Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Le sport dans les écoles des douanes dans les années 50 : deux stagiaires témoignent…

Mis en ligne le 1 janvier 2024

 

Sont reproduits ci-dessous les témoignages de deux élèves-stagiaires dans deux cadres bien différents : le premier, Inspecteur-élève de la 5e session à Neuilly, le second élève-skieur à l’école de Morzine. Les deux  textes ont été publiés dans le n° 26 du « Journal de Formation Professionnelle  » en février 1953.

L’équipe de rédaction


 

Le sport à Neuilly

 

 

 

Parmi les activités intérieures de l’Ecole, le Sport a su occuper la place qui lui revenait de plein droit.

 

Preuve vivante de l’esprit nouveau qu’on a su donner à notre Administration, sa position apparaît comme un compromis judicieux entre les nécessités physiques et les exigences intellectuelles. Cela se traduit sur le plan des réalisations pratiques par un après-midi entier consacré au Sport-Roi sur les Stades de la Cité Universitaire.

 

On ne saurait rien des bienfaits du Sport, En ce qui concerne les étudiants on peut parler de nécessité. Ce terme n’apparaissant pas trop fort lorsqu’il s’applique à une Jeunesse studieuse qui par ses occupations est amenée volontairement, à se priver des Joies bénéfiques du plein air.

 

Nécessité sur le plan physique proprement dit. On rejoint là les conclusions du Corps Médical. Mais nécessité aussi sur un plan différent, ce lui de la « décontraction » mentale ou intellectuelle. Délassement de l’esprit, temporaire mais profitable qui vient s’intercaler dans un cycle d’efforts intellectuels, permettant ensuite de mieux reprendre le fil des études momentanément délaissées.

 

Les possibilités offertes par le Sport tel qu’il est conçu par notre Ecole sont assez variées. Aussi chacun pourra-t-il y puiser les éléments permettant d’atteindre, sur le plan individuel, le délassement salutaire re cherché. Sport d’équipe ? Sport individuel ? Distinction qui pour nous ne présente un intérêt que sur le plan de l’étendue de la gamme proposée, car on l’a voulue aussi complète que possible Victoire acquise sur le chronomètre, triomphe individuel sur soi-même,, sport collectif ou le plaisir de « jouer » dominera : à peu près tout, vous est offert sur les Stades de la Cité et à l’ intérieur de chaste Session où l’on trouvera aisément les camarades sportifs avec qui on pourra essayer de former « l’équipe majeure », quintette en Basket- Ball ou le onze en Football, suivant les goûts et les affinités. Une petite ombre au tableau : l’éloignement du Stade et la durée du trajet. Qu’à cela ne tienne . On partira plus tôt.

 

Qu’il nous soit permis en terminant de remercier la Direction Générale des Sports et plus particulièrement M, Boyle, Inspecteur à la Direction des Sports, ainsi que M.M, Lefèvre, Maîtres d’Education physique pour leur compréhension et leur dévouement à l’égard des Inspecteurs-Elèves de s l’Ecole Nationale des Douane.

 

Pancrasi
Inspecteur-Elève (5e Session)

 


Le ski à Morzine

 

 

Tribune libre

 

L’Ecole de ski de Morzine égrène chaque année sa petite provision de skieurs tout au long des frontières de montagne; c’est elle qui produit ces minuscules points noirs qui glissent sur les flancs immenses des Alpes ou des Pyrénées, passant d’un col à l’autre, s’embusquant derrière un rocher pour examiner à la jumelle la grande pente blanche qui déboule sous leurs pieds.

 

Les services en montagne sitôt qu’arrive l’hiver, font du douanier une sorte de naufragé encerclé par la grande mer blanche; les escouades ar­pentent durant de longs jours les routes monotones et désertes, services pratiquement sans espoir, terriblement longs, on attend l’illogique.

 

Puis un jour, c’est Morzine, c’est ici que la chrysalide doit trou­ver ses ailes. Les premiers contacts sont diablement saturés de mauvais sorts, on a l’intention bien arrêtée de faire du ski et on s’aperçoit que ce sont plutôt eux qui font de nous un peu ce qu’ils veulent, ces deux volontés résolument opposées sont à l’origine du coup de foudre, premières surprises … et vous êtes conquis… On se trouve en présence de moniteurs évoluant avec une grâce toute naturelle et pourtant … le naturel pour le débutant, c’est la bûche. Le moniteur vient alors exécuter sous votre nez un christiana écoeurant de perfection pour vous demander s’il y a du dégât, comme si c’était de cela qu’il s’agissait. Le novice serre les dents, empoigne ses cannes et rageusement regrimpe la pente, de bûches en.bûches, il finit par réussir un léger arrondi, celui-ci diminue tous les jours et un beau matin l’élève skieur peut, sans crainte du ridicule, lui donner le titre de christiana pur arrêt. Le résultat justifie toujours l’effort, cet effort rageur où le jeune skieur doit mettre toute sa volonté. Il semble impossible d’atteindre le but et pourtant on doit se répéter à chaque instant: « Ils le font, je le ferai ».

 

Par un bel après-midi, c’est la première piste; le téléphérique, tous ces skieurs élégants et joyeux créent une ambiance de facilité a laquelle tous se laissent prendre; ce n’est que sur la mystérieuse piste B que notre modestie « ressurgit » avec violence, notre petite colonne est jetée sur la pente comme un gamin vide un sac de billes. On ne trouve même pas le temps d’avoir honte lorsqu’une jeune fille gracile vous frôle le visage dans un enchainement d’irréels pur avals. Enfin, c’est le plat de l’arrivée, avec elle on oublie tout, il ne reste que le plaisir d’avoir livré une petite bataille et d’en être.sortis, seulement à moitié vaincus; vivement l’autre empoignade; le ski est une école de courage; après une pente raide, une plus raide encore doit lui succéder; il faut avoir peur du vide et s’y jeter car les autres le font; chaque jour doit être une petite victoire; bien qu’ignorant l’étendue de sa science, il faut avoir confiance en soi, pas de timorés sur la piste, ceux-ci on les re­trouve au bar; à travers le skieur on distingue toujours l’homme; on ne devrait jamais concevoir un douanier montagnard qui puisse voir une paire de planches sans que ses yeux ne se mettent à briller de joie. Quand tout est blanc, alors que les pentes semblent dessiner des schuss magnifiques, il serait anachronique pour un douanier de nos régions de déambuler le long d’une route, frileusement enroulé dans sa pèlerine, en montagne durant l’hiver Le piéton doit éprouver la gêne d’un cavalier désarçonné.

 

Je ne regrette pas mon enthousiasme , il me fait peut-être voir une vérité déformée, mais malgré cela je suis sûr d’avoir raison, il n’y a que ceux qui luttent qui vivent; nous avons besoin de ça, ce serait une hérésie que de vouloir freiner notre élan; n’est-il pas beau ce jeune gaillard qui surgis­sant de l’ombre d’un rocher file vers le fond de la vallée, son visage bruni est éclairé d’une expression qui n’est pas autre chose que la joie de vivre, le bon­heur d’être là et de faire ce qu’il fait.

 

C’est cela que l’Ecole de Morzine m’a fait découvrir, je ne puis que remercier de tout coeur les moniteurs Emin et Valomy, l’élégance de leur style nous a charmés. II est toujours plus facile d’aimer le beau. Je remercie égale­ment le lieutenant Le Can; sa volonté communicative fait accomplir des prodiges; mon séjour à l’Ecole fut pour moi, une sorte de révélation; au fond de tout homme, il y a un peu du primitif; la bataille est pour lui un mouvement naturel, on a besoin de se prouver une dignité sans laquelle on ne peut rien concevoir de bon, et le ski prouve un peut tout ça.

 

Lorsqu’en montagne je connaîtrai des instants pénibles, je saurai me souvenir de Garnier, un douanier de Modane, un ancien. Un matin, nous montions au col de Coux, la tourmente bouchait la vue à cinq mètres. Garnier aurait pu rester au cantonnement, je le vois encore malgré ses quarante sept ans, hisser ses skis jusqu’en haut du col, si je n’avais craint le ridicule je lui aurais fu­rieusement serré la main, pour la leçon. Ces anciens de l’Ecole nous ont mené la vie dure, là plupart étaient d’anciens chasseurs très fiers de leur arme et sachant se servir d’une paire de planche, leur cranerie me plaisait, Michaud n’hésitait jamais à lancer ses quatre vingts kilos dans une pente si raide soit-elle, il filait en hurlant comme un indien, nous donnant le spectacle d’éclate­ments sensationnels, mais sans se démonter pour autant il se remettait sur ses skis et reprenait sa dégringolade en hurlant encore plus fort. Il n’est pas honteux de se faire battre par un Giraud ou un Anselme, ces anciens-là furent à l’origine d’une émulation fertile en résultats positifs.

 

L’Ecole de Morzine forme des skieurs mais elle ne fait pas que cela, elle peut créer un esprit nouveau, déclencher un ressort qui fera d’eux des agents en pleine forme physique tout imprégnés d’une volonté axée sur l’effort afin d’obtenir le mieux.

 

Di Sandro, Préposé à Nevache

Elève-skieur

 


 

Journal de la Formation Professionnelle

 

N° 26

 

Février 1953

 


 

 

 

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