Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Les années 50, la douane et ses chiens 

Mis en ligne le 1 janvier 2021

(*)

 

Les études menées dans le cadre de la réforme majeure de l’institution douanière de 1946 militaient déjà pour un emploi plus rationnel des chiens de service. La mise en place d’un véritable dispositif structuré à l’échelle nationale prend progressivement sa place dans les années 50. A cet égard, la consultation des colonnes du « Journal de Formation Professionnelle » de la direction générale des douanes (JFP) permet d’en retracer assez fidèlement le cheminement.

 

Ainsi, en mars 1952, est annoncée « la réforme du régime des chiens de service et la création des moniteurs de dressage ». L’Administration prend soin de tirer les leçons des revers précédents et, notamment, de ses vaines tentatives d’encouragement des agents à se doter de chiens de service; elle impute ces revers, « pour la plus grande part, à la disparité qui existe entre le montant de l’allocation pour chiens de service et les frais réels nécessités pour leur entretien » (1).

 

Les principes essentiels de la réorganisation 

 

Les grandes lignes d’une refondation complête du dispositif sont ainsi exposées (D.A. n° 363 du 8 mars 1952):

 

1. Des emplois de moniteurs de dressage sont implantés dans certaines circonscriptions. Au terme d’une formation de quatre mois, les sous-officiers sélectionnés sont chargés, dans les brigades de leur zone de compétence, de la sélection des chiens et  d’assurer le suivi des actions des équipes en place.

 

2. Les détenteurs de chiens – ou ceux à qui un animal a été confié – sont désormais qualifiés de conducteurs de chiens. Après examen en commission, un dressage de l’animal est assuré avec le moniteur et le conducteur pendant 3 semaines. Au terme d’une période probatoire de 6 mois dans la brigade du conducteur, l’admission définitive de l’animal est prononcée. 

 

3. S‘agissant de l’utilisation des chiens, le constat suivant est mis en avant: « Jusqu’ici, les chiens étaient utilisés soit pour relever la trace de contrebandiers et mener leur maître sur les dépôts frauduleux (chiens de piste), soit pour avertir leur maître, et à l’embuscade, de la présence de porteurs isolés ou de bandes (chiens de veille) soit, enfin; pour entraîner rapidement leur maître à la poursuite des fraudeurs (chiens d’attaque). » 

 

Pour répondre au nouveau contexte de la fraude et aux nécessités du moment, une nouvelle philosophie d’emploi se dessine: « La diminution des effectifs, et corrélativement celle du nombre des points fixes ainsi que la généralisation des services libres, amènent à penser que les chiens de service doivent pouvoir procéder seuls à des investigations à courte distance et à vue sous l’impulsion de l’agent qui les mène, et tenir en respect sans les attaquer les fraudeurs qu’ils auraient découverts alors même qu’ils sont séparés de leur maître. 

 

D’autre part, certains services qui, jusqu’ici étaient accomplis par une escouade de deux agents doivent, si les circonstances locales le permettent, pouvoir être éxécutés par un seul agent accompagné de son chien. C’est vers l’obtention de tels résultats que sera, dans l’avenir, orienté le dressage des chiens. » 

 

A compter de mai 1952, une dizaine de sous-officiers est ainsi sélectionnée en vue d’une formation de deux mois au centre d’instruction pour moniteurs de chiens créé à cet effet à Sarrebruck (Sarre).

 

(*) Sarrebrück – centre de dressage (1955)

 

La « chronique des chiens de service »

 

Le « journal de formation professionnelle » ouvre volontiers ses colonnes aux commentaires, témoignages et suggestions sur différents domaines de la technique douanière et c’est tout naturellement que les promoteurs de l’emploi des chiens se font entendre dans la rubrique des lecteurs. 

 

Initiée par la publication d’un long plaidoyer d’un conducteur expérimenté, en avril 1952, pour « une utilisation plus efficace » des chiens, plusieurs autres tribunes libres dites « critiques » se succèdent, ouvrant la voie à un fructueux échange d’expériences, d’avis et de suggestions (2).

 

Par ailleurs, la communication des rapports d’activité des circonscriptions met rapidement en lumière les succès significatifs obtenus grâce aux nouvelles méthodes de dressage et d’emploi.

 

Fort de ces échanges et de ce premier bilan, la douane voit naître dans sa revue, en juin 1954, sa toute première « Chronique des chiens de service » (3) assortie de nombreuses illustrations et de photographies, véritable luxe pour l’époque…

 

 

(*) Dressage – l’nterception

 

Cette chronique aborde les thématiques les plus diverses depuis l’utilité des exercices d’obéissance (4), à la conduite au poste d’un prisonnier récalcitrant (5) en passant par la technique de l’embuscade et le choix de la race (6).

 

 

(*) Dressage (1955)

(*)

Au terme de cette période de « rodage » est publiée au Bulletin officiel des Douanes la circulaire N°1034 du 1er septembre 1954 relative aux chiens de service, destinée à constituer le socle du dispositif en assurant une «véritable synthèse des dispositions fragmentaires rendues depuis l’amorce de la réforme en 1952» (5).

 

La reconnaissance d’un « métier »

(**)

 

Sous une forme rénovée, l’emploi des chiens connaît ainsi un véritable regain et recoit ses lettres de noblesse en se voyant visuellement reconnu, sur la tenue d’uniforme, par un insigne de moniteur et de conducteur (6).

 

Au terme de cette phase préparatoire, la douane est en mesure d’élaborer et de diffuser le premier fascicule du « Guide de dressage » en février 1955 (7). Elle continue à diffuser régulièrement un relevé d’affaires marquantes et à prodiguer conseils et recommandations. Sa démarche s’accompagne parfois de traits d’humour comme en témoigne l’évocation de ce « chien lève-barrière » autrichien (7) (Pour en savoir plus, cliquez ici).

 

 

En 1955, les résultats sont là et, surtout, l’adhésion des agents est manifeste. Un témoignage de la direction de Dunkerque rendant compte, en 1955, de la renaissance de  son chenil administratif anéanti par des années de guerre, se plaît à souligner: « Les agents, comprenant l’intérêt porté par l’Autorité supérieure à l’utilisation des chiens de service, formulent maintenant des demandes en vue de se voir attribuer un chiot appartenant à l’Administration » (8).

 

 

(**) Dunkerque – Exercice « assis, reste là! » (1955)

 

A cette date, même si le nombre de moniteurs reste modeste – 31 moniteurs répartis sur les frontières terrestres – la réforme prend corps. Trois chenils régionaux seront progressivement mis en place: celui d’Halluin (frontière terrestre de Dunkerque à Sarrebrück), celui d’Abbevillers (de Strasbourg à Nice) et celui de Saint Jean Pied de Port (de Bayonne à Perpignan) (9).

 

(*) Abbevillers – dressage (1960)

 

Les stages de moniteurs se développent à St Ingbert (Sarre) et la spécialité gagne en crédibilité dans les rangs douaniers. Elément déterminant, l’impact psychologique dans le milieu de la contrebande est manifeste ; les témoignages concordent, ce nouvel auxilliaire douanier est craint… (10).

 

(*) Entrainement à Sarrebrück (1955)

 

Au delà du premier cercle des douaniers et des fraudeurs, les chiens de service et leurs maîtres gagnent aussi en popularité auprès des médias et de la population, prélude aux futurs succés des équipes maître-chiens au cours de ces toutes dernières décennies. Dès 1955 également, la douane, prend la peine, dans une note de service (NA n° 1565 du 26 avril), d’encadrer – tout en l’encourageant – la participation des chiens de service et leurs conducteurs à des manifestations privées (expositions canines, démonstrations de chiens ou concours de dressage) (11).

 

(**) Vichy – Démonstration à l’exposition canine (Juillet 1955)

 

Après une courte interruption, la « chronique des chiens de service » continuera sa diffusion en janvier 1958 avec un catalogue très fourni en interceptions (arrestations, pistes suivies, objets de contrebande retrouvés, etc.). Elle n’hésite pas non plus à l’illustrer à l’aide d’un dessin humoristique ci-contre qui « parle plus qu’un 882 » (12)…(pour découvrir le détail de deux interceptions évoquées: cliquer ici ).

 

 

(**)

 

Au fil du temps, le recours aux chiens perd son intérêt dans un environnement économique différent et des procédés de fraude qui évoluent. Il faudra attendre la fin des années 1960 pour que la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants place à nouveau les chiens de douane sur le devant de la scène. Un nouveau combat avec de nouvelles méthodes, un réseau d’équipes maître-chien « stups » et un centre cynophile installé dans l’enceinte  de l’Ecole Nationale  des Brigades des Douanes  en 1983.  Un autre combat aussi avec celui d’équipes « maître-chien explos » … mais ceci est une autre « histoire » que nous aurons l’occasion d’aborder dans une prochaine édition.

 

 

Patrick Deunet

 

 


Renvois:
(1) JFP n° 17 (mars 1952)
(2) JFP n° 18 (avril 1952) « Tribune libre »
(3) JFP n° 38 (Juin 1954) 
(4) JFP n° 39 (juillet-août 1954)
(5) JFP n° 40 (septembre 1954)
(6) JFP n° 41 (octobre 1954)
(7) JFP N° 44 (février 1955)
(8) JFP n° 45 (mars 1955)
(9) JFP n° 46 (avril 1955) 
(10) La Vie de la Douane « A propos d’un anniversaire – 1950 -1975 » n°164 (Juillet 1975)
(11) JFP n°50 (janvier 1958) 
(12) JFP n° 71 (janvier 1958)

 

Photos et illustrations:
(*) A. Pommier
(**) Journal de formation Professionnelle (JFP)

 

 


 

 

 

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