Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Le contrôle des services extérieurs des douanes par l’inspection générale des finances en 1953
Dans le cadre de notre « Une » consacrée à la commémoration du 50e anniversaire de la création de l’Inspection des services, nous reproduisons ci-après une note technique publiée en mars 1953 dans le numéro 27 du Journal de Formation Professionnelle. Cette note rédigée par les services de la direction générale des douanes propose une réponse à un sujet posé à la préparation au concours de l’Inspection Principale (5ème série). Déjà, dans sa conclusion la direction générale des douanes posait prudemment les jalons en vue de la mise en place d’un service de contrôle interne…(NDLR)
Le contrôle des services extérieurs de l’Administration des Douanes par l’Inspection Générale des Finances. But et modalités de ce contrôle. Les suites données sur le plan divisionnaire, sur le plan régional, sur le plan national. (1)
L’Inspection Générale des Finances, issue de l’Inspection Générale du Trésor, créée en l’an IX, aux débuts du Consulat, s’est substituée graduellement, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet aux cadres d’inspecteurs généraux qui existaient autrefois dans les administrations financières.
Les ordonnances des 10 mars et 13 mai 1831 ayant prononcé la suppression définitive de ces corps spéciaux, l’Inspection des Finances, placée sous l’autorité immédiate du Ministre, est, depuis lors, demeurée seule chargée du contrôle supérieur de tous les services dépendant du Ministère des finances.
Les missions et tournées annuelles des Inspecteurs Généraux des Finances sont réglées par le Ministre qui désigne les Inspecteurs des Finances et les Adjoints attachés a chaque division d’inspection. Ceux-ci sont placés sous les ordres et la direction de l’Inspecteur Général ou d’un Inspecteur déjà ancien chargé de leur désigner les services ou parties de service qui devront être vérifiés par eux.
Buts et modalités du contrôle de l’Inspection des finances
Les buts immédiats des missions dont sont chargés les Inspecteurs des Finances, sont, d’une part de contrôler si, dans tous les cas, les intérêts du Trésor sont sauvegardés, d’autre part d’étudier l’organisation et le fonctionnement des services à l’effet de proposer toutes modifications et simplifications susceptibles d’améliorer le rendement des agents et, d’une manière générale, l’exécution des taches administratives de tous ordres.
Mais la diversité des contrôles, enquêtes et investigations auxquels se livre l’Inspection Générale des Finances lui permet aussi de dresser tous les ans, un tableau succinct mais fidèle de la situation économique et financière de la nation.
Le droit de vérification de l’Inspection des Finances s’exerce sans limites et dans toutes les parties du Service sans exception.
Cependant la mission des Inspecteurs des Finances reste essentiellement une mission de contrôle. Ils provoquent des décisions ou des instructions nouvelles mais ils n’en sont pas les auteurs. Cependant en matière de détournement de deniers publics, et lorsque la sécurité des fonds l’exige, ils peuvent de leur propre autorité suspendre le comptable responsable en donnant immédiatement avis de cette mesure au chef de service de l’intéressé et en requérant la nomination d’un intérimaire. Mais il leur est interdit de se substituer eux-mêmes au comptable suspendu en attendant l’arrivée de son remplaçant provisoire.
Toutes les fois que les circonstances l’exigent les Inspecteurs des Finances requièrent, soit directement, soit par Le ministère des avoués agréés à l’Agence Judiciaire du Trésor Public les inscriptions nécessaires pour assurer les effets de l’hypothèque légale attribuée à l’État sur les biens des comptables par l’article 2121 du Code Civil. Il leur appartient, d’autre part, de s’assurer qu’il a été satisfait aux dispositions de la loi du 5 septembre 1807, en ce qui concerne les inscriptions légales à prendre au profit du Trésor dans le cas d’aliénation ou d’acquisition par les comptables.
Enfin en matière douanière, Les inspecteurs généraux recueillent, dans chaque circonscription, tous les renseignements utiles sur la marche du service et les transmettent s’il-y a lieu, au Ministre par rapports spéciaux.
L’omnipotence des contrôles de l’Inspection des Finances comporte des obligations particulières pour le personnel soumis à ces contrôles. C’est ainsi que les agents de tous grades et de toute catégorie sont tenus, à la réquisition des Inspecteurs des Finances munis de leur commission, d’ouvrir leur caisse et leur portefeuille, de représenter les valeurs de toute nature dont ils sont dépositaires, ainsi que les pièces justificatives de leur gestion, et de produire les divers registres, la correspondance, même confidentielle, et tous autres documents de nature à donner une connaissance complète du service et du personnel.
Dés que l’Inspecteur des Finances se présente dans une direction, le directeur doit en aviser l’Administration ; il l’informe également, par un avis sommaire, de la fin des vérifications.
Le Directeur se met en rapport avec l’Inspecteur, Général aussitôt que celui-ci fait acte de présence au chef-lieu de la Direction. Il en est de même des autres chefs de service à l’égard des Inspecteurs des Finances ; ils doivent se mettre instantanément en rapport avec eux, dès leur arrivée à la résidence.
Lorsque l’Inspection des Finances est en cours de vérification dans une Direction, l’effet de tout congé accordé aux employés et dont le titulaire n’a pas encore profité doit être momentanément suspendu, ou du moins il n’est fait usage des permissions obtenues qu’avec l’assentiment des inspecteurs vérificateurs. Pour profiter d’un congé, le Directeur doit se concerter avec l’Inspecteur Général.
D’ailleurs, pendant toute la durée de la tournée annuelle de l’Inspecteur des Finances, le Directeur Général communique à ce service les demandes de congés que les Directeurs, Directeurs-Adjoints, Inspecteurs Principaux et Receveurs Principaux adressent à l’Administration, afin de s’assurer que ces chefs peuvent quitter leur poste sans inconvénient.
Suites à donner aux vérifications de l’Inspection des Finances
Avant d’examiner les suites que comportent les vérifications de l’Inspection des Finances, il parait indispensable de préciser quels sont les divers documents adressés et expédiés par l’Inspection des Finances elle-même au cours et à l’issue de ses contrôles.
Des rapports individuels, concernant chacun des agents vérifiés avec les résultats dé la vérification, sont communiqués auxdits agents et à leurs supérieurs hiérarchiques. Les.uns et les autres y consignent leurs observations.
Ces rapports sont rédigés sur des feuilles spéciales comportant 6 colonnes qui sont utilisées dans les conditions ci-après :
– la colonne 1 énumère tous les « faits constatés par la vérification et les observations de l’inspecteur des Finances. »
– la colonne 2 est réservée aux explications de l’agent intéressé, étant bien entendu que lorsque l’agent vérifié n’a pas d’observations à présenter, il doit l’indiquer dans cette même colonne.
– la colonne 3 est servie par le chef de service et reçoit indication des ordres et directives données pour le redressement immédiat des irrégularités constatées.
– la colonne 4 est destinée à recueillir les nouvelles observations de l’Inspecteur des Finances, après qu’il a pris connaissance du contenu des colonnes 2 et 3.
– la colonne 5 permet à l’Inspecteur Général des Finances de formuler ses conclusions et d’insister sur les points particuliers qu’il désire voir éclaircis ou approfondis.
– la colonne 6 est laissée à l’Administration pour résumer la suite donnée à la vérification et exposer son point de vue au regard des conclusions formulées par l’Inspecteur Général des Finances.
Lorsque le contrôle comporte une vérification de caisse, les résultats de cette vérification sont constatés par un bordereau de caisse et de comptabilité certifié contradictoirement par l’Inspecteur des Finances et le comptable, et annexé au rapport individuel de l’agent en cause.
Les Inspecteurs des Finances formulent une appréciation phraséologique sur chacun des agents vérifiés en utilisant des feuilles spéciales dites « feuilles de personnel » comprenant deux colonnes. Dans la première colonne figure l’appréciation de l’Inspecteur des Finances, qui a effectivement opéré la vérification ; la seconde colonne reçoit l’appréciation donnée par l’Inspecteur Général chef de la tournée.
Au vu des rapports individuels évoqués ci-dessus, d’autres Inspecteurs des Finances se livrent à des études d’ensemble sur telle ou telle partie du service et rédigent une note reprenant le faisceau des constatations de détail relevées dans les rapports individuels, et dans laquelle ils tirent des conclusions générales et formulent des suggestions quant aux changements éventuels à apporter dans les personnes, les méthodes, ou les choses, ou à appliquer à la règlementation.
Enfin l’Inspecteur Général des Finances, Chef de tournée, rédige un rapport final, dans lequel sont consignées toutes les constatations faites, toutes les idées émises, toutes les conclusions tirées. Ce volumineux digest résume succinctement, mais complètement l’activité déployée par la tournée, et il est évidemment le plus souvent fort riche d’enseignements les plus divers.
Il apparaît immédiatement que seuls les rapports Individuels peuvent comporter des suites sur le plan divisionnaire ou sur le plan régional, puisque les autres documents sont adressés directement à l’Administration.
Le Chef divisionnaire, au reçu du rapport individuel, revêtu des observations de l’Inspecteur des Finances et des explications de l’agent vérifié prescrit d’office les mesures de sa compétence que ces observations et ces explications lui paraissent devoir entrainer, et adresse les rappels aux règlements qui s’imposent.
Quand les questions posées dépassent sa compétence il émet lui-même son propre avis et adresse à son Directeur toutes propositions utiles pour remédier aux lacunes relevées. Le rôle du Directeur Régional est sensiblement le même que celui de son collaborateur divisionnaire, à cela près qu’il se situe sur un plan plus élevé. Le Directeur centralise tous les rapports individuels rédigés dans l’étendue de sa circonscription, ce qui lui permet de faire un premier bilan des errements relevés et des critiques formulées et de prescrire déjà des mesures d’ensemble de portée évidemment plus générale que celles prises par ses collaborateurs chefs de division.
Les questions exigeant l’intervention de l’Administration sont mises à l’étude. Le Directeur peut ainsi, en même temps rendre compte des vérifications de l’Inspection Générale, faire connaître les redressements qu’il a lui-même opérés et soumettre des conclusions motivées sur les questions réservées.
Il doit d’ailleurs, adresser à l’Administration des copies « in extenso » des rapports des Inspecteurs-Vérificateurs. Le relevé de production de ces comptes-rendus par les Directeurs ne doit jamais excéder 6 mois. Les suites données par l’Administration aux divers documents qui lui sont adressés par l’Inspection Générale des finances, sont beaucoup plus variées et beaucoup plus complètes.
Au vu des exemplaires originaux des rapports individuels, l’Administration fait un rapprochement avec les copies qui lui ont été envoyées par les Directeurs Régionaux, provoque de nouvelles enquêtes, de nouvelles explications et procède sur le plan national à la rédaction et à la diffusion de nouvelles instructions précisant et modifiant tel point de la règlementation. C’est un travail particulièrement délicat et de longue haleine, car aucun des points soulevés par l’Inspection Générale des Finances ne doit rester obscur et il doit être répondu à tous les rapports individuels. Copies des mesures prises et des nouvelles décisions rendues sont annexées à l’appui des explications succinctes consignées dans la dernière colonne des rapports individuels.
Les feuilles de personnel sont classées aux dossiers signalétiques des agents auxquels elles ont trait et peuvent avoir une très sérieuse répercussion sur leur carrière, car il est tenu le plus grand compte des appréciations données par l’Inspection générale des Finances sur le personnel.
Les études d’ensemble sont examinées avec le plus grand soin et l’administration répond toujours à ces études par un contre-rapport où elle discute point par point les suggestions émises par l’Inspection Générale des Finances.
Il est tiré du rapport final rédigé par l’Inspecteur Général des Finances, chef de tournée, un tableau des redressements comportant simple rappel d’instructions méconnues ou tombées en désuétude et sur lesquelles il est indispensable de faire porter l’attention du service. Enfin, une réponse générale au rapport final constitue le résumé de toutes les suites données et de toutes les mesures prises.
De ce qui précède il apparaît clairement que les contrôles de l’Inspection Générale des Finances ont une importance considérable, qu’ils sont d’un grand effet sur la marche des services extérieurs et d’un grand secours pour l’Administration Centrale dont dépendent ces services extérieurs. En ce qui concerne la régie des Douanes, la dernière vérification de l’Inspection Générale des Finances qui remonte à 1950 a illustré ces conclusions d’une manière particulièrement marquante.
Cependant et malgré la haute valeur des contrôles pratiqués par l’Inspection Générale des Finances, la question s’est posée de savoir, si compte tenu de leur large intermittence, il ne conviendrait pas de leur juxtaposer des vérifications opérées dans le même esprit, par les agents supérieurs chargés de missions par la Direction Générale des Douanes. Il est bien entendu que ces missions d’études ne sauraient en aucune façon se substituer au contrôle de l’Inspection des Finances, ni ressusciter sous une autre forme l’ancienne Inspection Générale des Douanes. Il s’agirait plus simplement et plus modestement de permettre à l’Administration d’obtenir rapidement sur des points particuliers qui l’intéressent, des vues précises et directes autres que celles qui lui parviennent par le canal des rapports de service des chefs de division et des Directeurs régionaux.
Une expérience récente et très encourageante a montré que telle était là, peut/être, la solution de l’avenir.
(1). Note rédigée par les Services de la Direction Générale (Bureau des Études et de l’Organisation)
Journal de formation professionnelle
N° 27 – mars 1953