Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Le blocus continental

Mis en ligne le 1 mai 2021

 

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Le décret de Berlin du 21 novembre 1806 instaure le Blocus Continental. Il dispose en son article 1er : « Les Îles britanniques sont déclarées en État de Blocus », répondant ainsi à l’ordre du cabinet anglais de mai 1806 « déclarant la totalité des Côtes de l’Empire français en État de Blocus ».

 

Napoléon pose le principe qu’il est de droit naturel « d’opposer à l’ennemi les armes dont il se sert ». Il est persuadé que le blocus sera appliqué par tous les états fédératifs ou vaincus : Italie, Espagne, Hollande, Danemark, Suède, Fédération du Rhin, Naples, Côte Dalmate, Autriche, Prusse et Russie après le semblant d’accord d’Alexandre 1er à Tilsitt. Par réaction le cabinet Saint-James frappe le Danemark en 1807.

 

Napoléon contre-attaque par les décrets de Milan des 23 novembre et 17 décembre qui ordonnent notamment la saisie et la confiscation de tout bâtiment ayant touché l’Angleterre ou s’étant soumis au contrôle d’un navire anglais.

 

Ces mesures seront renforcées par le décret de Fontainebleau du 10 octobre 1810 qui ordonne le « brûlement » des marchandises anglaises saisies.

 

Dans les milieux proches de l’empereur on est convaincu de l’impossibilité d’appliquer le blocus à 100% devant l’immensité des territoires à surveiller et les risques de pénurie ou surproduction. Des dérogations sont indispensables. On va donc instaurer le système des licences.

 

À partir d’avril 1809, le ministre de l’Intérieur accorde des licences à certains navires pour se rendre en Angleterre moyennant paiement d’une somme de 600 à 800 francs, et dégagement en numéraire d’un solde positif sur l’opération de change; en outre on impose à 50% de leur valeur les marchandises anglaises prohibées mises à la consommation.

 

Les Anglais en échange envoient leurs navires charger du blé dans les ports français. Ce semblant de libéralisme s’accompagne d’une application brutale et rigide du blocus avec pour effet de faire chuter les recettes des douanes (impôt sur le sel exclu) de 77 millions en 1807 à 30 millions en1809.

 

Cette procédure dite de « l’Ancien Système des licences » donne lieu à divers abus et malversations favorisant la fraude.

 

En août 1810, l’empereur décide de délivrer et signer en personne les licences dont les droits seront portés jusqu’à 6 000 francs. Le système devient un véritable commerce d’état. Napoléon en surveille personnellement le fonctionnement et se fait présenter chaque semaine le « tableau des résultats généraux du Commerce par licence ».

 

Ces nouveaux documents sont de trois sortes selon le port où s’effectuent les opérations. On en revient au principe de la répartition territoriale. 

 

Les licences de 1ère division concernent les bureaux d’Anvers à Lorient d’où on ne peut exporter que des vins, alcools, étoffes, soie, grains, légumes et fruits et produits manufacturés et importer les bois de construction pour la marine, les munitions, certains produits industriels et chimiques.

 

Les licences de 2ème division intéressent les bureaux de Nantes à Bayonne ouverts à l’exportation et à l’importation des produits précités en y ajoutant les épices et teintures à l’entrée.

 

Les licences de 3ème division d’Agde à Ostie touchent plus particulièrement les produits du Levant importés, les cafés et coton sur justification d’origine.

 

 

licence de commerce - provinces illyriennes

 

 

Tous les produits importés des différents pays y compris l’Europe occupée sont frappés de lourdes taxes.

 

À partir de 1810, les effets conjugués de la délivrance des licences et de la hausse de tarif des droits portent les recettes de 70 millions en 1810 à 109,5 millions en 1812, les droits sur les sels en étant exclus. Le volume des opérations soumis à licence esténorme.

 

Pour l’année 1810, sur 385 millions de valeur à l’importation, les marchandises anglaises représentent 47 millions de francs soit 12 % du trafic total, de même sur 377 millions d’exportations, les envois en Grande-Bretagne atteignent 39 millions, soit plus de 10% des sorties.

 

L’Angleterre achète en France 70% de ses besoins en blé, 90% de sa farine, 80% de son vin et la France lui achète 80% de bois des îles, 55% de. potasse, 66 % de soude, 85% d’étain, etc.

 

Le reste des marchandises échangées se répartit entre la Hollande, les états allemands et l’Italie.

 

On peut dire que la France et l’Angleterre frappées par des blocus réciproques demeurent des partenaires commerciaux privilégiés.

 

Sur le plan purement douanier la période du blocus continental a été une période d’intense activité marquée par l’étendue des territoires à surveiller, l’augmentation des effectifs qui sont passés de 27 200 en 1809 à 35 500 en 1813 et de la fluctuation des recettes, mais aussi par des réussites et des échecs dans la lutte contre la fraude.

 


 

(*) Gravure E. Fort – Préposés du 1er Empire (Détail)

 


 

 

«L’Administration des douanes sous l’Empire » –

 

Cahiers d’histoire des douanes et droits indirects

 

N° 24 – Hors série – 2e semestre 2001

 


 

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