Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Les douaniers au siège de Strasbourg en 1870 (2ème partie)

Mis en ligne le 1 juillet 2020

Le bombardement de Strasbourg

 

Sur ordre du chef d’état major de l’armée allemande, Von Moltke, qui désirait s’emparer de Strasbourg au plus vite, le général Von Werder, commandant le corps de siège, commença le bombardement systématique de la ville afin d’en terroriser la population et d’en hâter la capitulation.

 

Arthur Chuquet a fait de ce bombardement une description saisissante :

 

« Le 23 août, de neuf heures du soir au lendemain à huit heures du matin, le canon allemand ne cessa de tonner et de jeter des projectiles sur presque tous les points. Mais la nuit du 24 fut la nuit terrible, la nuit vraiment destructrice dont les Strasbourgeois ne se souviennent qu’avec frémissement. Sans répit ni trêve, durant plusieurs heures, une pluie de fer s’abattit sur les maisons et sur les édifices publics. Toute la nuit retentit te cri lugubre des guetteurs, postés sur la plate-forme de la cathédrale :

 

Au feu ! Au feu, Temple neuf !! Au feu, rue du Dôme ! Au feu, Broglie Au feu, rue de la Mésange ! Au feu, place Kléber ! Au feu, quai Finkmatt ! Au feu, rue du Bouclier ! Toute la nuit s’élevèrent des colonnes de flammes qui répandaient leurs lueurs sur Strasbourg et les environs. Toute la nuit on entendit le sifflement des obus, le pétillement de l’incendie, le fracas des tuiles et des cheminées qui tombaient, le gémissement des mourants et les clameurs des gens qui s’agitaient éperdus et appelaient au secours.

 

Le musée de peinture et la bibliothèque avec ses livres rares et ses manuscrits précieux n’existaient plus (3). Le lendemain, l’évêque, Mgr Raess, se rendit au quartier général allemand pour demander la fin du bombardement; il ne put franchir les avant-postes et la nuit du 25 août égala celle du 24 en désolation et en effroi.

 

De même que la veille, les flammes brillaient et bruissaient partout, à la gare, au faubourg national, à l’hôpital civil. La rue du Fort fut consumée tout entière. La cathédrale reçut une grêle de projectiles; ses dentelles de pierre volèrent en éclats, la toiture de sa nef s’embrasa; son énorme masse, environnée et illuminée par le feu offrit un spectacle à la fois grandiose et horrible.

 

Mêmes ravages et mêmes ruines dans la nuit du 26 août au faubourg de pierre, au faubourg national, au marais Kageneck, à la cour Marbach. Le 27, le palais de justice avec ses archives et ses dossiers flambait à son tour. La chaleur des incendies était si intense qu’elle fit fondre, dans l’arsenal, les ailettes des boulets. Pourtant, l’assiégeant se relâche. Mais que de désastres encore ! Et que de bâtiments s’effondrent sous les bombes ! La caserne de la Finkmatt brûla le 6 septembre, le théâtre le 10, la préfecture le 20 et dans les faubourgs le feu ne s’éteignait plus » (4).

 

Les douaniers prirent leur part à la lutte contre l’incendie et à la mise à l’abri des archives du département.

 

 

M. De Malartic, haut fonctionnaire à la préfecture de Strasbourg relate dans un ouvrage consacré au siège que « l’incendie de la bibliothèque avait été pour l’administration départementale un avertissement salutaire. On descendit dans les caves des archives les collections les plus précieuses, puis au rez-de-chaussée les papiers moins importants, de manière à laisser les étages supérieurs dégarnis et sans rien qui prit alimenter un incendie. Grâce à ces précautions et aussi au zèle de l’architecte du dépôt (M. Morin) et d’un poste permanent de pompiers doublés de douaniers et d’ouvriers, tous les documents de ces archives ont été sauvés ».

 

D’autre part, les états des tués, blessés ou disparus mentionnent que les agents Willer et Westermann ont été blessés, le 20 septembre, par la chute de tuiles à l’incendie de la préfecture et que, le 22 septembre, le préposé Ries Philippe de Seltz, Sème compagnie, a été grièvement blessé à la tête par un éclat d’obus en manœuvrant une pompe à incendie de la préfecture. Admis à l’ambulance du petit séminaire il devait y décéder le 26.

 

 

La population civile fut durement éprouvée par les bombardements. « Les victimes furent nombreuses et bien souvent passèrent par les rues les brancards qui tous portaient les blessés aux ambulances et la petite voiture qui recueillait les morts pour les déposer dans l’intérieur de la ville au jardin botanique transformé en cimetière ». (5)

 

Le vendredi 9 septembre le quartier Saint-Nicolas fut incendié dans la matinée. « Outre les troupes de l’artillerie, on y avait logé les douaniers rentrés en ville et une partie des gardes mobiles » (4).

 

Dans un rapport au général Ulrich, le directeur Marcotte analyse la situation de ses agents :

 

« Mes hommes ont beaucoup souffert. De ceux qui sont présents, près de 300 se trouvent séparés totalement de leurs familles, dont ils n’ont pas de nouvelles et dont le sort les inquiète avec juste raison; 58 ont vu bombarder et incendier leurs logements particuliers, avec la plus grande partie de leur modeste mobilier et de leurs effets, et, quant aux autres, leur casernement, que j’étais parvenu si péniblement à établir, à la douane et à la gare, est entièrement détruit par le feu ou par l’effet du bombardement. J’ai, en ce moment, 400 hommes environ, malades et invalides compris, entassés dans les corridors et dans les caveaux de la douane, continuellement criblée par les projectiles. (Sur 14 morts ou blessés, 11 l’ont été au campement). C’est une situation lamentable et à laquelle aucune autre, j’ose le dire, ne saurait être comparée dans la place de Strasbourg ».

 

 

 

L’incident du 31 aout 1870

 

 

A ces conditions matérielles d’existence si précaires, il faut ajouter la fatigue provoquée par l’utilisation intensive des agents de la 2ème Légion de l’Est pour des actions de combat. Nous avons vu précédemment que sur les quatre compagnies du bataillon de guerre, deux étaient composées de préposés âgés ou chargés de familles nombreuses.

 

Selon le directeur Marcotte :

 

« Il y avait à tenir compte de cette considération que les deux premières compagnies seules pouvaient être utilisées pour un service actif régulier, la seconde même avec un certain ménagement. Au lieu de cela, on a employé tout le corps des douanes indistinctement, sans même faire la défalcation des non-valeurs et des vides produits soit par les maladies, soit par le feu de l’ennemi; on l’a employé sur le front de défense le plus exposé et à des postes extérieurs et avancés, qui ne sont pas la place d’un corps spécial, affecté extraordinairement au service de la guerre ».

 

On peut comprendre, dès lors, qu’un sentiment de lassitude se soit emparé d’une partie des membres de la troisième compagnie, en principe de réserve, qui l’amena à refuser le 31 août au matin de rejoindre ses postes.

 

En effet, il se produisit « ce jour là un fait particulièrement grave » dont le colonel Marcotte rend compte en ces termes :

 

« Une trentaine d’hommes, appartenant tous à la compagnie du capitaine Lacour, désignés pour le service de détachement à la gare extérieure du chemin de fer, se mit en état déclaré de mutinerie en refusant ce service. Les officiers supérieurs qui se trouvaient à ce moment réunis en conseil auprès de moi, coururent aussitôt au quartier, et grâce à leur énergie d’abord, puis au concours d’un certain nombre de volontaires, le service commandé put recevoir son exécution ».

 

Le commandant Astier et le capitaine adjudant-major Allot se montrèrent dans cette circonstance particulièrement actifs et persuasifs. Dans un autre document, M. Marcotte, évoquant le refus des mutins, cite un point de service différent : le pâté n° 37, ouvrage fortifié extérieur situé au sud-ouest de la ville, dénommé également « fort du pâté« .

 

Le capitaine Lacour, pour sa part, indique dans une lettre destinée à son supérieur : « J’ai prié, en votre nom, les deux détachements d’aller relever leurs camarades ».

 

Il semble donc que le mouvement d’insubordination ait touché tous les agents de la troisième compagnie désignés, ce jour là, de service extra-muros tant à la gare extérieure qu’au pâté. Le soir même, les contestataires demandaient à reprendre leur service, à l’exception de trois d’entre eux qui disparurent et furent considérés comme déserteurs.

 

Dans son rapport au conseil d’enquête sur le siège de Strasbourg, faisant état d’actes d’indiscipline dans la garnison, le général Uhrich conclut :

 

« Enfin, un bataillon de douaniers refusa un jour de marcher, mais l’énergique intervention du directeur des douanes ramena les égarés à l’obéissance. Ces troupes ne pouvant être assimilées à l’armée régulière, j’ai cru prudent de fermer les yeux et de laisser la répression à la discipline intérieure ».

 

Effectivement, par ordre du 2 septembre 1870, le directeur, colonel de la 2ème Légion de l’Est prit un certain nombre de sanctions administratives (dégradation, double annotation) à l’encontre des principaux instigateurs de la révolte.

 

Parallèlement, le même ordre de service cite et récompense les préposés volontaires pour remplacer leurs collègues défaillants et ceux dont la bravoure avait attiré l’attention depuis le début du siège.

 

Enfin, la responsabilité de l’incident fut en partie attribuée au chef de la 5ème compagnie, le capitaine Lacour, dont le laxisme et la mauvaise tenue avaient déjà été signalés.

 

« Le service de cette compagnie a laissé d’abord à désirer et c’est à l’insuffisance, chaque jour plus évidente, du commandement de M. Lacour que l’hésitation ou le défaut de discipline des hommes devait être attribué », relève le colonel Marcotte qui reproche, par ailleurs, à cet officier « le fait d’avoir laissé se produire dans son commandement des actes de mutinerie, de refus de service et de n’avoir su qu’adresser des prières aux hommes qui s’en rendaient coupables ».

 

Le 13 septembre, le commandant Astier, au cours de sa ronde sur les remparts, trouvait le capitaine Lacour, la tenue débraillée, en état manifeste d’ivresse. Cette nouvelle incartade devait amener le Directeur à prononcer la mise à la retraite de son auteur à compter du 1er octobre suivant (ordre du 14 septembre 1870). Il semble cependant que cet ordre ait été rapporté, sur intervention du général Uhrich, dans les tout derniers jours du siège. (5)

 

 

La fin du siège. Septembre 1870

 

 

En dépit de ce malheureux incident, qui n’a affecté que la 5ème compagnie, les douaniers n’ont pas inter- rompu leur contribution à la défense de la ville et ils ont à nouveau les honneurs de la presse locale :

 

« Les douaniers continuent à sortir tous les matins par cinq des portes de la ville pour faire des reconnaissances aux environs. Hier matin, un peloton de treize hommes chargé d’une reconnaissance hors la porte d’Austerlitz a rencontré un avant-poste prussien avec lequel il a engagé une vive fusillade. Les Prussiens ont fini par céder le terrain laissant un des leurs entre les mains des douaniers ». (Le courrier du Bas- Rhin du 1er septembre 1870).

 

Dans son numéro du 2 septembre, un autre journal strasbourgeois, L’Impartial du Rhin, rapporte le même fait dans un entrefilet ainsi rédigé :

 

« Parmi les troupes qui nous rendent les plus utiles services dans la crise actuelle, il n’est que juste de signaler tout particulièrement le corps des douaniers. Ces hommes rompus aux fatigues d’une surveillance continuelle, sont constamment en service; ils prennent une part très active aux sorties faites de temps à autre contre l’ennemi; avant-hier encore, un de leurs détachements a livré une escarmouche à un des avant-postes établis hors la porte d’Austerlitz, lui a fait subir quelques pertes, l’a mis en fuite et a ramené en ville un prisonnier ».

 

L’ordre directorial du 2 septembre 1870, déjà cité, accorde un avancement au préposé Schwartz, du pont de Kehl, « qui a fait un prisonnier dans la matinée du 31 août et qui est, d’ailleurs, noté comme un des meilleurs soldats de la Légion« .

 

On peut lire également dans Le Courrier du Bas-Rhin du 1er septembre cet éloge du bataillon des douaniers :

 

« Depuis le commencement du siège cette poignée d’hommes qui a déjà fait dix prisonniers se distingue par un courage et un zèle des plus remarquables. Ce matin encore deux douaniers ont été tués aux avant-postes ».

 

Effectivement le service militaire des douanes signale au commandant de la place dans son état quotidien du 2 septembre :

 

– Freis, Charles, François-Joseph, préposé de la Maison blanche, 1ère compagnie, tué le 1er septembre 1870 à huit heures du matin à l’avancée du chemin de fer (éclat d’obus).

– Pfeiffer, François, Georges, préposé de la brigade de Niederlauterbach, grièvement blessé sur le même point (éclat d’obus) à la tête et aux mains.

 

Le rapport de service du colonel de la 6ème légion de gendarmerie mentionne lui aussi que « dans le courant de la journée un garde d’artillerie et un douanier ont été tués aux avant-postes et 4 militaires blessés« .

 

Journée néfaste pour le bataillon douanier, le commandant Laurent Peythieu est blessé au campement par un éclat d’obus dans le dos.

 

Pour compenser les pertes subies par le bataillon, tués, blessés et déserteurs du 31 août, le Directeur des douanes fut amené à recruter des préposés au début du mois de septembre et fit paraître, à cette fin, le communiqué suivant dans la presse locale :

 

Direction des douanes de Strasbourg.

 

« Des vacances s’étant produites dans le personnel des brigades de douanes de la direction de Strasbourg, les candidats aux emplois de préposés pourront se présenter, tous les matins, à dix heures, dans les bureaux du directeur, quai Saint- Thomas.

 

Les postulants devront être munis de bons certificats, être célibataires et être âgés de moins de 25 ans, s’ils n’ont pas été militaires, et de moins de 29 ans, s’ils ont servi sous les drapeaux. Le premier versement de masse est de 60 francs ».

 

On ne sait s’il y eut beaucoup de candidats, mais l’un d’entre eux ne s’avéra pas une recrue de choix puisque le colonel Marcotte devait écrire le 6 septembre au général commandant supérieur :

 

« Mon Général,

J’ai l’honneur de m’adresser à vous pour obtenir une mesure de rigueur exemplaire contre le préposé Nottin, ancien soldat du 5ème bataillon de chasseurs à pied, libéré depuis le mois de juillet dernier, et admis, par moi, comme préposé des douanes, le 1er septembre courant.

 

Cet homme qui, dans les premiers jours, avait déjà manqué à plusieurs appels, a complètement disparu, depuis le 4, emportant les effets d’habillement qui lui avaient été délivrés et son arme. Il se trouve donc dans un cas de désertion caractérisée ».

 

Cependant tous ces incidents ne ralentissent pas l’ardeur au combat des agents les plus jeunes.

 

On en trouve la preuve dans la requête adressée le 6 septembre par le directeur au général Uhrich :

 

« Mon Général,

Une vingtaine d’hommes de la 1ère compagnie des douanes (garçons) se sont fait inscrire comme volontaires pour un coup de main à faire sur les avant-postes prussiens du côté de la porte d’Austerlitz.

 

Ces hommes voudraient, en se concertant avec le détachement chargé sur ce point de la reconnaissance du matin, aller s’embusquer la veille au soir dans les jardins et près des mai- sons qui se trouvent entre la route du polygone et celle d’Ilikirch, de manière à mettre les avant-postes ennemis entre deux feux, au moment où les Prussiens se retirent devant le détachement de sortie.

 

Il vous appartient de juger, mon général, si la proposition de ces volontaires est acceptable, et, dans le cas de l’affirmative, de leur donner l’autorisation de sortie qu’ils demandent ».

 

Il n’a pas été trouvé trace de la réponse à cette suggestion. La situation matérielle et morale du bataillon qu’il commande préoccupe fort le colonel Marcotte qui intervient à plusieurs reprises auprès du général Uhrich.

 

Dans son rapport du 4 septembre, le directeur, après avoir souligné qu’il était demandé quotidiennement au bataillon de fournir un contingent de 177 hommes sur 325 agents plus ou moins valides, suggère que le service d’avant-poste aux rotondes du chemin de fer cesse d’être imposé à la douane, ce qui ramènerait ce contingent à 136 hommes.

 

« J’ai la confiance, mon général, que ce chiffre vous paraîtra suffisant.

 

Aller plus loin, ce serait inévitablement, ne fût-ce que par les fatigues et les maladies, la destruction d’un corps méritant, qui, utilisé suivant sa spécialité, comme l’exigent, d’ailleurs, les instructions, a déjà rendu d’excellents services, et qui peut en rendre encore de très grands, si des éventualités que nous devons désirer et espérer très prochaines, viennent à se réaliser (7).

 

Je soumets avec confiance ces observations, mon général, à votre cœur loyal et à votre ferme jugement.

 

Il me serait bien plus facile de mettre de côté toutes les préoccupations et la responsabilité déjà, d’ailleurs, bien diminuée de mon commandement, sauf, après la campagne, à me faire un mérite du nombre disproportionné d’hommes que j’aurais perdus, ou seulement de l’excès de sacrifices et de fatigues qui aurait été imposé à mon service. Je ne suis pas de ce caractère et je comprends autrement mes devoirs.

 

Je ne puis craindre, d’ailleurs, de vous déplaire, mon général, en vous adressant de respectueuses représentations; mais ce malheur dût-il m’arriver, que je n’en parlerais pas avec moins de franchise ».

 

Ayant brossé ensuite le triste tableau de la situation de ses hommes, M. Marcotte poursuit :

 

« Dans de pareilles conditions, il ne faut pas s’étonner que le moral du bataillon ait paru un moment ébranlé. Il s’est relevé et il se soutient encore cependant, grâce à l’énergie des officiers supérieurs et de l’Adjudant-major, énergie dont je ne saurais trop faire l’éloge et sans laquelle il m’eût été impossible de suffire à la lourde tâche qui m’incombe personnellement.

 

Mais j’ai des hommes qui ont disparu, plusieurs, je le sais, par désertion; d’autres prétendent quitter le corps, pour reprendre du service dans l’armée parmi les vétérans, faculté que je refuse de leur accorder; il y en a qui invoquent le droit acquis par eux à la retraite, et il est impossible de ne pas reconnaître dans tout cela les indices d’un découragement résultant, il faut bien le dire, beaucoup moins des dangers à courir et dont personne n’est exempt, que de cette conviction arrêtée, à tort ou à raison, dans l’esprit des hommes composant le corps, qu’on ne tient pas assez compte de leur dévouement et de la mesure du service dont ils sont capables.

 

C’est un mal auquel il me parait urgent de remédier et la seule satisfaction que je demande y suffirait ».

 

Deux jours plus tard, le directeur réitère ses observations :

 

« Mon Général,

L’ordre de service, arrêté à la Place, pour le 6 septembre, porte encore l’emploi de 186 hommes, y compris six officiers, dont 41 hommes extra-muros, devant la rotonde du chemin de fer. De plus, à l’instant même, je reçois un nouvel ordre de la Place, réclamant 34 hommes de garde à la mairie, pendant 18 heures sur 24, savoir de six heures du soir aujourd’hui, jusqu’à quatre heures du matin du 7; puis de 10 heures du matin du même jour jusqu’à 6 heures du soir; service que la Douane aura à continuer, de même, les jours suivants.

 

Ce dernier ordre, dicté verbalement à l’adjudant sous-officier de service, sans aucune autre explication, implique sans doute le retrait du premier ordre relatif aux 41 hommes à fournir par le service des douanes à l’extra-muros, car il serait absolument et matériellement impossible à ce service de donner 220 hommes par jour, soit à la défense, soit à l’intérieur de la place.

 

Confiant dans les intentions si bienveillantes que m’annonçait votre dépêche d’hier, je viens vous prier, mon Général, de vouloir bien, tout en maintenant le dernier ordre relatif à la surveillance de la Mairie, m’accorder, dès ce moment, le retrait de celui concernant le service de la douane aux rotondes du chemin de fer ».

 

Il semble résulter de tout ce qui précède que le principal grief des agents et surtout des plus âgés ait été le service extra-muros à l’avancée et aux rotondes du chemin de fer.

 

Dans une autre correspondance, le directeur, après avoir noté que le bataillon a eu deux tués sur ces deux points de service là, explique les dangers auxquels ses hommes y sont exposés :

 

« Mais on doit s’attendre d’un moment à l’autre, à ce que le détachement, chargé de ce service, soit, en cas d’une brusque et vive attaque de l’ennemi, très sévèrement compromis.

 

Il faudrait là, pour opérer une rapide retraite, des hommes très agiles et très énergiques. Or les préposés qui avaient d’abord refusé le service le 31 août étaient de la 3ème compagnie, composée de vétérans, dont la moyenne d’âge était de 45 ans environ.

 

Outre la distance qu’ils auraient eue à parcourir, en cas d’attaque par des forces supérieures, pour se replier vers les remparts, il faut considérer qu’ils auraient eu encore à franchir deux larges fossés, chacun au moyen d’une nacelle qui ne peut guère transporter à la fois et avec sécurité plus de 8 à 10 hommes. Les 36 à 40 douaniers placés à l’avant-poste et les 20 mobiles qui se trouvent avec eux à l’extérieur de la place, étant ramenés vivement à l’arrière vers les fossés, dans l’obscurité de la nuit et dans une confusion inévitable, se disputeraient le passage de ces fossés et il est facile de préjuger quel serait le sort du plus grand nombre ».

 

Ces diverses interventions du directeur Marcotte finirent sans doute par produire leur effet, puisque A. Schneegans, adjoint au maire de l’administration républicaine de Strasbourg note dans son ouvrage « La guerre en Alsace – Strasbourg » : « Le bataillon des douaniers passa avant la fin du siège au second arrondissement, les sorties auxquelles il prenait part l’ayant considérablement ébréché, et le général ne voulant pas laisser exposés aux coups les plus terribles des hommes pour la plupart mariés et pères de famille ».

 

La lecture des diverses correspondances de M. Marcotte au général Uhrich ainsi que de ses ordres de service nous révèle un directeur attentif au sort de ses hommes, ferme mais juste, sachant punir lorsque le besoin s’en fait sentir, mais aussi récompenser.

 

Le général Von Werder, commandant les troupes assiégeantes, avait pensé que le bombardement systématique de la ville pousserait la population civile à exiger rapidement des autorités militaires la reddition de la place.

 

Il n’en fut rien, bien au contraire. Aussi, le 29 août, les assaillants commencèrent-ils l’attaque des fortifications.

 

Les travaux de siège allemands consistèrent dans la construction de lignes fortifiées parallèles de plus en plus proches des ouvrages de la ville.

 

La première de ces lignes était en place le 9 septembre malgré une sortie du 87ème de ligne en direction de Cronenbourg, qui fut repoussée, puis une troisième.

 

L’artillerie allemande, forte de 172 bouches à feu et de 120 fusils de remparts, démantelait nos fortifications.

 

Sous le feu de l’artillerie prussienne les défenseurs de la ville durent évacuer successivement la lunette 44, le 19 septembre, la lunette 53, le 20, et la lunette 52, le 23.

 

Cette dernière fut occupée par l’ennemi qui traversa le fossé sur un pont de tonneaux et, investissant le glacis, battit en brèche les bastions 11 et 12 qui flanquaient la porte de pierre.

 

 

La capitulation de la place et le départ en captivité

 

 

Le 27 septembre, les officiers du génie rendaient compte au général Uhrich de l’état de la brèche qui pouvait permettre aux assaillants de donner l’assaut. La situation était sans espoir. Le conseil de défense en prit acte et, afin d’éviter le massacre inutile de la garnison, la capitulation était signée le 28 septembre à 2 heures du matin.

 

« A 11 heures, les troupes, prisonnières de guerre, quittaient la ville. Les Strasbourgeois, émus et pleurants, entouraient leurs défenseurs, les regardaient une dernière fois, leurs serraient les mains : Au revoir, leur disaient-ils, vous nous reviendrez.

 

Uhrich, Barrai, Excelmans et l’état-major précédaient, à pied, la colonne française. Dès que Werder aperçut Uhrich, il descendit de cheval et embrassa le générai en le félicitant de sa belle résistance.

 

Derrière Uhrich venaient les douaniers, les marins, les artilleurs, graves, résignés; puis pèle-mêle, sans ordre ni discipline, le reste de ta garnison, ivre de vin et de rage, brisant ses armes ou les jetant dans les fossés ».

 

De son côté, Rodolphe Reuss note dans son « Histoire de Strasbourg »:

 

« La sortie de nos troupes, le 28 septembre, vers 11 heures du matin, offrit un attristant spectacle à ceux qui, par milliers, s’étaient portés sur les remparts et vers les rues près de la porte nationale afin de les saluer une dernière fois, avant qu’elles ne vinssent déposer leurs armes sur les glacis. La plupart des soldats, ivres de colère ou de vin, avaient brisé leurs sabres et leurs baïonnettes et en avaient jeté les débris à la rivière; ils marchaient dans le plus grand désordre et seules quelques compagnies d’élite, les pontonniers, les douaniers, etc … défilèrent dans une attitude irréprochable ».

 

Le même auteur dans une conférence sur le siège de Strasbourg, éditée par les Publications de la société savante d’Alsace et des régions de l’est, décrit la reddition de la place en ces termes :

 

« Quelques corps d’élite, les débris du vaillant 87ème de ligne (il avait perdu 679 hommes de son effectif pendant le siège), les pontonniers sous le brave commandant Bergère, les douaniers, les gendarmes surent conserver une attitude digne dans le malheur et sortirent en silence, dans un ordre parfait, de la place, pour déposer leurs armes sur les glacis.

 

Mais une foule d’autres, plus ou moins ivres, insultaient le général Uhrich et son état-major. Par leur lamentable tenue ces malheureux ternirent cette page finale du siège et lui enlevèrent quelque chose de sa grandeur tragique ».

 

Enfin, A. Schneegans, rapportant les débordements de la troupe conclut:

 

« Seuls les artilleurs, les marins et les douaniers défilèrent comme de braves et vaillants militaires, pleurant la défaite, mais fiers, résignés et dignes ».

 

Une fois encore la dignité et la discipline des douaniers étaient remarquées et appréciées.

 

Lors de la négociation des conditions de reddition de la garnison, le délégué allemand, le lieutenant-colonel Leczynski avait fait au colonel Ducasse, négociateur français, la promesse verbale que les douaniers seraient autorisés à rentrer en ville après le défilé.

 

Le général Uhrich le rappela au général Von Werder.

 

« Le chef allemand fit la sourde oreille.

 

– Ceux-là ne vous ont pas fait grand mal … insista le général français; ce sont tous des pères de famille, tous de braves gens…

 

– Oh! Oh! Les douaniers, répondit De Werder, c’est comme les pompiers : dans les villages ils nous ont fait, au contraire, beaucoup de mal; laissez les passer … J’y réfléchirai.

 

Une fois passés, les douaniers furent, comme le reste de la garnison, emmenés en Allemagne; comme aux autres prisonniers, on leur fit faire, ce jour là, une étape de trente trois kilomètres, sans leur donner aucune nourriture; et quand la colonne traversait un village, si les habitants voulaient leur offrir un morceau de pain, un verre d’eau ou de vin, les soldats de l’escorte les repoussaient de la voix et du geste; parfois même ils les frappaient à coups de crosse » (1).

 

Un autre contemporain, M. Emile Ehrardt, brasseur à Schiltingheim, relate que, le 28 septembre, quelques habitants de cette localité, ayant appris la nouvelle de la capitulation de Strasbourg se portèrent vers la porte nationale pour voir les évènements de près :

 

« Tout à coup nous entendons une rumeur lointaine; un frémissement parcourt les lignes allemandes. C’est la garnison vaincue qui apparaît, sortant par la porte nationale.

 

En tête marche un détachement de douaniers commandés par trois officiers. A peine nous ont-ils dépassés que nous voyons Werder leur dépêcher un aide de camp.

 

Celui-ci parlemente avec le capitaine, et nous supposons qu’il leur offre de les laisser libres, car nous voyons le capitaine faire un geste indigné et nous l’entendons commander à ses hommes : En avant, la Douane! ».

 

C’est dans ces conditions que les douaniers arrivèrent à Rastadt où ils demeurèrent prisonniers jusqu’au mois de mars 1871. Leurs officiers, quant à eux, furent détenus à Coblence.

 

Le Courrier du Bas-Rhin du 3 octobre 1870 reproduit un article paru le 30 septembre dans un journal allemand, le Carlsruher Zeitung et qui décrit l’arrivée à Rastadt des prisonniers de guerre de la garnison de Strasbourg :

 

Collection de la Société industrielle de Mulhouse en dépôt à la BUSIM

 

« Il était à peu près quatre heures lorsqu’une avant-garde de dragons badois et, derrière ceux-ci, une énorme colonne de poussière annoncèrent l’arrivée des prisonniers de Strasbourg. Derrière plusieurs officiers prussiens et badois à cheval, arrivaient quelques officiers français, également à cheval et derrière eux, échelonnés par de l’infanterie badoise ou de la landwehr prussienne, les prisonniers à pied, soldats de toutes Les armes et de tous les grades, marchant dans un pittoresque pêle-mêle.

 

Il y avait de l’infanterie de tous les régiments, des chasseurs, des cuirassiers, des zouaves, des turcos, des gendarmes, des douaniers, des gardes mobiles, des marins, des vivandières, des enfants de troupe.

 

Il y avait aussi des chiens, des singes, tout ce qui accompagne ordinairement une armée française en campagne (8).

 

Les hommes de la garde mobile étaient très fatigués; ils montaient très fréquemment sur des voitures ou marchaient péniblement à côté, ou bien encore restaient assis sur le sol, pendant que les vieux troupiers allaient d’un pas décidé, avec leur sac bien chargé.

 

En général, les prisonniers mon- traient une certaine indifférence; ils paraissaient démoralisés par d’excessifs labeurs … Dignes, raides, plutôt hautains qu’abattus, marchaient les officiers, mais chez eux aussi, comme l’un d’eux l’a raconté, les larmes n’ont pas manqué de couler. Le cortège dura de 4 heures à 9 heures ».

 

Une gravure d’époque, signée Schweitzer et traitée dans le style des images d’Épinal, représente le départ pour la captivité des troupes assiégées sortant par la porte nationale. Le groupe central met en scène un douanier embrassant sa famille et la légende qui accompagne cette gravure précise :

 

« Le 30 septembre 1681, les Français s’étaient emparés de Strasbourg; le 28 septembre 1870, après un siège de quarante six jours, ils furent obligés de quitter cette ville, réunie de nouveau à l’Allemagne. Notre gravure représente les quais et le pont situés du côté du faubourg national, par la porte duquel, par suite de la capitulation, les troupes françaises devaient sortir.

 

Tout près nous voyons l’église Saint-Pierre-le-Vieux, plus loin à droite les vieilles tours du quartier des ponts-couverts, dans le fond la cathédrale. Le singulier mélange de soldats aux uniformes les plus variés, tels que cette guerre formidable les avait réunis ici, apparut une dernière fois aux yeux de Strasbourgeois saisis d’émotion.

 

A gauche, les matelots, conduits par un jeune aspirant de marine, rappellent ces malheureuses canonnières, auxquelles il fut impossible de s’établir sur le Rhin; près d’eux un officier de la garde mobile, calme et résigné, cherche à apaiser un zouave irrité; quelques garçons tendent la main à des soldats d’infanterie qui passent.

 

Mais ce qui nous saisit surtout, ce sont les adieux du pauvre vieux douanier, que la triste situation de la place avait forcé de monter sur les remparts et qui aujourd’hui, caressant une dernière fois son nouveau-né, est obligé de se séparer de sa famille, pour s’en aller au loin, comme prisonnier de guerre.

 

A droite, des turcos, tristes débris de la bataille de Woerth, viennent de passer le pont; leur prédilection pour les enfants n’a pas été oubliée dans notre gravure. Près d’eux des gardes mobiles et des soldats de la ligne brisent leurs fusils sur les rampes du pont et les jettent dans la rivière, pendant que derrière eux les chasseurs à pied arrivent au son des clairons. Plus tard une grande portion de La garnison se pressa au dehors dans une dissolution complète ».

 

Le même dessinateur a illustré l’album de Fischbach consacré au siège de Strasbourg et l’on retrouve dans l’illustration de cet ouvrage concernant la reddition de la ville un certain nombre d’éléments empruntés à la gravure décrite ci-dessus.

 

 

Les pertes de la deuxième légion de douaniers de l’est

 

 

Nous avons vu, au cours de ce récit que les témoins et la presse de l’époque font état de tués et de blessés dans les rangs de la 2ème Légion de douaniers.

 

A cet égard, les Archives départementales du Bas-Rhin possèdent les « États des tués, blessés ou disparus » établis quotidiennement pendant le siège par chacun des corps de troupe de la garnison et, en particulier, par un officier de la 2ème Légion (généralement par le Capitaine adjudant-major).

 

Ces documents sont établis sur papier libre et portent comme en-tête:

 

DOUANE IMPÉRIALE 2ÈME LÉGION DE L’EST

 

puis, à compter du 13 septembre

 

SERVICE MILITAIRE DES DOUANES 2ÈME LÉGION DE L’EST

 

On trouve dans ces états la confirmation des renseignements recueillis aux sources précitées.

 

En voici le texte intégral dans sa terrible concision administrative:

22 au 25 août 1870 : Néant

26 août 1870: Gewinner Jean. Douanier à la 3ème compagnie, tué dans la nuit du 25 par un projectile ennemi. Fey Jacques. Douanier à la 5ème compagnie, blessé grièvement par le même projectile. Schoh Louis et Gabel Philippe de la 5ème compagnie, blessés grièvement par le même projectile. Guschemny Joseph, douanier de la 1ère compagnie, les deux jambes emportées par un projectile ennemi.
27 août 1870 : La garde montante de la journée du 25, en entrant au pâté rue 37, a eu trois hommes blessés; ce sont les nommés Fischer Jean, Schmit Augustin et Walter François-Joseph de la 5ème compagnie.
28 août 1870 : Néant
29 août 1870 : Ritter Jacques, 2ème compagnie, légèrement blessé à la tête par un éclat d’obus au pâté 37, le 28 au matin. Fey Jacques, de la 5ème compagnie, blessé le 25, est décédé le 27 à l’ambulance St-Thomas.
30 août 1870 : Le préposé Weilmann a eu la jambe cassée le 29, à six heures du soir, à la cuisine du campement.
31 août 1870 : Néant
1er septembre 1870 : Le préposé Fischer Jean de la 4ème compagnie a été blessé au campement, le 31, vers neuf heures du soir, par un éclat d’obus au bras droit. Il a été conduit à l’ambulance St-Thomas.
2 septembre 1870 : Freis Charles, François-Joseph, préposé de la Maison-Blanche, 1ère compagnie, tué le 1er septembre 1870 à huit heures du matin à l’avancée du chemin de fer (éclat d’obus). Pfeiffer François, Georges, préposé de la brigade de Niederlauterbach, grièvement blessé sur le même point (éclat d’obus) à la tête et aux mains. Peythieu Laurent, chef de bataillon, blessé au campement par un éclat d’obus dans le dos.
3 septembre 1870 : Néant
4 septembre 1870 : Le sergent Socier Jean Georges de Drusenheim, 4ème compagnie, a été blessé au campement, au côté gauche, par une balle, vers sept heures du soir le 3 septembre.
5 et 6 septembre 1870 : Néant
7 septembre 1870 : Le préposé Dangert Alexandre, de Woerdt, 1ère compagnie, qui accompagnait M. Huentz, chef de bataillon de ronde, a été très grièvement blessé à l’épaule droite d’un éclat d’obus vers 2 heures du soir dans la rue du Marais vert, près du rempart. Il a été porté à l’ambulance St-Thomas. Le lieutenant Bernard, se rendant au casernement vers sept heures et demi du soir, a été très grièvement blessé aux jambes et à la tête par une boite à mitraille, dans le faubourg de pierre. Il a été transporté à l’hôpital militaire.
8 septembre 1870 : Le brigadier Dudot, 4ème compagnie, a été blessé à la jambe gauche auprès de la porte de Saverne vers une heure du soir, en portant une correspondance au colonel du 87ème.
9 au 15 septembre 1870 : Néant
16 septembre 1870 : Le brigadier Clamer Jean-Baptiste, de la 1ère, a été contusionné au bras, le 14 vers une heure du soir, au poste d’artillerie de la garde nationale. Le préposé Wander Jean, de la 4ème, a été fortement contusionné à la poitrine par un éclat d’obus, au campement, le 15 vers onze heures du matin.
17 septembre 1870 : Le 16, vers une heure du matin, le préposé Richter, de la 3ème, a été contusionné au genou par un éclat d’obus au campement; il a été transporté à l’ambulance St-Thomas. Le 16, à huit heures du soir, le préposé Jung de la 1ère a été fortement contusionné à la poitrine, en faction au rempart près du magasin à fourrage (9). Il a été transporté à l’ambulance St-Thomas. Le sergent Rott, de la 2ème, a été contusionné vers huit heures et demi du soir à la jambe, près des remparts au magasin de fourrage (9).
18 et 19 septembre 1870 : Néant
20 septembre 1870 : Le préposé Weiss Daniel, de la 1ère compagnie, artilleur, a été blessé très grièvement à la jambe droite d’un éclat d’obus, le 19 vers midi, près du rempart. Il a été transporté à l’hôpital militaire.
21 septembre 1870 : Schnoerr Antoine, blessé au genou d’un éclat d’obus, le 20 vers cinq heures et demi, au campement. Il a été transporté à l’ambulance St-Thomas. Willer a été blessé le 20 à l’incendie de la Préfecture par la chute d’une tuile. Westermann – idem.
22 septembre 1870 : Néant
23 septembre 1870 : Le préposé Ries Philippe de Seltz, 3ème compagnie, a été très grièvement blessé à la tête d’un éclat d’obus, le 22, vers quatre heures du soir, en manœuvrant une pompe à incendie de la Préfecture. Il a été transporté à l’ambulance du petit séminaire (10).
24 au 26 septembre 1870 : Néant

 

Voici donc retracées la vie des douaniers de la 2ème Légion de l’Est, et la part importante qu’ils prirent dans la défense de la ville, telles que nous pouvons les reconstituer au travers des récits des témoins, de la presse locale de l’époque et des documents officiels retrouvés dans les différents dépôts d’archives et bibliothèques strasbourgeois.

 

Il leur fut beaucoup demandé; leur tâche fut rude et périlleuse, mais ils s’en acquittèrent, dans l’ensemble, avec honneur et courage: Nombre d’entre-eux périrent ou souffrirent dans leur chair; tous souffrirent moralement d’avoir été vaincus et prisonniers, mais leur sacrifice ne fut pas inutile; les défenseurs de Strasbourg avaient permis de fixer autour de la place une armée ennemie de 50.000 à 60.000 hommes aguerris et de les soustraire pendant 47 jours aux opérations sur d’autres fronts, et en particulier à l’offensive vers Paris.

 

Il a paru utile, en cette année qui verra le 120ème anniversaire du martyre de la ville de Strasbourg, de rappeler les liens étroits qui ont uni, depuis sa création, la Régie des Douanes françaises et la province d’Alsace, et dont la plus belle illustration est sa participation à la défense de la cité assiégée.

 

Je ne peux terminer sans adresser mes plus vifs remerciements aux dirigeants et au personnel de la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, des Archives départementales du Bas-Rhin, des archives municipales et de la bibliothèque municipale de Strasbourg qui ont rendu possible mes recherches.

 

Paul Texier

 


Notes :
(1) P. Raymond Signouret.
(2) Baron Du Casse
(3) 180.000 volumes, 12.000 manuscrits, 200 incunables dont les plus anciens dataient de 1459 furent à jamais perdus dans l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg.
(4) Frédéric Piton.
(5) A. Chuquet.
(6) On rapprochera cet incident de celui qui se produisit, dans les premiers jours d’octobre 1870, à Bitche et que C. Pèlerin a relaté dans le n°2 des Cahiers. 20 douaniers abandonnèrent leur poste pour rendre visite à leurs familles et ils réintégrèrent ensuite la place assiégée. Le Conseil de guerre les acquitta en considérant qu’il ne s’agissait pas stricto sensu de militaires. Note de la rédaction.
(7) Des rumeurs faisaient alors état d’une offensive française susceptible de libérer Strasbourg.
(8) Noter en passant la réputation de légèreté faite aux troupes françaises par le journaliste allemand.
(9) D’après un plan de Strasbourg le magasin à fourrage serait situé près des ponts couverts.
(10) Décédé le 26 septembre 1870.

Bibliographie :
– Le Courrier du Bas-Rhin
– L’Impartial du Rhin
– Les affiches de Strasbourg.
– Baron Du Casse Albert – Journal authentique du siège de Strasbourg.
– Paris, Bruxelles, Leipzig, Livourne. A. Lacroix Verboeckhoven et Cie – 1871.
– Chuquet Arthur – La guerre de 1870-1871. Paris – Plon-Nourrit – 1901.
– Clinquart Jean – L’Administration des Douanes en France de la révolution de1848 à la commune (1848-1871). Association pour l’histoire de l’administration des douanes françaises – 1983.
– Desmaret Jacques – La défense nationale – 1870-1871. Paris – Flammarion – 1949.
– Ehrardt Emile – Siège de Strasbourg. Souvenirs d’un habitant de Schiltigheim.
– Fischbach Gustave – Guerre de 1870, le siège et le bombardement de Strasbourg. Strasbourg – Typogr. Silvermann
– 1870. – Guerre de 1870. Le siège de Strasbourg. Aquarelles et dessins par E. Schweitzer. Strasbourg. Imprimerie alsacienne – 1897.
– De Malartic – Le siège de Strasbourg pendant la compagne de 1870. Paris-1871.
– Palet Barthélémy Edmond – Bibliographie générale de la guerre de 1870-1871 : répertoire alphabétique et raisonné des publications de toute nature concernant la guerre franco-allemande parues en France et à l’étranger. Paris – Berger- Levrault – 1896..
– Piton Frédéric – Siège de Strasbourg, journal d’un assiégé, annoté par Alfred Touchemolin. Paris – 1900.
– Reuss Rodolphe – Histoire de Strasbourg depuis ses origines jusqu’à nos jours Paris – Fischbacher – 1922. – Conférence : le siège de – Strasbourg en 1870. Publications de la Société savante d’Alsace et des régions de l’est
– Collection Recherches et documents – 11. 9. De Saint-Germain T. – La guerre de sept mois, résumé des faits militaires et des documents officiels relatifs à la guerre de 1870-1871. Paris – Armand Colin – 1871.
– Schneegans Auguste – La guerre en Alsace. lère partie Strasbourg. Neuchatel, Suisse – J. Sandoz – 1870.
– Quarante jours de bombardement, Strasbourg, par un réfugié Strasbourgeois. Neuchâtel, Suisse – Librairie générale J. Sandoz – 1871.
– Signouret P. Raymond – Souvenir du bombardement et de la capitulation de Strasbourg. Bayonne – Impr. et Libr. P. Cazalo – 1872.
– Taufflieb (général) Emile, Marie Adolphe – Impressions et souvenirs.
– Uhrich (général) – Documents relatifs au siège de Strasbourg Paris – E.Dentu – 1872.
Sources :
images : Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

 

 


 

 

Cahiers d’histoire des douanes et droits indirects

 

N° 9 – Mars 1990

 

 

 

 

 

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