Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Nouveau ! Douane & collections publiques: Millet et le douanier

Mis en ligne le 1 janvier 2023

Falaise de Gréville, Millet, Jean-François, 1871, pastel sur papier, 43.7 × 54.1 cm

 

L’enquête débute avec un dessin de Jean-François Millet, « Les falaises de Gréville » qui figure un personnage, allongé sur une falaise, observant l’horizon. Pourquoi pas un agent des douanes au repos, pendant une mission de surveillance du littoral, personnage typique de ces paysages et maintes fois représenté dans les paysages vernaculaires du littoral ? Si les détails sont gommés pour laisser tout le style de l’artiste s’exprimer, on peut s’interroger sur l’identité de la silhouette et sur les raisons de sa présence.

 

Devant la multiplicité de tableaux des littoraux normands et bretons où des douaniers sont peints, comme celui conservé au MND (« Bord de mer à Larmor-Plage », Henry Moret, 1891, Huile sur toile), on peut s’interroger légitimement sur la question si c’est le cas ici aussi.

 

Ce dessin est conservé au Musée d’art d’Ohara, situé à Kurashiki, Préfecture d’Okayama, Japon. Créé en 1930 par un entrepreneur, Ohara Magosaburo en souvenir d’un peintre japonais, Kojima Torajiro, ce musée privé d’art européen est le plus ancien du Japon. Magosaburo, était un collectionneur d’art et respectant l’avis de Torajiro qu’il a envoyé plusieurs fois en Europe où ce dernier a étudié l’art et a sélectionné des œuvres pour son mécène.

 

Torajiro Kojima a découvert ce dessin en 1922 dans une galerie d’art à Paris. C’est une œuvre au pastel dont Millet avait l’intention de réaliser une copie grand format à la peinture à l’huile. Kojima admirait beaucoup Millet, connu pour ses représentations de paysans et de paysages., Les tableaux de Millet ont en effet été une source d’inspiration majeure pour les plus grands artistes, tel Vincent Van Gogh notamment.

 

Jean-François Millet

 

Jean- François Millet est né à Gruchy en Normandie en 1814. En 1933 il quitte la maison familiale pour s’installer à Cherbourg pour y étudier la peinture. Il part ensuite à Paris où il expose pour la première fois en 1840. Il quitte alors un style classique pour s’orienter vers des représentations de paysans et d’ouvriers, tendance accentuée lorsqu’il s’installe à Barbizon en 1849. Là il peindra les fameux tableaux « Les glaneuses » (1857) et « L’angélus » (1859), tous deux conservés au Musée d’Orsay à Paris.

 

En août 1870, pendant la guerre franco-prussienne, Jean-François Millet revient à Cherbourg où sa famille possède une petite ferme non loin de la côte. Il délaissera petit à petit les représentations humaines pour s’intéresser plus spécifiquement aux paysages en tant que tels. L’influence de l’école de Barbizon se fait clairement ressentir dans cette démarche, où la peinture en extérieur a semé les fondements des impressionnistes.

 

Les Falaises de Gréville

 

Lors de ses différents séjours dans la région, Millet a représenté à de très nombreuses reprises le littoral normand, si reconnaissable avec ses chemins de douaniers typiques. S’il existe de nombreuses versions de ce paysage de littoral, la plupart n’ont pas de personnage.

Par exemple le musée Thomas Henry à Cherbourg en Cotentin conserve un dessin mis au carreau. Il s’agit d’un dessin préparatoire pour deux huiles sur toile différentes, datant de 1871, conservées l’une à Stockholm (Suède), et l’autre à Buffalo (USA). Le musée des Beaux Arts de Dijon conserve également un dessin avec ce même motif.

 

 

Louise Hallet, Conservatrice en chef, Directrice des musées et du patrimoine de Cherbourg-en-Cotentin nous indique : « Parmi les nombreuses vues de la côte du Landemer, la version d’Ohara est la seule qui comporte un personnage. Elle date de 1870-1871 et à la fin de sa vie, Millet délaisse de plus en plus la représentation de la figure humaine pour se tourner vers le paysage « pur ».

 

Ceci explique sans doute pourquoi le personnage n’est pas le point central de l’œuvre – il est, qui plus est, peu individualisé : silhouette sans visage, ce qui est souvent le cas chez Millet. A mon sens, ce que recherche Millet ici, c’est la fusion du personnage et du paysage – l’homme prend corps avec la nature. Il est probable que le personnage soit un douanier (ce n’est manifestement ni un paysan, ni un gardien de troupeau), mais il est impossible de l’affirmer avec certitude. »

 

Tous nos remerciements à Mme Chikako Takaoka, conservatrice au Musée Ohara, et particulièrement à Mme Louise Hallet conservatrice du musée Thomas Henry à Cherbourg.

 

Renata Pstrag

 

Liens utiles :
Musée OHARA

Musée d’Orsay

Le musée Thomas Henry à Cherbourg-en-Cotentin
Les Falaises de Gréville (culture.gouv.fr)
Musée Stockholm
Musée Buffalo

Musée des Beaux arts de Dijon

Maison natale de Jean-François Millet
Sur l’influence de Millet sur Van Gogh : Van Gogh and Millet – Van Gogh Museum


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