue de Girault était que le carême se passant, le poisson salé ne se serait nullement vendu en Espagne. Cela arriva selon ses intentions, la morue n’étant arrivée à Bilbao que dans la semaine sainte et les sardines après Pâques, ce qui causa près de la moitié de perte au chargeur » (22).

Quelques années plus tard, après 1748, les relations autrefois tendues avec C. Jacobsen se sont nettement améliorées comme on l’a vu dans les extraits de comptes du célèbre marchand où les Maublanc sont crédités de plusieurs milliers de livres, soit en frais de transport du tabac, soit en partage de profits sur les ventes du tabac.

Quant aux relations avec le gouverneur, elles ne s’améliorent pas pour ces négociants, ni d’ailleurs avec aucun des autres représentants de la bonne société.

 

Des témoignages contemporains

 

Les affaires sélectionnées dans ce chapitre sur les fraudeurs montrent la complexité de ce trafic de tabac.

A Noirmoutier, on importe de partout : Guernesey, Dunkerque, Saint-Domingue, l’île d’Yeu.

On exporte essentiellement sur le continent, en face, ou même en Bretagne (voir carte). Apparemment, ce ne sont pas les transporteurs qui sont à l’origine du trafic, mais plutôt les marchands, qui sont à la fois les payeurs et les revendeurs – à plusieurs fois le prix d’acquisition.

Ils opèrent dans l’ombre et parfois sous la protection du gouverneur.

 

 

Mais qu’en pensent les historiens de l’époque ? Le premier témoignage coïncide avec l’époque du trafic puisque Commard de Puylorson a écrit sa « description topographique de l’Île de Noirmoutier » entre 1740 et 1767.

Ce sujet qu’il ne peut escamoter l’embarrasse visiblement : « Il ne nous reste plus qu’à dissiper un injuste préjugé… c’est l’injuste imputation de la contrebande… Les habitants cultivaient quelques plants de tabac pour servir de remède à leurs bestiaux et quelques uns le façonneront à leur usage !…

D’autres peut-être en filèrent quelques rolles pour fumer… Ce tabac n’était point certainement assés façonné pour entrer dans le commerce ni pour préjudicier aux bureaux du Roi ».

Donc pas de quoi fouetter un chat.

 

D’ailleurs, pour le chanoine Commart , ce bon peuple noirmoutrin est « d’une heureuse et rare simplicité de mœurs qui laisse ignorer dans les familles vertueuses jusqu’au nom des vices qui blessent la décence et la religion… »

En d’autres termes, quand on ignore même le nom de « fraude », comment pourrait-on la pratiquer ?… Cependant, petit à petit, le bon chanoine laisse découvrir les contours de la vérité, comme la mer laisse découvrir petit à petit les recoins d’estran les plus mystérieux.

Car partout, bien sur, il y a des méchants qui contaminent les bons :

« Les mariniers de l’île en fréquentant différents ports se familiarisèrent avec l’usage du tabac. Quelques-uns rapportèrent dans l’île des bureaux où ils se trouvoient… Il en introduisirent dans l’île au- delà de leur provision personnelle… Le gouverneur de ce temps-là prit occasion de cette introduction de tabac étranger de mettre à contribution quelques particuliers qui fabriquaient bien secrètement des tabacs de Dunkerque et de Gersey.

 

On fit des exemples éclatants contre un ou deux particuliers qui ne s’étaient pas soumis à la contribution du gouverneur… » (23).

Voilà bien résumé le scénario du trafic du tabac, car on rapportait « au-delà de la provision personnelle ». Et que faire du surplus, sinon le négocier chèrement, vu les risques courus !…

 

Le paragraphe précédent a relaté quelques saisies sur les importations ou les exportations.

Quant à François Piet, il confirme dans un style moins prolixe les dires du chanoine : « Nos bâtiments portaient du sel aux îles de Jersey et Guernesey et en rapportaient des tabacs, des indiennes, de la vaisselle etc… qu’on revendait ensuite aux contrebandiers avec bénéfice de cent pour cent ».

Et il confirme ce que l’on va développer dans le prochain paragraphe : « Quelques particuliers, fort de l’assentiment des gouverneurs dont ils achetaient la protection, soit en les associant à leur spéculations, soit en les gratifiant par des remises sur ventes, avaient fait ce trafic avec de grands avantages… » (24).

 

Les fraudeurs sous protection

 

Le gouverneur Desmarais, dans sa gestion de l’île, utilisait deux poids, deux mesures.

D’un côté, il classait les concitoyens taillables et corvéables à merci, qui ont fait l’objet de nombreuses saisies, comme on l’a déjà vu.

Ainsi, il démontrait hypocritement sa rigueur dans l’application du droit royal aux contrevenants. d’un autre côté, il avait réglementé avec la même rigueur le commerce interlope du tabac en faveur de quelques protégés à qui il imposait une contribution de 3 pistoles par 1.000 livres de marchandise, soit 5 à 6% du prix de vente.

 

Le plus illustre des protégés du gouverneur fut Cornelis Jacobsen, très peu connu à Noirmoutier avant 1740.

Il habitait alors Dunkerque et c’est là qu’il fit la connaissance des capitaines noirmoutrins qui apportaient le sel et repartaient avec diverses marchandises, dont le tabac (25).

Ce commerçant très rusé et compétent comprit très vite que dans une île exempte des impôts traditionnels, il pouvait peut-être prospérer avec le trafic du tabac (26).

Cet « étranger » sut adopter plus vite et mieux que quiconque sur l’île les bonnes manières dont il fallait user avec ce gouverneur peu populaire.

Il faut rappeler que le gouverneur Desmarais et son entourage se trouvaient alors politiquement fragilisés à la suite de l’arrêt du 11 mai 1740 pris par le tribunal du Parlement.

En effet, à l’occasion du décès du duc de bourbon-Condé et en l’absence de l’intendant de sa maison, Monsieur de Lezonnet, qui tous deux soutenaient le gouverneur, Jérôme Turle, avocat à Noirmoutier, maltraité injustement par le gouverneur quelques années plus tôt, profita de cette vacance pour faire juger son procès.

Le gouverneur, le juge, le procureur et le greffier de Noirmoutier sont condamnés avec défense de récidive sous peine de punition corporelle (27).

Tous les habitants de l’île (informés par le bouche à oreille) crurent alors que le sieur Desmarais était perdu et pensaient avoir trouvé un temps favorable pour se tirer de l’esclavage de cet homme…

A cette occasion, le gouverneur « demanda des attestations de bonne conduite, mais aucun des notables ne voulut lui en donner. Il n’y eut que les matelots et les gens de la lie du peuple qui souscrirent à ses attestations »… et qui avaient des intérêts à ménager avec lui (28).

Jacobsen réalisa très vite que ce n’était pas le commerce des feuilles qui s’avérait le plus intéressant, en particulier à cause des énormes pertes subies par le pourrissement durant le stockage avant de trouver preneur.

Il fallait monter une manufacture prenant immédiatement en charge les feuilles dès leur arrivée pour les transformer en un produit fini beaucoup plus rentable.

Moyennant une commission de 1.100 à 1.200 pistoles, le gouverneur autorisa « l’étranger » à construire une manufacture. Un spécialiste manufacturier de Flandre fut embauché.

On commença à traiter les 21 boucauts de tabac qu’il avait amenés de Dunkerque dans les derniers jours de 1739 sur le bateau de Louis Bodin.

« Cette manufacture fit grand bruit dans tout le pays environnant et jusqu’à Nantes. Bientôt, la nouvelle atteignit Paris et les fermiers généraux voulaient porter plainte auprès du Prince de Condé et même auprès de Sa Majesté. Les habitants pensaient que cette affaire nuisait à la bonne réputation de l’île et ils étaient très choqués qu’un « étranger » ait pu obtenir un tel privilège.

Les profits n’allaient qu’à Jacobsen mais les suites fâcheuses seraient pour tout le monde ».

Des notables, tels que Maublanc fils, intervinrent en janvier 1741 auprès de jacobsen pour lui demander de transférer son affaire à l’étranger, mais celui-ci leur répondit qu’il avait vu le gouverneur qui lui avait dit qu’il n’avait rien à craindre.

Cette réponse irrita encore davantage les habitants contre Jacobsen. Huit à neuf des notables allèrent dès le lendemain chez le gouverneur pour se plaindre de la manufacture de Jacobsen.

Il leur fut répondu que la fabrication continuerait jusqu’à ce que la cargaison de feuilles venue de Dunkerque sur le Saint-Vincent de Louis Bodin serait entièrement traitée.

Le gouverneur ajouta qu’il avait reçu de S.A.S. le Prince des ordres positifs à ce sujet. Il ajouta qu’aussitôt que Jacobsen aurait terminé, il ferait visiter toutes les maisons et brûlerait tout le tabac qui s’y trouverait.

Les habitants envoyèrent alors une lettre au nouvel intendant du Prince de condé, M. de Fortia, qui répondit à l’un des habitants que jamais S.A.S., ni son Conseil n’avait permis ni toléré une telle entreprise.

Jacobsen reçut une lettre fulminante lui enjoignant de sortir de l’île avec tout son tabac dans les 24 heures. Il obéit et fit enlever sur le champ tout son tabac sans aucun recours, car le gouverneur absent avait été appelé à Paris. Jacobsen partit avec son tabac en Espagne pour se le voir immédiatement confisqué.

Le gouverneur à son retour fit écrire à tous les commerçants de faire passer leur tabac à l’étranger (29).

Après la mésaventure du tabac, Jacobsen continua son commerce à Noirmoutier avec succès jusqu’en 1777 dans toutes sortes de marchandises, sans oublier le tabac mais en toute légalité, comme le prouve son livre de compte et divers évènements où on le retrouve impliqué jusqu’au-delà de 1760.

 

Le contenu de ces comptes dénote l’éventail des activités et la précision comptable chez l’intéressé :

– 28 mai – Départ pour Dunkerque de la « Marguerite » chargée de cuirs salés et commandée par Philbert Madra (d’où on reviendra avec du tabac).

– 21 avril 1742 – Pour autant payé à Louis Bodin pour la perte de son procès 1014.18 £

– 1743 – Pour son net revenant-bon du tabac par Baizeau 2569.13.2 £

– 1743 – Pour son net revenant-bon du tabacq par Baizeau 2598.13.6 £

Sur le compte de Maublanc fils :

– 21 juin 1748 – Pour sa moitié de 3000 £ de carottes (de tabac) et frais suivant factures à luy fournies

– 5 juillet 1748 – Montant de la facture des tabacs chargés par François 1216.12 £

– 28 novembre 1748 – Pour ses profits dans la vente du tabac 892.6.9 £

Les activités commerciales de Cornelis Jacobsen jusqu’en 1777 (à l’exclusion du tabac) ont été largement décrites par Claude Bouhier (30).

 

Un gouverneur « psychotique »

 

Le commerce illicite du tabac a toujours été détesté par certains notables. Commard de Puylorson nous raconte l’histoire de l’un d’entre eux en 1740 : « le sieur bouryaud de Champdor, un des principaux officiers de la garde-coste, maire ou syndic des habitants, pour réprimer la licence de ce commerce prohibé se crût suffisamment autorisé par sa qualité pour faire mettre le feu à une chaloupe chargée de tabac pour l’exporter de l’île.

Ce zèle patriotique et si conforme aux intérêts du Roy, qui devait lui mériter des éloges, lui attira la plus éclatante disgrâce.

Le sieur Desmarets alors gouverneur le traduisit à l’hôtel de Condé comme un indigne coupable et donna les couleurs les plus noires à un procédé devenu nécessaire… Bouryaud de champdor (défenseur des droits du Roy) fut expatrié par une lettre de cachet et relégué dans le pays de Retz (31).

 

Pendant que le gouverneur était en visite à Paris au début de 1741, il y eut l’histoire drôle des sieurs Bouryaud de champdor et Desmarais de Caumont.

« Ils avaient passé la journée à boire et sortirent à 10 ou 11 heures du soir pour transporter du tabac. Ils commencèrent à faire un vacarme épouvantable.

Le neveu du gouverneur sortit en robe de chambre avec son épée sous sa robe.

La gouvernante (femme du gouverneur) vint aussi. Caumont tira l’épée, Champdor dit cent pauvretés à la gouvernante.

Le curé vint essayer de ramener le calme.

La femme de Champdor réussit à emmener son homme à la maison.

La gouvernante fit dresser procès- verbal où on lit « …les habitants s ‘étaient révoltés contre les ordres de S.A.S… », Caumont et Champdor furent exilés pour leur sottises » (32).

Le libelle de Commard (qui, rappelons-le, était un contemporain, mais aussi un opposant) nous révèle d’autres histoires invraisemblables dans divers domaines de la gestion de ce gouverneur qui, par ailleurs, a cependant favorisé le développement de l’économie locale par d’heureuses initiatives.

 

 Yeu et Noirmoutier, même « sociétés du tabac »

 

Comme on a pu l’observer à travers ce récit, la société noirmoutrine impliquée dans le commerce du tabac s’identifiait selon chaque type d’activités.

On a rencontré les marchands de la Grande Rue dont le représentant typique était Cornélis Jacobsen, les négociants armateurs comme les Maublanc, les maîtres de barque et capitaines de Banzeau tels que Joseph Adrien, François Baugé, Jacques Boucheron, Jean Durand l’aîné, Nicolas Favreau, André Fouasson, Louis Fouasson, Philbert Madra, Jacques Masson, Estienne Semelin etc…

ils sont une vingtaine !…

 

Les gens de la mer, capitaines et matelots, sont regroupés en un puissant syndicat. Louis Nau est le syndic de la navigation.

 

détail d’après « l’homme à la pipe », Paul Cézanne

 

Cette remarquable organisation leur permet soit de défendre leurs droits, soit de s’exprimer collectivement sur un sujet. On a déjà vu que le port de la fosse recevait en 1741 des chaloupes de l’île d’Yeu chargées de tabac.

En effet, une société du tabac analogue à celle fondée à Noirmoutier existait à l’île d’Yeu où sévissait le même type de gouverneur corrompu.

On lit dans le mémoire présenté par les habitants de cette île, le 25 octobre 1790, à propos de Verteuil, leur gouverneur après 1751 : « Le sieur de Verteuil avait paru d’abord se contenter du modeste bénéfice de 12 actions pour lui-même et 4 pour madame.

Bientôt, il est informé que le sieur d’Hauterive, ci-devant gouverneur de Noirmoutier (neveu et successeur de Desmarais), ne s’était pas montré aussi modeste et qu’au lieu du bénéfice d’actions dont le produit était incertain, il percevait une somme déterminée par chaque millier de tabac.

Là-dessus, il convoque les commissaires et leur notifie la demande de 15 francs par millier de tabac importé dans l’île » (33).

 

QUATRIEME PERIODE (1750-1767)

 

Après 1750, la fraude se fait plus rare dans l’île car on ne relate plus guère de procès.

Quelques affaires puisées dans nos archives dénotent qu’on ne connaît plus que des cas de marchandise volée ou pourrie qui se multiplient.

François Piet en trouve l’explication dans l’association étroite à partir de 1754 de dix à douze maisons de commerce et du nouveau gouverneur de l’île, Duhoux d’Hauterive (34).

Le 23 octobre 1752 Tabac tout pourri !… « A la demande de Marie Minguet, épouse du capitaine Louis bodin absent, visite de marchandises par Corneille Jacobs, François Nau et Joseph Durand des Mouriers, négociants.

Il y a trois barriques de tabac en carottes pesant 1300 livres, tabac de Dunkerque… Tout est pourri sauf 250 livres qui peuvent se gâter très vite » (35). Etiquette de J.F. Dautriaux, fabrique de tabac Saint-Vincent, marque D. I.

Le 16 août 1755 Tout pourri et éventé !… « A la demande du sieur Cornélis Jacobs, négociant, demeurant sur la Grande Rue, transport dans ses magasins de la Ville et de la Fosse pour rapporter l’état de 18 barils de tabac… et pesant 9754 livres, provenance de Dunkerque suivant facture et lettre missive du 30 juin signées Théo Blacke…

Et encore 12 caisses de tabac râpé pareillement à la marque T.B. pesant 600 livres, le tout provenant de l’envoi par Théo Blacke, négociant à Dunkerque, sur le navire « La Françoise », capitaine Jean Baizeau.

Le tout est dans le magasin sis Grande Rue. Les experts disent que tout est pourri et éventé. A la fosse, ils ont fait ouvrir 6 barils de tabac en carottes, presque pourri et entièrement gâté (36).

 

Le 27 avril 1765 Jusqu’en Hollande ! « Procès-verbal à la demande d’Ambroise Perottin, négociant, à propos de la marchandise envoyée par G.B. Haussoulier, négociant à Dunkerque, par le navire « Notre Dame des Douleurs »… et contenant 108 pièces pesant 416 livres. Il s’agit de tabac de Hollande en carottes de 6,7 et 9 bouts. Il y a en tout 74 boucauts + 18 autres (à peu près 40000 livres) » (37).

Le 6 décembre 1767 Une affaire macabre… « Comparution au greffe de Nicolas Luminais, maître de barque de la ville. En conséquence de l’exploit de Louis Guilbaud, sergent, il s’est transporté au bâtiment où est décédé le maître espagnol. Il est dans le havre.

Luminais a vu Gervier, maître de barque, qui, avec le domestique du sieur René Taillay, négociant de la ville, a chargé dans un canot, la nuit précédente, plusieurs poches de tabac prélevées dans le bâtiment espagnol » (38).

 

Le 21 et 22 avril 1768 Marchandise disparue ? Comparution devant le sénéchal de Jean-Nicolas Godefroy, négociant de la ville. « Il déclare qu’en novembre 1764 il avait remis à Joseph Chapuy, aussi négociant, 30 balles de marchandise de chacune 100 livres…

Ces balles ont été chargées dans le bateau commandé par Thomas Savary, de ce lieu, pour les transporter dans la rivière de Rochefort, à l’adresse des sieurs Seilhade et Alvert, marchands de Rochefort».

Comparution de Joseph Chapuy. « Il déclare qu’en novembre 1764, il lui fut remis par Jean-Nicolas Godefroy 30 balles de tabac… Il conduisit la marchandise dans le bateau de Thomas Savary jusque dans la rade de l’île d’Aix où il la délivre dans le bateau du sieur Seilhade… Il y a un procès entre Seilhade et Alvert… »

Conclusion : apparemment, les noirmoutrins ne sont toujours pas payés ; quant au sieur Seilhade, n’en a-t-il pas tiré tout le profit aux dépens de son associé Alvert ? (39).

Par ailleurs, le trafic du tabac des périodes précédentes semble se transformer en un simple commerce plus raisonnable, quoique portant sur des quantités plus grandes.

La crainte des amendes et de la prison devient le commencement de la sagesse !… Cependant, on signale à Noirmoutier la présence fréquente de négociants de Jersey et de Guernesey (40).

 

Le 8 février 1775 Le tabac sauvé des eaux ! Déclaration d’Etienne Fouasson, maître de barque et Joseph Clochard, laboureur et maître de chaloupe, du village des Jonchères. Clochard dit qu’à la fin de septembre dernier, il péchait à la Préoire, à deux lieux en mer du bourg de Barbâtre.

Il vit sur le rocher une quantité de tabac gâté. Fouasson dit qu’il venait de Bourneuf et allait à Barbâtre et il mouilla sur la Préoire pour pêcher et vit le tabac gâté.

Il vit Jean Palvadeau de Barbâtre venir en chercher et l’emmener chez lui. Il en donna à débiter à Philbert Renaud de Barbâtre qui en vendit à Nicolas Favreuil trois quarterons » (41).

 

CONCLUSION

 

Malgré l’affaire tardive citée ci-dessus, le trafic du tabac dans son ensemble cessa définitivement à Noirmoutier aux environs de 1768 quand le Prince de Condé vendit l’île au Roi. Le Roi déclara sans tarder son autorité sur l’île de Noirmoutier comme le prouve l’enregistrement ci-après :

 

Le 16 mai 1768 : Comparution devant le greffier du sieur Jacques Augustin Jolly du Berceau, subdélégué de Mgr. l’intendant de Poitiers dans l’étendue de cette île, qui demande l’enregistrement d’un arrêt du Conseil du Roi.

« L’adjudicataire des Fermes du Roi fera la régie et perception des revenus des terres et île de Noirmoutier dont Sa Majesté a fait l’acquisition pour la présente année 1768, dont il fera le recouvrement à compter du 1er janvier et à y faire la vente exclusive de toutes espèces de tabacs conformément à l’article XXXVIII de la déclaration du 1er août 1721 que Sa Majesté veut être exécutée selon sa forme et teneur, commet Mr l’Intendant de Poitiers pour juger pendant trois ans toutes les contestations qui pourront survenir pour ce qui concerne le privilège de la vente exclusive de tabac… » (42).

 

Cette même année, on vit arriver les agents armés du fermier général et il n’était plus question de frauder. Le recensement de 1798 signale la présence de râpeurs de tabac en Banzeau, mais un métier aussi déclaré ne pouvait s’exercer qu’en toute légalité !…

 

Le dernier mot restera à l’aimable chanoine Commard de Puylorson qui écrivait à la suite de la mésaventure de Bouryaud de Champdor :

« Je finis par ce trait pour vanger les habitans de Noirmoutier des imputations odieuses qui doivent rejaillir sur d’autres, qui quoique prévaricateurs ont eu le secret perfide de s’innocenter eux-mêmes en faisant des innocents coupables dans le genre odieux de la contrebande ».

 

 

André Marmin

 

 


Notes:
(1)Encyclopédie Larousse en 22 volumes et Alpha en 15 volumes : mot « tabac » et source « Seita ». « Le tabac » collection « Que sais-je » 1999.
(2) André Zysberg « Les Galériens 1680-1748 ». Le seuil 1987, p. 85 à 94.
(3) François et Jules Piet « Mémoires sur l’île de Noirmoutier » Rééditions 1982-1989, p. 352-353. F. et J. Piet mentionnent un bénéfice sur la revente du tabac exporté de Noirmoutier du même ordre que celui indiqué par A. Zysberg. Ils ajoutent que, après 1754, dix à douze maisons de commerce de Noirmoutier s’unissent pour résister à la concurrence. Les gouverneurs exigeaient 3 F. par quintal de tabac ou l’équivalent en actions de la société commerciale.
(4) André Commard de Puylorson « description topographique de l’île de Noirmoutier » 1767. Edition du district et des amis de Noirmoutier 1994. Introduction par Claude Bouhier, p. 103 à 105. F. Piet reprend une partie de ses explications. A. Commard est aussi l’auteur présumé d’un libelle contre le gouverneur Desmarais. La copie de ce libelle, rédigé en 1741, se trouve au musée Condé à Chantilly (FA.15). Il contient une série d’anecdotes où le trafic du tabac occupe une grande place.
(5) Archives nationales. Registre du Parlement de Paris E850 P (150) et E851 b (123).
(6) Registre des causes à l’ordinaire. Archives Amis de Noirmoutier 42 E2. Toussaint Chapron tenait auberge sur le quai donnant sur l’actuelle place Saint Louis.
(7) Claude Bouhier : « Les noirmoutrins dans les comptes portuaires de Bourgneuf en 1725 ». Lettres aux amis n°83 – 1991 – p. 12-13.
(8) Archives départementales de la Vendée Série B – Fonds du Marquisat de Noirmoutier. 20° liasse. Joseph Adrien habitait le 3 de la rue de la Chevalerie dans une maison qui a peu changé depuis.
(9) Archives départementales de la Vendée. Série B – Fonds du Marquisat de Noirmoutier. 20° liasse.
(10) Archives départementales de la Vendée. Série B – Fonds du Marquisat de Noirmoutier. 20° liasse. Registre des causes à l’ordinaire.
(11) Libelle présumé de A. Commard – Musée Condé, FA-15, p.6.
(12) – (13) – (14) – (15) Minutes de Me L.J. Clénet, notaire à Noirmoutier. Ce notaire habitait à l’entrée de Banzeau, véritable faubourg de la contrebande à ce  moment là.
(16) Minutes de Me L.J. Clénet. Il est possible que la marque L.D. représente Louis Adrien lui-même qui était souvent appelé Louis Drieu.
(17) – (18) Minutes de Me L.J. Clénet.
(19) Minutes de Me L.J. Clénet. Les marques P.M. peuvent représenter le négociant Pierre Maublanc.
(20) Archives départementales de la Vendée. Série B – Fonds du Marquisat de Noirmoutier. 20° liasse. En 1741, la place d’armes était la place actuelle de l’hôtel de ville et le parquet se situait à l’emplacement du crédit mutuel.
(21) Libelle de A. Commard, Musée Condé FA-25, p.12. Les accusations sont précises et justifiées, car par exemple la prise du 24 juillet comportait 1.600 livres de tabac.
(22) Libelle de A. Commard, Musée Condé FA-15, p.3. Faut-il comprendre « bois de campêche » plutôt que « bois de campagne » ?
(23) André Commard de Puylorson « Description topographique de l’île de Noirmoutier » 1767, p.103. Les particuliers hostiles au gouverneur sont les Maublanc, Marchais, Joseph Massson. La veuve des Isleaux- Guignard, André Viaud vont effectivement perdre de l’argent par les saisies des marchandises prohibées. Pierre Maublanc du Bois-boucher et son beau-frère Pierre Marchais durent quitter l’île définitivement.
(24) François et Julien Piet « Mémoires sur l’île de Noirmoutier, p. 359.
(25) Claude Bouhier : « Les débuts du premier de la lignée des Jacobsen à Noirmoutier », Lettre aux Amis n°81, 1991.
(26) Libelle de A. Commard, Musée Condé, FA-15, p.6.
(27) François et Julien Piet « Mémoires sur l’île de Noirmoutier, p.534 (addition de Jules Piet.
(28) Libelle de A. Commard, Musée Condé, FA-15, p.6.
(29) Libelle de A. Commard, Musée Condé, FA-15, p.6. Tous les évènements liés à l’arrivée de C. Jacobs sont relatés par le menu mais sans hargne réelle contre lui. Il avait amené de Dunkerque 21 boucauts de tabac, quantité considérable. Ce terme « boucault » est à rapprocher du lieu-dit « le Boucaud » en face du port, cité dès le XVIIe siècle.
(30) Claude Bouhier : « Les débuts du premier de la lignée des Jacobsen à Noirmoutier ». Lettre aux Amis n°81, 1991, p. 13. Les affaires commerciales ci-dessus sont tirées d’un livre de compte de c. Jacobs (collection particulière). Baizeau, Masson, Pholbert Madra et Louis Bodin sont des capitaines noirmoutrins. Franchois est inconnu de nous.
(31) André Commard de Puyrloson « Description topographique de l’île de Noirmoutier, 1767, p. 105.
(32) Libelle de A. Commard, Musée Condé, FA-15, p.7. Sottises est un terme très fort en parler noirmoutrin du XVIIIe siècle. L’ivrognerie était extrêmement fréquente.
(33) Echo de Saint Filibert n°27 – 1 er février 1900 : « Le tabac à Noirmoutier aux XVIIe et XVIIIe », note en appendice émanant du petit-fils de François Piet.
(34) François et Jules Piet « Mémoires sur l’île de Noirmoutier », p. 353.
(35) – (36) Minutes de César Joubert, notaire à Noirmoutier.
(37) Minutes de René Michon, notaire à Noirmoutier. Le navire est espagnol, la cargaison est énorme. A titre de comparaison, les 21 boucauts de C. Jacobsen en 1740 pesaient à peu près 5 tonnes métriques permettant de faire beaucoup de cigarettes d’un à deux grammes chacune.
(38) Audiences à l’extraordinaire Archives Amis de Noirmoutier SE1d. Le mot « Hâvre » désigne ici le « hâvre de Luzan » qui était la rade d’attente située à l’emplacement actuel des marais de Mullemburg.
(39) Audiences à l’extraordinaire. Archives Amis de Noirmoutier SE1d.
(40) 29/07/1750. Présence de Louis Poignant, marchand de Jersey – Saint Hélier (Assises à l’extraordinaire, Archives Amis de Noirmoutier SE1d ; 18/07/1752. Présence de Salomon Lauga, négociant à Guernesey. Ordre à C. Jacobs d’Isaac Dobrée, négociant à Guernesey (Minutes de César Joubert) ; 22/05/1759. Lettre de change de 273 £ 16 s de Salomon Lauga sur Pierre Masson qui refuse de la payer à C. Jacobs Minute de Me Lebreton) ; 23/01/1764. Salomon Lauga oblige les Rorfhais à vendre plus de 10.000 livres de terres (Minutes de J.R. Palavadeau).
(41) Minutes de J.J. Michon.
(42) Assises à l’extraordinaire. Archives Amis de Noirmoutier SE1d.

 


 

Cahiers d’histoire des douanes françaises

 

N° 25

 

1er semestre 2002

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