Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

 » La douane française au combat » (1870) par R. Schneider (extrait)

Mis en ligne le 1 mai 2020

 

Nous vous invitons à découvrir en avant première un extrait de l’ouvrage de Raphaël Schneider  « La douane française au combat: de Mandrin à la Libération » (voir souscription). Nous le remercions d’avoir bien voulu nous en réserver la primeur. 

 

L’extrait concerné retrace plus particulièrement les missions périlleuses de reconnaissance et de liaison qui furent confiées aux agents des douanes dès le début du conflit.

L’équipe de rédaction

 

 


 

 

« Cette première partie de la guerre voit l’armée impériale, si fière de ses victoires en Crimée et en Italie, s’effondrer en trois semaines de combats au mois d’août. Cependant, si les pertes françaises s ‘élèvent à 49 000 hommes, celles des allemands sont de 58 000 tués et blessés!

 

Les agents du bataillon de Wissembourg font partie des premières troupes ayant subi l’impact des armées allemandes et, après la défaite du 4 août, ceux qui ne sont pas déjà prisonniers se réfugient dans diverses places fortes ou suivent le 1er corps du maréchal Mac Mahon qui retraite en direction du col de Saverne.

 

Le 31 août, des douaniers exécutent un véritable exploit peu connu en portant la guerre en territoire ennemi! Ce jour-là, deux compagnies de gabelous de la légion de Colmar sous les ordres des capitaines Miche, deux frères, commandant l’un à Foussemagne et l’autre à Bautzenheim, aidées de francs-tireurs, réussissent à enlever cinq grands bateaux et un petit amarrés sur le territoire badois malgré les tirs ennemis. Ils empêchent ainsi les allemands de franchir le Rhin à Bellingen, les forçant à passer par Chalampé.

 

Des agents se trouvent dans la place de Sedan et se retrouvent prisonniers lors de la capitulation impériale du 2 septembre avec près de 80 000 autres soldats. Le préposé Drédemy sera félicité par le maréchal Leboeuf, major-général de l’armée du Rhin, pour avoir servi de guide à plusieurs reprises à cette armée.

 

Sur 1006 hommes des brigades de la direction de Metz, les trois-quarts se sont retrouvés à combattre sur les murs de Montmédy, Longwy, Thionville et de la capitale lorraine. Ces derniers prendront aussi le chemin de la captivité quand le maréchal Bazaine signera la reddition de la place et de son armée le 28 octobre. Cette lourde défaite livre aux allemands trois maréchaux, cinquante généraux, 6 000 officiers,152 800 hommes, 15 000 blessés et malades, 1 600 canons, trois millions d’obus, 278 000 fusils et 23 millions de cartouches. 

 

Ce sont les agents du 3e bataillon de douaniers de la 1ère légion de l’Est commandés par l’inspecteur Magué et son adjoint Deneits, celui de l’expédition du Mexique cité plus haut, qui représentent le corps militaire des douanes dans ce triste épisode avec les quelques agents non encore prisonniers du bataillon de Saint-Avold et d’autres issus des brigades et bataillons de l’Est dispersés par la retraite. 

 

L’inspecteur Barallier commande ces hommes reformés en plusieurs unités et casernés au fort Moselle, mais dont on ne connait pas exactement le nombre. Ils ont assuré pendant tout le siège, avec des chasseurs forestiers, d’importantes missions d’éclairage et surtout de liaisons. Certaines sont connues grâce aux minutes du procès de Bazaine en 1873. 

 

Ainsi, Veber, le 23 août, réussit à apporter au Maréchal Mac Mahon une dépêche roulée en forme de cigarette! Du 25 au 28 août, les préposés Lagneaux et André, du bataillon de Montmédy, effectuent le trajet Carignan-Thionville-Metz. Un courageux gabelou se distingue durant cette période de flottement. Le préposé Louis Patée, du piquet d’escorte de Châlons-sur-Marne, parvient en effet à traverser les lignes prussiennes entre le 27 et le 29 août, porteur d’une dépêche que lui a confié à Montmédy le commandant  de Montauban, aide de camp de Bazaine. Il parvient à le remettre à Beaumont au général Martin des Pallières de l’armée de Sedan. Le brigadier André et l’employé Pierre Longeraux sont aussi chargés par le commandant Magnan, de Montmédy, de porter des missives au chef de l’armée de Metz, mais ne peuvent dépasser Thionville. Ils seront aussi interrogés par les juges, tout comme le commis principal Vattry, de Rochefort, entendu en tant qu’attaché à l’intendant Richard et envoyé au Luxembourg pour assurer le service des vivres. 

 

Quant au préposé Mathias Hiegel et au surnuméraire (1) Dominique Simon, ils se glissent le long de la frontière du Luxembourg pour assurer une liaison. Le premier, envoyé par le colonel Reboul, part de Montmédy pour porter une missive à Bazaine. Les risques pris lors du passage des lignes prussiennes, et la réussite de la mission, lui valent une citation à l’ordre de l’armée et il recevra la Légion d’honneur dix ans plus tard. Le second doit aussi passer une dépêche de Mac-Mahon pour son homologue enfermé dans Metz. Il parvient à Thionville avec un zouave et l’employé de commerce Edouard Sindic, mais il doit laisser ses missives à des hommes parlant allemand susceptibles de passer les lignes ennemies. Il fera plusieurs missions entre Thionville et Montmédy. 

 

Quant au directeur de Metz,Villemin, il s’est replié sur Thionville et y organise le passage des rations destinées à l’armée encerclée. Les derniers messages du gouvernement de la Défense nationale qui soient parvenus à Bazaine lui ont été remis par de courageux douaniers! Au final, ce ne sont pas moins de cinq agents qui tombent devant l’ennemi, tandis que 21 autres sont morts lors du siège…

 

Heureusement, d’autres participent à des sièges plus glorieux, ou la résistance de la ville se prolongera et qui ne capituleront jamais pour certaines. En effet, malmenés par l’avancée rapide des forces allemandes, les bataillons de l’Est se replient rapidement dans les places fortes et s’y illustrent à nouveau dans leur défense. A Strasbourg, Longwy, Bitche, Neuf-Brisach, Thionville, Charleville, Mézières, Montmédy, Paris et Belfort, les gabelous sont de tous les sièges. »

 

Raphaël Schneider

 


(1)  Agent placé en plus des effectifs pour apprendre le métier, être évalué par ses supérieurs et ensuite peut-être intégrer la douane.

MENU