Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Chiens de douaniers, chiens de contrebandiers
Deux documents publiés en 1991 dans les « Cahiers d’histoire » sont repris ci-dessous: le premier intitulé « Chiens de douaniers, chiens de contrebandiers, déjà, au XVIIIe siècle… » suivi d’un témoignage daté de 1812 repris sous le titre « Le douanier sauvé par son chien » .
L’équipe de rédaction
I. Chiens de douaniers, chiens de contrebandiers
Déjà, au XVIIIe siècle…
Le plus ancien témoignage que nous possédions sur l’utilisation de chiens par les fraudeurs et par les douaniers date de 1763.
Le 8 avril de cette année, la Ferme générale décide d’accorder aux employés «pour chaque chien tué, chargé de tabac ou de sel, 30 sols outre le droit d’emplacement du sel ou du tabac» (emplacement étant pris au sens de livraison de ces marchandises aux magasins de la Ferme). «Il faut ajouter la décision que les saisissants, pour jouir de ces gratifications, rapportent une patte de l’animal pour justifier de sa destruction».
Vers cette époque, un mémoire relatif à la direction des Fermes de Saint-Quentin évoque de manière assez inattendue les origines du développement de ce type de fraude: «On trouve plusieurs paroisses dont les habitants sont généralement adonnés à la fraude. Montbrehain, Etaves, Grandfresnoy et Seboncourt ont toujours fourni des bandes nombreuses.
Les femmes seules, il y a 7 ou 8 ans, y faisaient le faux-saunage. La régie les y a fait renoncer en faisant exécuter les dispositions de la déclaration du 23 mars 1688 qui prononce, et par corps, la solidarité du mari. Depuis cette époque, ce sont les filles qui se mêlent de ce trafic; les prisons de Guise et de Saint-Quentin en sont remplies, et, comme l’espèce manque, on vient de se livrer à la fraude faite par les chiens.
On verra avec surprise qu’il y a dans ces quatre paroisses plus de 100 de ces animaux qui portent de 30 à 40 livres pesant. Pour remédier à ce désordre, la régie vient d’appeler du département d’Amiens six employés avec chacun un chien dressé et qui sont en état d’en dresser d’autres.»
Ainsi voit-on apparaître, en même temps que la prime pour destruction de chiens fraudeurs, le chien-douanier et son conducteur, le maître-chien. En 1786, le premier commis de la direction des Fermes de Saint-Quentin écrivait à son collègue à Valenciennes:
«La fraude par ces animaux dans ce département est considérable: il s’en tue chaque année 6 à 700.»
Archives municipales de Valenciennes,
Fonds de la direction de la Ferme du Roi.
II. Le douanier sauvé par son chien
Extrait du procès-verbal rédigé le 17 novembre 1812 par des douaniers de la brigade de Telgte (localité située à 10 km à l’est de Münster), direction de Wesel
Archives municipales, Valenciennes.
» Revenant de Münster porter une lettre à M. l’inspecteur pour lui annoncer la mort d’un de nos confrères assassiné par des contrebandiers, arrivé près d’une auberge située entre notre poste et Münster, environ à 2 heures du matin, je m’aperçus, moi Barhap, que mon chien ne me suivait pas.
J’ai sifflé pour l’appeler et on me répondit à une petite distance de nous. J’ai franchi avec mon camarade une barrière qui sépare l’ancienne route sur laquelle nous étions de la nouvelle qui se forme, et nous aperçûmes une bande d’homme chargés de ballots, venant du côté de l’étranger (1), se dirigeant vers l’intérieur, à qui nous avons déclaré nos qualités, les requérant de nous dire de quelles marchandises ils étaient chargés (…).
Au lieu de nous répondre, ils se mirent en défense avec les bâtons dont ils étaient porteurs et commencèrent à en faire usage en nous maltraitant.
Nous sommes parvenus néanmoins à en arrêter trois avec leurs chargements, mais aussitôt, une nouvelle bande étant survenue, j’allais à leur rencontre, moi susdit Barhap, tandis que moi Filles, suis resté à la garde des trois arrêtés en les contenant avec mon fusil armé de sa baïonnette.
Cette nouvelle troupe s’est mise également en défense et commença par me tourner. Je fis le moulinet avec mon sabre pour parer les différents coups qui m’étaient portés de tous côtés, mais, étant étant saisi par le bras et par derrière, je fus terrassé et il me fut porté de nouveaux coups de bâton.
J’allais devenir victime de leur acharnement quand j’ai appelé mon chien à mon secours qui prit à la gorge le plus furieux, ce qui me donna le temps de me relever. Aussitôt, j’ai tiré mon pistolet, me servant de nouveau de mon sabre et j’apaisais la fureur de mon chien, ce qui les intimida et les fit fuir, et me rendis le maître du champ de bataille.
Pendant ce temps, moi Filles, je me trouvais nouvellement attaqué par ceux qui étaient restés à ma garde, qui me donnèrent différents coups de bâton, entre autres un sur le dos qui me terrassa. Mais je m’ai relevé (sic) et me servis de ma baïonnette, ne voulant faire usage de mon coup de fusil qu’à l’extrémité.
Nous ayant réunis et conservé les trois arrêtés avec autant de ballots de sel prohibé à l’entrée de l’Empire français (…) nous avons ensemble pris la route du bureau d’Alget où nous sommes arrivés à environ 4 heures du matin après que le combat eut duré plus d’une demi-heure. »
(1) Grand Duché de Berg.
Cahiers d’histoire des douanes
et droits indirects
N°11
1991