Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

La masse des brigades des douanes : un aperçu historique

Mis en ligne le 1 mai 2023
La Masse a fait l’objet d’une importante réorganisation en 1997. Organisme deux fois centenaire elle mérite que l’on s’intéresse à son histoire, sans laisser dans l’ombre ses points faibles et en rappelant ses grandes heures et ses grandes oeuvres.
L’un de nos adhérents, Michel Sarraute a entrepris de retracer, l’histoire de cette institution à laquelle les douaniers sont restés très attachés. Nous publierons dans les Cahiers de l’AHAD une série d’articles (*) fruits de ses recherches. Dans ce numéro on lira un rappel des grandes étapes de l’histoire de la Masse.

 

NDLR Cahiers -2000

 

 

 


 

La date de création de la Masse ne peut pas être déterminée avec précision. Calquée en partie sur la Masse des Armées, elle voit le jour en même temps, ou tout au moins à la même époque, que la Régie des douanes. Lorsque l’Assemblée constituante, prenant en considération les récriminations et les vœux contenus dans de nombreux cahiers de doléances, supprime la Ferme générale, elle se préoccupe aussitôt d’organiser une administration qui doit prendre la place de la Ferme, d’implanter un cordon douanier aux frontières du royaume et de mettre en vigueur des règles précises destinées à contrôler le commerce extérieur. C’est la loi du 22 août 1791(1), considérée comme le premier Code des douanes.

 


Les impératifs de l’heure étaient principalement d’assurer l’efficacité de cette nouvelle administration sur le plan légal, et l’on ne s’inquiète donc guère ni de l’équipement, ni des conditions de vie des douaniers. Les préposés de la Régie ont droit au port d’armes, mais il n’est pas prévu qu’ils porteront un uniforme.

 

La loi prescrit seulement que les préposés doivent porter, comme signe distinctif de leurs fonctions, un écusson sur lequel on lit les mots : « La Nation, La Loi, Le Roi — Police du Commerce Extérieur ». L’écusson, une plaque métallique, était fixé sur un baudrier ou une bandoulière (2).

 

On notera que le mot « douane » n’apparaissait même pas (3). La loi prévoit par ailleurs que les communes doivent faciliter l’installation des bureaux de douane et des autres locaux nécessaires à l’implantation du service aux frontières. Par extension, et à la suite de nombreuses difficultés rencontrées par les agents pour se loger, les gabelous ayant toujours mauvaise réputation, on précisera plus tard que les logements des agents sont inclus dans ces locaux, mais cela ne suffira pas à résoudre les difficultés de logement des douaniers.

 

Au début de son ouvrage intitulé : « La Masse des brigades des Douanes », Fouré écrit en 1931 : « Dés la création de la Régie des Douanes, le personnel des brigades se voyant incapable, avec ses faibles émoluments, de suffire aux besoins de son existence, eut l’idée de fonder, dans chaque circonscription, une caisse ou une masse commune, à l’aide de cotisations ou de prélèvements effectués, soit sur les traitements, soit sur les parts de saisie. Cette caisse servit tout d’abord à payer les comptes des fournisseurs de l’habillement et de l’équipement.

 

Puis, grâce à un système d’abonnement, elle procura aux agents les soins des médecins et des pharmaciens. Enfin elle leur assura un logement à bas prix dans quelques localités ou les loyers étaient trop onéreux. Ce fut ainsi que prit naissance pendant les guerres de l’Empire, le service des Masses qui, dés l’origine, revêtit un caractère de mutualité ». Pallain (4) et Duverger (5) dans leurs ouvrages sur la douane, évoquent les origines de la Masse selon une chronologie un peu différente et plus conforme à la réalité, Fauré s’en tenant aux dates auxquelles les réglementations officielles sont intervenues.

 

Aucune source précise, aucun texte ne pouvant être cité, depuis plus d’un siècle et demi chaque auteur donne une version plus ou moins directement inspirée des écrits de ses prédécesseurs ou rapporte ce que la tradition orale transmet de génération en génération. Par nécessité il est certain que les douaniers se sont très tôt organisés pour se loger, eux et leurs familles, et se procurer les équipements indispensables à l’exercice de leur métier. Très vite ils instituèrent ce qui devait devenir le service de santé. Le tout fonctionnait grâce à des prélèvements effectués chaque mois sur les salaires. Toutefois ces cotisations n’étaient pas harmonisées au niveau national et leur gestion n’était pas assurée par l’administration mais par les agents eux-mêmes.

 

La Masse est incontestablement une création du personnel, d’inspiration mutualiste. Elle a toutefois été très vite prise en main par l’administration. Placée sous l’autorité des officiers, et plus précisément des capitaines, la gestion les fonds ne paraît pas avoir été sans défaut (6). Considérant que la Masse était utile, on estima souhaitable de ne pas la laisser péricliter. Les premières instructions, concernant la masse d’armement, datent de 1796.

 

En 1800 un arrêté décrit pour la première fois ce que les douaniers de tous grades devront porter. Le livret individuel, sur lequel sont inscrites les retenues et, en regard, les fournitures acquises par l’agent, est créé en 1807 (7).

 

Ce n’est toutefois qu’en 1813 et 1815 que, sans apporter de modifications aux principes de base de son fonctionnement, il est décidé que la Masse sera gérée par l’administration dans des conditions telles que son autonomie est toutefois préservée. La circulaire de 1813 précise les règles à respecter pour « rendre l’armement et l’équipement des préposés uniformes sur toute la ligne », confie « aux directeurs le droit de passer les marchés et de régler seuls l’emploi des fonds de masse, » et « subordonne les comptes généraux de masse à l’examen d’un conseil d’administration » (qui prendra le nom de conseil d’équipement), dans lequel « les préposés seront représentés par leurs chefs immédiats ».

 

En 1815 le directeur général rappelle que l’on ne doit « considérer la gestion des Masses que sous deux rapports : le bien du service et l’intérêt des préposés. » Pour cela il convient de « fixer les incertitudes, d’assurer l’uniformité parfaite des écritures et de la gestion, et de ne rien laisser à l’arbitraire. »

 

De nouveaux livrets individuels sont mis en service, les caractéristiques des uniformes sont redéfinies, l’armement et l’équipement sont sommairement décrits (8). Il n’est question ni du casernement ni du service de santé. En revanche on voit clairement apparaître dans ces textes les notions de : masse individuelle : constituée par les retenues mensuelles et sur laquelle sont imputées les dépenses liées à la fourniture des effets d’uniforme et de l’armement, les sommes restantes demeurant la propriété individuelle de chaque agent ; – masse globale ou bon de masse ou boni : destinée à couvrir les frais de gestion, elle est alimentée par « l’actif de masse des préposés destitués ou démissionnaires et l’excèdent en matière provenant des bons de coupe, remises et plus values ».

 

Au fur et à mesure que le système s’étoffe et se perfectionne, la Masse, toujours financée uniquement par les douaniers, devient une véritable institution, placée sous la tutelle de l’administration, qui, si elle ne lui verse aucune subvention, participe très tôt à la constitution de son patrimoine immobilier en lui affectant des bâtiments, provenant souvent de l’ancienne Ferme générale. Le domaine d’intervention de la Masse, telle qu’elle fonctionne après sa prise en charge par l’administration s’étend progressivement : en 1800 un arrêté décrit pour la première fois l’uniforme que les douaniers de tous grades devront porter; en 1807 le livret individuel est institué; en 1821 ce sont les premières décisions concernant le service de santé avec la nomination des médecins des douanes et, en 1838, après une période transitoire qui dure depuis 1814, l’organisation du casernement, qui était pourtant à l’origine de la Masse, est entièrement mise en place.

 

À partir de cette date et, jusqu’à la grande réforme de 1908, la Masse connaît son âge d’or. Elle dispose de fonds propres importants, sans que l’État lui verse la moindre subvention, et elle fonctionne sans difficulté à la satisfaction de tous. Ses moyens sont suffisamment importants pour qu’elle puisse acquérir des bâtiments à usage de casernes et des terrains sur lesquels sont ensuite construites des casernes. (9)

 

Une profonde réorganisation intervient en 1908. Pourquoi cette réforme alors que la Masse est florissante?

 

Malgré les apparences l’institution a mal vieilli car elle n’a pas suivi l’évolution des mentalités ni celle du droit. Les sociétés mutuelles, se sont multipliées depuis que la loi a fixé les règles de leur fonctionnement. Elles sont gérées par leurs membres dans des conditions qui permettent à ceux-ci de contrôler la bonne utilisation de leurs fonds. Les douaniers, qui n’ont aucun droit de regard sur les fonds de la Masse, se demandent si l’administration, qui gère sans les consulter des ressources qui leur appartiennent en propre, ne profite pas de cette situation pour utiliser ces fonds pour des opérations n’ayant rien à voir avec la Masse.

 

Par ailleurs l’administration a dû répondre à plusieurs reprises à des observations de la Cour des comptes, et les juristes, ainsi que certains parlementaires, ont émis des critiques répétées à l’égard de la Masse, cet organisme sans réalité légale, un « organisme de fait consacré par l’existence de plus d’un siècle » (10).

 

La Masse gère un parc immobilier très vaste, dont elle est, théoriquement, en partie propriétaire, mais elle n’est pas dotée de la personnalité civile. Elle ne peut donc ni acheter, ni vendre, ni ester en justice ! Ce qui n’avait guère inquiété bon nombre d’administrateurs et de juristes durant des décennies !

 

Enfin les douaniers n’acceptent plus que leur argent, celui du boni individuel notamment, qui est déposé dans les caisses du Trésor public, ne leur rapporte rien alors que les obligations d’État sont rémunérées, à 3% en général, depuis plusieurs années. Le directeur général écrit d’ailleurs dans une note au ministre en 1907, « Les fonds de la Masse sont toujours restés improductifs dans les caisses du Trésor… ces sommes grossissaient les fonds de roulement du Trésor diminuant d’autant les emprunts qu’il avait à émettre.

 

On entreprend de réformer la masse en profondeur pour régulariser sa situation en lui donnant un statut légal. La solution qui parait la plus simple consiste à faire de la Masse un service administratif classique. Encore faudrait-il trouver une solution juridique pour donner une affectation aux biens de la Masse, les casernes et les mobiliers, ainsi qu’au boni. Et cela n’est pas une mince affaire! Sur le plan du droit on se heurte en effet à une difficulté théoriquement insurmontable : les biens de la Masse appartiennent à tous les douaniers vivants qui ont apporté leur contribution sous la forme des retenues mais également à tous ceux qui dans l’avenir entreront dans la Masse. Cela peut apparaître comme une fiction mais s’agissant d’une institution exceptionnelle et, compte tenu du poids des traditions, tout ce qui pourrait être considéré comme une dépossession risque de provoquer de violentes protestations de la part des douaniers. D’autant que l’inspection des finances elle-même a conforté cette thèse en écrivant que si l’administration prenait possession des biens de la masse sans dédommagement cela pourrait être assimilé à une véritable spoliation.

 

 

Le directeur général fait procéder à une longue étude qu’il présentera au ministre et dont il défendra les conclusions, ainsi que certaines propositions qui en découlent, devant les parlementaires à. l’occasion de la discussion du budget de la douane en octobre 1907.

 

Le parlement, bien intentionné à l’égard des douaniers grâce aux interventions chaleureuses de plusieurs députés, avalise les propositions du ministre. Mais la réforme n’est pas aussi complète que celle qu’avait proposée le directeur général Delanney. Pour l’essentiel le système reste en place tel qu’il fonctionnait auparavant.

 

La question de la personnalité juridique n’est pas réglée. Elle n’est même pas évoquée au parlement. Ce n’était d’ailleurs pas la raison principale pour laquelle le directeur général avait proposé cette réforme. Son souci était de répondre aux demandes d’augmentation de traitement des brigades. Souhaitant donner satisfaction à ses troupes il sait aussi qu’il ne peut pas trop demander au budget car il a déjà obtenu, en juin 1907, un million de francs pour « indemniser le personnel des brigades de ses frais d’habillement et de petit équipement. » Pour ne pas avoir à demander une nouvelle augmentation de crédits il envisage de faire supprimer toutes les retenues ce qui équivaudrait à augmenter les traitements d’autant. Et pour faire face aux dépenses de santé on puisera dans les ressources constituées par le boni général, car il n’est pas question de loger les douaniers gratuitement et par conséquent les excédents dégagés dans la gestion du casernement subsisteront, pense-t-on, comme par le passé.

 

Un arrêté en date du 25 février 1908 met à la charge du budget de l’État la fourniture des uniformes, assure la gratuité totale du service de santé aux douaniers et à leurs familles, supprime les cotisations et retenues correspondantes, que les agents versaient depuis plus d’un siècle et attribue à la masse une subvention annuelle. En outre les fonds du boni général sont désormais déposés à la Caisse des dépôts et consignations et deviennent productifs d’intérêts. Quant au boni individuel il est remboursé aux douaniers (11).

 

Ces profondes modifications n’eurent pas l’effet souhaité. Certaines étaient d’ailleurs illogiques et l’on pouvait prévoir que de nouvelles difficultés ne manqueraient pas de survenir rapidement ce qui fut effectivement le cas. Le service de santé continue à coûter de plus en plus cher, l’entretien et la modernisation des bâtiments également. Le boni annuel, dans lequel il avait été prévu de puiser pour financer le service de santé, se révèle vite insuffisant et la subvention budgétaire doit être augmentée chaque année.

 

Dès 1913 une commission, placée sous la présidence d’un inspecteur général des finances, est chargée, de rechercher des remèdes et des solutions pour résoudre les problèmes financiers que pose la gestion de la Masse. Son rapport n’est guère suivi d’effet pour la simple raison que l’on ne met pratiquement en place aucune des mesures proposées. Une deuxième commission est créée en 1916. La période n’est sûrement pas très bien choisie. Cette commission ne propose rien; ses travaux sont interrompus sans raison précise.

 

D’autres commissions seront constituées après la guerre en 1923 puis en 1934. Leurs propositions de réforme, très proches les unes des autres, seront partiellement appliquées mais il ne sera jamais mis fin au statut particulier de la Masse qui demeure un organisme sans existence juridique, dont le budget n’est pas soumis au parlement mais qui ne peut cependant exister que grâce à une subvention budgétaire.

 

Depuis la réforme de 1908 des représentants du personnel siègent dans les conseils de Masse nouvellement créés au niveau régional et national. Même s’ils sont désignés par tirage au sort et ne seront élus qu’a partir de 1925 (12), il s’agit là d’une avancée importante qui répond à une revendication déjà ancienne des douaniers. Dés cette époque et plus encore lorsque les fonctionnaires seront autorisés à constituer des syndicats professionnels, l’administration devra tenir compte des propositions et des revendications des douaniers pour gérer la Masse. Et après la seconde guerre mondiale les organismes paritaires conseils de Masse, commission restreinte et commission de vérification des comptes, exerceront un contrôle efficace et joueront un rôle important dans la mise en œuvre de toutes les réformes.

 

La période de l’entre-deux guerres, 1919 -1939, sera principalement marquée par les difficultés du service de santé. Les prix des médicaments et les honoraires des médecins augmentent sans arrêt et les douaniers, comme tous les Français, se soignent de plus en plus et de mieux en mieux. Les revendications des agents auront presque toutes pour objet d’étendre la liste des médicaments et des traitements remboursables. Alors que, pour éviter un déficit trop élevé qui n’aurait pu être comblé que par une très forte subvention budgétaire, ce qui n’aurait pas manqué d’attirer fâcheusement l’attention du parlement, l’administration est contrainte de diminuer le taux des remboursements.

 

De 100 % en 1908, les remboursements seront modulés, à partir de 1924, entre 40% pour les célibataires et 80% pour les familles de 5 enfants et plus. Certes les prélèvements de 1,5% à 2 % sur les salaires ont été supprimés mais il n’est pas certain qu’en définitive et globalement les agents ont été gagnants, les sommes laissées à leur charge dépassant certainement souvent le montant des prélèvements tels qu’ils existaient avant 1908.

 

À partir de 1940, et pendant près de 7 ans, les conseils de Masse ne se réunissent plus; les douaniers comme tous les Français ont d’autres soucis et d’autres préoccupations ! Les institutions recommencent à fonctionner en 1946. Une nouvelle grande étape est franchie avec la création de la sécurité sociale qui entraîne la disparition du service de santé dont l’existence ne se justifie plus. Le domaine d’intervention de la Masse se trouve réduit au casernement.

 

150 ans se sont écoulés et l’on en revient à la Masse des origines. Dans de nombreuses localités les casernes ont été détruites ou endommagées ou sont dans un très mauvais état faute d’entretien. La crise du logement sévit. Plus que jamais les douaniers défendent le casernement. Au cours de tous les conseils de Masse des années 50 les représentants du personnel manifestent par des voeux répétés leur souhait de voir les constructions et les achats de casernes progresser rapidement.

 

La subvention budgétaire est importante mais, même additionnée aux loyers versés par les agents casernés et aux indemnités versées, non sans réticence, au titre des dommages de guerre par le ministère de la reconstruction, les fonds disponibles sont insuffisants. Reconstructions, constructions nouvelles, modernisation des vielles casernes, les besoins sont immenses.

 

Après plus de dix années au cours desquelles on tente vainement de venir à bout de la quadrature du cercle, c’est en 1960 qu’une nouvelle orientation est donnée à la Masse par le biais de la convention CILOF.

 

La Masse va pouvoir à partir de cette époque obtenir des prêts de la Caisse des dépôts et consignations et faire construire des logements dont elle deviendra propriétaire une fois les prêts remboursés, c’est-à-dire 20, 25 ou 30 ans plus tard. Ces logements, de type HLM de bon niveau, seront construits un peu partout en France, principalement dans les zones frontalières mais également dans les grandes agglomérations. Cela ira de la petite unité de 4 à 5 appartements aux casernes, car le terme reste en vigueur, abritant 100 à 200 familles comme à L’Hay les Roses, Tremblay ou Boissy-Saint-Léger dans la région parisienne.

 

L’administration s’est en fait lancée dans une politique du logement qui lui permet de fournir à bon nombre de ses agents des logements de fonction dont les loyers sont nettement inférieurs a ceux du secteur privé. Des règles d’attribution très précises sont édictées alors que l’obligation de casernement (13) tend de plus en plus à disparaître, et l’on en arrivera bientôt à admettre couramment les agents du service sédentaire dans les casernes lorsque des logements seront laissés vacants par les agents des brigades.

 

En 1980 la distinction entre service des bureaux et service des brigades disparaît. Tous les douaniers ont dès lors accès à la Masse et la première mise n’est plus versée par tous les agents des brigades entrant dans les cadres, mais seulement par les agents de toute catégorie, qui obtiennent pour la première fois un logement de Masse.

 

La Masse n’a plus que deux caractéristiques originales : la première mise et le secours de masse qui vient en déduction du loyer pour les familles les plus modestes. Mais on ne raye pas d’un trait de plume une vénérable institution presque bicentenaire La dernière étape sera franchie en son temps après mure réflexion par la création d’un établissement public, ce qui avait été préconisé plusieurs dizaines d’années auparavant par la commission de 1934.

 

Certes on peut se demander ce que serait devenue la Masse sans l’aide de l’État qui lui verse chaque année, depuis 1908, une substantielle subvention et lui a attribué à titre gratuit de nombreuses casernes, des bâtiments domaniaux, dont il assure l’entretien, tout au moins en ce qui concerne les grosses réparations. Il est donc évident que le système n’aurait pas pu ou pas du se maintenir si l’État n’avait pas renfloué ses caisses et que la Masse aurait du normalement disparaître depuis longtemps comme toute entreprise déficitaire. Mais il est tout aussi indéniable que cet organisme original, et auquel les douaniers étaient, à juste titre, très attachés par tradition ne serait-ce que parce qu’ils l’avaient créé et alimenté financièrement pendant très longtemps, mais aussi, évidemment, en raison des incontestables avantages qu’il leur procurait, n’a cessé de contribuer au bon fonctionnement de l’administration des douanes. D’autres organismes analogues ont existé mais la Masse des douanes était sans aucun doute une institution originale et d’avant-garde. Son évolution récente était cependant inéluctable et sa transformation en établissement public, qui avait déjà été envisagée plus d’un demi-siècle auparavant, se place dans la perspective logique d’une gestion moderne.


 

 

Pour consulter l’article  » La personnalité juridique de la Masse » merci de cliquez ici .

 


(1) La Loi du 22 août et les décrets des 28 juillet, 2 et 6 août 1791 « Pour l’exécution du nouveau tarif des droits d’entrée et de sortie dans les relations du royaume avec l’étranger, » que l’on considère comme le premier code des douanes, traite très rapidement des insignes que doivent porter les préposés, du port d’armes et du logement des bureaux : Titre XIII art. IV- « Les bureaux de recette pourront être placés dans les maisons qui seront les plus convenables au service public et à celui de la Régie. » art. XV- « Les préposés de la Régie auront, pour l’exercice de leurs fonctions, le port d’armes à feu et autres. » art. XVI- « Les préposés porteront un écusson: La Nation La Loi et Le Roi/Police du commerce extérieur. »
(2) Le Musée de Bordeaux possède plusieurs de ces plaques.
(3) Sur les débuts difficiles de la Régie des Douanes en 1791-92, on lira les articles de Jean Clinquart dans le n° 10 des Cahiers de l’AHAD. page 35, « Les douanes en péril. »
(4) Pallain- 1897- pp. 454, 467,468.n° 2215 : « Jusqu’en 1800 on ne trouve, dans les instructions de l’administration, aucun indice dénotant qu’au moment de l’organisation du service actif des douanes on se soit préoccupé, en dehors des traitements, de la situation matérielle ni même de la tenue des brigades. » n° 2248 : « Le casernement a été pratiqué dés la création du service des Douanes. Les premiers essais en sont dus à l’initiative personnelle des agents. Quelques ménages de préposés, en vue de se procurer des logements à meilleur compte, se réunirent pour louer en commun une maison, chacun d’eux supportant une partie du loyer proportionnel au nombre de pièces qu’il occupait. » n° 2239 : « Le service de santé, cette utile institution, date paraît-il des premières années du siècle. Quelques brigades, placées dans des cantons malsains, ont fait tout d’abord un abonnement avec le médecin ou l’officier de santé du pays. Puis, afin d’assurer le payement régulier de l’abonnement, les agents se sont volontairement soumis à une retenue mensuelle. »
(5) Duverger- 1858- p. 241 « : L’esprit d’association, que l’intérêt fait naître dés que plusieurs hommes sont groupés, a créé les casernes des douanes. Plusieurs ménages se sont réunis pour louer une maison, puis les caprices amenant des chômages, le propriétaire a dû demander l’intervention du capitaine pour assurer son loyer; de là est venue la retenue mensuelle, enfin la comptabilité officielle. »
(6) Pallain p. 454- n° 2216: «… l’ensemble du système était tellement défectueux, et, à défaut de contrôle, les dilapidations les abus de toutes sortes se multiplièrent à tel point que l’administration dut intervenir pour y mettre un terme et régulariser la gestion des fonds de masse. »
(7) Les douaniers devaient non seulement s’habiller à leurs frais mais également acheter leurs armes un fusil et un sabre briquet, ainsi que des cartouches. Il en fut ainsi, théoriquement, jusqu’en 1908. En réalité à partir de 1875, lorsque les bataillons douaniers seront organisés militairement, les armes seront fournies par l’armée.
(8) La plus grande fantaisie régnait pendant la période révolutionnaire et jusque sous l’Empire. Il fallut de nombreuses décisions et instructions plus au moins comminatoires pour parvenir à une situation qui ne fut apparemment jamais parfaite durant le premier tiers du XIXe siècle.
(9) De grandes casernes ont été construites au XIXe siècle, notamment au Havre en 1846 et celle de Marseille, qui ne fut inaugurée qu’en 1903. Elles abritaient chacune des centaines de familles et l’on y trouvait une école primaire, une infirmerie/dispensaire, des lavoirs, des bains douches, des salles de réunions, un réfectoire pour les célibataires, une coopérative etc.
(10) Toubert- « De la condition juridique des biens de la masse » 1901.
(11) Le montant total de l’actif, ou boni, individuel est resté en permanence supérieur à 1 800 000 F à partir de 1868 (en moyenne 130 F par agent, soit environ un mois et demi de salaire d’un préposé). C’est cette somme qui sera intégralement remboursée aux douaniers en 1908, chacun percevant la somme restée inemployée inscrite sur son livret individuel.
(12) Le droit de créer des syndicats professionnels ne fut reconnu qu’en 1884 sauf aux fonctionnaires qui ne urent se syndiquer qu’à partir de 1925,
(13) À partir de 1815, l’administration impose progressivement aux douaniers l’obligation d’habiter dans les casernes partout ou il en existe. Cette obligation sera bien acceptée dans l’ensemble car elle s’assortissait d’avantages non négligeables : des loyers modérés et des logements à proximité immédiate du siège de la brigade. On estimait en outre que l’on était ainsi prémuni contre le risque de voir les douaniers se lier d’amitié avec la population au risque de perdre leur indépendance. Par ailleurs les officiers avaient en permanence sous la main un nombre important de leurs hommes qu’ils pouvaient rapidement rassembler pour les lancer à la poursuite de contrebandiers qui auraient franchi la frontière en force. Il n’a jamais été démontré que ce genre de situation se serait produit fréquemment et la masse n’a de toute façon jamais pu loger plus du tiers des préposés.

 


 

 

Cahiers d’Histoire des douanes

et droits indirects

 

N° 22

 

1er semestre 2000

 


 

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