Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
La douane française au cours des siècles…
La douane est une institution très ancienne puisqu’on en trouve trace dès l’Antiquité dans les civilisations égyptienne, grecque et romaine. En France, son organisation et son développement sont cependant plus récents et s’inscrivent dans la montée en puissance progressive du pouvoir royal. Il est possible de considérer que l’administration des douanes en tant qu’institution se structure véritablement à compter du XVIIè siècle.
La douane sous l’ancien régime
Dès cette période et comme de nos jours, les impôts royaux se divisent en impôts directs et en impôts indirects. Ces derniers pour l’essentiel comportent:
-les gabelles (impôt sur le sel);
-les aides (impôt sur la circulation et la consommation de certaines marchandises,comme le vin, les boissons, les viandes, les poissons, les métaux précieux…);
-les traites ( droit de douane sur les entrées et sorties de marchandises du royaume et entre certaines provinces du royaume).
Les impôts indirects étaient affermés par province et par produit. La pratique de l’affermage consistait à confier le calcul et la perception de l’impôt à des sociétés privées qui agissaient au nom du roi. En contrepartie, ces sociétés versaient au trésor royal un capital fixé dans un bail pour 6 ans.
Au fur et à mesure de son affirmation, le pouvoir royal procéda à la rationalisation et à la concentration des activités des fermiers. La chronologie succincte suivante s’impose:
-1598 Sous le règne de Henri IV, le Surintendant des Finances Sully regroupe en une ferme unique les fermes des gabelles et unifie la perception des traites dans le territoire dit des 5 grosses fermes;
-1607 Sully rationalise la perception des traites en publiant le Règlement général des traites;
-1664 -1687 Sous le règne de Louis XIV le Contrôleur Général des Finances Colbert poursuit l’oeuvre de Sully:
*il réunit à son tour en un seul bail les gabelles de France,les droits d’entrée et de sortie et les douanes de Lyon et Valence;
*il impose un tarif national de 1664 à 1667;
*il réglemente le fonctionnement des Fermes par les Ordonnances de 1681 et 1687.
-1726 La ferme générale se constitue et rassemble les gabelles, les 5 grosses fermes, les traites, les aides et les marques des métaux précieux.
-1730 La ferme du tabac est intégrée dans la Ferme Générale.
La ferme générale devient alors progressivement un modèle d’organisation administrative comprenant une administration centrale à Paris et 42 directions de province. Sous l’autorité de chaque directeur sont placés un receveur général, des inspecteurs qui dirigent une partie du territoire de la direction, des bureaux qui vérifient, liquident et perçoivent l’impôt, des brigades qui préviennent, recherchent et répriment la fraude .
A la veille de la révolution, les effectifs de la Ferme Générale sont évalués à 24000 agents. Ces derniers agissent au nom du roi et disposent de pouvoirs de contrôle des personnes, et des marchandises à la circulation. Ils peuvent procéder à des arrestations, à des visites domiciliaires, à des poursuites en justice ou à des accommodements avec les contrevenants.
Les agents des brigades de la ferme générale ne disposent pas d’uniforme, mais portent en bandoulière une plaque de baudrier avec la mention « Fermes du Roy » autour du cartouche royal permettant ainsi de les identifier. La ferme générale disparaîtra dans la tourmente révolutionnaire.
La période révolutionnaire1789-1799
Après la suppression de la ferme générale, la régie nationale des douanes voit le jour le 23 avril 1791. Elle est dotée la même année d’un tarif national applicable désormais aux frontières extérieures du royaume et d’un code des douanes national reprenant l’organisation du dédouanement,les pouvoirs des agents , la répression de la fraude, les poursuites en justice…
A sa création la régie nationale est dirigée par un collège de régisseurs et comprend environ 15000 agents chargés de la police du Commerce Extérieur, une administration centrale et 20 directions. Les structures internes sont semblables à celles de l’ancien régime,inspections, bureaux, brigades et une grande partie de l’encadrement est issue de la ferme générale.
L’installation est difficile, compliquée par la défense des frontières à l’occasion des guerres révolutionnaires, modifiée à l’occasion des changements de gouvernance. Ainsi des inspections commerciales des douanes se substituent (1793-1795) aux directions qui sont ensuite rétablies. Progressivement cependant l’institution se met en place.
Le Consulat et l’Empire 1799-1814
Les besoins financiers consécutifs aux guerres révolutionnaires et l’expansion territoriale imposent une réorganisation qui intervient en 1801.La direction générale des douanes est ainsi créée et connaîtra un développement ininterrompu jusqu’à la fin du premier empire.
La politique protectionniste de l’empereur induira un tarif national pénalisant les importations et privilégiant les productions nationales. Ce tarif s’appliquera à tous les pays conquis où seront installées des directions des douanes françaises Il en sera ainsi en Italie, Espagne,Suisse, Belgique, Pays Bas, Allemagne.
A la fin de l’empire,qui comptera 130 départements, l’effectif douanier sera porté à 35000 hommes. La guerre économique avec l’Angleterre connaîtra un point culminant avec le blocus continental décidé en 1806. La contrebande s’accroîtra considérablement et des tribunaux d’exception seront installés dans l’empire pour la réprimer.
Les douaniers seront dotés d’un uniforme de couleur verte.
1815-1860
A la suite des Cents-jours, la. monarchie poursuit une politique commerciale protectionniste plus modérée. L’industrie textile française ayant besoin d’être protégée, une ligne spéciale des douanes est instituée à 30 km à l’intérieur des frontières du nord, de l’est,et du sud-est pour exercer des contrôles et rechercher la fraude. C’est le début de la compétence des douanes à l’intérieur du territoire. Cette ligne demeurera jusqu’en 1842 environ.
Les services douaniers sont progressivement casernés sur tout le territoire pour pouvoir être mobilisés rapidement et bénéficier de conditions de vie améliorées. On peut citer en exemple la caserne des douanes du Havre qui accueille plusieurs centaines de logements, une école, un asile pour petits enfants,dans l’esprit des phalanstères de l’époque.
Le développement de l’industrie voit la création des lignes de chemin de fer et de bateaux à vapeur qui multiplient les échanges et nécessitent de nouvelles organisations des services. Les structures administratives évoluent peu mais voient la création d’entrepôts à l’intérieur du territoire permettant le stockage sous douane des marchandises.L’uniforme des douaniers subit des modifications successives et se colore de garance (rouge) sur l’habit (passepoil) et le pantalon qui devient lui-même gris bleuté et orné à son tour d’une bande garance en 1852.
Les douanes d’outre-mer, Algérie, Antilles, Guyane, Réunion s’installent sur le modèle français à compter des années 1830. Le corps militaire des douanes est créé en 1831 pour permettre sa mobilisation en bataillons en temps de guerre afin de concourir à la défense du pays.
1860-1910
L’année 1860 marque de grands changements dans l’organisation et le fonctionnement des douanes. En effet l’empereur Napoléon III met en oeuvre un véritable coup d’état douanier en signant un traité de libre-échange avec l’Angleterre. Cette nouvelle politique commerciale entraîne une baisse des tarifs douaniers à l’importation, des contrôles allégés et une facilitation des échanges.Cet évènement constitue le début de la première mondialisation qui durera jusqu’en 191
Par ailleurs, la France intègre la Savoie et le Comté de Nice et doit déplacer en conséquence ses lignes de douane. Dès la fin du second empire en 1870 l’opposition s’exacerbe entre protectionnistes et libre-échangistes et finalement les premiers l’emportent.
Le 14 juillet 1880, les douaniers se voient remettre un drapeau lors de la revue de Longchamp. Ce drapeau est attribué à l’ensemble des bataillons des douanes, à l’instar de celui des chasseurs. Un tarif à double colonne est mis en vigueur en 1892 visant à favoriser les pays avec lesquels la France a passé un accord commercial. La loi de 1901 sur les associations entraîne la création de sociétés fraternelles et d’amicales de douaniers qui ne tardent pas à revendiquer des améliorations de leurs conditions de vie.
En 1908 est décidée un réforme d’envergure qui réduit la surveillance des côtes, modifie la durée quotidienne du travail de 10h à 8h, généralise le recrutement et l’avancement par concours, met en place une mobilité accrue du service…
1914-1918
Les bataillons douaniers sont mobilisés dès le début du conflit. La guerre des frontières met en action 8000 hommes et 200 officiers dans les compagnies actives et de forteresse des douanes Celles-ci se distinguent à Charlemont, Longwy, dans les Vosges, Belfort, Maubeuge, Montmédy,…Le premier blèssé de la guerre est le douanier Georges Laibe. D’autres douaniers se porteront volontaires pour remplir des missions spéciales de renseignement et de sabotage derrière les lignes allemandes. A la fin de 1915 la majeure partie des bataillons est dissoute et les douaniers versés dans les corps de troupe.
Le drapeau des bataillons des douanes sera décoré de la croix de guerre avec palme en 1921 eu égard au comportement élogieux du corps et ce en particulier à Longwy. Parallèlement, la guerre économique avec les empires centraux a été déclenchée. Le commerce avec l’ennemi a été interdit par décret du 27/9/1914. La contrebande de guerre a dû être combattue et l’ensemble des manoeuvres frauduleuses tendant à ravitailler l’ennemi recherchées. La douane a dû aussi s’investir dans l’exercice de nombreuses prohibitions et dans le contrôle des navires neutres.
1918-1940
Le traité de Versailles avait prévu l’intégration de la Sarre dans le territoire douanier français ainsi que l’occupation de la rive gauche du Rhin. Les réparations réclamées aux allemands n’étant pas acquittées, et aucun accord n’intervenant, il fut décidé d’imposer un régime douanier spécial aux provinces rhénanes.
Une ligne de douane française, placée auprès des troupes françaises d’occupation, fut donc installée mobilisant environ 150 douaniers français durant l’année 1921 L’évolution de la situation conduisit à de nouvelles sanctions en 1923 avec l’occupation de la Ruhr qui mobilisa plusieurs centaines de douaniers français jusqu’au premier semestre de 1925.
Le conflit ancien entre la France et la Suisse à propos des zones franches trouve son épilogue en 1932 par une décision de la Cour internationale de La Haye La réorganisation des services intervint en 1933 en distinguant frontière fiscale et frontière douanière et en fixant ainsi définitivement les limites des zones franches.
La crise financière de 1929 entraîna des difficultés cambiaires . Les échanges internationaux en furent complexifiés et l’administration dut adapter ses procédures Par ailleurs, au cours de la même période, la douane se voit attribuer de nouvelles missions fiscales:
*la perception de la taxe sur le chiffre d’affaires à l’importation;
* la fiscalité pétrolière;
Enfin, la première école des douanes voit le jour en 1938 à Montbéliard pour former les agents des brigades.
1940-1945
Au cours du conflit l’administration est confrontée à de multiples difficultés. L’avance des troupes allemandes contraint la direction générale à se replier partiellement à Chinon puis à regagner Paris. Ensuite, un échelon est créé à Vichy.
Les autorités allemandes exigent le départ des côtes de la majorité du personnel douanier. Celui-ci est reversé dans différentes administrations. Une petite partie, environ 500h, assurera la surveillance de la ligne de démarcation de février-mars 1941 à février-mars 1943. La plus grande partie sera affectée au contrôle des prix, puis contrôle économique jusqu’en 1955. Les activités de dédouanement sont fortement réduites durant toute la période.
Les actions de résistance individuelle seront nombreuses. A titre collectif on peut citer les douaniers de la brigade des Hauts Buttés (08) qui récupéreront de nombreux parachutages ainsi que ceux d’Annemasse (74) qui assureront de nombreux passages en Suisse.
A l’issue du conflit, une période de réforme va s’ouvrir qui se poursuivra avec la création de la Communauté Économique Européenne puis de l’Union européenne.