Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Gares frontières et contrôle des trains (fin XIXe-début 20e s.)
En écho à l’évocation de Jean Clinquart sur les gares douanières (*), nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, un extrait de l’ouvrage de Bruno Hamon consacré à « La Douane des frontières de terre » (**).
Grace aux nombreuses illustrations et aux informations qui les accompagnent, cette rétrospective des « gares frontières » au cours de la seconde moitié du 19e siècle et du début du siècle dernier s‘avère particulièrement instructive.
L’équipe de rédaction
Les premières liaisons ferroviaires internationales datent du milieu du 19ème siècle. Le réseau belge fut relié à Lille via Tourcoing et Valenciennes via Blanc-Misseron en 1842. Les premières visites des bagages des voyageurs se firent en gare de Lille et Valenciennes cette même année. Paris ne fut relié à la Belgique qu’en 1846. Un premier règlement franco-belge-rhénan concernant le “transit international par chemin de fer” fut signé en 1848. Il faisait reporter la visite des marchandises sous scellés au premier bureau frontalier ou de l’intérieur du territoire, là où la douane était implantée. Pour la première fois, il était reconnu que les plombs apposés par les douanes étrangères avaient une valeur pour la douane du pays d’arrivée. Ces mesures favorisèrent l’écoulement du trafic et conduisirent au renforcement de la douane parisienne.
Les grandes gares internationales frontalières au début du siècle dernier sont installées à Tourcoing, Baisieux, Lille, Feignies, Jeumont, Blanc-Misseron, Givet, Igney Avricourt, Petit Croix, Pontarlier, Bellegarde, Vintimille, Cerbère, Hendaye.
Avant 1914, les bureaux ayant en charge le trafic ferroviaire sont les offices traitant le plus de déclarations en douanes de leurs directions respectives.
Le transport international par chemin de fer fut à l’origine de nombreuses mesures d’accompagnement simplificatrices tenant aux particularités de ce mode de transport et au partenariat qui s’installe avec les compagnies ferroviaires. Les règles de transit international se banalisent dès 1853, les premières gares communes sont créées à Wissembourg en 1857, puis à Culoz en 1858, à Hendaye et Irun en 1864.
La libre circulation des matériels roulants des compagnies ferroviaires fut accordée aisément, la possibilité de payer par chèque à compter de 1883…Le droit de recherche dans les écritures des entreprises est né en 1895 dans les gares. Il était désormais possible d’exiger en matière ferroviaire la communication des papiers et documents de toute nature relatifs au transport et au dépôt des marchandises. Cette disposition sera étendue en 1920 aux compagnies maritimes, aux consignataires, aux courtiers et commissionnaires en douane.
En 1925, ce droit s’applique au transport aérien et routier. La douane disposait donc alors d’un véritable droit de communication. Les assujettis étant tenus alors de conserver leurs documents trois ans.
Cette gare est reliée à Neuchâtel en Suisse en 1860 et à Paris et Lausanne via Pontarlier en 1875. Cette ligne prend de l’importance en 1906 après l’ouverture du tunnel du Simplon qui relie la France et l’Italie. A la veille de la première guerre mondiale, le bureau de Pontarlier est de très loin le plus important de la direction. Il gère 38280 déclarations par an. Vient ensuite celui de Morteau qui est cinq fois moins actif, puis celui de Besançon, qui est lui-même cinq fois moins actif que celui de Morteau. La création d’un bureau national à contrôle juxtaposé franco-suisse dans la gare de Pontarlier ne date que de 1969.
Une gare particulièrement sujette aux incendies. La première gare trans-frontalière fut construite en 1854. Elle avait les formes d’un chalet suisse. La douane était déjà présente. Tout en bois, elle brûle une première fois en 1867. Reconstruite en brique et en bois, elle brûle de nouveau le 31 juillet 1904. La dernière que l’on voit ici construite en 1905 et terminée en 1907 abritait une immense salle de visite d’où débarquaient les voyageurs en provenance de Genève. Cette gare brûla de nouveau le 9 avril 2003.
La délimitation de la frontière entre la France et l’Allemagne issue du traité de Francfort de 1871 conduit à la création de nouvelles gares internationales. C’est le cas à Batilly, Pagny sur Moselle, Avricourt, Moncel, Ecouviez, Chambley, Petit Croix…, soit autant de lieux oubliés aujourd’hui. Le contrôle en cours de route existe déjà au 19ème siècle. C’est le cas entre Petit Croix et Belfort. Douaniers français en gare d’Igney Avricourt avant 1914. Direction de Nancy.
Les arrêts en frontière étaient provoqués par les formalités douanières. On le voit ici à Blanc-Misseron à la frontière franco-belge, à Bellegarde, à la frontière franco-suisse. Ils l’étaient aussi à la frontière espagnole pour d’autres raisons. Les réseaux ferrés français et espagnols n’étaient pas compatibles, ce qui impliquait de transborder les marchandises d’un train à l’autre sous la surveillance douanière. Cerbère. Direction de Perpignan avant 1914.
Douaniers de la brigade de Tourcoing gare avant 1914. Les bureaux sont implantés dans les gares de Tourcoing depuis 1843 et à Roubaix depuis 1842. Direction de Lille.
Une visite des wagons de voyageurs vers 1905 à Tourcoing. Depuis 1893, l’administration des douanes fait afficher un avis en plusieurs langues destiné à informer les voyageurs sur les obligations douanières. En 1938, elle le fit même en Esperanto.
Résumant les instructions de l’époque, il était enseigné à l’école professionnelle des vérificateurs des douanes que :” Les colis doivent être vérifiés avec précaution…En cas de saisie, cette mesure ne doit pas exclure une parfaite correction. Même si les voyageurs se laissent aller à des mouvements d’impatience plus ou moins justifiés, le service doit demeurer calme. En un mot, le vérificateur, en accomplissant cette partie la plus délicate de ses attributions, doit chercher à concilier les exigences de la législation douanière avec la liberté des voyageurs, leur commodité, la rapidité des communications et les relations de bon voisinage entre les nations…”
En règle générale, les douaniers les plus anciens venaient y finir leur carrière. Les services y étaient moins durs. Leur expérience des contrôles leur donnait un avantage certain alliant savoir faire, courtoisie et fermeté.
Ci-dessus, l’express Paris-Milan passe devant un douanier. Le bureau de Vallorbe-gare est créé en 1915 après percement du tunnel.
Ci-dessous, la gare de Morteau, construite en 1874. Direction de Besançon avant 1914.
Ci-dessus, la gare des Hôpitaux neufs utilisée dans la liaison Pontarlier Vallorbe. La douane y est installée.
Ci-dessous l’imposant bâtiment des douanes françaises à la gare de Pontarlier. Direction de Besançon avant 1914.
Bruno Hamon
Notes :
(*) « Les gares douanières » par Jean Clinquart (extrait de « l’administration des douanes en France de la Révolution de 1848 à la Commune (1848-1971) – AHAD 1983)
(**) Bruno Hamon – « La Douane des frontières de terre » – Editions AHAD – 2009
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