Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Les statistiques du commerce extérieur – 1848-1871

Mis en ligne le 1 juillet 2023

 

 

En 1848, il y avait plus de vingt ans que la Douane publiait les tableaux du commerce extérieur et elle allait continuer à remplir cette mission avec ponctualité. Ces publications (dont la forme avait été affinée sous la Monarchie de Juillet), comportaient trois statistiques : le mouvement commercial par pays de provenance ou de destination et par nature de marchandises (1); la navigation française avec les colonies et avec l’étranger ; les mouvements de marchandises et de navires par port. 

 

En outre, la direction générale faisait paraître au Moniteur universel un résumé comparatif des principales importations et exportations, ainsi que du mouvement de la navigation et des perceptions (2).

 

Les données de base étaient puisées dans les déclarations en détail dont chaque bureau de douane assurait le dépouillement selon des règles qui avaient, pour l’essentiel, été précisées sous la Restauration. (3) Une centralisation des résultats s’opérait au niveau de chaque principalité et la globalisation en était effectuée par la direction générale.

 

La collecte des données ayant peu varié sous le Second Empire par rapport à la période antérieure, nous ne nous y arrêterons pas longtemps. On notera cependant qu’après une vague tentative d’allègement des tâches esquissée en 1849, époque de réduction des effectifs (4), le souci de posséder des informations toujours plus complètes l’emporta définitivement; dès 1850, des dispositions étaient prises pour affiner le « contrôle de l’espèce des marchandises. (5) Par la suite, le développement du transport international par fer conduisit à redéfinir la notion de pays de provenance ou de destination. (6)

 

En 1857, la décision fut prise de dépouiller systématiquement le poids des marchandises importées ou exportées, même si les perceptions étaient assises sur la valeur. L’argumentation développée à cette occasion par la direction générale des Douanes est révélatrice de l’importance désormais attachée à la statistique : « Les documents… concernant le commerce extérieur de la France que l’Administration livre périodiquement à la publicité présentent, à différents points de vue, un intérêt qui, chaque jour, est mieux compris et plus généralement apprécié. Mais quelque complets que l’Administration ait jusqu’ici cherché à rendre ces documents, et malgré les nombreux développements qu’ils ont successivement reçus, on a souvent demandé qu’il y soit ajouté. » (7) Après le « coup d’Etat douanier de 1860, loin de se démentir, l’intérêt porté à la statistique douanière ne fit que croitre : « J’attache aujourd’hui d’autant plus d’importance à la dégager de toute cause d’erreur, déclare Barbier, qu’elle est devenue I’un des principaux éléments d’information pour la conclusion des traités de commerce. » (8)

 

C’est précisément « afin d’assurer la régularité de la statistique commerciale » que l’article 19 de la loi du 16 mai 1863 allait stipuler l’obligation « de faire aux douanes les déclarations prescrites par la loi selon les spécifications et unités énoncées au tarif général, sous peine de 100 francs d’amende à défaut de déclaration ou en cas de fausse déclaration », même si les marchandises entraient ou sortaient en exemption de droits. (9)

 

Et pour que cette règle fut comprise et appliquée par les usagers comme par le service, on invita les directeurs des départements, d’une part, « à se concerter avec les Chambres de commerce de leurs circonscriptions pour amener les commissionnaires ou expéditeurs à déclarer exactement les marchandises exemptes », et, d’autre part, à prescrire aux services locaux de « procéder à un nombre suffisant de vérifications pour arriver à un contrôle sérieux » tout en veillant « à ce qu’on ne dépasse pas le but par des investigations trop minutieuses ou trop multipliées ». (10)

 

Sous le Second Empire, le souci de perfectionner la statistique commerciale s’est encore manifesté dans la manière de procéder à la détermination de la valeur des échanges, ce que les statisticiens ont appelé la « valorisation ».Il nous paraît naturel aujourd’hui de baser cette opération sur les valeurs déclarées qui doivent correspondre aux valeurs réelles éventuellement ajustées selon des critères réglementaires. Sous la Restauration, lorsqu’on décida de publier les premières statistiques, l’incertitude qui régnait alors sur la fiabilité des valeurs déclarées sous l’empire d’un tarif presque exclusivement spécifique, conduisit à opter pour un système de valeurs forfaitaires. Des valeurs officielles furent donc assignées aux produits repris dans la nomenclature tarifaire et il fut décidé qu’on s’y référerait en permanence ; ainsi disposerait-on du moyen de comparer, d’une année à l’autre, les fluctuations de nos échanges extérieurs.

 

Comme le souligne Allix, un tel système, s’il « permettait de dégager tout de suite les pourcentages d’augmentation ou de diminution de nos mouvements d’entrée et de nos mouvements de sortie », présentait le défaut de fournir « des indices et non des grandeurs réelles ». Dans les premiers temps, la relative stabilité des cours contribua à atténuer cet inconvénient, mais les débuts de l’industrialisation vinrent ensuite modifier les données du problème. Ainsi fut-il décidé, juste avant la Révolution de 1848, qu’on se fonderait désormais sur les valeurs actuelles.

 

Toutefois, compte tenu de la méfiance suscitée par les valeurs déclarées, il fut aussi arrêté que les valeurs de base seraient arbitrées par un service ad hoc. De là, l’institution, auprès du ministre du Commerce, d’une Commission permanente des valeurs en douane composée de plus de cent experts du monde économique. De 1848 à 1864, les valeurs servant, chaque année, à l’établissement des statistiques furent établies par cette Commission. Cependant, on continua à calculer simultanément les valeurs officielles de 1827, afin de disposer d’un terme de Comparaison supplémentaire. II fallut attendre 1864, pour qu’on énonce à cette double évaluation qui était devenue plus dangereuse qu’utile à raison des multiples changements intervenus en matière tarifaire depuis 1860. Ainsi modifié, le système de « valorisation » par arbitrage devait être utilisé jusqu’après la Première Guerre mondiale. (11)

 

 

Jean Clinquart

 

 


Notes :
 
(1) Voir L’administration des douanes sous la Restauration et la Monarchie de Juillet (1815-1848) Ed. AHAD – 1981 – par Jean Clinquart pour l’origine des publications statistiques. Les marchandises étaient classées « d’après leur nature ou leur analogie, et selon la méthode adoptée pour le tarif général des Douanes ». Elles étaient donc présentées en 27 chapitres se répartissant en 4 sections : matières animales, matières végétales, matières minérales, fabrications.
(2) Dans les résumés généraux, les marchandises étaient présentées sous un autre point de vue. On y distinguait, à l’importation : 1° les matières nécessaires à l’industrie, 2° les objets de consommation naturels, 3° les objets de consommation fabriqués ; à l’importation : 1° les produits naturels, 2° les objets manufacturés. La statistique du mouvement des ports date de 1836-1837.
(3) Voir Douanes sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, op. cit.
(4) La circulaire n° 2304 du 27 janvier 1849 évoque la nécessité de diminuer la tâche considérable que la rédaction des états semestriels impose aux douanes des départements, sans priver l’administration des notions générales et contemporaines qui doivent être incessamment à sa disposition tout ce qui se rapporte aux faits commerciaux les plus importants » – LRDF.
(5) Circulaire n° 2403 du 23 août 1850 – LRDF.
(6) Circulaire no 473 du 13 juin 1857 – LRDF.
(7) Circulaire n° 515 du 21 novembre 1857 – LRDF.
(8) Circulaire n° 901 du 20 mai 1863  – LRDF.
(9) Loi du 16 mai 1863, art. 19 – LRDF.
(10) Circulaire n° 901 citée ci-dessus.
(11) Les droits de douane , par Edgar Allix, Paris, 1932, 2 volumes.

 


 

Illustration :

L’hôtel du Mont-Thabor et la rue de Rivoli
« La douane à Paris – 1790-1850 » par Claude Pélerin – Ed. AHAD – CCI Paris (1980)
 

 

L’administration des douanes en France
de la Révolution de 1848 à la Commune (1848-1871)
Ed. AHAD
1983

 

 

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