Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

 Pèle-mêle pour un musée imaginaire : des signes, des mots …

Mis en ligne le 1 septembre 2023

 Des signes…

 

Le signe distinctif de la douane française, celui qui apparaît notamment sur l’uniforme des agents des brigades, est actuellement constitué par l’association d’un cor et d’une grenade. Pourquoi et depuis quand ? Deux observations doivent être faites à cet égard : tout d’abord le cor et la grenade sont des attributs qui appartiennent à la symbolique militaire et sont utilisés séparément pour désigner d’autre corps que celui des douanes ; en second lieu, ils ne constituent pas le plus ancien insigne des douanes françaises.

 

 

La première image symbolique des douanes que nous connaissions est l’œil à rayons. Elle date des origines de la Régie et elle n’a cessé d’être utilisée que sous la première Restauration. Comment ne pas déplorer l’abandon d’un symbole qu’on doit, semble-t-il, tenir comme spécifique à la douane et qui caractérise si bien la vigilance ininterrompue de cette administration? 

 

Il est vrai qu’à quelque chose malheur est bon : en renonçant à ce symbole, la France a permis au Conseil de Coopération Douanière d’en faire partiellement son emblème, et de signe distinctif d’une seule douane, l’œil est ainsi devenu celui d’une organisation qui en rassemble plus de quatre-vingt !

 

Plaque de shako époque Louis-Philippe

Plaque de shako époque Louis-Philippe

 

Après l’œil à rayons, ce sont les attributs du dieu du commerce qui furent adoptés par la douane. A partir de la Restauration on voit figurer sur les plaques de shako et de baudrier ainsi qu’au frontispice d’imprimés officiels, le casque ailé surmontant le double caducée qu’encadrent assez fréquemment des cornes d’abondance. Le symbole est cette fois encore transparent mais il n’appartient pas en propre à la douane. 

 

le cor et la grenade

le cor et la grenade

 

Le cor et la grenade, nous l’avons dit, sont des attributs militaires qui caractérisent le premier les unités de chasseurs et le second les corps d’élite (tels la gendarmerie, la légion étrangère, etc…). Le cor de chasse a été autrefois l’insigne des troupes d’infanterie et de cavalerie légère, ces «enfants perdus» qu’on utilisait pour jalonner l’ennemi et battre la campagne devant les troupes. Sous l’Empire (et bien, que les brigades des douanes n’aient pas eu alors un statut militaire), l’usage s’était établi d’assimiler leurs agents aux chasseurs (on les appelait parfois les «chasseurs verts» à cause de la couleur de leur uniforme) et, si l’on s’en rapporte à certains documents iconographiques, des unités de douaniers auraient à cette époque arboré le cor de chasse. La tradition n’en fut pas cependant conservée, et ce n’est qu’en 1875 que cet insigne fut officiellement attribué à la douane en association avec la grenade. Celle-ci avait été à l’origine la marque des grenadiers, soldats d’élite généralement reconnaissables à leur bonnet à poil, l’«ourson», et à leurs épaulettes écarlates. Nous ne connaissons pas les raisons exactes qui ont conduit à attribuer la grenade à la douane en 1875. Ni en 1831, lors de la création des premiers corps militaires des douanes, ni postérieurement, on n’avait reconnu aux douaniers le droit d’arborer l’épaulette des grenadiers. Sans doute voulut-on montrer que les brigades des douanes, composées en grande partie d’anciens militaires généralement sous-officiers et assujetties à un entraînement permanent constituaient un corps d’élite à l’instar de la gendarmerie.

 

des mots et des choses

 

L’allusion qui vient d’être faite aux missions des troupes légères (battre la campagne) conduit tout naturellement à évoquer nombre d’expressions et aussi d’objets qui, pour n’être pas toujours spécifiques à la douane, n’en font pas moins partie de sa tradition.

 

Et tout d’abord le rebat, cette exploration quotidienne du terrain que les préposés (terme qui a très longtemps été utilisé par la douane seule pour qualifier les fonctionnaires d’un niveau hiérarchique déterminé) effectuaient le matin le long des côtes et des frontières, pour relever les pistes des contrebandiers. 

 

Dans toute l’étendue du rayon (cette zone soumise à la police douanière), chaque penthière ou terrain confié à la surveillance d’une brigade était ainsi parcourue par des rebatteurs dont un contre-rebat effectué par le sous-brigadier ou le brigadier permettait de contrôler le travail. Le terme de penthière qui représente sans doute le seul mot spécifiquement douanier, et que les commis de la Ferme générale utilisaient déjà, a des origines bien mystérieuses. Faut-il le rapprocher de penthière : terrain pentu ? Faut-il, comme le veut Duverger, y voir une corruption de bandière, terme militaire désignant le front du camp face à l’ennemi ?

 

La marmotte

La marmotte

 

Les cartes de penthière dessinées par un agent avec plus ou moins d’exactitude et d’habileté ont longtemps constitué avec le pupitre à cadenas où l’on enfermait les registres et qu’on désignait selon les régions sous les noms de cassette ou de marmotte, les objets mobiliers les plus caractéristiques des postes de douane. Les agents venaient dans ces postes pour y prendre leur ordre de service et y faire ensuite leur rapport. Le service pouvait consister en une embuscade nocturne tenue soit dans une aubette, abri implanté en un point déterminé, soit en rase campagne, et l’on s’installait alors dans le lit pliant qu’on transportait à dos, le bazar. L’embuscade s’effectuait à deux hommes, l’un veillait, tandis que l’autre se reposait. Le veilleur tenait en main le témoin ou marron qu’il transmettait à son collègue lorsque venait son tour de veille, afin que les responsabilités respectives soient clairement établies. L’embuscade pouvait déboucher sur une attaque de porteurs ; il fut un temps où elle conduisait parfois à la destruction de chiens dressés pour la fraude, soit au fusil, soit à la lance quand l’usage du fusil présentait des dangers.

 

Le lit d’embuscade

Le lit d’embuscade

 

Des services de circulation exécutés au lever et au coucher du soleil portaient les noms poétiques d’aurore et de brune.

 

Les douaniers constatent toujours  à la charge de pacotilleurs des irrégularités mineures auxquelles il est permis de passer-outre. Dans ce cas, on considère comme minuties les petites saisies auxquelles il est alors procédé sans autre suite. 

 

Le compte-ouvert, procédure de comptabilité matière par entrée et sortie, s’il ne sert plus à contrôler le bétail en zone frontalière, est une technique encore utilisée en d’autres domaines. Et les douaniers continuent à pratiquer l’écor lorsqu’ils identifient et dénombrent des colis. 

 

Ecorer (terme emprunté à la langue des marins de commerce et que seule, semble-t-il, la douane utilise de nos jours) tire son origine du verbe anglais to score, compter. De nos jours en revanche, l’écoreur ne glisse plus de gauche à droite les plaques numérotées de la fasqueline pour s’aider dans son dénombrement ! Tout aussi désuet est le dévidoir, instrument de visite fondamental au siècle dernier lorsque la taxation spécifique des fils nécessitait mesurage et pesage. 

 

Et que dire de la toise qui permettait de mesurer la taille des chevaux de selle et de trait, importés ou exportés temporairement dont il fallait bien donner une description précise dans les acquit-à-caution ou les passavants ? Et combien utilisent encore le le compte-fils, jadis outil indispensable du vérificateur, de même que la gamme inépuisable de sondes de toutes tailles et de toutes formes à l’aide desquelles les chargements les plus divers devaient autrefois être explorés et livrer des échantillons?

 

Carte de penthière, machine à calculer, habit ler Empire, lance, pince à sceller, fasqueline

Carte de penthière, machine à calculer, habit 1er Empire, lance, pince à sceller, fasqueline

 

des images 

 

Retrouvez la suite du musée imaginaire de Jean Clinquart en cliquant ici 

 

 

Jean Clinquart

 

 


 

 

La Vie de la Douane

 

N° 185

 

Octobre 1980

 


 

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