Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Douane et philatélie: une illustration de l’histoire des douaniers
Nous reproduisons ici un article de « La Vie de la Douane » relatant l’exposition philatélique réalisée, en novembre 1976, pour l’émission du timbre poste « douane » (pour consulter l’enveloppe « Premier jour « , un des documents émis à cette occasion par l’Association pour l’histoire de l’administration des douanes, cliquez ici)
L’équipe de rédaction
Faire revivre, à travers le timbre et les marques postales, l’histoire des douaniers solidement ancrés dans la vie quotidienne de leur temps, tel était le point de départ d’une importante exposition présentée deux jours durant au pavillon Colbert du ministère de l’économie et des finances à l’occasion de la sortie du timbre «douane».
Placée sous l’égide de l’Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes, cette manifestation a été préparée par un comité d’organisation, composé exclusivement de douaniers, animé par Monsieur Kippelen, receveur principal régional à Paris. Tout au long des deux longs mois qui précédèrent, ces hommes et ces femmes ont dû résoudre des problèmes multiples pour finalement réussir à séduire à la fois les philatélistes et les amateurs d’histoire douanière, par la qualité et l’originalité des documents présentés.
L’exposition s’ouvrait sur une remarquable sculpture sur bois, à l’effigie de Saint-Mathieu, œuvre de l’agent de constatation des brigades, Roger Versaveaux. Le contrôleur des péages et d’impôts à Carpharnaüm, aujourd’hui patron des douaniers, était à nouveau le témoin privilégié d’une nouvelle pêche miraculeuse : des marques postales totalement inédites et un ensemble de documents historiques et philatéliques de grande valeur.
On ne pouvait pas omettre d’associer St Mathieu Sculpture sur bois de Roger Versaveaux à ce bref retour aux sources, Colbert et Napoléon. Les deux timbres qui leur ont été consacrés figuraient en bonne place aux côtés de Saint-Mathieu. Si le premier fut en effet, en 1664, le grand réformateur d’un système douanier véritablement archaïque, le second, tout en créant le premier poste de directeur général des douanes en 1801, devait donner aux services douaniers un rôle primordial dans l’application du blocus continental.
Tandis qu’en décembre 1807 on armait à Dunkerque et à Boulogne des «smogleurs» chargés officiellement d’aller faire la contrebande sur les côtes anglaises, la fraude faisait rage sur les frontières de l’Empire dont l’étendue atteint en 1810 deux mille lieues et sur lesquelles «vingt mille douaniers avaient à défendre un cercle menacé par plus de cent mille contrebandiers en activité continuelle» (mémoire d’un ministre du Trésor public, Comte Mollien). La contrebande devient alors un crime et la répression se durcit.
Consultez ici l’encadré intitulé « Le crime de contrebande » par Roger Corbaux
Consultez ici l’encadré intitulé « Survivances historiques des frontières de 1812 – les marques postales » (NDLR)
Grâce aux importantes et patientes recherches de Monsieur Corbaux inspecteur principal à Metz, le. visiteur était amené à suivre, dans une série de vitrines, les différentes étapes d’une procédure judiciaire engagée, par les juges de l’une de ces Cours prévôtales siégeant à Nancy ; en 1812, pour crimes d’entreprise de contrebande. L’ensemble des documents présentés, à caractère douanier (procès-verbal, déclaration en douane…) judiciaire (mandat de dépôt, ordonnances…) ou philatélique (correspondances, marques postales…) rendait possible l’analyse du déroulement d’un procès dans toute sa rigueur et dans toute sa force.
C’est l’époque où l’action douanière doit s’exercer pleinement: malheur aux contrebandiers ! Les arrêts des cours prévôtales sont exécutoires dans les vingt quatre heures, sans possibilité d’appel ou de pourvoi et peuvent aller jusqu’à la peine de mort. Il y va de la sécurité de l’Empire.
De nombreuses marques postales inédites de 1812 et 1813, pièces rares de collections personnelles de Messieurs Alex et Jean Varga, rappelaient la présence des services douaniers à Hambourg, Trieste, Bâle, Lerida, Amsterdam, etc…
L’épisode, plus récent, de la première guerre mondiale est le point de départ d’une recherche fort intéressante, effectuée par Monsieur Kippelen sur les oblitérations alsaciennes et les correspondances transfrontières de la croix rouge montrant que même pendant les évènements les plus troublés, le courrier a pu être acheminée au-delà des frontières.
Ainsi en août 1914, les troupes françaises lancent une offensive en Alsace qui n’aboutit pas mais permet néanmoins de reconquérir une zone comprenant quatre vingt treize communes. Cette zone se trouvant sur la ligne du front, il était impossible de rétablir un service postal civil.
Le seul service postal organisé existant dans la région était celui du détachement de l’armée des Vosges. A partir du 6 octobre 1914, les deux bureaux de payeur numéros 42 et 212 se chargèrent de transmettre les lettres écrites par la population civile.
Au début de 1915, furent créés cinq bureaux de poste à l’usage exclusif des civils, mais gérés par des militaires : Moosch, Wesserling (1er février) Thann Dannemarie, Massevaux (11 février). Chacun de ces bureaux disposait d’un cachet, simple cercle indiquant le nom de la localité et portant la mention «Alsace». Enfin, le 1er décembre 1916, fut ouvert le bureau de Montreux-Vieux.
Les cachets postaux de ces différents bureaux figuraient sur de nombreuses correspondances exposées.
Aujourd’hui la frontière n’est plus le théâtre d’affrontements armés mais les douaniers n’en continuent pas moins d’exercer les nombreuses missions qui incombent à une administration moderne. Le timbre comme chaque fois, est associé à une part importante de l’histoire et de l’action douanière.
Que ce soit en commémorant le rattachement de la Savoie et du Comté de Nice à la France, ou en rappelant le sauvetage en mer, la lutte contre les trafics de stupéfiants ou du développement du commerce, l’action prépondérante prise dans ces domaines par le douanier d’aujourd’hui.
Cet ensemble de documents proposait au visiteur le portrait d’une certaine réalité douanière. Image traditionnelle de l’homme de frontière, à laquelle étaient associés Zola, surnuméraire à la douane centrale et Valery dont le père, rappelons-le était vérificateur des douanes.
Dans l’esprit de ce retour à la tradition, la célèbre aquarelle de Dufy «la musique des douanes au Havre» gracieusement prêtée pour la circonstance par le musée des beaux arts du Havre ajoutait une touche artistique prestigieuse à cette manifestation peu ordinaire, pas seulement une exposition : une page illustrée de l’histoire des douaniers.
Les documents présentés à l’exposition relatifs aux crimes de contrebande ont été aimablement communiqués par Monsieur Gérard directeur du service départemental des archives de Meurthe et Moselle.
La Vie de la Douane
n°170
Décembre 1976