Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Le régime douanier des Antilles aux XVIIe et XVIIIe siècles

Mis en ligne le 1 novembre 2021

Le temps des Compagnies

 

Flibustiers et boucaniers Français fréquentaient depuis un certain temps déjà la mer des Caraïbes lorsque, fortuitement, un beau jour de 1623, ils en vinrent à prêter main-forte aux anglais qui tentaient de prendre possession de l’ile de Saint-Christophe.

 

Vainqueurs, ils décidèrent, sous la conduite du lieutenant de vaisseau Belain d’Esnambuc de rester dans l’ile et de la partager avec les colons anglais.

 

Il fallait à cette première tentative de colonisation obtenu la reconnaissance du pouvoir royal.

 

Le port de Pointe à Pitre au 18e siècle

 

Les deux premières compagnies – point de départ du pacte colonial

 

D’Esnambuc revint donc en France où il obtint de Richelieu la création, en 1626, d’une compagnie de douze associés, la Compagnie de Saint-Christophe afin «de laisser aux iles de Saint-Christophe, la Barbade et autres située à l’entrée du Pérou, le nombre et la quantité d’hommes que bon leur semblera pour y travailler et négocier, faire du pétun (tabac) et toutes autres sortes de marchandises». Ainsi commençait l’Empire colonial français dans les Antilles.

 

La Charte de création de la Compagnie stipulait que celle-ci devait armer des vaisseaux afin de transporter un certain nombre de personnes dans la colonie et en assurer le ravitaillement, en contrepartie elle obtenait l’exclusivité du commerce entre la métropole et le nouveau territoire.

 

Ainsi apparaissait pour la première fois, au sujet des Antilles, la clause qui allait aboutir à l’élaboration du Pacte colonial. Ce système est le résultat du développement logique des idées mercantiles.

 

Dans cette optique, le marché colonial est ouvert exclusivement à la France pour toute sa production et, par réciprocité, les produite coloniaux sont entièrement réservés au marché national (principe de l’exclusivité et doivent être transportés par les navires français (privilège du pavillon).

 

Ces produits ne peuvent être manufacturés dans la colonie où on ne peut créer aucune industrie similaire à celle de la métropole.

 

Enfin, les navires chargés du transport des denrées coloniales ne doivent faire retour que dans le port d’où ils étaient partis.

 

Cette conception des relations métropole-colonies n’a jamais fait l’objet d’une théorie clairement exprimée mais s’est dégagée peu a peu par une lente évolution marquée par un grand nombre d’Edits, d’Arrêts du Conseil, de règlements royaux compris, entre l’ordonnance du 14 mai 1627 et l’ordonnance du 24 mai 1784, dernier acte de l’ancienne monarchie sur le régime économique des colonies.

 

La règle fondamentale de le politique de Richelieu et de Colbert fut de faire reposer toute la politique coloniale sur l’existence des Compagnies, dont les Chartes furent toujours conçues dans l’esprit du pacte colonial.

 

Dès 1627, une ordonnance célèbre, connue sous le nom de Code Michaud, fixe la condition juridique de création et de fonctionnement des compagnies de colonisation. Le 23 novembre 1634, Richelieu prend à Rueil une déclaration complétant le code Michaud, dans laquelle il faisait « très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque condition et qualité qu’elles fussent d’aller envoyer ou faire passer exprès, en l’ile de Saint-Christophe, aucun vaisseau pour y prendre et acheter pétun et coton du cru dudit pays, sans l’autorisation de la Compagnie ou des directeurs d’icelle, à peine de confiscation des marchandises et des vaisseaux».

Mais, d’une part, surestimant les possibilités des iles, la Compagnie ne ravitaillait pas suffisamment les colons qui durent avoir recours aux bons offices des Hollandais.

 

D’autre part, se sentant un peu à l’étroit à Saint-Christophe, les français cherchèrent au sud de Saint-Christophe des îles plus grandes et encore inoccupées par les Européens.

 

En 1635, Liénart de l’Olive «qui avait une parfaite connaissance de toutes les iles», désigna parmi elles l’ile de la Guadeloupe, «ile qui a des avantages considérables sur toutes les autres». Quant à la Martinique, elle fut occupée la même année, en septembre 1635, par Belain d’Esnambuc.

 

De la Martinique, les Français ne tardèrent pas à essaimer à Sainte-Lucie, la Grenade, les Grenadines.

 

De la Guadeloupe. ils s’étendirent à Marie Galante, la Désirade, les Saintes.

 

Si bien qu’en 1635 la Compagnie fut réorganisée et prit le nom de «Compagnie des îles de l’Amérique». La première agitation, alors, que connurent les îles est liée à la décision que celle-ci prit d’établir entre autres des taxes de 3% sur les marchandises françaises à l’importation et 8% sur les produits étrangers.

 

Mais en lutte à des difficultés financières la Compagnie dût se résigner, en 1649, à vendre ses droits sur les iles aux gouverneurs qui les administraient respectivement. c’est-à-dire la Guadeloupe et ses dépendances à la famille Houel, la Martinique à Du Parquet, Saint-Christophe au commandeur de l’ordre de Malte, Poincy.

 

On établissait donc dans les iles un régime seigneurial de propriétaires, ceux-ci étant de plein-droit lieutenants généraux du Roi qui restait suzerain suprême. Cette période correspond au seul moment de liberté commerciale que connurent les iles. Elle fut toutefois de courte durée.

 

Colbert et la compagnie des indes occidentales

 

L’arrivée de Guibert au pouvoir en 1661 marqua un retour vers la politique rigoureuse au pacte colonial. Tant pour mettre fin eu désordre qui régnait dans les iles à cette période que pour résorber la contrebande hollandaise, il décida de racheter en 1664 les droits des seigneurs Houel, Du Parquet et constitua une nouvelle compagnie d’exploitation mais dont le domaine s’étendait à toutes les colonies françaises de l’Amérique « la Compagnie des Indes Occidentales ».

 

Colbert fonda cette compagnie, à l’instar des compagnies hollandaises dans l’espoir de lutter efficacement contre les hollandais. En effet le commerce hollandais achetait alors deux millions de livres de sucre aux iles françaises, un million de tabac, indigo et coton, il fournissait aux iles les produits manufactures de Hollande, le poisson de la mer du Nora, le bœuf salé d’Irlande.

 

Cette situation s’explique par le tait que les bateaux français commerçant avec les Caraïbes n’étaient que quatre en 1662 tandis que les bateaux hollandais étaient plus de deux cents.

 

Aussi selon l’article 15 de l’Edit royal du mai 1864 les hollandais devaient être exclus totalement du commerce colonial français. Mais la Compagnie n’était pas en mesure de prendre immédiatement le relais de ces dernier.

 

Aussi Colbert décida-t’il d’ouvrir au commerce privé français le ravitaillement des iles, moyennant une taxe de 3% ad valorisas. La Compagnie gardait le triste privilège de la traite.

 

Finalement. c’est elle qui devait être la principale victime de la guerre contre la Hollande qui éclata en 1671. Endettée de plusieurs millions de livres à cause de la guerre, elle devait voir son privilège révoque par l’Edit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674 qui proclamait d’autre part le rattachement au domaine de la Couronne des territoires des îles Ainsi les colonies française, des Antilles devenaient royales.

 

Les beaux jours du Pacte Colonial

 

Si la guerre de Hollande mettait fin au monopole de la Compagnie des Indes Occidentales, elle profitait par contre au commerce privé français. La signature de la paix de Nimègue, en août 1675, donna un regain d’activité au trafic.

 

Les armateurs des ports de la Rochelle, Nantes et Bordeaux, assurèrent le commerce avec les iles, remplaçant les Hollandais, en apportant le vin, la viande salée, la farine, les tissus, etc… et remportant le tabac, le coton, l’indigo, le gingembre et surtout du sucre à demi-raffiné. En 1682, deux cents bateaux français se rendaient aux îles.

 

Débuts de l’économie sucrière

 

Toutefois la disparition du monopole honni et l’amélioration des relations maritimes avec la métropole ne calmèrent pas les esprits dans les iles. En effet, Colbert avait transféré à l’Etat, en fait aux Fermiers, la taxe de 3% qu’autrefois les négociants privés versaient à la Compagnie des Indes mais ceux-ci avaient rejeté cet impôt sur les planteurs en achetant moins cher leurs denrées.

 

Or la conjoncture était à la baisse pour les denrées coloniales et Colbert ne fixa jamais les prix, si bien que la situation était particulièrement favorable aux commerçants de la métropole.

 

La canne à sucre nous offre un excellent exemple de l’application rigoureuse des théories du Pacte Colonial. Colbert s’est efforcé de favoriser la culture de cette plante dans les îles. En effet, dès 1661, il envisageait de créer en France des raffineries de sucre.

 

Pour protéger cette industrie naissante il avait imposé un gros droit de vingt deux livres par quintal sur le sucre raffiné en provenance des pays étrangers, quatre livres seulement sur le sucre des iles. Mais Colbert n’avait rien fait pour empêcher l’implantation de raffineries dans les iles.

 

En 1686 la Martinique comptait deux raffineries et la Guadeloupe trois, alors que la métropole en comptait vingt-neuf, ce qui n’empêcha pas la jalousie des raffineurs métropolitains de s’exercer afin d’interdire aux raffineries des iles de fonctionner.

 

Sous cette pression dans une première étape, le pouvoir royal porta, en 1682, le droit sur le sucre raffiné des îles à huit livres au lieu de quatre, alors qu’il diminuait de moitié sur le brut.

 

Premier pas vers la liberté commerciale : les lettres- patentes d’avril 1717

 

Par un nouvel édit, en date du 20 août. 1690, le Roi imprimait une nouvelle vigueur au régime des prohibitions en étendant et en aggravant les sanctions. Mais, depuis 1715 les iles connaissaient une grande expansion économique qui se trouvait à l’étroit dans le carcan de l’exclusif. Si bien que dans les premiers mois de 1716, le régent nomma une commission chargée de préparer un remaniement complet de toutes les ordonnances concernant le commerce colonial.

 

Il en résulta les lettres-patentes d’avril 1717 qui restituèrent aux Antilles un régime de liberté relative. Elles stipulaient en particulier que les armements pour les Antilles et autres colonies françaises se faisaient désormais dans les ports de Calais, Dieppe, le Havre, Rouen, Honfleur, Saint-Malo, Morlaix, Brest, Nantes, la Rochelle, Bordeaux, Bayonne et «Cette» (Sète).

 

En ce qui concerne les marchandises et denrées du royaume comme tes vins, les eaux-de-vie de Guyenne ou d’autres provinces que l’on exportait aux colonies, elles étaient exemptes de droits d’entrée et de sortie. On accordait cette faveur, non seulement aux marchandises qui provenaient des provinces des cinq grosses fermes, niais encore à celles qui provenaient des provinces réputées étrangères.

 

Ces denrées et marchandises destinées aux colonies bénéficiaient également de l’exemption des droits locaux d’une province à une autre et de tous les droits au profit du roi, à l’exception des «droits unis dépendants de la Ferme Générale des Aides du Domaine».

 

Quant aux denrées et marchandises, réellement étrangères, qui étaient destinées aux Antilles, elles comprenaient généralement celles dont la consommation avait été autorisée dans la métropole.

 

On y classait même celles de Marseille et de Dunkerque, réputées alors fermes générales. Elles ne payaient que les droits d’entrée au premier bureau par où elles pénétraient dans le royaume et sortaient du pays pour être transportées aux îles sans payer d’autres droits : Les lettres-patentes de 1717 interdisaient d’une façon absolue aux armateurs de charger pour les Antilles les marchandises étrangères dont l’entrée se trouvait interdite dans le royaume.

 

Elles accordaient aussi certaines faveurs aux produits coloniaux. A leur arrivée dans la métropole ils étaient entreposés dans les ports de Calais, Dieppe, Le Havre, Rouen, Honfleur, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne ou «Cette». S’ils étaient destinés à l’étranger, ils étaient exempts des droits d’entrée et de sortie, même des droits du fermier du Domaine de l’Occident. Ils n’acquittaient que les 3% dus à la Ferme Générale des «Aides du Domaine».

 

Enfin ces lettres-patentes défendaient les produits des Antilles contre la concurrence des denrées coloniales importées par l’étranger puisque les taxes existant sur les sucres étrangers pouvaient, par exemple, être perçues indifféremment partout, sans aucun égard aux franchises particulières sauf dans le cas de réexportation par les ports de Bayonne et de Marseille.

 

Toutes ces mesures facilitèrent les relations entre les colonies et la métropole ; cependant, bien que -libérales,- elles n’instauraient pas un régime de liberté absolue. Les dispositions prises par la royauté pour favoriser le commerce national et le protéger contre les trafiquants étrangers auraient été défendables si la métropole avait disposé d’un tonnage suffisant pour entretenir de fréquentes relations avec les Antilles.

 

Or, l’économie de plantation devenait de plus en plus exigeante car les cultures vivrières étaient de plus en plus négligées, au profit des cultures pour l’exportation. Aussi le ravitaillement des îles dépendait-il en grande partie de la contrebande.

 

Il y eut encore la promulgation de quelques textes pour réaffirmer avec vigueur le principe de l’exclusif et tenter de réprimer la contrebande, mais la plupart restèrent lettres mortes. Ce fut le cas de celui de 1698 qui interdisait «à tous marchands ou propriétaires de vaisseaux bâtis dans les iles françaises de trafiquer avec les pays étrangers», et de celui d’octobre 1727 contre les contrebandiers qui estimait nécessaire «de fixer par une loi certaine des précautions suffisantes pour faire cesser le commerce frauduleux, et des peines sévères contre ceux qui tomberont dans la contravention».

 

L’interlope et l’Exclusif Mitigé

 

En fait, malgré des déclarations officielles rigoureuses, jamais la métropole ne parvint à contrôler nettement la situation dans les Antilles françaises. Bien au contraire, ses tentatives de rigueur économique ne faisaient qu’accroitre l’agitation dans les îles. Incontestablement l’économie antillaise avait de plus en plus besoin du commerce frauduleux ou interlope pour se développer et la métropole ne fut jamais dupe, qui mesurant les insuffisances du Pacte, se borna à affirmer régulièrement ses théories alors qu’en réalité elle ne chercha pratiquement jamais à réprimer sérieusement une contrebande si bien organisée et par certains côtés si bénéfique.

 

La reconnaissance de l’interlope

 

Reconnaissant ainsi une situation de fait, il est normal que le pouvoir royal en vint à envisager une ouverture plus large du commerce officiel. Nous avons vu que les lettres-patentes d’avril 1717 avaient ouvert une première brèche dans l’édifice du Pacte colonial. Le mémoire du Roi, du 13 avril 1763, pour servir d’instruction générale aux gouverneurs et intendants des colonies constitue la seconde dérogation au régime prohibitif.

 

Il autorisait en particulier les Antilles françaises à se fournir en bois de construction à la Nouvelle Angleterre et au Canada, et en contrepartie il leur permettait d’exporter dans ces mêmes pays certaines marchandises, comme les sirops et tafias qui abondaient.

 

Ce mémoire ouvrait donc la voie à un système mixte et marquait une étape décisive dans la voie de la liberté commerciale. Bénéficiant de la bienveillance des administrateurs, il connut dans les îles une interprétation très large, à tel point que le pouvoir royal éprouva le besoin de promulguer, le 25 janvier 1765, les célèbres instructions du Roi aux gouverneurs et intendants de la Guadeloupe et de la Martinique qui proclamaient à nouveau la prohibition absolue.

 

Jamais jusqu’alors la monarchie n’avait formulé aussi clairement sa politique coloniale : «les colonies, y est-il dit, fondées par les diverses puissances de l’Europe, ont toutes été établies pour l’utilité de leurs métropoles ; … Telle est la véritable utilité des colonies, elles n’ont dû être instituées que pour opérer la consommation et le débouché des produits de la métropole… De cette destination des colonies suivent trois conséquences qui renferment toute la science de ces établissements.

 

La première de ces conséquences est que ce serait se tromper étrangement que de considérer nos colonies comme des Provinces de France, séparées seulement par la mer, du sol national. Elles diffèrent autant des provinces que le moyen diffère de la fin : elles ne sont absolument que des établissements de commerce ; et pour rendre cette vérité sensible, il suffit d’observer que, dans le Royaume, l’administration ne tend à obtenir une plus grande consommation qu’en faveur du sol national ; et que dans les colonies au contraire, elle n’affectionne le sol que dans la vue de la consommation, qu’il opère. Cette consommation est l’objet unique de l’établissement, qu’il faudrait plutôt abandonner, s’il cessait de remplir cette destination.

 

La seconde conséquence est que plus les colonies diffèrent , de leur métropole par leurs productions. plus elles sont parfaites, puisque ce n’est que par cette différence qu’elles ont de l’aptitude à leur destination, et telles sont les colonies des îles Antilles elles n’ont aucun des objets de commerce, elles en ont d’autres qui nous manquent et que nous ne saurions avoir.

 

La troisième vérité, qui fait la destination des colonies, est qu’elles doivent être tenues dans le plus grand état de richesse possible, et sous la loi de la plus austère prohibition en faveur de la métropole. Sans l’opulence, elles n’atteindront point a leur fin ; sans la prohibition, ce serait encore pis : elles manqueraient également à leur destination, et ce serait au profit des nations rivales.

 

Un autre fait devait contribuer à ébranler l’édifice du Pacte colonial. Un autre grand pas en avant fut fait lorsque furent créées dans les iles cette même année 1763, des Chambres d’agriculture qui déléguaient chacune l’un de ses membres à Paris, au Conseil du commerce, donnant enfin l’occasion aux colons de s’exprimer.

 

C’est alors que le représentant de la Martinique, Jean-Baptiste Dubuc, sut plaider avec véhémence la cause de la liberté du commerce. Nommé par Choiseul, premier commis au Bureau des Colonies, il n’en continua pas moins à se montrer hostile à l’Exclusif dans les articles du Journal de l’Agriculture.

 

C’est en partie sous son influence que furent prises certaines mesures libérales. Ainsi par arrêt. du Conseil du 29 juillet 1767, deux ports d’entrepôt, le Carénage à Ste-Lucie et le Môle St-Nicolas a Saint-Domingue, furent ouverts aux navires étrangers moyennant une taxe de 1%.

 

Ainsi les nécessités économiques, les multiples réclamations des planteurs et le développement des idées libérales répandues à la fin de l’ancien régime ruinèrent peu à peu la conception d u Pacte colonial.

 

L’exclusif mitigé

 

Ce fut Louis XVI qui lui porta un coup mortel quand il prit le célèbre arrêt du 30 aout 1781, dernier acte de l’ancienne monarchie sur la législation économique des Antilles, et que l’on appela «l’Exclusif mitigé».

 

Dans le préambule le Roi reconnaît qu’il «avait été rendu nécessaire de tempérer successivement la rigueur primitive des lettres-patentes du mois d’octobre 1727, dont les dispositions écartent absolument l’étranger commerce des colonies, et que, pour maintenir dans un juste équilibre des intérêts qui doivent se favoriser naturellement, il avait fallu en différents temps, apporter des modifications à la sévérité des règlements prohibitifs.

 

Les étrangers, notamment les Américains, pouvaient désormais fréquenter officiellement trois ports à St-Domingue (Cap Français, Port au Prince, St-Louis), ainsi que St-Pierre à la Martinique et Pointe-à-Pitre à la Guadeloupe afin d’y négocier un certain nombre d’articles déterminés ; à l’importation : bois, charbons, pelleteries, goudron, bétail, bœuf salé, poisson ; à l’exportation sirop, tafias et marchandises venues de France, Ces mesures permirent, dans les dernières années de l’Ancien Régime, le nouveaux progrès au commerce des iles françaises.

 

Ainsi l’économie antillaise fut régie jusqu’à la veille de la Révolution française par les quatre dispositions fondamentales du Pacte colonial qui tentait d’établir une prohibition absolue. Mais les incessantes réclamations des planteurs et l’incapacité de la métropole à contrôler le trafic maritime dans la zone caraïbe rendirent impossible leur application rigoureuse.

 

La politique coloniale de la Monarchie, surtout au XVIIe siècle, est faite de décisions apparemment contradictoires qui allaient tantôt dans le sens du renforcement de la prohibition et, tantôt dans celui d’une évolution vers une plus grande liberté commerciale, reflétant en fait la réalité d’une situation mondiale fort complexe.

 

Si la Révolution Française devait porter un coup fatal au système du Pacte colonial, elle ne le fit cependant. pas de manière brutale puisqu’il faut attendre le 10 mars 1790, la promulgation d’un décret qui affirme dans son article VI : « Les mêmes Assemblées coloniales énonceront leur vœu sur les modifications qui pourraient être apportées au régime prohibitif du Commerce entre Colonies et la métropole, pour être, sur leurs pétitions, et après avoir entendu les représentations du Commerce Français. statuer par l’Assemblée Nationale ainsi qu’il appartiendra.

 

Au surplus, l’Assemblée Nationale déclare qu’elle n’a « entendu rien innover dans aucune des branche du commerce, soit direct, soit indirect, de la France avec ses colonies … », et l’arrêté du 1 messidor an X réaffirma encore que «l’arrêt du conseil du 30 août 1784, concernant le commerce étranger dans les îles françaises d’Amérique, sera exécuté, selon sa forme et teneur …».

 

Comme celle de la Ferme Générale, l’agonie du Pacte colonial fut lente.

 

Elise Mestre


 

 

 

La Vie de la Douane

 

N° 176

 

Juillet 1978

 

 

 

 

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