Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Ernest Fort, peintre de l’uniforme des douanes, 2ème partie ( 1852-1910 )
L’année 1852 allait apporter d’autres changements. Le personnel, par l’entremise des conseils des masses, réclamait un uniforme qui convînt mieux aux exigences du métier. L’Administration, amenée ainsi à constituer une commission d’étude, établit un projet de réforme qu’elle fit sanctionner par le prince-président sous forme de décret du 16 février 1852. En vertu de ces nouvelles dispositions, et c’est là le plus important, la tunique est substituée à l’habit pour le personnel de service actif. La nouvelle tunique est en drap vert avec passepoil garance et à jupe plate; elle ferme au moyen d’une rangée de neuf boutons blancs et reçoit, en guise de contre-épaulette, une torsade à quatre brins en laine rouge. Les insignes de grade chez les officiers consistent en tresses plates en argent disposées sur la manche en forme de nœud; le nombre en varie avec le grade. La torsade des officiers à l’épaule est faite de quatre brins d’argent cousus ensemble. «A chaque angle du collet, un petit écusson rappelant la broderie spéciale attribuée au service des douanes. Le pantalon reçoit une bande garance à la place du galon d’argent pour les officiers et du passepoil pour les sous-officiers et préposés. Le sac du modèle des chasseurs à pied est rétabli parmi les objets d’équipement. La nécessité reconnue d’un vêtement pour les officiers en service, fixe le choix de l’Administration sur le burnous à capuchon mobile en drap vert doublé d’étoffe de laine bleue à nœuds distinctifs des grades disposés comme sur la tunique mais formées de tresses noires en poils de chèvre.» La capote des agents est rendue plus solide par l’apposition d’une double rangée de six boutons sur le devant et d’un parement aux manches, ajusté et fermé par deux petits boutons.
L’introduction de la tunique dans la tenue apportait des avantages indéniables sur la situation antérieure; beaucoup plus commode que l’habit, plus économique, la tunique recouvrait partiellement le pantalon et le protégeait ainsi contre une usure trop rapide. «En étendant l’usage de ce vêtement aux officiers, observe M. Fort, on a dû considérer que les broderies se ternissant très vite au contact de l’air et de la pluie, leur remplacement entraînait des dépenses d’autant plus considérables qu’il exigeait le renouvellement du collet lui-même. De là, l’adoption des tresses en forme de nœuds dont le prix devait être beaucoup moins élevé. Les chefs supérieurs, tout en conservant leur grande tenue, trouveraient dans la tunique une petite tenue très convenable qui leur permettrait plus facilement de satisfaire à l’obligation qui leur a été souvent rappelée de porter l’uniforme dans leurs tournées. Ce vêtement serait parfaitement en rapport avec celui de leurs subordonnés, la distinction des grades pouvant être établie par l’application sur la manche d’un certain nombre de tresses combiné suivant les assimilation de grades.»
Un décret du 17 octobre 1852 règlemente la tenue des directeurs, des inspecteurs et des sous-inspecteurs. «Habit de drap vert foncé, coupé droit sur le devant en forme de frac (12) et garni de neuf boutons en argent bombés portant une aigle en relief, sur un fond mat, et au-dessus le mot ‘Douanes’. Broderies en argent en branche de chêne et de laurier, suivant le grade. Pour le directeur, broderie au collet, aux parements, double à la taille; le collet, le devant de l’habit et l’ouverture des basques garnis d’un galon d’argent. Pour l’inspecteur, même broderie mais simple à la taille et l’habit n’a pas de galon sur le devant. Pour le sous-inspecteur, les broderies de l’inspecteur, mais sans écusson à la taille. Gilet blanc, coupé droit et garni de six boutons en argent, broché sur les côtés. Chapeau français en feutre noir avec ganse brodée en argent sur velours noir. Épée à poignée de nacre avec garde et ornements dorés. Le douanier de 1852 à 1860 a pris une allure nettement militaire. M. Fort nous en donne la raison. «Les qualités d’endurance et d’agilité développées parmi les chasseurs à pied avaient merveilleusement préparé les hommes de ce corps d’élite au service de douanier, service que le chasseur recherche après sa libération. Et l’Administration ouvrit largement ses portes à ces anciens chasseurs et aux soldats d’autres corps qui avaient guerroyé en Afrique et en Crimée. Ces deux catégories d’hommes constituent le type douanier de 1852 à 1860. Il se caractérise par le port de plus en plus correct de l’uniforme si bien seyant de la tunique à taille et du képi coquettement incliné sur le côté, à visière droite relevée bien haut. La moustache avec la barbiche ou le fer à cheval, de tradition dans les chasseurs ou les limiers de Crimée et d’Afrique, encadrent la figure toute martiale du douanier de cette époque. Son allure alerte se ressent aussi de la vivacité du chasseur à pied; son teint bronzé et ses cicatrices indiquent les longues étapes sous le soleil brûlant d’Afrique et les escarmouches dans la brousse algérienne ou les embuscades de Crimée.»
De 1852 à 1870, l’uniforme de nos douaniers subit peu de changements. Il est franchement militaire et reçoit, en conséquence, les modifications adoptées dans l’armée. La carabine à piston est abandonnée pour le fusil à aiguille, ce qui entraîne la disparition du vieux sabre-briquet et son remplacement par la baïonnette, comme dans les troupes de ligne.
Nous suivons ici M. Fort dans une digression à laquelle le conduit son grand attachement au «corps des douanes». A propos de 1870, il ne peut, en effet, manquer d’évoquer les brigades mobilisées et leur rôle héroïquement rempli aussi bien sur les frontières de l’Est qu’à Paris assiégé.» Par décrets des 2 juin 1831, 11 mai et 9 septembre 1832, écrit-il, le corps des douanes pouvait être appelé, en cas de guerre, à prendre part aux événements de la campagne et l’article 2 de l’ordonnance du 9 septembre 1832 confirma aux directeurs le titre et le rang de colonel dont ils jouissaient sous l’Empire. Quant aux bataillons de douane, ils pouvaient être groupés en légions. En vertu de ces décrets, les douaniers furent appelés en 1870 à unir leurs efforts à ceux des corps de troupe. Le préposé Marty tira le premier coup de fusil contre une reconnaissance ennemie à Schreckling, près de Thionville, au lendemain de la déclaration de guerre. Ce brave préposé fut le premier Français fauché par les balles prussiennes. Metz, Strasbourg, Bitche, Longwy, Thionville, doivent à l’énergique appui de la Douane une page glorieuse de leur histoire. La gravité des événements fit accourir sur Paris de tous les points du territoire, des bataillons formés au moyen de détachements composés d’hommes les plus jeunes pris dans chacune des directions. Ces préposés avaient emporté avec eux leurs effets d’habillement et d’équipement et ils reçurent, à leur arrivée à Paris, des armes neuves ou en bon état et tous les objets de campement distribués aux autres troupes du siège.»
«Sur les remparts de la capitale, on aperçoit bientôt la silhouette gris-bleuté du douanier, drapé dans sa capote ample à col droit et à deux rangs de boutons blancs; son pantalon bleu à bande rouge, son képi militaire à visière droite, sac au dos, fusil sur l’épaule ou en tunique verte à un rang de boutons, sa capote roulée en boudin autour du sac. Paris voyait avec satisfaction les douaniers sur lesquels il savait pouvoir compter. Pour justifier cette confiance et pour obéir à sa nature généreuse, le brave gabelou n’a ménagé, pendant le siège, ni son courage ni ses forces. Tombé le premier à Schreckling, il a succombé le dernier sur les remparts de Paris.» Ajoutons simplement à cette évocation de «l’année terrible» d’il y a soixante-dix ans, que les successeurs des bataillons d’alors ont su prouver par deux fois, en 1914 et en 1939, parmi les plus dures épreuves, que la valeur et l’esprit de sacrifice du douanier sont constamment demeurés à la hauteur des plus grands devoirs.
Après 1870, l’uniforme reçoit quelques modifications de détail. «La tunique à deux rangs de boutons remplace celle à un rang portée depuis 1852.» La réforme, si petite qu’elle apparaisse, avait, croyons-nous, son utilité. La tunique à deux rangs de boutons croisait sur la poitrine et assurait ainsi une protection qui paraît bien opportune pour des hommes que leur profession expose à toutes les intempéries. C’était la tenue des soldats coloniaux, de l’infanterie de marine, comme on disait alors. Ceux-ci ont conservé ce vêtement croisé et sans doute pour les mêmes raisons qui nous semblent particulièrement valable à l’égard des douaniers. La tunique nouvelle est passepoilée de rouge et ornée d’une patte d’épaule, rouge pour les préposés et les sous-officiers, argent pour les officiers.
«Vers 1874, au col droit de la capote est substitué le col rabattu dit à la Saxe… A la même époque, le shako modèle des chasseurs à pied remplace celui du modèle de 1852. Le nouveau shako a, sur le devant, les mêmes ornements que l’ancien, mais il est sans plaque au mot ‘Douanes’. En même temps, le veston bleu marine à col rabattu devient le vêtement nouveau de petite tenue pour officiers et préposés. Ce veston ne doit avoir aucun ornement au collet; il est fermé par une double rangée de cinq boutons blancs au mot ‘Douanes’. Très ample, il doit faciliter les mouvements de l’homme. Il est muni de poches et les insignes de grade sont déterminés sur ce veston par des galons plats cousus parallèlement. Pour les brigadiers et sous-brigadiers, un ou deux galons d’argent placés en diagonale et pour les préposés de 1re classe, au traitement de 1.000 francs, un galon rouge placé de la même façon. Le fusil Gras et le sabre-baïonnette modèle 1874 remplaceront durant cette période le fusil à aiguilles et la trop lourde épée-baïonnette à poignée de cuivre.»
Le 25 janvier 1882, le directeur général règlemente la tenue des officiers pour tenir compte de l’organisation militaire des brigades. Ce statut militaire particulier sera définitivement réalisé par le décret du 22 septembre 1882 pris en vue de l’application de celui du 2 avril 1875 qui avait déjà posé le principe de la constitution des bataillons de douaniers en cas de mobilisation. «La tunique et la capote-surtout (sorte de grand manteau) sont, avec le pantalon gris-bleuté à bande garance, les seuls vêtements militaires. La tunique est en drap vert et les boutons en argent bruni. Les grades sont indiqués sur les manches au moyen d’un nœud hongrois, broderie en forme de croix issue des hussards, et sur les épaules au moyen de pattes. Le nœud hongrois se compose de quatre tresses pour les chefs de bataillon, trois pour les capitaines et deux pour les lieutenants. Les pattes d’épaule sont en tresse carrée de cannetille (càd fil de métal) d’argent mat pour les chefs de bataillon, en argent pour les autres grades. A chaque angle du collet de la tunique, les officiers qui appartiennent aux cadres actifs portent une grenade inscrite dans un cor de chasse, ceux appartenant au groupe territorial une étoile également aux deux angles du collet. Ces ornements sont en argent. La tenue des capitaines et lieutenants non compris dans l’organisation militaire ne diffère de celle des officiers du même grade appartenant à des compagnies actives ou territoriales que par la suppression des ornements placés aux angles des collets de la tunique et de la capote. La capote-surtout est faite sur le modèle de celle en usage pour les officiers des corps d’infanterie. Elle est confectionnée en drap vert et elle croise sur la poitrine de chaque côté au moyen de cinq gros boutons en argent. Les angles du collet ont le même ornement que celui de la tunique. Les grades sont indiqués sur les manches de la capote au moyen de galons en argent et placés parallèlement. Le collet ou pèlerine à capuchon est du même drap que la capote. Le pantalon est en drap gris-bleuté avec une bande garance.» Le shako est du modèle de celui des chasseurs à pied: turban en drap vert, aucun ornement n’est posé sous la cocarde, pompon à flamme en poil de chèvre rouge; les grades sont indiqués au dessus du turban, sur la flamme et sur le calot, le haut du képi, au moyen de tresses plates en argent. «Pour tous les officiers, la chaussure est la botte en usage dans l’armée; ces bottes se portent sous le pantalon et le chef de bataillon seul a des éperons. Les officiers de tous grades ont le ceinturon en cuir vernis noir, modèle de l’armée, et se portant par-dessus la tunique. La plaque en cuivre doré est estampée en relief d’une figure représentant le génie de la France entouré de la légende ‘Honneur et Patrie’. L’armement se compose du sabre d’infanterie modèle 1855 et du révolver modèle 1874.» En tournées, les officiers portent soit le veston en drap bleu complètement boutonné et dont les insignes de grade sont les tresses plates, soit la tunique sans pattes d’épaule et avec les tresses plates au-dessus du parement au lieu du nœud hongrois. Dans les brigades, le brodequin napolitain remplace les guêtres en 1885; ces dernières étaient d’ailleurs très peu portées.
Le 2 juin 1886, l’Administration, ainsi qu’il venait d’en être décidé dans l’armée, prescrit la substitution du dolman à la tunique pour les officiers. Le type adopté est celui de l’infanterie, mais en drap vert. «Boutonné droit sur la poitrine, il est agrémenté de tresses et brandebourgs (passements en forme de noeuds) noirs en poil de chèvre. Les insignes du collet sont ceux existant déjà sur la tunique; les pattes d’épaule de petite tenue sont en poil de chèvre noir et en argent pour la grande. Le nœud hongrois en argent placé sur les manches, indique les différents grades d’officiers.» Cette modification entraîne la suppression du shako et l’adoption du képi pour la grande comme pour la petite tenue; sur le bandeau est brodé en argent l’attribut constitué par la grenade inscrite dans un cor de chasse. A la mobilisation, le chef de bataillon est monté; le harnachement du cheval comporte un tapis de selle en drap vert foncé, bordé d’un galon garance avec grenade inscrite dans un cor aux angles, attribut en argent. Dans l’armement, le sabre modèle 1883 remplace celui du modèle 1855.
M. Fort donne d’intéressantes précisions sur la tenue des directeurs. «Sous le régime de l’ordonnance de 1832, écrit-il, les directeurs qui étaient compris dans l’organisation militaire, portaient les insignes de grade de colonel. Bien que ne faisant plus partie, depuis 1875, des cadres militaires des douanes, la plupart des directeurs ont continué de porter ces insignes. Le 30 novembre 1886, il leur est rappelé qu’ils demeurent assimilés au lieutenant-colonel puisqu’ils ne commandent plus une fraction militaire correspondant à celle du colonel. Dans le tenue de service, ils doivent porter l’uniforme des officiers sous leurs ordres avec insigne pour le dolman: un trèfle formé de cinq soutaches, la 2° et la 4° en or fin, les trois autres en argent. Pour la capote-surtout, cinq galons de trait placés parallèlement avec les mêmes dispositions de galons que pour le dolman. Pour le képi, cinq rang de soutaches en observant toujours les mêmes règles, le nombre de soutaches de la jupe et du calot est le même que pour les chefs de bataillon.» Il est bien certain qu’à l’expérience, le veston ample de petite tenue s’affirmait comme étant très commode et soulignait les inconvénients de la tunique, sans doute beaucoup plus habillée, mais condamnée par la pratique quotidienne. En outre, non seulement la tunique se prêtait mal à la liberté des mouvements, mais elle était fort coûteuse pour le si modeste budget du douanier. Aussi, l’Administration en prescrivit-elle la suppression le 28 novembre 1903. Le veston la remplaça, veston d’ailleurs déjà porté en petite tenue, mais amélioré. Le ceintrage à la taille est un peu plus accentué, les insignes au collet sont brodés, une attente en drap garance est fixée aux épaules, «pour recevoir en grande tenue des pattes du modèle de celles de la tunique. Les sous-officiers ont la grenade et l’attente en argent mélangé de soie garance, les pattes d’épaule striées d’argent ainsi que la jugulaire vernie bordée d’argent. La forme des galons est modifiée; ceux-ci suivent la ligne du parement et, comme lui sont liserés de garance. Le képi est également amélioré, ses grenades et cocardes sont brodées, le bandeau vert est remplacé par un bandeau de même nuance que celle du veston. Une décision du 31 mai 1904 a même prévu que le képi serait orné d’un pompon vert avec flamme rouge. L’armement est celui de l’infanterie.
«Il ne reste plus des anciens règlements d’uniforme, remarque M. Fort, que le pantalon bleu clair de 1835. La couleur vert finance a disparu complètement de l’habillement du préposé et le type lui-même s’est transformé. Le douanier actuel, — nous sommes en 1904, — est plus instruit que son prédécesseur immédiat de 1870 à 1890. Le plus souvent, revenu du régiment avec les galons de sous-officier, il a introduit dans le corps des douanes, plus de coquetterie, plus de soin de sa personne et de ses effets. Sa fine moustache est fièrement relevée, sa physionomie intelligente et sa conversation correcte et polie. Son uniforme bleu foncé et bleu clair enjolivé de points rouges est fait à sa taille et à sa corpulence. Cette élégance dans l’uniforme et les qualités militaires déjà acquises au régiment et qui croissent et se fortifient au contact du rude et dangereux service de la Douane, font de ce corps un des plus jolis et des plus solides de l’armée française.»
La suppression de la tunique chez les sous-officiers et préposés, devait faire ressortir les incommodités du dolman chez les officiers. Vêtement lourd, d’un entretien difficile, d’un prix élevé, il ne pouvait longtemps subsister, d’autant plus que l’armée elle-même l’abandonnait. Aussi, le 19 juillet 1905, la tunique bleu foncé du modèle de l’infanterie fut-elle adoptée. «Elle ferme droit au moyen de sept boutons d’argent, collet de fond avec grenade et cor de chasse en argent. Les manches se terminent par un parement droit et sont garnies de galons en argent placés parallèlement et immédiatement au-dessus du parement. Trèfles en argent sur les épaules, brides d’épaules en argent. Le veston en usage depuis le 17 février 1890 est conservé pour la petite tenue. Le modèle de ce veston se rapproche sensiblement de celui de la tunique, mais il est garni de quatre poches extérieures. Deux placées de chaque côté de la poitrine entre le 3° et le 4° bouton du haut et deux autres de chaque côté mais à la hauteur du dernier bouton. Ces poches sont garnies d’une patte rentrant à volonté. Le 6 juin 1905, deux nouvelles pèlerines sont adoptées par les sous-officiers et préposés. L’une est en drap gris bleuté à capuchon, fermée sur la poitrine au moyen de trois petits boutons d’uniforme; l’autre est en tissu de laine noire, caoutchoutée. La cravate noire est remplacée par le faux-col de toile blanche.
* * *
…Ici prend fin l’étude de M. E. Fort.
Depuis cette époque, c’est-à-dire en 1910, l’uniforme a subi diverses retouches. En 1922, le veston s’allonge légèrement pour devenir un veston-vareuse à col droit; il cesse d’être croisé et, par la suite, ferme par une seule rangée de sept gros boutons; il reçoit sur chacun des devants, deux poches passepoilées, en drap du fond et recouvertes d’une patte rectangulaire aux coins inférieurs légèrement arrondis, l’une est à environ 100 mm de la hauteur des hanches, l’autre à hauteur du 3° bouton du haut; la patte des poches supérieures est fermée par un petit bouton d’uniforme. Les ornements sont devenus très discrets; les manches, sans boutons, se terminent par un parement en drap garance sur son bord supérieur et dessiné en forme de pointe sur le devant; de chaque côté du collet est posé un écusson en drap du fond rabattu et qui comporte une grenade inscrite dans un cor de chasse brodée en laine garance. Une patte de ceinturon en drap du fond, de forme triangulaire dans le haut, est disposée sur le côté gauche et attachée à un petit bouton d’uniforme. Pour les sous-officiers, les galons sont en lézarde argent fin de 12 mm, au lieu de 22,5 mm et les attributs sur l’écusson en cannetille d’argent bordée de soie garance et avec quelques fils de soie garance dans le dessin. Ce veston-vareuse étant pourvu de pattes d’épaules en drap du fond, les brides d’épaulettes et les pattes d’épaules dites «trèfles» disparaissent. L’uniforme perd ainsi quelques-uns de ses ornements, mais conserve ses couleurs.
Une réforme intervenue en 1929 s’est proposée de modifier profondément la tenue en lui retirant son aspect traditionnel. Le but des instigateurs de cette transformation était de faire disparaître de l’uniforme du douanier tout ce qui pourrait en rappeler le caractère militaire, afin de bien affirmer la nature civile de la profession. Le principe même du port de l’uniforme a paru, à un certain moment, devoir être mis en question. C’est en vertu de ces tendances, qui, d’ailleurs, n’étaient point satisfaites entièrement, que fut décidée l’adoption, pour les sous-officiers et préposés, d’un veston-vareuse et d’un pantalon bleu marine, le pantalon recevait un passepoil garance, mais le veston ne comportait plus de pattes d’épaules ni de patte de ceinturon; le képi de forme cylindrique et rigide, avait la même couleur que les effets d’habillement, mais avec une soutache en mohair garance. Les galons étaient ramenés à 8 mm. Cette tenue, qui ne concernait que les sous-officiers et les préposés, car les officiers avaient conservé leur ancien uniforme, se rapprochait de celle des agents de police. A l’expérience, elle révéla rapidement qu’elle ne correspondait pas aux besoins du service. Elle entraînait, en outre des confusions et des méprises. Aussi, le souvenir des couleurs traditionnelles de la Douane et le bon goût des agents manifestement heurtés par cette innovation firent assez vite renoncer, à la demande même du personnel, à cette tentative malencontreuse. Le retour à l’uniforme antérieur fut prescrit par le ministre des finances le 22 décembre 1931.
Depuis, d’opportunes mesures sont venues ajouter à la ligne et au dessin heureux de la tenue. En 1938, la coupe du veston est encore améliorée, les agents spécialisés portent un galon simple en argent, les chefs de poste, sous-brigadiers, un galon double, les chefs de magasin, garde-magasins, chefs de poste principaux et brigadiers, un galon du modèle adopté pour les adjudants de l’armée. Auparavant, une excellente décision avait permis aux agents de faire couper leurs vêtements par le tailleur de leur choix; cette dernière facilité n’a pas peu contribué à l’amélioration de l’aspect général des douaniers sous l’uniforme. Il est certain qu’aujourd’hui, sous-officiers et préposés sont mis avec un soin et une correction nuancée de coquetterie de bon aloi, qui n’ont rien à envier aux autres corps spéciaux, gendarmerie et garde mobile, réputés par leur excellente tenue.
* * *
Parvenu au terme de son étude, l’érudit bibliothécaire de Bayonne ne peut s’empêcher de laisser paraître des sentiments personnels qui ont eu leur part dans sa décision d’entreprendre ce minutieux travail. Aussi, l’achève-t-il par un hommage ému au corps des douanes, ce corps auquel son père et son grand-père avaient appartenu durant de longues années. «Notre but rempli, déclare-t-il, si nous avons empêché de tomber dans l’oubli un uniforme qui rappelle tant de courage et d’honnêteté et aussi tant de sacrifices et de privations, un uniforme qui depuis 1801 jusqu’à nos jours, a toujours été porté avec honneur par tous ceux qui en ont été revêtus… Chacun sait également combien pénible est le métier du douanier qui doit unir la vigueur physique à la finesse intellectuelle et supporter le froid des gardes de nuit aussi bien qu’éventer les ruses des contrebandiers. Et combien sont morts dans cette rude tâche sous l’étreinte d’une pneumonie ou la balle d’un rôdeur de frontière. Parfois, on l’appelle aussi pour s’opposer à l’entrée du produit le plus terrible qu’envoie l’Étranger: son armée. Le nombre des douaniers tombés sous le coup des deux invasions de 1814 et de 1870 suffira pour témoigner de leur héroïsme. Pour payer une telle fidélité au devoir, combien maigre cependant a toujours été le salaire de cet honnête préposé qui, en 1838, touchait 600 francs par an, à peu près la solde qui lui avait été allouée lors de l’organisation des douanes en 1791. En 1848, le sous-brigadier émargeait pour 700 francs et en 1858, le brigadier n’avait que 950 francs. Aujourd’hui encore, en échange des vertus et des sacrifices qu’on exige de lui pendant trente ans, le malheureux douanier a tout juste pour demain un morceau de pain. Nous envoyons ici à ce modeste gabelou le tribut de notre admiration.»
M. E. Fort écrivait ces lignes en juillet 1910. Sur plus d’un point, elles conservent un caractère d’actualité. Si, en effet, la condition matérielle du personnel paraît aujourd’hui améliorée, cette impression perd singulièrement de sa force lorsqu’on rapproche la valeur réelle des soldes s’il y a cent ans de celle des traitements servis à notre époque.
Actuels aussi sont, certes, toujours les traits que M. Fort admire dans les brigades des douanes. Le rude labeur de ces «soldats de l’impôt» au long des frontières en fournit tout d’abord un émouvant et quotidien témoignage; puis, à deux reprises, en 1914 et 1939, à l’appel de la patrie en danger, sections, compagnies et bataillons ont prouvé qu’ils demeurent les fiers descendants des légions douanières des guerres impériales. Corps d’élite a-t-on coutume de dire.
« Les Annales des douanes » n° 1 du 2 janvier 1941