Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Quand la douane repassait au vert…

Mis en ligne le 1 novembre 2019

Ernest Fort l’avait bien observé, lui qui a décrit plus de 100 ans d’uniformologie douanière : la matière est faite d’allers-retours. Mais aurait-il pu produire celui-ci, lui qui arrêtait son étude au moment où la douane abandonnait définitivement le vert « finances » pour ses uniformes ? Nous vous invitons à découvrir avec nous une tenue oubliée, le prototype mle 1960.

 

A partir des années 1950, les techniques du service des brigades se modernisent face aux changements de la fraude. Des unités motorisées sont ainsi créées, afin de répondre à l’accroissement de la fraude par automobile et l’idée d’un réseau radio, reliant les différents unités  « de la ligne, » fait son chemin à la direction générale.

 

Pourtant, s’il est un sujet qui n’a pas beaucoup été modernisé jusque dans les années 1960, c’est bien celui de la tenue. La dernière description du vestiaire date bien de 1953, mais elle n’a pas fondamentalement modifié la tenue du douanier. La note administrative a majoritairement officialisé une bonne fois pour toutes l’introduction de la vareuse à col ouvert, que la pratique et l’influence militaire avaient introduite dès l’après guerre. Mis à part cet ajout minime, son seul intérêt est d’apporter une clarification relative aux insignes de grades et de spécialités, après les changements de statuts.  Seuls les spécialistes sont véritablement dotés de tenues adaptées à leur activité, ce qui, pour les brigades terrestres, concernent surtout les motocyclistes et conducteurs automobiles, dotés d’effets en cuir.

 

 

Pourtant, en octobre 1959, un groupe d’études chargé de l’habillement des agents se réunit. Sa tâche consiste à évaluer les possibles améliorations à apporter.

 

 

Le constat est d’ailleurs « direct » : la tenue actuelle « de conception ancienne, peut être considérée comme convenable dans les interventions où les agents sont en contact avec le public, mais elle ne répond pas aux nécessités du travail en campagne« . On lit encore, dans le rapport édité en 1960 que « ce vestiaire n’a pas été élaboré en tenant compte des exigences de la surveillance telles qu’elles existent en 1960; il ne tient pas compte des expériences faites par des services ou organismes ayant des préoccupations analogues à celles de la douane; il ignore les progrès techniques réalisés dans les textiles […] il a été conçu dans un souci de prestige beaucoup plus que dans un but  pratique et confortable« .

 

 

Illustration fournie par le groupe d’étude.

Le rapport du groupe d’étude étudie ensuite chaque élément du vestiaire, dont aucun ne trouve grâce à ses yeux :

– le képi  est peu confortable, « par temps froid il n’apporte aucune protection efficace, par temps de pluie, il est fragile, par temps chaud, il enserre fortement la tête »;

– la vareuse, dont le col « protège mal du froid, à telle enseigne que les agents sont obligés de recourir à des accessoires disparates; pas imperméable »;

– le pantalon, dont la bande est trop voyante et dont les couleurs sont jugées trop salissantes;

– la pélerine, jugée « le vêtement le plus inadapté aux techniques modernes de la surveillance », notamment en raison de son encombrement et de son défaut d’étanchéité.

 

 

La tenue proposée par le Groupe d’étude s’avère, pour les agents des brigades terrestres particulièrement novatrice pour l’époque.

 

 

Le premier point étudié est la coiffure. Le groupe se fixe une tâche ardue : définir un effet étant à la fois « seyant, léger, pratique et confortable« . Le calot est exclu « aussi mal adapté que le képi [et] peu élégant« . Le béret est lui jugé difficile à porter par grands vents et de plus « il en existe une grande diversité de modèles et des divergences ne manqueraient pas  de se faire jour au regard de la manière dont il y aurait lieu de le porter« .

 

 

S’agissant des vêtements, le Groupe relève que les agents peuvent – à l’époque – effectuer des services s’étalant sur plusieurs jours. « Ils sont amenés à parcourir de longues distances en des terrains variés, sous des climats parfois rudes et pénibles. Ils ont à se protéger contre la pluie, la neige et le soleil ».  La veste doit être « pratique, simple et se prêter à l’habillement de tous les agents, hiver comme été« , ce que ne peut pas être un blouson. Le pantalon ne peut quand à lui impliquer « la présence d’accessoires couteux, peu pratiques ou peu esthétiques, tels que guêtres, leggins, molletières, etc… »

 

 

Ces effets exclus, le groupe livre alors le fruit de son travail :

– une casquette norvégienne comme coiffe, comportant un insigne métallique de corps ;

– comme effets de service, un pantalon droit de treillis et une veste inspirés de la tenue mle 1947 adoptée par l’armée de terre. Un gilet matelassé est adopté pour les températures froides. Les insignes de corps et de grade se résument à un losange porté sur la manche gauche

– comme effet de pluie, une cape ronde.

 

 

Surtout, la couleur des effets est le vert. Couleur que la douane avait abandonnée depuis 1903…

 

 

La tenue ainsi adoptée est, pour l’époque (1960 !), novatrice pour une telle administration. La tenue ainsi portée préfigure véritablement les tenues adoptées dans les années 1990 et 200 quant aux préoccupations de confort et de simplicité.

 

 

Une dépêche de l’AFP fait d’ailleurs état du déploiement en 1961 de cette tenue dans la division de Charleville-Mézières, à la brigade mobile de Rocroi, aux fins d’évaluation.

 

Malgré son caractère novateur, la tenue ne prospérera pas, sans que de la documentation ait pu être trouvée sur la question. Il faudra attendre 1973 pour qu’un bulletin officiel des douanes (B.O.D.) modifie le vestiaire des agents des brigades, et encore de façon peu profonde (adoption d’une vareuse en tissu léger d’été, officialisation du port du caban). La modernité ne réapparaitra qu’au cours des années 80, avec l’apparition des premières parkas et ….casquettes norvégiennes.

 

Xavier RAUCH

 

Photographie prise en 1961 à Rocroi et illustrant la dépêche AFP. On y voit un brigadier chef  (gauche) et un agent breveté (droite).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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