Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Mardi 30 mai 1944, 11h35 : le drame de l’Hôtel des douanes de Rouen

Mis en ligne le 1 mai 2024

 

Il y a 80 ans, le mardi 30 mai 1944, 11h35 survenait le drame de l’Hôtel des douanes de Rouen.

 

Sont reproduits ci-dessous quelques extraits de la brochure éditée conjointement en 2004 par la Direction interrégionale des Douanes de Rouen et l’Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes  (A.H.A.D.) .

 

Œuvre de Jack Legrand, cet ouvrage retrace fidèlement les circonstances de cet épisode dramatique dont le souvenir est, comme il le rappelle, évoqué chaque année par la communauté douanière :

 

« Dans le hall d’entrée, une plaque est apposée au mur :

A LA MEMOIRE
DES 41 AGENTS DE L’ETAT
QUI PERIRENT
LE 30 MAI 1944
SOUS LES RUINES DE
L’ANCIEN HOTEL DES DOUANES
ET A TOUS LEURS CAMARADES
VICTIMES DE LA GUERRE

Chaque année, fin mai,
la direction des douanes de Rouen et
l’association nationale des anciens combattants et victimes de guerre des douanes, s’associent, lors d’une cérémonie du souvenir ».

 

Pour découvrir l’historique complet de l’ancien Hôtel de la douane de Rouen dans un article de Georges Dubosc, cliquer   ici 

 

L’équipe de rédaction

 


 

Du mardi 30 mai au lundi 5 juin 1944

 

« La semaine rouge »

 

Depuis l’Angleterre, les alliés préparent le débarquement. Dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 avril, l’agglomération rouennaise vit déjà ce que R.G. Nobécourt dans « Rouen désolée » appelle un « prélude à l’apocalypse » : en quelques minutes 345 bombes de 250 ou 300 kilos tombent sur la seule ville de Rouen. Au total, 5.430 engins touchent l’agglomération en particulier Sotteville les Rouen dont la gare de triage est la principale cible. Rouen compte 271 morts et 75 disparus. Pour l’ensemble de l’agglomération, près de 900 victimes sont recensées, et parmi elles 3 douaniers.

 

Le débarquement devient peu à peu une certitude. Les alliés intensifient les bombardements sur tous les franchissements de la Seine pour interdire toute possibilité de renfort ou de retraite de l’armée allemande. Les alertes se multiplient en mai sur toute la région et les destructions sont de plus en plus nombreuses. 24 engins de 1.000 kilos sont utilisés le 25 mai, 15 le 27 mai et 12 le 28 mai. Mais le pire pour la ville de Rouen et pour la douane reste à venir…

 

L’apocalypse, R.G. Nobécourt la définit ainsi : « Cette horreur dura 6 jours, et ces 6 jours, du mardi 30 mai au lundi 5 juin 1944, devinrent aussitôt pour les rouennais « la semaine rouge » : ils s’inscriront ainsi dans leur histoire comme ils restent ainsi marqués dans le souvenir et dans le regard encore, de ceux qui les vécurent. Chacun de ces jours là renouvelait la stupeur. La ville, chacun de ces jours là, mourait davantage, pulvérisée, ardente ».

 

Le 30 mai, 160 bombes de 1.000 kilos sont larguées sur les quartiers de Rouen qui longent la Seine et font 97 morts et 33 disparus. 140 autres le lendemain visent les mêmes objectifs, on compte 44 morts et 25 disparus. Les 2 et 3 juin, 29 et 34 bombes sont déversées et font 10 et 3 morts. Les 44 bombes du 4 juin ne font pas de victime. Pour l’agglomération, 400 victimes sont recensées.

 

L’hôtel des douanes, symbole de la « semaine rouge »

 

 

Dès les premiers bombardements, le 30 mai, à 11 heures 35, une bombe d’une tonne pénètre le trottoir, s’enfonce dans le sous-sol de l’Hôtel des douanes et explose. Près de la moitié ouest du bâtiment s’écroule sur elle-même et sur l’une des deux caves utilisées comme abri lors des alertes et où est réfugiée une centaine de personnes.

 

37 agents des douanes et 3 agents du laboratoire des finances figurent au nombre des victimes. Un 38ème douanier tombe sous les bombardements du lendemain.

 

 

Avec une centaine de victimes civiles en un même lieu et un monument détruit, l’Hôtel des douanes devient rapidement pour les rouennais le symbole de la « semaine rouge ». C’est un spectacle de désolation totale tant du côté des quais que des rues du quartier. Le 1er juin, le lieutenant Pélafigue consigne les bombardements sur le registre des évènements de service de la brigade :

 

 

Dans son édition datée des jeudi 1er, vendredi 2 et samedi 3 juin, le journal de Rouen relate les trois premiers jours de bombardements :

« L’hôtel des douanes est à demi effondré. Au dessus de la cave où s’étaient réfugiés de nombreuses personnes, un amas inextricable de poutres et de pierres, dont certaines pèsent plusieurs centaines de kilos, s’amoncelle. Les sauveteurs s’acharnent à déblayer les décombres cependant que tous les passants, réquisitionnés par la police, font la chaîne pour tenter d’épuiser l’eau qui risque de noyer les emmurés ».

 

Les « Annales des douanes », organe officieux de la direction générale des douanes, informe régulièrement les personnels et les usagers de l’administration depuis 1902. Elles relatent, entre autres informations, les évènements de guerre dans la « page du personnel des douanes » de sa publication du 06 juillet 1944 (voir l’extrait reproduit ci-dessous) :

« l’administration des douanes paie depuis longtemps, et sous les formes les plus diverses, un lourd tribut aux évènements de guerre, mais il semble que, soudain, le sort ait voulu redoubler ses coups ».


Jack Legrand

 


 

Extrait des Annales des Douanes  (6 juillet 1944)

 

Les 30 et 31 mai, c’était au tour de Rouen de s’inscrire une fois de plus, au martyrologue de nos citées meurtries. Le 30 mai, vers 11 heures, au cours d’un violent bombardement, l’Hôtel des douanes, important édifice datant de 1837, fut atteint par une bombe à grande puissance. La partie ouest de l’immeuble s’écroula, provoquant l’effondrement de l’abri situé au-dessous et où s’étaient réfugiées une centaine de personnes. Les malheureuses victimes ont presque toutes succombé.

 

Parmi elles figurent trente-six agents des douanes dont MM. Soufflet, directeur à Caen, Arnal, inspecteur principal, Rousseau, contrôleur rédacteur principal, chef des bureaux de la direction de Rouen, Graffard et Garin, contrôleurs-rédacteurs, Dandine, contrôleur en chef, Riou, contrôleur rédacteur, chef des bureaux de la direction de Caen, le capitaine Wadoux, de Dieppe.

 

En outre, plusieurs employés ont été blessés. En l’absence de M. le Directeur général, retenu à Marseille, MM. Guillemin et Burnod, administrateurs, Faure, chef du Bureau de la comptabilité et du Matériel, Bohin, capitaine mécanicien, accompagnés de M. Conem, chef du service des Laboratoires du ministère des finances dont le personnel rouennais a été également cruellement frappé, se sont rendus à Rouen le 1er juin sur les lieux du sinistre puis ont pris contact avec M. Fouré, directeur, et Brigant, sous-directeur, entourės de leurs collaborateurs survivants.

 

Ils les trouvèrent unis dans la plus complète solidarité, le personnel groupé autour de ses chefs dont le sang-froid et l’exemple au cours de ces heures tragiques ont encore grandi l’autorité. Au reste, dans ces douloureuses circonstances tous les agents ont fait preuve du plus grand dévouement et leur directeur ne tarit pas d’éloges à leur sujet. Il est juste de dire qu’il a lui-même rempli tous ses devoirs de chef, que sa sollicitude est allée à tous et qu’aucun détail ne lui a échappé. Le récit qu’il a fait de cette effroyable catastrophe est poignant.

 

La plupart des agents avaient gagné les deux abris qui, fort bien aménagés. étaient réputés d’une grande solidité. Situés l’un à l’ouest, l’autre à l’est, sous l’immeuble, ils étaient reliés par un couloir bas, sorte de tunnel, Le premier, dit public, recueillait une partie du personnel et des habitants du voisinage, le second était réservé à l’Administration. Sous l’effet de la bombe de gros calibre qui avait frappé l’hôtel au tiers de sa partie antérieure, celle-ci s’écroula.

 

M. Fouré, qui avait groupé autour de lui plusieurs agents dans l’abri administratif, voulut s’assurer que l’abri public avait résisté au terrible choc, il s’engagea alors dans le couloir mais constata avec effroi que la voûte avait cédé. II pressentit aussitôt l’horrible drame. A peine l’avait-il entrevu, qu’il s’aperçut qu’à ses pieds l’eau affluait du sol et montait peu à peu : c’était pour lui et son entourage la menace de périr noyés alors qu’à l’extérieur le bombardement continuait.

 

Il n’hésita pas ; après un coup de sifflet impérieux pour obtenir le silence, il ordonna d’évacuer le refuge. Cette injonction, alors que les explosions faisaient rage au dehors, surprit ceux qui n’avaient pas conscience de ce nouveau péril, néanmoins, après un peu d’hésitation, chacun sortit, le directeur le dernier : il avait de l’eau jusqu’à la ceinture.

 

Quand l’infernal cauchemar prit fin, on mesura l’ampleur de la catastrophe : sous l’abri public demeuraient ensevelis et écrasés les quelque cent personnes qui étaient venues s’y réfugier et parmi elles les trente six fonctionnaires des douanes mentionnés plus haut et trois chimistes du Laboratoire local des Finances.

 

MM. Guillemin et Burnod purent remettre à M. Fouré diverses fournitures provenant de l’Administration et du Comité d’Entraide de la Famille douanière et destinées à répondre aux premiers besoins ; en outre, ils le chargèrent de répartir au mieux une première somme que les services sociaux du ministère leur avaient confiée aux mêmes fins. Après avoir rendu visite à Mlle Rigault, dame employée assez sérieusement blessée et hospitalisée, ils eurent, toujours en compagnie de M. Fouré, un entretien avec M. le Secrétaire général de la Préfecture au sujet des dispositions d’ensemble à prendre en vue de la réinstallation des bureaux.

 

Dans ces heures douloureuses, les chefs et les agents des deux circonscriptions éprouvées on rencontré l’hospitalité la plus large auprès de M. Bouteiller, directeur du contrôle des prix de la Seine-Inférieure et de ses collaborateurs, qui, tous se sont multipliés pour aider leurs collègues à faire face aux nécessités les plus pressantes et les plus immédiates. Ils ont trouvé dans cet accueil un sujet de réconfort infiniment précieux.

 


 

 

Hôtel des Douanes de Rouen, Mardi 30 mai 1944 

par  Jack Legrand 

 

Cette brochure a été éditée en mai 2004 par la Direction interrégionale des Douanes de Rouen et l’A.H.A.D. à l’occasion du soixantième anniversaire de l’épisode dramatique du bombardement de 1944.

Cet ouvrage est toujours disponible auprès du secrétariat de l’association.

 

 

 

 


 

Cérémonie de commémoration du cinquantenaire du drame de Rouen (*)

1944 – 1994

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Photographies : Collection privée  – droits réservés.

 


 

 

 

 

 

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