Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Les laboratoires des douanes (1875-1936) – Partie 1 : Aux origines fiscales des Laboratoires, la fraude en matière sucrière

Mis en ligne le 20 avril 2018

Par Philippe Maulvault

L’étude de P.Maulvault est une synthèse du mémoire de DEA d’histoire des techniques qu’il a soutenu sous la direction de Mme Laurence Lestelle. Ce travail met en évidence les nombreuses lacunes constatées par le chercheur et les pistes à emprunter pour se pencher sur l’histoire récente des laboratoires. Nous espérons vivement que le flambeau sera repris par de nouveaux chercheurs tant les laboratoires tiennent une place toute particulière dans l’histoire administrative. En tout état de cause, le comité de rédaction remercie chaleureusement P.Maulvault, membre de l’AHAD, pour cette contribution et pour son investissement personnel.

 

L’expertise scientifique est devenue une préoccupation importante du Ministère des Finances vers la fin du XIXe siècle, car il est porté mention de deux chimistes attachés respectivement à l’administration centrale de la Douane et à celle des Contributions indirectes dans les organigrammes historiques du Service des archives économiques et financières avant 1875. Dans le premier cas, il s’agit de M. Victor de Luynes, premier chef du service des Laboratoires des Douanes, inscrit dès 1869, dans le deuxième cas, il s’agit de M. Barreswil, inscrit sans interruption de 1861 à 1869. Les progrès de la chimie à la jonction des XIXe et XX siècles ont permis son utilisation dans la lutte contre la fraude et la falsification, notamment en matière alimentaire et pharmaceutique; objectif unique des «Annales internationales de la Répression des Fraudes », dont le premier numéro allait paraître en 1908.

 

La première partie de cet article intitulée : « Aux origines fiscales des Laboratoires; la fraude en matière sucrière », précisera dans un préambule le cadre de la législation sucrière et de sa fiscalité qui furent à l’origine de la création des laboratoires.

 

– Chapitre 1 : Implantation territoriale des deux réseaux de laboratoire; (Douanes et Contributions indirectes), qui vont coexister de 1875 à 1897, année de leur fusion commune.
– Chapitre 2 : Vie quotidienne des Laboratoires.
A / Statut des personnels scientifiques.
B / Nombre et type d’analyses effectuées.
C / Dotation en matériel scientifique des Laboratoires d’Alger et de Saint-Quentin.

 

La deuxième partie de cet article retracera la carrière de trois grandes figures de la Chimie au service de la lutte anti-fraude : Victor de Luynes et Frédéric Bordas, chefs successifs du Service scientifique, et Ulysse Gayon, chimiste en chef du Laboratoire de Bordeaux de 1875 à 1919.

 

– Chapitre 1 : Biographies respectives.
– Chapitre 2 : Leur apport respectif dans l’activité des Laboratoires.

 

La troisième partie de cet article, « Comparaison et unification des méthodes d’analyse », précisera :

 

– Chapitre 1 : Mise en réseau des méthodes d’analyse par les congrès internationaux de la répression des fraudes, la revue « Les Annales internationales de la Répression des Fraudes », ainsi que par le Laboratoire municipal de Paris.
– Chapitre 2 : Aboutissement et unification des méthodes d’analyse.

Préambule à la première partie : Cadre de la législation sucrière et de sa fiscalité.

 

La législation sur le régime des sucres a subi de nombreuses et importantes modifications sur une période de vingt-cinq ans.

– Ainsi, la loi du 13 Juin 1851 avait imposé les sucres et sirops, à raison de la quantité de sucre pur qu’ils renfermaient et de leur rendement au raffinage.

– A l’inverse, la loi du 23 Mai 1860 a établi un droit unique sur toutes les qualités de sucre, sans distinction, sans tenir compte de la valeur intrinsèque de la matière imposée. Cette taxation était conforme aux principes généraux admis pour l’assiette des Contributions indirectes, qui ne tient compte que de la nature des objets imposés, en négligeant les différences de qualité et de valeur, comme dans le commerce de vins. Cependant, la loi n’allait pas jusqu’à confondre les sucres non raffinés et les sucres raffinés. C’étaient les sucres bruts qui étaient taxés uniformément, mais tout de même avec certaines différences, selon qu’ils venaient des pays hors d’Europe ou des entrepôts, ou qu’ils étaient transportés par navire français ou étranger.

– En 1864, le régime de 1860 avec son droit unique a été abandonné et l’on est revenu à celui de 1851. La loi du 7 Mai 1864 a donc établi des droits distincts non seulement entre les sucres bruts et les sucres raffinés, mais également entre les sucres bruts de qualités différentes. C’est donc la richesse saccharine des produits qui serait dorénavant prise en considération pour l’assiette de la taxation.

 

– La convention signée le 11 Août 1875 à Bruxelles, entre France, Belgique, Grande-Bretagne et Pays-Bas, a entériné la règle qui proportionne l’impôt à la valeur de la matière imposée. On a cru d’abord que la couleur était un indice certain de la qualité, et on a adopté des « types » divers fondés sur cette apparence à laquelle on s’est fié. Toutefois, on n’a pas tardé à s’apercevoir que la fraude réussissait facilement à modifier les types en colorant les sucres à son gré, au grand préjudice du Trésor Public.

 

– La législation a donc adopté les procédés saccharimétriques comme moyens de contrôle de la nuance des sucres. C’est la disposition expresse de l’article 3 de la loi du 29 Juillet 1875, qui est à l’origine de la création des Laboratoires. Ceux-ci ont dès lors eu pour tache principale la lutte contre la fraude sucrière.

 

– Le tableau figurant ci-dessous permet de vérifier le rendement fiscal de cette taxation pour les années 1884 à 1890. Année Rendement fiscal en millions de Francs.

Année Rendement fiscal en millions de Francs.
1884 171 343 689
1885 171 607 377
1886 137 403 812
1887 131 485 860
1888 158 773 423
1889 143 995 429
1890 171 594 795

(Note 1).

 

Les troisième et quatrième paragraphes de la circulaire n°297 du 25 Août 1880 sont d’ailleurs éclairants dans cette lutte contre la fraude.

 

(…) « Pour la perception des taxes, la loi du 7 Mai 1864 divisait les sucres de toute origine en quatre classes, dont une pour les raffinés et trois pour les sucres bruts. Lorsqu’ils étaient destinés à l’exportation après raffinage, les sucres bruts étaient subdivisés en quatre autres classes limitées d’après des types empruntés à la série hollandaise, et pour chacune desquelles le rendement légal du raffiné avait été fixé à la suite des expériences internationales de Cologne (Convention internationale du 8 Novembre 1864). »

« Les sucres étaient primitivement classés d’après leur nuance comparée à celles des types. Mais ce système du être abandonné en présence des fraudes auxquelles donnait lieu la coloration artificielle. »(…) – (Note 2).

 

A la classification empirique opérée suivant la nuance, on substitua celle qui résultait du rendement constaté par l’analyse saccharimétrique, des limites minima et maxima étant fichées pour chaque classe.

 

Même si le principal objet de création des laboratoires était le contrôle saccharimétrique, il ressort de l’annexe à la proposition de loi du 27 Juillet 1875, et de l’annexe n°3287; « Projets de lois, propositions et rapports », que « le gouvernement se propose en même temps d’utiliser ces laboratoires pour faire étudier les combinaisons diverses que l’industrie emprunte à la science pour déjouer la surveillance du service, principalement en ce qui concerne les alcools dénaturés et la substitution des huiles essentielles aux alcools ordinaires ».

 

Enfin, par décret du 16 Juillet 1897, inséré au JORF du 30, les Laboratoires des Douanes et des Contributions indirectes sont fusionnés en un seul service. Par un autre décret en date du même jour, M. de Luynes, directeur du service scientifique des Douanes, est nommé chef du Service des Laboratoires du Ministère des Finances.

 

Chapitre 1 – Organisation administrative des Laboratoires.

 

Dans les travaux préparatoires à la loi du 12 Août 1875, il est indiqué que :

 

les laboratoires des Douanes surveilleront « l’importation des sucres coloniaux et exotiques », tandis que les laboratoires des contributions indirectes seront installés « dans les villes de l’intérieur qui, placées au centre de la fabrication de sucre indigène, possèdent des usines de raffinage ». « Deux bureaux d’essai centraux, institués à Paris près des administrations des douanes et des contributions indirectes, auront non seulement pour mission de présider au titrage des quantités considérables de sucres bruts qui vont aux immenses usines de la raffinerie parisienne et à la consommation directe, mais de contrôler au besoin des opérations des laboratoires régionaux, en répétant sur des échantillons prélevés dans ce but quelques uns des titrages qui y auraient été effectués.

 

Le gouvernement se propose en même temps d’utiliser ces laboratoires pour faire étudier les combinaisons diverses que l’industrie emprunte à la science pour déjouer la surveillance du service, principalement en ce qui concerne les alcools dénaturés et la substitution des huiles essentielles aux alcools ordinaires ». (Note 3).

1) Présentation des laboratoires en 1875.

 

Les laboratoires des Douanes.

 

Ceux-ci furent implantés prioritairement dans les cinq sites portuaires de Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, Marseille et Nantes, dès 1875, ceci, afin de surveiller « l’importation des sucres coloniaux et exotiques ». Le laboratoire central fut localisé au 11, rue de la Douane (10 e arrondissement), avant de déménager ultérieurement rue Gabriel Vicaire, emplacement qu’il occupe toujours.

 

Les laboratoires des Contributions indirectes.

 

Ceux-ci pour leur part furent installés « dans les villes de l’intérieur qui, placées au centre de la fabrication du sucre indigène, possèdent des usines de raffinage », à savoir Amiens, Arras, Clermont-Ferrand, Dijon, Douai, Laon, Lille, Rethel, Saint-Quentin, et Valenciennes. Le laboratoire central fut localisé rue Cambon à Paris (1 e arrondissement). (Note 3).

 

L’expansion des Laboratoires des Douanes pendant la période de 1875 à 1897.

 

Pendant cette période de vingt-deux ans, d’autres laboratoires des Douanes ouvriront tels que : Alger (1892), Bayonne (1889), Belfort (1889), Calais (1892), Chambéry (1889), La Guadeloupe (1888), La Martinique (1888), La Réunion (1888), Lille (1892), Lyon (1884), Modane (1888), Nancy (1892), Nice (1892), Port-Vendres (1887), Rouen (1888), Sète (1887), ce qui représente l’ouverture d’une quinzaine de nouveaux laboratoires des Douanes pendant cette période, sans qu’aucun document généraliste soit parvenu jusqu’à nous pour fournir une explication précise de cette croissance.

 

Il est à noter que des laboratoires créés pendant cette période ne connaîtront qu’une brève période d’activité, pour disparaître des annuaires administratifs à peine deux ans après leur création (laboratoires de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, et de Modane).

2) L’unification des réseaux des Laboratoires des Douanes et des CI en 1897.

 

 

Pour des raisons économiques et matérielles, les deux réseaux de laboratoires vont fusionner en 1897.

Du réseau primitif des laboratoires CI ne subsisteront que les laboratoires suivants : Arras (1898) et Saint-Quentin (1898) ; date de leur première apparition dans les annuaires administratifs douaniers.

Pour le laboratoire des Douanes de Lille apparu dans l’annuaire administratif en 1892, il semblerait que la fusion ait été effective plus tôt, ou que la coexistence ait duré cinq années de plus.

3) Le réseau des laboratoires des Douanes après 1897.

 

Après cette date, plusieurs autres laboratoires seront créés dont : Bellegarde (1911), Boulogne sur Mer (1905), Oran (1907), Philippeville (1909), et Strasbourg en 1923.

Comme pour la grande période d’expansion « stratégique » aucun compte- rendu de conseil d’administration ou de direction en administration centrale ne nous est parvenu pour justifier l’ouverture de tel ou tel laboratoire à un moment donné. (Note 4).

 

Chapitre 2 – La vie quotidienne des laboratoires.

a) Mode de fonctionnement, recrutement, effectifs.

 

L’analyse n’en sera que très partielle, car les sources exploitées ; (Circulaires officielles de Douanes et des Contributions indirectes, correspondances diverses figurant au Service des Archives économiques et financières à Savigny le Temple – Seine et Marne / 77) traitent peu du sujet.

 

Toutefois, il est intéressant d’apprendre par une note administrative du 5 Octobre 1907, qu’un stage pratique de deux mois au Laboratoire de Paris était prévu pour les chimistes stagiaires.

 

M. Bordas, le directeur, pour sa part, pensait que :

1 – Les chimistes stagiaires seraient plus utiles dans les laboratoires où des vacances de poste étaient en cours,

2 – que les chimistes en chef étaient aussi capables que lui-même de détecter les erreurs de manipulation qui pourraient être commises.

 

Il est primordial de noter que dès la création des deux réseaux de laboratoires en 1875, la Douane a fait appel à des chimistes de profession pour les cinq laboratoires dont elle avait la charge : M. Ulysse Gayon à Bordeaux (1877), M.Monnot à Dunkerque (1877), M. Février au Havre (1877), M. Favre à Marseille (1877), et M. Andouard à Nantes (1877).

 

Alors que dans les laboratoires des Contributions indirectes ; il ne faut « rien laisser à l’appréciation des préparateurs, qui dans le Service des Contributions indirectes ne sont pas des chimistes de profession et qui sont choisis parmi les agents de la régie à la suite d’un stage destiné à constater simplement qu’ils sont adroits et soigneux ». (Note 5).

 

Les informations qui suivent proviennent exclusivement du Bulletin des anciens élèves de l’ Ecole Supérieure de Physique et de Chimie de la ville de Paris (ESPCI), 10, rue Vauquelin – Paris 5e, et peuvent donc contribuer à donner une image réductrice du recrutement des chimistes pour les laboratoires des Finances.

 

Ceci en l’absence totale des dossiers du personnel des laboratoires au Service des Archives économiques et financières, pour connaître les autres écoles de chimie qui ont fourni le personnel scientifique des Laboratoires du Ministère.

 

En conséquence, les informations en provenance du bulletin des anciens élèves de l’ESPCI nous indiquent :

1 – les questions soulevées par le service militaire de trois ans pour les élèves ingénieurs,

2 – le pourcentage des chimistes de la Fonction publique issue de l’ESPCI,

3 – la carrière de onze chimistes en chef, ainsi qu’une synthèse.

 

1 – le service militaire de trois ans.

 

Bien que la majeure partie des élèves soit entrée dans l’industrie, un certain nombre d’entre eux cependant, étaient attachés aux laboratoires de l’Etat, ce qui ne répondait absolument pas aux vues des fondateurs de l’ESPCI.

La cause principale doit être attribuée au fait que l’école ne bénéficiait pas des avantages de l’article 23 de la loi du 15 Juillet 1889 sur le service national de trois ans.

La seule voie de dispense de deux années de service militaire qui leur était ouverte, c’était l’obtention du diplôme de licencié ès sciences.

Or, la préparation à la licence obligeait les candidats à entrer dans les laboratoires officiels de l’Etat, où ils suivaient les cours nécessaires.

Les élèves particulièrement doués pouvaient passer leurs examens de licence au cours de leurs études à l’école. Encore fallait-il qu’ils soient bacheliers, et certains d’entre eux ne l’étaient pas.

Si l’on avait accordé l’équivalence de l’école et du diplôme de bachelier, les élèves qui se seraient sentis assurés d’avoir ce diplôme auraient préparé leur examen au cours de leur 3 e Année.

– Bulletin des anciens élèves de l’ESPCI ; (Année 1903 P. 117 à 119).

 

2 – Proportion des chimistes de la Fonction publique issus de l’ESPCI

 

Échantillonnage des vingt premières promotions de l’ESPCI employés dans la fonction Laboratoires-Enseignement ; (1er Groupe), ou dans la fonction Techniques générales, industrielles ou commerciales (2e Groupe).

Promotion Age moyen 1er Groupe 2e Groupe
1 à 5 40 à 44 ans 42,20 % 57,80 %
6 à 10 35 à 39 ans 47,97 % 52,03 %
11 à 15 30 à 34 ans 35 % 15 %
16 à 20 25 à 29 ans 59,96 % 40,04 %

 

Aucune explication ne figurait dans le Bulletin pour les différences des promotions 11 à 15.
Bulletin des anciens élèves de l’ESPCI – 23 e Année / Bulletin mensuel n°237 – Mars 1910.

 

3 – Synthèse et carrières individuelles de onze chimistes en chef.

 

Grâce au bulletin des anciens élèves de l’ESPCI, nous avons pu reconstituer très schématiquement la carrière de onze chimistes en chef des Laboratoires du Ministère des Finances.

– Pour M. Claude Bailly, cette carrière sera malheureusement très courte ; (1899-1900), car il décédera à Sète le 12 Décembre 1900.

– M. Charles Barbare exercera à Arras de 1913 à 1929 ; puis à Port- Vendres de 1920 à 1921.

– M. Auguste Beucké, débutera sa carrière comme chimiste à Marseille (1898), puis il la continuera à Paris (1900), avant de travailler comme chimiste en chef à Lyon de 1906 à 1934.

– M. René Botson débutera sa carrière de chimiste chez Viennot, fabricant de sulfate de quinine à Ivry, puis chimiste au Laboratoire des Finances à Marseille en 1898. Il sera chimiste en chef du Laboratoire des Finances d’Alger de 1903 à 1927, et professeur de technologie à l’Ecole supérieure de Commerce d’Alger (1914).

– M. Jules Cusson, chimiste à l’usine de M. Poulenc à Ivry, entre à l’Administration des Douanes en 1888. Il devient rapidement chimiste en chef du Laboratoire de Calais en 1892, puis il dirige le Laboratoire de Rouen de 1892 à 1903. Enfin, il exercera la responsabilité de chimiste en chef du Laboratoire de Marseille de 1904 à 1933.

– M. Eugène David, sera chimiste au Laboratoire de Sète (1889), puis au Laboratoire de Paris en 1892. Il deviendra chimiste en chef au Laboratoire de Dunkerque à partir de 1895, poste qu’il occupera de 1895 à 1931.

– M. Léon Jacomet, commencera sa carrière chez M. Bloch à Montreuil sous Bois en 1888, puis il exercera comme chimiste des Douanes à Marseille (1889), à Rouen (18925), et deviendra chimiste en chef à Dunkerque (1892-1895), Sète (1895-1900), Lyon (1901-1905), puis directeur du Laboratoire des douanes de Callao (Pérou) en 1912. Il est réintégré comme chimiste principal au Laboratoire central du Ministère en 1922.

– M. Georges Martel, sera successivement chimiste en chef à Port-Vendres (1893), à Belfort (1895-1896), et au Havre (1896-1900).

– M. Georges Perrin, sera repris comme premier chimiste des Douanes à Marseille (1889), puis chimiste en chef à Bayonne (1892), Calais (1892-1898), Nantes (1898), Calais de nouveau en 1900, puis Nantes de 1901 à 1927.

– M. Léon Sarrazin, commence sa carrière comme chimiste au Laboratoire de Lyon (1892), puis à Lille (1895), puis à Paris (1899- 1908 ?), et enfin il devient chimiste en chef du Laboratoire de St Quentin de 1912 à 1919, puis responsable du Laboratoire de Bordeaux de 1920 à 1934.

– M. Jean Villadier, chimiste des douanes à Nantes (1888), puis à Paris (1890), et enfin chimiste en chef à Nancy (1892 à 1917), à Port-Vendres (1919), puis à Nancy (1920 à 1933).

 

Tableau récapitulatif des carrières de chimistes en chef :

Nom du chimiste en chef Postes occupés Période dans le grade de chimiste en chef
M. Auguste Beucké Lyon (1906-1934) 28 Ans
M. René Botson Alger (1903-1927) 24 Ans
M. Jules Cusson Marseille (1904-1933) 29 Ans
M. Eugène David Dunkerque (1895-1931) 36 Ans
M. Georges Perrin Nantes (1901-1927) 26 Ans
M. Léon Sarrazin St Quentin (1912-1919), Bordeaux (1920-1934) 21 Ans
M. Jean Villadier Nancy (1892-1917), Port-Vendres (1919), Nancy (1920-1933) 41 Ans

 

Sur les onze personnes évoquées, sept vont avoir des carrières longues en tant que chimistes en chef, de M. Sarrazin, pendant 21 ans, à M. Jean Villadier pendant 41 ans.

 

Dans la mesure de l’accessibilité aux données, le passage du privé au public apparaît inexistant, sauf en tout début de carrière ; M.Botson chez Viennot à Ivry, M. Cusson chez M. Poulenc à Ivry, M. Jacomet chez M. Bloch à Montreuil sous Bois.

 

Soit en début de carrière, soit plus tard dans le parcours professionnel, la prise de fonction comme chimiste dans les Laboratoires des Finances intervient-elle véritablement comme un choix délibéré ; (sécurité d’emploi) ?.

Il y aura un seul expatrié, M. Léon Jacomet, qui prendra la direction du Laboratoire des Douanes de Callao (Pérou), pendant une dizaine d’années.

 

Les effectifs.

 

L’étude des effectifs globaux sur un période de vingt-deux ans ; (1908-1930), donne l’image d’un service stable passant de 102 personnes en 1908, à 94 personnes en 1920, puis à 97 personnes en 1930.

– L’arrêté du 8 Janvier 1908 nous indique : 1 Chef de service, 18 chimistes en chef, 1 chimiste en chef adjoint, 10 chimistes principaux, 42 chimistes, 1 expéditionnaire, 2 chefs-garçons, 27 garçons de laboratoires, soit un total de 102 personnes.

– L’arrêté du 17 Juin 1920 nous indique : 1 Chef de service, 19 chimistes en chef, 1 chimiste en chef-adjoint, 10 chimistes-principaux, 44 chimistes, 3 vérificateurs principaux et vérificateurs, 1 expéditionnaire, 15 garçons de laboratoire, soit un total de 94 personnes.

– L’arrêté du 11 Juin 1930 nous indique : 1 Chef de service, 20 chimistes en chef, 1 chimiste en chef adjoint, 10 chimistes principaux, 44 chimistes, 5 agents (Comptabilité et rédaction), 16 garçons de laboratoire, soit un total de 97 personnes.

Arrêté du 8 Janvier 1908

Laboratoire de Paris Chef de service Chimiste en chef Chimiste en chef adjoint Chimistes principaux Chimistes Garçons de laboratoire
Arrêté du 8 Janvier 1908 1 1 1 4 12 4
Arrêté du 17 Juin 1920 1 1 1 4 15 4
Arrêté du 11 Juin 1930 1 1 1 4 13 5
Laboratoires régionaux
Arrêté du 8 Janvier 1908 17 6 30 23
Arrêté du 17 Juin 1920 18 6 31 11
Arrêté du 11 Juin 1930 19 6 31 11

 

Il est également intéressant de noter que des chimistes auxiliaires ; (Note administrative n°520 du 11 Août 1900), étaient engagés chaque année, en contrat à durée déterminée, pour faire des analyses de sucre pendant la campagne sucrière.

 

Aucun autre renseignement n’est malheureusement disponible quant à l’origine institutionnelle de ces chimistes auxiliaires, ainsi que la durée répétitive de ces engagements sur une longue période.

Les premières femmes chimistes employées dans les laboratoires du Ministère des Finances apparaissent au début des années 1920 dans les annuaires administratifs. (Notes 4 et 5).

b) Nombre d’analyses effectuées et traitement des échantillons.

 

Dans toutes les sources exploitées, il n’a pas été possible de trouver que ce soit pour le Laboratoire central de Paris, ou pour les laboratoires régionaux, de données quantifiables en nombre d’analyses ou en types de produits.

Les seules chiffres qui nous soient parvenus sont ceux inclus dans la note n°500 du 8 Août 1905 concernant le déplacement d’un emploi budgétaire de chimiste-adjoint du Laboratoire de Sète vers le Laboratoire de Belfort, en raison du nombre croissant d’analyses effectué dans ce dernier laboratoire.

Année 1898 1899 1900 1901 1902 1903 1904 TOTAL
Laboratoire de Sète 12 473 10 207 5 695 3 706 3 490 5 044 4 488 45 103
Laboratoire de Belfort 1 076 1 494 1 045 1 060 2 065 2 485 2 342 11 567

 

Pour le laboratoire de Sète, il s’agit principalement d’analyses mono-produit (Vins), tandis que le laboratoire de Belfort diligente des séries d’analyses beaucoup plus diversifiées ; (sucre, alcool, tissu, produits chimiques).

 

– Les échantillons.

 

En ce qui concerne l’arrivée des échantillons dans les laboratoires, l’ouverture de ceux-ci, paquets, boîtes ou bouteilles ne pouvaient se faire qu’en présence du chimiste en chef ou de celles des chimistes-adjoints.

Pendant la durée du travail d’analyse, un ou plusieurs chimistes–adjoints devaient être présents en permanence « de manière à empêcher tout accident qui serait de nature à fausser les résultats des analyses ».

« Le travail des analyses étant exclusivement confié au personnel scientifique, les garçons de laboratoire ne doivent intervenir que pour l’aider dans la partie matérielle des opérations ». (Note 5).

– analyses de contrôle et répartition de compétence pour les analyses spécifiques ; (Circulaires n°461 du 23 septembre 1901 et n°574 du 8 Août 1904)

Le système d’analyses de contrôle déjà en vigueur pour les échantillons de sucres, est étendu à toutes les matières. Cet échantillon de contrôles est prélevé en même temps et dans les mêmes conditions que celui destiné à l’analyse du laboratoire régional.

 

Répartition des compétences entre laboratoires pour les analyses spécifiques.

 

L’arrêté ministériel réserve au Laboratoire de Paris les analyses exigeant des opérations d’une nature particulière.

Dorénavant tous les laboratoires de province pourront procéder aux analyses qu’effectuaient déjà ceux d’Arras, Bordeaux, Marseille, et Nantes. Il est significatif de citer « in extenso » le dernier § de la circulaire n°461 du 23 Septembre 1901 :

(…) « Jusqu’à ce jour les laboratoires régionaux n’ont pas été des laboratoires de plein exercice appelés à effectuer indifféremment toute espèce d’analyse. Ainsi pour les alcools dénaturés, les échantillons étaient répartis entre les seuls laboratoires de Paris, Arras, Bordeaux, Nantes et Marseille.

 

En ce qui concerne les vins, les eaux-de- vie, etc…, c’est seulement dans le cas où il s’agit d’une simple détermination de degré que les échantillons sont dirigés sur les laboratoires régionaux.

 

A l’avenir, tous les laboratoires de province pourront procéder aux analyses qu’effectuaient déjà ceux d’Arras, Bordeaux, Marseille et Nantes ; ils pourront également effectuer les analyses ayant pour objet, soit de déterminer la densité des moûts de bière, soit de reconstituer la densité originelle des bières présentées à l’exportation. Mais les analyses ayant pour but la détermination du rendement en degrés hectolitres des succédanés du malt, ainsi que celles des échantillons d’huiles essentielles et de fécule, demeurent dans tous les cas, réservées au laboratoire central. Il en est de même pour l’analyse des échantillons de liquides et des matières diverses (vins, liqueurs, alcools, bières, vinaigres, bougies, etc…), toutes les fois que des doutes ou des contestations s’élèvent sur l’espèce du produit ou sur la nature des éléments qui le constituent.

 

A l’égard de ces liquides ou matières, la compétence des laboratoires régionaux est limitée aux cas où il s’agit simplement de déterminer la proportion de l’un ou de plusieurs de leurs éléments constitutifs. » (…)

(Note 2).

– Le contrôle de la garantie des métaux précieux.

L’article 45 de la loi de Finances du 26 Décembre 1908 a rattaché le contrôle de la Garantie ; (Métaux précieux), au service des Laboratoires en ce qui concerne l’exécution des essais.

Toutefois, aucune donnée exploitable n’a été découverte concernant ce secteur particulier.

– Les contrôles nécessités par l’application de la loi sur la répression des fraudes du 1 er Août 1905.

 

Ceux-ci sont évoqués par une série d’instructions au service ; parue dans les « Annales des Douanes » ; ancêtre de l’actuel « Bulletin Officiel des Douanes » (B.O.D). Rédigées de 1905 à 1923, ces instructions semblent indiquer qu’une part importante de l’activité des Laboratoires des Finances était prise par l’application de la loi du 1er Août 1905.

 

Toutefois, aucun document ne nous fournit la quantification de l’origine spécifique de ce type d’analyses par rapport au nombre total d’analyses réalisées sur une année, ainsi que le protocole de répartition des compétences entre laboratoires des Finances et laboratoires de la Répression des Fraudes. (Note 2).

c) La dotation technique des Laboratoires d’Alger et de Saint- Quentin.

 

(Note 6).

La (re)découverte au Laboratoire des Douanes de Paris des registres d’achat de matériel pour les années 1898 à 1940 a conduit à une sélection arbitraire sur les laboratoires d’Alger ; (Création en 1892), et sur le laboratoire de Saint- Quentin ; laboratoire compétent pour les contrôles saccharimétriques dès 1875.

 

– le laboratoire d’Alger.

De 1897 à 1901, la dotation en matériel du laboratoire d’Alger par le Ministère des Finances a représenté un somme globale de 576,00 Francs.

Avec une spécificité ( ?) pour le contrôle des vins ; N° d’ordre 280 – « Appareil à distiller les vins à quatre chaudières, cuivre Dujardin ».

Il est à noter qu’en 1901 tout le matériel acheté par le Ministère est transféré à l’Algérie. On peur penser que les achats ultérieurs seront effectués sur le budget propre de ce territoire colonial.

 

– le laboratoire de Saint-Quentin.

En vingt-quatre ans, de 1898 à 1922, le Ministère des Finances équipera le laboratoire pour une somme globale de 14 672,00 Francs.

La dotation en matériel pour le contrôle saccharimétrique comprendra, entre autres instruments :

– 1 Microscope Nachet, N° d’ordre 325,

– 1 Saccharimètre Laurent, N° d’ordre 671,

– 1 Balance Curie, N° d’ordre 126,

– 1 Balance d’analyse Collot Serrin, N° d’ordre 715,

– 1 Alambic en cuivre N° d’ordre 818,

– 1 Moteur à air chaud Henrici’s, N° d’ordre 1124,

– 1 centrifugeuse Turnilo, N° d’ordre 1596,

– 4 Saccharimètres pour tubes de vingt centimètres ; N° d’ordre 2791, 2792, 2793 et 2794,

– 1 Saccharimètre à lumière blanche, N° d’ordre 2795,

– des boîtes de poids spécifiques pour le contrôle des sucres.

 

 

Notes et références :
– (Note 1) : « Histoire de la législation des sucres (1664 – 1891), par E.BOIZARD, chef de bureau au Ministère des Finances et H. TARDIEU, Ingénieur des Arts et Manufactures – Bureau de la « Sucrerie Indigène et Coloniale » – 10, rue de Louvois – 1892. Référence 523.2 BOI / MAG (service des Archives économiques et financières.
– (Note 2) : « Recueil des Lois et Règlements des Douanes, Années 1870 à 1910 », « Recueil des Lois et Règlements des Contributions indirectes, Années 1870 à 1910 ».
– (Note 3) : « Travaux parlementaires préparatoires à la loi du 12 Août 1875 » – P.321 / Recueil du 27 Mars au 3 Août 1875.
– (Note 4) : Annuaires administratifs douaniers de 1875 à 1940.
– (Note 5) : Service des Archives économiques et financières / Notes administratives / Carton n° 54786 / 03.
– (Note 6) : Registres d’achat du matériel des Laboratoires du Ministère de l’Economie et des Finances. Registre n°1 : (Années 1898 à 1909 / Numéros d’ordre de 1 à 1975), Registre n°2 : (années 1909 à 1935 / Numéros d’ordre de 1976 à 3983). Ces documents sont conservés au Laboratoire interrégional des Douanes de Paris.
– (Note 7) : Ulysse GAYON / Archives municipales de Bordeaux. Ouvrages consultés : – A.Richard « Eloge d’Ulysse Gayon » dans « Actes de l’Académie de Bordeaux », 1930 – 1931, pages 157 – 167, (Cote F11/13). – R. Margard, « Ulysse GAYON » (1845-1929), Bordeaux,1963, 43 pages, (Cote IX – g / 951). – P. Ribereau – Gayon, « Un savant bordelais, Ulysse GAYON », Bordeaux, Faculté des Sciences,1998, 52 pages, (Cote IX – g / 1367).
– (Note 8) : « Les professeurs du Conservatoire national des Arts et Métiers » – Dictionnaire biographique 1794 – 1955, L à Z, sous la direction de Claudine Fontana et André Grelon – INRP / CNAM – Notice biographique de Victor de Luynes (Pages 151 à 158), signés par Gérard Emptoz.
– (Note 9) : Maison des Ingénieurs – Agronomes ; Association des anciens élèves de l’Ecole supérieure d’Agriculture. Quai Voltaire 75007 Paris. Notice nécrologique. Académie des Sciences – 23, Quai Conti – 75006 Paris ; dossier biographique de Frédéric Bordas.
– (Note 10) : « Annales internationales de la Répression des fraudes » ; (Service des Archives économiques et financières).
– (Note 11) : Echanges de courriers avec les Archives fédérales helvétiques, et les Archives d’Etat du Canton de Genève.

 

Pour le contexte administratif général, consulter l’Histoire de l’Administration des Douanes de M. Jean Clinquart.

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