Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

La grande aventure du contentieux – « ma plus belle affaire »

Mis en ligne le 1 mai 2019

«Enquête» de police judiciaire, «affaire» de douane : la terminologie change mais le mécanisme intellectuel et technique de la recherche des infractions et de leur répression est directement comparable. A ceci près que la fraude douanière est, pour le grand public, moins «populaire» que le crime crapuleux qui sous toutes ses formes, produit les «best sellers» du roman noir. Pourtant, l’affaire douanière est souvent aussi pittoresque, voire plus subtile que l’enquête de police. L’enjeu santé publique, loyauté des transactions internationales etc… étant, quant à lui, fort appréciable avec cet avantage de faire couler plus d’encre que de sang.

 

« La Vie de la Douane » (1) a résolu de créer une nouvelle rubrique intitulée «ma plus belle affaire» sous laquelle nos enquêteurs conteront les péripéties de l’affaire ancienne ou récente qui leur paraît la plus caractéristique sous les multiples aspects du contentieux douanier.

 

Afin de piquer, dès à présent, la curiosité de nos lecteurs nous avons demandé à M. Nazario, Chef de Service Interrégional, chargé de la Direction Nationale des Enquêtes et de la Documentation d’en «parrainer» le lancement avec en plus, l’arrière pensée de recueillir les confidences d’un témoin et d’un pionnier de la «grande aventure du contentieux». Car pour des générations d’inspecteurs M. Nazario est «l’homme contentieux» : l’analyste et le codificateur du droit douanier, le père des documents de jurisprudence et le professeur qui a réussi à passionner les auditoires de l’Ecole Nationale des Douanes en leur prouvant dans un style souriant et coloré, qu’il n’y a pas de discipline austère mais que le contentieux est au contraire, l’art qui convient par excellence aux esprits déliés.

 

De surcroît, ce prologue était indispensable pour montrer qu’il y a deux phases distinctes bien qu’intimement liées dans l’affaire douanière : la première, celle qui intéresse l’enquêteur prend fin avec la rédaction d’un procès-verbal, la seconde, souvent plus longue et plus passionnante encore, correspond aux péripéties des «suites judiciaires» car il ne suffit pas d’appréhender le fraudeur, encore faut-il pouvoir le faire condamner par un juge.

 

M. Nazario nous éclaire sur ce deuxième point par touches légères car nous avons vainement tenté de lui faire dire que son œuvre personnelle avait été considérable. Mais le lecteur retiendra, comme nous-même, qu’au royaume des artifices jurisprudentiels, dans l’ obscurité ou les lacunes de la loi, il faut être fin joueur pour mettre la fraude «échec et mat».

 

 

M. Nazario: Des «affaires» pittoresques, j’en ai suivi de nombreuses et relaté quelques unes dans les «documents de contentieux», mais je dois vous prévenir tout de suite que je n’en ai jamais fait personnellement car je les ai «vécues» du point de vue du contentieux et non de celui de l’enquêteur.

Certaines affaires, anciennes, mériteraient d’être contées dans la «chronique du temps passé» en raison notamment de leur durée. Comme cette vieille affaire de 1917 dite «des faux vins portugais» qui était encore d’actualité à mon arrivée au contentieux à la Direction de Paris en 1936 et qui vient – car c’est une affaire fleuve – de trouver récemment son épilogue. C’est bien ce qui vous montre qu’il y a d’un côté l’enquête et la constatation et de l’autre côté les «suites contentieuses» qui connaissent des rebondissements particuliers.

 

D’ailleurs dans cette affaire le démarrage était banal: il avait suffi au vérificateur d’effectuer un prélèvement et de constater que le vin déclaré portugais pendant la guerre de 1914 était, en réalité, du vin d’Espagne, pays alors favorable à l’Allemagne. Je me souviens d’avoir fait une répartition magnifique (à l’époque, il n’y avait pas de limitation) en accordant 240 000 francs lourds au vérificateur et 120 000 francs au préposé visiteur qui étaient déjà l’un et l’autre à la retraite ; bien payé pour un prélèvement d’échantillon! Le procès n’avait pas été plus compliqué que la constatation et pourtant l’affaire a duré quelques lustres. Pourquoi? Pour des questions de voie d’exécution sur des immeubles, avec des imbrications de succession, de faillites etc…

 

Mais si vous n’êtes pas un passionné de procédure, les temps modernes vous réservent des exemples de «pittoresque dans la constatation». Ainsi, la toute récente affaire «d’anéthol», affaire douanière de bout en bout qui a amené la découverte d’un laboratoire de fabrication de stupéfiants. L’échelon de Marseille vous donnera tous les détails avec, en plus, le style imagé que l’on trouve difficilement dans les rapports administratifs.

 

V. D.- Pouvez-vous en donner un avant-goût à nos lecteurs ?

 

Si vous y tenez…. Remarquons, pour commencer, que c’est le type même de l’affaire douanière conduite et conclue par des méthodes policières. L’enquête a débuté sur des indices infimes, elle s’est poursuivie par des filatures, s’est nourrie d’astuces comme celle qui permit au service de convaincre la femme d’un trafiquant suisse « d’importer » sa comptabilité. Cette comptabilité faisait apparaître que 15 tonnes d’anéthol avaient été traitées en 18 mois par la bande internationale que nous visions.

 

Pour juger de l’importance de ce chiffre il suffit de se souvenir qu’il faut 2 grammes d’anéthol pour fabriquer un litre de pastis. Mais une facture contenait un autre indice troublant. Elle portait sur de l’acide acétique et du noir animal qui entrent, quant à eux, dans la fabrication des stupéfiants. Nous avons alors averti la police de la corrélation possible entre l’affaire douanière et une affaire de drogue. La police n’y croyait pas trop et nous invita purement et simplement à continuer nos investigations. C’est ainsi que la douane fît irruption un beau jour au gîte des trafiquants et, croyant trouver de l’anéthol, mit au jour un laboratoire de stupéfiants.

 

« Cet anéthol stupéfiant dont on tire la morphine »

 

Comme il s’agissait de «truands» dangereux, l’arrestation ne manqua pas d’aspects mouvementés qui mettent en valeur le courage des agents. L’affaire était tellement importante qu’elle fit la manchette de la grande presse avec des titres parfois baroques par exemple «beau coup de filet des policiers de Marseille qui saisissent l’anéthol servant à la fabrication de la morphine» !

 

Une formule aussi contractée qu’aberrante qui montre bien que nous ne tirons pas vanité d’une saisie, du moins sous l’angle publicitaire, car notre objectif n’est pas de saisir mais de démanteler les organisations de fraude. Les saisies importantes ne sont pas rares. C’est ainsi qu’à Paris la découverte d’un dépôt dans un box aurait permis la saisie inopinée de 30 kg d’anéthol.

 

Il n’y aurait eu qu’à se baisser pour les prendre mais le service a su, fort heureusement, résister à la facilité pour préserver les chances d’arrêter la bande de trafiquants qui se serait irrémédiablement dispersée en cas d’intervention prématurée. Grâce à des planques radio et à des filatures «d’indien», la douane a pu réussir un coup de filet plus complet et l’anéantissement du laboratoire principal, dans l’Eure-et-Loir, où entre parenthèses, les spécialistes de «Ricard» ont pu retrouver toutes les formules de la marque et «goûter» des préparations tellement bien imitées qu’ils ne pouvaient pas les distinguer des «vraies».

 

Je ne vous en dis pas plus : vous trouverez une mine de renseignements de première main auprès des enquêteurs de l’échelon de Marseille, de Belfort ou de la division des recherches de Paris, sans oublier les agents des services extérieurs qui ont réalisé des «affaires de brigade» qui ne manquent pas de piquant.

 

V.D.- Parmi les affaires-fleuves dont vous parliez tout à l’heure, n’y a-t-il pas «l’affaire» par excellence qui, entre toutes, mérite la mention «extraordinaire» ?

 

D’une certaine façon l’affaire N…  est sans doute l’affaire la plus extraordinaire que l’on ait connu. Jusque là, je croyais que c’était «l’affaire Robequin» une affaire du 19ème siècle «qui est allée cinq fois devant la Cour de Cassation du temps où «l’intérêt à la fraude» n’était pas suffisamment connu du point de vue doctrine. Il s’agissait au demeurant d’une affaire, assez mince matériellement, de tabac transporté par un chauffeur de locomotive dans des cylindres étanches cachés dans le tender, Tout son intérêt résidait dans les problèmes juridiques soulevés et le byzantinisme des systèmes de défense.

 

L’affaire N…, dont vous parlera l’agence de poursuite de Marseille, est une grande aventure jurisprudentielle du même style. Avec, bien entendu, une origine plus «moderne» puisqu’il s’agissait d’une importation en 1956 d’électrophones fabriqués aux «Etats-Unis», prétendument reconditionnés en Hollande et dédouanés en Tunisie pour tourner l’obligation de licence.

 

Mais si la constatation peut paraître banale les problèmes juridiques sont extraordinairement complexes, compte tenu, notamment, d’imbrications relevant de politique plus ou moins étrangère. A telle enseigne que mon vieil ami Chapelet pourtant si respectueux de la loi est demeuré quelques mois condamné pour le crime d’atteinte à la Constitution et aux libertés des citoyens! Cette affaire est encore loin d’être terminée après 36 jugements et arrêts rendus par les juridictions les plus variées allant du modeste tribunal de paix à la Cour de Cassation et même au Tribunal des conflits.

 

Mais les «curiosités» du contentieux ne sont pas nécessairement des affaires découvertes à l’issue d’une enquête très subtile mettant en jeu des intérêts financiers considérables : il est des cas d’affaires de brigade portant sur 10 litres d’essence qui donnent lieu à des arrêts de Cassation pour un droit compromis infime, alors que des affaires très importantes sont d’une banalité affligeante… Exemple, l’affaire de capitaux qui mettait en cause très récemment, un industriel …

 

V.D.- Maintenant que notre carnet d’adresses est bien garni de noms d’enquêteurs – que nous ne manquerons pas d’interviewer – nous aimerions évoquer l’ œuvre étonnante que vous avez accomplie au contentieux. Comment devient-on « l’homme contentieux » ?

 

Vous exagérez certainement car je n’ai pas l’impression d’avoir fait des choses extraordinaires et si j’ai été conduit à m’intéresser à de multiples aspects du contentieux, c’est au fil des circonstances et les succès que vous me prêtez sont le plus souvent dûs aux travaux antérieurs et à l’expérience de collègues plus anciens…

 

Mais, pour ne pas éluder votre question, je peux vous dire que tout à réellement commencé lorsque j’ai fait mes débuts de rédacteur à la direction générale en 1943. Il s’est trouvé que Me Levy-Falco qui était notre excellent avocat avait été obligé, en raison de ses origines, de fuir l’occupation allemande. Son remplaçant, quoique éminent juriste, n’avait pas la même connaissance du contentieux douanier, ce qui explique que j’aie été amené à m’intéresser plus que d’accoutumé aux affaires portées en Cassation.

 

«Ma» première affaire, parfaitement extravagante, qui séparait la Douane et la Cie des chemins de fer d’Alsace Lorraine, était une conséquence juridique de l’annexion de la Sarre par l’Allemagne. C’est le plus bel exemple que je connaisse de marchandises qui, en raison du déplacement de la frontière, l’aient «franchie dons l’immobilité», engendrant un procès qui tenait dons un dossier de 50 cm d’épaisseur ! Grâce aux conclusions que j’avais rédigées d’après la thèse de doctorat – sur la Sarre – du Chef du Contentieux d’alors, j’ai commencé à hériter des pourvois en Cassation ! d’autant que, sur ces entrefaits, j’avais bâti un raisonnement alambiqué sur «l’affaire Alabéatrix».

 

Il s’agissait d’un malandrin d’une habileté surprenante qui bien que fraudeur notoire n’avait jamais pu être pris en flagrant délit; il venait, une fois de plus d’échapper à une poursuite à vue en abandonnant sa camionnette. Les tribunaux l’avaient relaxé, faute de preuve, car l’individu prétendait s’être dessaisi depuis longtemps du véhicule en question dont il n’acquittait plus, par inadvertance, que les frais de garage ! rien ne me destinait à m’occuper de ce dossier mais, au fur et à mesure des départs en congé des rédacteurs plus anciens, je me suis trouvé désespérément seul et dans l’obligation de m’y atteler.

 

« Où l’on découvre la «réversibilité» des articles du code »

 

Il n’y avait aucune jurisprudence en la matière. Je savais bien que l’article 555 du code des douanes (l’art. 373 actuel) disait : «en matière de saisie, les preuves de non contravention sont à la charge du saisi». Mais, hélas, on n’avait saisi que le véhicule contre inconnu sans pouvoir établir de lien de propriété. Alors, je me suis souvenu à propos de mes études d’antan et j’ai sorti, en le manipulant quelque peu, l’article 2279 du «Code Civil» «En fait de meubles possession vaut titre». Évidemment, c’est toujours le possesseur qui l’invoque pour dire «je suis propriétaire» mais il semblait légitime de lui retourner la politesse en l’invoquant contre lui.

 

J’ai donc bâti mon pourvoi en Cassation sur le raisonnement suivant art. 2279, il se comportait en possesseur de bonne foi aux yeux de tout le monde puisqu’il acquittait même les frais de garage. Comme on a saisi le véhicule, c’est donc contre lui que la saisie a été faite, or «en matière de saisie les preuves de non contravention sont à la charge du saisi», donc c’est à lui de prouver son innocence. Eh bien, il n’a pas réussi ! Du coup, j’ai été chargé des pourvois en Cassation d’une façon définitive.

 

V.D.- Mais vos documents de jurisprudence, c’est un «travail de romain» !

 

Vous comprenez bien qu’a ce moment là, sans chercher absolument du travail, j’ai dû me donner quelques munitions pour plaider valablement devant la Cour. Car, chacun sait que les tribunaux, c’est humain, appliquent le principe «hédonistique» du précédent bien clair qui rassure et renforce leur intime conviction. Or les précédents, il faut les chercher.

 

« Un « fou » Archivivore »

 

C’est ainsi que j’ai été amené à faire les documents de jurisprudence. Certes, j’ai dû dépouiller à peu près tout ce qui existait dans les archives douanières, dans le Sirey, le Dalloz et autres ouvrages de jurisprudence sans toutefois remonter en deçà de la Révolution de 1789. Ensuite,  il a fallu constituer un recueil et comme à cette époque la photocopie n’existait pas, ce sont ces pauvres dactylos qui ont été sollicitées. Bien que n’étant pas convaincues, elles tapaient avec résignation en se disant qu’après tout elles étaient payées pour taper. Mais je suis bien certain qu’à plusieurs reprises elles ont dû se dire : «C’est un fou, des trucs de 1812, qui pourrait bien s’en servir ?! ». Aussi, ne fallait-il pas se formaliser, si au passage, elles «m’égaraient» une date ou un paragraphe tout entier.

 

Comme l’arrêt extrait de la «gazette du Palais» ne suffit pas par lui-même, il reste, ensuite, à l’analyser, le commenter et, enfin, porter le travail à l’imprimerie nationale. En somme, c’est faute de disposer de la photocopie que je n’ai pas pu mener ce travail entièrement à bonne fin. Mais il existe sans doute encore en un recoin de la direction générale une vieille armoire qui renferme la jurisprudence explorée, dépouillée et annotée avec références à l’appui de 1870 jusqu’à la nouvelle édition des documents contentieux. Si dans un siècle, un original n’a pas pris ma suite, vous pourrez la rechercher pour alimenter une chronique du temps passé.

 

V.D.- Mais le Code, Monsieur Nazario, ne l’avez-vous pas quelque peu retaillé ?

 

Alors là, je dois vous conter l’histoire depuis les origines qui remontent à la réédition en 1945 du tableau des infractions. L’idée était du chef du Contentieux, qui me dit un jour : «c’est inadmissible, depuis 1884, l’Administration a été incapable de faire un tableau des infractions et nos agents ne peuvent se documenter qu’en s’adressant à un organisme privé, il faut faire cesser cette anomalie».

 

C’était une très bonne idée. Il ajoutait toutefois : «il faut que vous fassiez quelque chose de parfaitement logique mais cependant, arrangez-vous pour que les articles 32 sur les importations sans déclaration et 70 sur les exportations ne changent pas de place parce que le service est habitué à ces numéros».

 

V.D.- Ce qui vous a obligé à gonfler les articles avant le numéro 32…

 

… et à «ratiboiser» par ci, par là. Mais le problème était encore plus sérieux car le code tout entier était bancal. En 1926 et en 1934 des codifications hatives avaient été faites et le code devait aussi être revu sur le fond. En fait une loi d’août 1948 prescrivit la refonte des codes fiscaux. M. Dufourg qui avait lu le journal officiel au mois d’août – ce qui est un signe – prit toutes dispositions pour qu’un projet de réforme du code des douanes soit déposé en décembre sur le bureau de l’Assemblée Nationale, code comportant un titre spécial pour le contentieux, titre dont la rédaction me fut confiée.

 

V,D.- Or le code était extraordinairement touffu…

 

A l’extrême, car personne n’avait fait œuvre méthodique et les traités de contentieux de jadis étaient surtout des dictionnaires où l’on rattachait à un mot une série de lois, décrets et circulaires. Nous aurions béni quiconque aurait dégagé quelques idées générales pour réunir les lois éparses, la jurisprudence et les instructions administratives,

 

A l’époque, j’ai été servi par les circonstances car du fait de la création de l’Ecole Nationale des Douanes on m’avait chargé de faire un cours de contentieux. Pour satisfaire les exigences des inspecteurs-élèves fréquemment licenciés en droit, j’avais dû dégager les principes du contentieux douanier par opposition au droit commun, dresser des tableaux et analyser la plupart des régimes juridiques.

En particulier j’avais constaté, ce faisant, que nous avions 80 et quelques manières de réprimer les contraventions et 12 pour les délits, tout ceci sans raison aucune, De là est née l’idée de créer les «classes» avec le souci, dicté par la loi de 1948, de ne pas modifier la qualification pénale. Il fallait néanmoins justifier que l’on avait pu légalement arriver, de contraction en contraction, à seulement 4 classes de contraventions et 3 classes de délits.

 

Notre présentation a, malgré cela pu être, admise par le Conseil d’Etat auquel nous avons fait valoir que si les peines d’emprisonnement auxquelles nous n’avions pas touché, étaient identiques au droit commun, en revanche les amendes que nous avions manipulées n’étaient pas des peines, mais la réparation du préjudice subi par le Trésor, Qu’elles avaient tout au plus un caractère mixte mais avec un caractère civil dominant pour la Cour de Cassation. Or, il ne déplaît pas au Conseil d’Etat de se trouver parfois, en accord avec la Cour de Cassation !

 

« Si vous ne l’avez pas inventé c’est que c’est bon !… »

 

« Comme pour les enterrements »

 

L’examen du projet de code devant le conseil d’administration a amené quelques modifications de présentation où la logique a cédé au désir de maintenir certaines traditions comme, par exemple l’obligation de commencer le contentieux par le procès-verbal. Quant aux «classes» de contraventions, elles soulevèrent franchement l’hilarité : «alors, c’est comme pour les enterrements ! » me dit-on . Je me suis défendu en faisant observer que c’était ainsi dans le Code Pénal, donc que je n’avais rien inventé. Du coup, tout le monde fut plus ou moins rassuré !

 

Il a fallu ensuite rédiger le règlement du contentieux et en fait, vous le voyez, j’ai très largement démarqué mon cours ; à telle enseigne que, lorsqu’aujourd’hui les élèves retrouvent par hasard un vieux cours de l’époque, ils disent : «le cochon, il a copié les règlements ! », mais je dois préciser qu’en dehors de ces questions contentieuses, le code est essentiellement l’œuvre de M. Dufourg.

 

V.D.- Votre cours a eu une large postérité car nous avons noté que la plupart des ouvrages consacrés au contentieux douanier, par exemple les thèses de doctorat, le citent avec référence…

 

Il est exact que les compilateurs assez peu nombreux de la «spécialité» font preuve de cette délicatesse. Je n’y tenais d’ailleurs pas absolument car la forme de collaboration anonyme présente parfois des avantages pratiques,…

 

Ainsi ce rédacteur du «Jurisclasseur» qui après avoir fait des articles virulents sur le caractère exhorbitant du droit douanier, convient, après avoir été chargé de revoir le répertoire au mot douane, que la direction générale n’était pas un antre de «brigands» et que, sommes toutes, nous avions une législation «à part» mais que nous l’appliquions avec équité, L’avantage ? Ce genre d’appréciation exprimée dans le jurisclasseur ou le Dalloz est fort utile lorsqu’elle peut, ensuite, être invoquée devant les juges comme émanant d’un jurisconsulte éminent!

 

Vous parlez «d’œuvre», c’est un bien grand mot. Au fond, je n’ai fait que remettre sur les rails les voitures qui avaient déraillé. Evidemment tout aurait été plus simple si l’on s’était contenté de condenser le titre XII du Code en un article unique : «la douane a toujours raison» ; mais le procédé aurait été antisportif ! .

 

Mais c’est bien assez sur le contentieux. Voyez les enquêteurs pour votre chronique «ma plus belle affaire». Vous ne serez pas déçu car bien que le fraudeur ait toujours l’initiative, nos enquêteurs obtiennent parfois des résultats remarquables à force d’imagination et de ténacité car, bien entendu, il ne suffit pas de connaître l’existence d’une infraction, il faut encore en rapporter la preuve. C’est pourquoi les enquêtes doivent être méticuleusement et longuement préparées afin que le fraudeur puisse être désarmé par la logique de l’enquêteur et mis «intellectuellement» dans l’obligation d’avouer.

 

 

(1) « La vie de la douane » – N° 144 – Septembre 1969 

 

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