Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Au lendemain de la saisie du « Caprice des Temps »: la douane à l’honneur

Mis en ligne le 1 mai 2022

 

 

Dans notre édition de mars dernier, nous annoncions la publication du Numéro 74 des « Cahiers d’histoire des douanes et droits indirects » entièrement consacré au récit de la saisie du « Caprice des temps », succès majeur de la douane française dans la lutte contre le trafic de drogue à l’époque de la « French Connection ». Cette publication est désormais disponible (*).

 

Nous proposons ici, cinquante ans après cette saisie exceptionnelle, un «Echo d’histoire » relatant la cérémonie qui s’est déroulée le vendredi 23 Juin 1972 à l’Ecole Nationale des Douanes de Neuilly. Les  discours prononcés à cette occasion ont été publiés dans la revue professionnelle « La Vie de la Douane »  en 1972. Les photographies, inédites, sont d’Aimé Pommier (**),

 

Ce jour là, M. Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre de l’Economie et des Finances, remettait à plusieurs agents des douanes les distinctions de Chevalier de l’Ordre National du Mérite en témoignage de leur action menée dans la lutte contre le trafic de la drogue. 

 

 

 

Sur la photo ci-dessus, de gauche à droite se trouvent: 1- M. Benoit, chef des recherches DNED Marseille. 2-  Brigadier De Angelis  . 3 – Jean Carré. 4- Alain Prate, directeur général des douanes. 5- Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances. 6- André Pignot, chef de la DNED Paris. 7- René Navrault, inspecteur recherches DNED Paris.

 

En soulignant que « le retentissement de leur succès a eu véritablement une dimension nationale », le Ministre avait tenu à dire combien il était « frappé dans un certain nombre de circonstances par la rapidité, l’efficacité, la discipline avec lesquelles l’Administration des Douanes répondait à l’apparition de circonstances économiques ou monétaires qui rendait son intervention particulièrement importante et particulièrement urgente»…

 

L’équipe de rédaction

 


 

Visite officielle de M. Valéry Giscard d’Estaing

à l’Ecole Nationale des Douanes

(La vie de la Douane – Décembre 1972)

 

M. le Ministre de l’Economie et des Finances a effectué le vendredi 23 Juin 1972 une visite à l’E.N.D. au cours de laquelle il a inauguré les nouveaux bâtiments,

 

Entre deux rangs d’une garde d’honneur constituée par une délégation des élèves de l’Ecole des Brigades de La Rochelle. MM. Prate, Directeur Général des Douanes et Droits Indirects, Touzelet, Administrateur Civil, et Clinquart, Directeur des Ecoles, accueillaient M Valéry Giscard d’Estaing, accompagné de M. Pérebeau, chargé de mission au Cabinet du Ministre.

 

A I’entrée du nouveau bâtiment, le Ministre devait couper le ruban tricolore, et dévoiler une plaque commémorant cette journée, Après une rapide présentation des nouvelles installations, M Prate, en présence du Conseil d’Administration, prononça devant I’assemblée des Directeurs, des personnels de la Direction Générale, des représentants des élèves et auditeurs étrangers, ainsi que du personnel permanent de l’Ecole, une allocution de bienvenue.

 

Au cours de cette cérémonie qui clôturait la réunion annuelle des Directeurs, M. Valéry Giscard D’Estaing, après avoir répondu au Directeur Général, remettait à cinq agents de notre Administration les distinctions de Chevalier de l’Ordre National du Mérite en témoignage de leur action menée dans la lutte contre le trafic de la drogue.

 

Photo A. Pommier

 

Nous reproduisons ci-après, les textes des deux discours qui ont été prononcés au cours de cette manifestation.

 

Allocution de M. A. Prate,

Directeur Général des Douanes et Droits Indirects

(extraits)

 

Monsieur le Ministre,

 

C’est un grand privilège pour l’Administration des Douanes de vous accueillir dans cette école; nous vous sommes profondément reconnaissants de nous consacrer quelques moments pour inaugurer les nouveaux locaux de l’Ecole.

 

(…)

 

Vous avez enfin devant vous, Monsieur le Ministre, les cinq récipiendaires. Je vous les présente : MM. Pignot, Carré, Benoit, Navraut et le brigadier De Angelis ; ils ont contribué, dans les conditions que vous connaissez, à deux opérations spectaculaires contre les trafiquants de drogue.

 

Vous aviez émis à la fin de l’année dernière le voeu que la douane soit plus active dans la répression des trafics de stupéfiants ; vos instructions ont été transmises et c’est grâce à l’efficacité de ces fonctionnaires, à leur perspicacité et, je dois ajouter, à leur courage, que les résultats ont comblé votre attente.

 

Photo A. Pommier

 

Les quatre premiers appartiennent à notre Direction Nationale d’Enquêtes. Après avoir contribué à beaucoup d’autres opérations, et notamment découvert des laboratoires clandestins de fabrication d’héroïne, ils ont provoqué ce spectaculaire arraisonnement en mer d’un bateau chargé de plus de 400 kilos d’héroïne, et réalisé la plus importante saisie jamais faite dans le monde.

 

Photo A. Pommier

 

Le brigadier De Angelis, par sa seule initiative, a provoqué la découverte de 150 kilos de morphine-base sur la voiture d’un sénateur turc. 

 

Photo A. Pommier

 

Ces deux affaires ont eu des développements considérables dans plusieurs pays et ont abouti au démantèlement de deux réseaux très importants de trafiquants internationaux de drogue.

 

Mais l’action des agents que vous avez décidé de décorer personnellement s’est appuyée sur l’ensemble des services douaniers, terrestres et maritimes.

 

Tous participent à la lutte contre les trafiquants de drogue, et, en décorant ces cinq agents, c’est l’ensemble de l’Administration des Douanes que vous honorez.

 

Je voudrais, Monsieur le Ministre, que vous quittiez cette Ecole avec la conviction renforcée que vous disposez d’une Administration animée du sens du service public, soucieuse d’appliquer avec rapidité et efficacité les instructions qu’elle reçoit, apte à comprendre les problèmes du commerce extérieur, puisqu’elle partage avec les exportateurs et les importateurs les lourdes et complexes procédures de ce commerce, capable d’appliquer, quand il le faut, une discipline et des contrôles efficaces, en gênant le moins possible le développement des échanges extérieurs.

 

Allocution de M. Valéry Giscard D’Estaing, 

Ministre de l’Economie et des Finances

(extraits)

 

Monsieur le Directeur Général,

Messieurs les Directeurs,

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

 

Je voudrais vous dire que l’Administration des Douanes a été de tout temps, et doit demeurer, un des piliers de l’Administration financière française. Ce rôle éminent et fondamental de la Douane, nous avons eu l’occasion de le ressentir dans un certain nombre de circonstances récentes où l’équilibre extérieur de nos échanges, où la sécurité de notre monnaie ont été pour l’essentiel assurés par l’Administration des Douanes. 

 

(…)

 

Il se trouve que deux circonstances particulières à notre époque ont encore renforcé récemment les responsabilités de l’Administration des Douanes.

 

Il s’agit d’abord des problèmes de change. Le monde avait vécu, jusqu’aux années dernières, dans un ordre monétaire international qui paraissait assez stable et qui posait peu de problèmes d’application et de contrôle aux frontières. Le renouvellement des crises monétaires internationales, en 1968, en 1969, en 1971, aujourd’hui en 1972, a accentué les responsabilités de l’Administration des Douanes dans ce domaine.

 

Vous savez que pour ce qui est des contrôles des mouvements financiers, la plupart des responsabilités sont actuellement assumées par votre Administration et, je dois dire que la manière dont ces contrôles ont été effectués, notamment au cours de l’automne 1971, a donné pleine satisfaction et a conduit d’ailleurs à redresser un certain nombre de situations qui méritaient de l’être.

 

(…)

 

Ensuite, le problème essentiel de la drogue. Les circonstances de notre époque ont placé [‘Administration des Douanes sur une des frontières de notre civilisation, c’est-à-dire sur l’une des frontières où il s’agit de protéger la population française contre un des fléaux de notre époque et, à cet égard, M. Prate sait que je lui ai demandé à de nombreuses reprises que soit intensifiée l’action de notre Administration dans la lutte contre la drogue.

 

Des structures ont été mises en place, des hommes ont été choisis, des efforts ont été accomplis, des résultats ont été obtenus, et ce sont ces résultats que nous allons tout à l’heure récompenser devant vous.

 

Lorsqu’on aperçoit l’ampleur de ces tâches de l’administration des Douanes, on est assuré que celle-ci a devant elle un brillant avenir. Je sais que votre Administration s’est interrogée sur son sort à partir d’indications, d’observations, qui paraissaient résulter de la nouvelle époque dans laquelle nous étions entrés et notamment du fonctionnement du Marché Commun.

 

L’expérience nous montre qu’il reste à l’heure actuelle des tâches indispensables à accomplir aux frontières, même si ces tâches ne sont identiques, en ce qui concerne la nature des perceptions, à celles qui étaient autrefois la responsabilité première de la douane française. Elles sont, vous le savez, considérables par leur nature économique et par l’ampleur des ressources qu’elles procurent au budget. Il faut en effet souligner que, malgré les pertes de recettes douanières, au sens ancien du terme, que nous enregistrons tous les ans à la suite de la réduction de notre tarif douanier, et que nous continuerons d’ailleurs à enregistrer en 1973 du fait de l’entrée de nouveaux membres dans notre communauté, la part de recettes budgétaires collectées par l’Administration des Douanes reste particulièrement importante quand on la rapporte à votre effectif puisque, à l’heure actuelle, c’est près d’un quart des recettes de l’Etat qui sont collectées par cette Administration. Et c’est pourquoi son avenir apparaît comme devant être celui d’une des branches les plus utiles et les plus solides des administrations financières. 

 

Je voudrais dire enfin que cette considération qui s’attache à l’Administration des Douanes tient sans aucun doute à la nature des tâches qu’elle exerce mais elle tient également à la manière dont vous les exercez.

 

Je ne sais pas très bien s’il convient que le Ministre responsable de l’Economie et des Finances paraisse porter un jugement particulier sur telle ou telle branche de l’Administration, mais je dirai que j’ai été frappé dans un certain nombre de circonstances par la rapidité, l’efficacité, la discipline avec lesquelles l’Administration des Douanes répondait à l’apparition de circonstances économiques ou monétaires qui rendait son intervention particulièrement importante et particulièrement urgente.

 

Vous avez ainsi gardé du lointain passé de votre Administration, quelques que soient les modernisations nécessaires en cours et à venir, vous avez gardé un sens exemplaire du service public; et je suis sûr que c’est ainsi que dans l’avenir l’Administration des Douanes continuera à s’acquitter de sa mission.

 

Peut-il à cet égard y avoir de meilleur exemple que celui des cinq agents que nous allons maintenant récompenser. Dans la fonction ministérielle il existe heureusement, à côté d’obligations très ingrates, le privilège de remettre un certain nombre de distinctions et de dignités. il arrive que nous les remettions par la voie de promotions annuelles. lI arrive aussi que ce soit l’action exceptionnelle des agents qui conduise à anticiper sur le rythme normal de ces promotions, et c’est ce qui s’est passé, Messieurs, en ce qui vous concerne. 

 

Vous savez parfaitement, s’agissant de l’action qui a été conduite dans la région de Marseille, de l’action qui a été conduite à la frontière italienne et à Menton, que ce qui a été accompli a été apprécié par l’opinion publique française. Le retentissement de vos succès a eu véritablement une dimension nationale et c’est pourquoi j’ai pensé qu’il fallait sortir de la procédure administrative courante et marquer, par un geste, la considération que l’ensemble du Ministère de l’Economie et des Finances apportait à l’action que vous avez remplie.

 

Actions passées, Monsieur le Directeur Général, actions futures, car nous n’avons pas terminé, vous le savez sans doute mieux que quiconque, le combat dans cette lutte incessante contre un des trafics les plus honteux de notre époque. Les plus honteux parce que les plus lucratifs ; les plus lucratifs parce que ce trafic est celui qui fonde son profit sur la remise en cause des valeurs physiques et morales d’une des parties les plus sensibles et les plus vulnérables de notre population.

 

C’est pourquoi, dans la lutte que vous accomplissez, je crois que vous devez avoir plus que tous autres le sentiment de la qualité du devoir accompli et, dans le compte-rendu mensuel qui m’est adressé par M. Prate et ou je prends connaissance des résultats obtenus, je souhaite, pour ma part, que nous puissions connaître dans l’avenir des succès d’une ampleur comparable à celle dont !e mérite vous revient personnellement.

 


Notes:
 (*) Cette publication est adressée directement aux membres de l’Association dans le cadre de leur adhésion; elle pourra également  être obtenue sur commande via notre « Boutique« .
« (**) Ces photographies nous ont été aimablement communiquées par Françis Roche.
 

 

 

La Vie de la Douane

 

N°152

 

Décembre 1972

 


 

 

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