Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Le costume des fonctionnaires du ministère des finances
En septembre 1963, le journal de formation professionnelle reproduisait un extrait du «Bulletin» de l’Administration Centrale des finances (n°22 juillet-Aout 1963) qu’il nous a paru intéressant de mettre en ligne.
En complément de cet article, nous vous invitons à consulter l’article de Xavier Rauch intitulé » La tenue du cadre supérieur de 1852″ disponible sur ce site en cliquant: ici.
L’équipe de rédaction
Lorsque nos directeurs, conviés aux fastes d’une cérémonie officielle, revêtent avec le frac l’habit de tout le monde, ne leur arrive-t-il pas de se prendre à songer au temps, point si lointain en somme, où de telles réunions brillaient de la constellation chamarrée des uniformes, ou plutôt des «costumes» des hauts fonctionnaires ?
Où, dans l’unité de ton particulière au département, les signes bien apparents d’une diversité propre aux corps et aux administrations d’appartenance, prenaient allure de distinctions justifiées et appréciées ?
C’est, en tous cas, ce qu’il ne semble pas interdit de penser à la lecture du texte centenaire ci-contre, qui, sous la signature du prince-président «concerne le costume des agents des divers services dépendant du ministère des Finances», évoquant ainsi les fêtes des Tuileries et l’ordonnance des grandes parades…
Voyons-le plutôt et, avec lui, un aperçu de son histoire, grande et petite.
Ce décret n’est en fait, tout au moins pour les fonctionnaires d’administration centrale, que le dernier, semble-t-il, d’une longue série qui remonte à la Révolution, époque où le goût de l’uniforme va de pair avec celui de l’autorité, sinon de l’égalité, tandis que la tenue vestimentaire prend une telle importance qu’elle donne même un nom à ceux qui en abandonnent l’un des attributs traditionnels, parmi les plus nobles, les sans-culottes.
C’est ainsi que la Constitution de l’an III stipule expressément, dans son article 369 à portée «supra-légale» :
«Les membres du Corps législatif et tous les fonctionnaires publics portent, dans l’exercice de leurs fonctions, le costume ou signe de l’autorité dont ils sont revêtus ; La loi en détermine la forme.»
Les convulsions secouent le pays, mais la question reste à l’ordre du jour et, le 3 brumaire an IV, le Bulletin des lois publie la loi n° 108 «sur le costume des législateurs et autres fonctionnaires publics», où les préoccupations économiques viennent renforcer le souci du bien des serviteurs de l’État :
«La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’instruction publique, décrète :
Art. premier. — Toutes les matières et étoffes employées aux costumes des fonctionnaires publics seront du cru du territoire de la République ou de la fabrique nationale.
Art. 2. — Le costume des fonctionnaires public est réglé ainsi qu’il suit :
…Trésoriers ;
Habit noir ordinaire, sur le côté gauche une petite clef brodée en or….»
Le Directoire chargera l’une de ses sections d’explorer plus avant ce domaine, et certains rapports, nourris de considérations philosophiques, parfois très inattendues, sur les critères du choix d’après le caractère des corps et les règles élémentaires de l’hygiène, dorment encore dans les cartons des Archives nationales.
Mais c’est Napoléon qui généralisera une pratique que ses prédécesseurs avaient déjà fait progresser.
Il pense, non sans quelques raisons, que les esprits ne sont pas encore assez avancés ni mûrs, pour distinguer l’individu revêtu d’une fonction publique sans qu’il porte les marques de sa dignité sous la forme d’un costume. Soucieux de nouveaux débouchés pour l’industrie nationale, il n’oublie certes pas, surtout, la nécessité pour lui d’égaler sinon de dépasser, en splendeur, les Cours européennes et celle de l’Ancien Régime.
Le Premier consul, — puis l’Empereur —, prend donc une série d’arrêtés et de décrets qui règlent en détail les costumes de tous les dignitaires, fonctionnaires et autres, depuis le personnel de sa Cour, les Assemblées, les Grands Corps et les Ministres, jusqu’aux élèves des écoles et instituts divers.
L’esprit de minutie et de codification ne laisse rien au hasard. N’en citons pour preuve que les dispositions finales du décret impérial concernant le costume des Ministres, publié au Bulletin des lois de l’an XII le 29 Messidor, qui va jusqu’à prévoir :
« …les cheveux ronds ou longs, et en ce dernier cas, frisés au bout et rattachés au milieu par un simple ruban noir.»
Les civils eux-mêmes ne peuvent se présenter à la cour sans le costume officiel obligatoire, ni sans carrosse.
Pour le ministère des Finances, le Bulletin des lois rapporte plusieurs textes :
— Un décret du 25 pluviôse an VIII (14 février 1800) règle le costume «des préposés à la régie des douanes, qui sont habituellement armés».
— Puis vient un arrêté du 15 germinal an IX, qui fixe l’uniforme des administrateurs et agréés forestiers, dont les activités relèvent alors du département.
— Un arrêté du 4e jour complémentaire, an IX, concerne les «administrateurs» et préposés de la régie de l’Enregistrement et du domaine national :
« Habit à collet et revers de drap vert foncé doublé de même, gilet blanc, culotte ou pantalon vert foncé, chapeau français et une arme ; broderie argent : feuilles et épis de blé».
— Le 7 frimaire an X, est fixé à nouveau le costume «du directeur général et des administrateurs et employés des Douanes, au statut quasi militaire» :
«Pour tous, habit croisé de drap, pantalon ou culotte verts, gilet blanc ouvert;
Pour tous, un arme»
— Puis par arrêté du 16, frimaire an XII, les « employés de la Direction des Contributions directes, empruntent largement à leurs collègues de l’Enregistrement, avec :
«l’habit droit et la culotte de drap vert, doublé de même. veste blanche, chapeau français et une arme (épée).
Dessin : épis et feuilles de vigne.»
— Enfin, un décret impérial du 5 brumaire an XIII, intéresse les «commissaires de la Comptabilité nationale», qui doivent porter :
« l’habit violet à la française, veste blanche brodée en plein, en soie verte, du dessin actuel de la Comptabilité, culotte noire, épée française, écharpe de soie verte à frange d’or, chapeau français à gante d’acier »
Cette suite de texte concerne presque tous les services du département, puisque à l’époque, le port du costume est obligatoire pour les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.
Quelques-uns ont cependant échappé sans doute, à la recherche.
Sous la Restauration, certains uniformes sont modifiés en même temps que le régime, spécialement ceux des très hauts fonctionnaires et des dignitaires de la Cour; pour les autres, on les conserve tels quels, ou l’on change simplement les cocardes.
D’ailleurs, une désaffection se fait jour, petit à petit, à l’encontre de ces costumes, souvent coûteux. Cette tendance s’accentue sous la Monarchie de juillet, à tel point qu’une circulaire du 15 juin 1844, dont il a été impossible de retrouver le texte complet, mais qui est mentionnée dans les archives du ministère, ratifie le fait en précisant :
« L’uniforme n’est obligatoire que pour les missions à l’étranger»
Ainsi marque t-on les progrès de la démocratie. Dans le même esprit, une ordonnance du 9 juin 1844, qui règle l’uniforme de l’Inspection générale des finances, explicite :
Considérant qu’il convient de déterminer, pour l’Inspection générale des Finances, un uniforme que les agents de différents grades qui la composent puissent revêtir lorsque les circonstances l’exigent, et notamment dans les missions qu’ils sont appelés à remplir, soit en pays étrangers, soit dans les colonies ou possessions françaises…
L’uniforme décrit par cette ordonnance est d’ailleurs «bleu roi» , et non plus «vert», comme précédemment.
Napoléon III, déjà comme prince-président, entend rétablir les usages de la période impériale. Ainsi, pour s’en tenir au sommet de la hiérarchie, les Ministres doivent porter les costumes suivants :
Pour la grande tenue :
«Habit de drap bleu national à neuf boutons dorés à l’algie, brodés au collet, parements poitrine, écusson de taille, bouquets de poche, baguette bord courant
« Gilet blanc à cinq petits boutons dorés, pantalon de casimir blanc avec galon sur la couture, bottines vernies, chapeau de feutre noir, ganse brodée en or, sur velours noir, plumes blanches, épée dorée, poignée nacre, aigle sur la coquille (comme celle des sénateurs).
Pour la petite tenue :
«Habit brodé seulement au collet et aux parements avec baguette et bord courant. Pantalon bleu avec galon sur la couture, gilet blanc.
Les broderies figuraient «des palmes enlacées d’oliviers et chêne avec les impériales. »
Avec la fin du second Empire et le début de la troisième République, les costumes et uniformes pour les civils disparaissent. C’est une réaction contre le régime précédent, et, semble-t-il, contre la Commune, dont certains chefs ont arboré des uniformes de fantaisie particulièrement audacieux, où les galons indiquaient avec prolixité le grade qu’ils s’attribuaient à eux-mêmes.
De plus, le deuil des morts de la guerre de 1870 incite à la simplicité : le nouveau régime se veut austère, et MM. Thiers et Favre portent la redingote noire, qui donne le ton à l’époque.
Dès lors seuls, semble-t-il, certains services extérieurs financiers conservent l’uniforme : Douane, Trésorerie aux armées en Algérie, enfin les Postes.
Ce rapide historique situe, dans un contexte eu évolution, le décret impérial du 17 novembre 1852, et sa teneur.
A l’époque, le port du costume n’est déjà plus « ordinairement » en vigueur, sauf dans certaines régies ou certains services est rapports constante avec le public. D’autre part, les préoccupations de l’Empereur Concernent surtout son entourage direct.
Dès lors, pour l’Administration centrale des finances, l’uniforme est réservé aux seuls directeurs, qui «risquent» d’être invités à la Cour et dans les cérémonies hautement officielles.
Il faut reconnaître que nos directeurs devaient avoir fière prestance dans cet habit de drap vert, accompagné d’un gilet et pantalon blancs, réhaussé de broderies représentatives du grade et de boutons soulignant, pour que nul n’en ignore; l’appartenance financière, le tout complété par le chapeau français à plumes noires et l’épée au côté.
Et même les broderies du collet et les parements de leur habit n’étaient pas sans mystère, puisqu’elles étaient destinées à l’origine, selon les spécialistes du folklore, à empêcher Belzébuth de pénétrer par les ouvertures, endroits où elles se trouvent le plus. généralement.
Faudrait-il y voir encore, au XIXe siècle, une forme d’exorcisme et de protection opportune pour des fonctionnaires financiers que leurs administrés n’auraient que trop tendance, en tous temps, à vouer au diable ?
Ces broderies, qui furent choisies une fois pour toutes sous la Révolution et l’Empire, ont en tous cas une symbolique. Hélas, il a été impossible d’en percer avec certitude le sens dans les textes ou la tradition orale.
Laissons donc le soin à chaque lecteur de se retrouver dans le chêne, l’olivier, le lierre et le laurier, attribués plus ou moins généreusement à l’Administration centrale des finances, la Caisse des dépôts, l’Inspection générale des finances, les comptables supérieurs, la Douane, les Contributions indirectes et les Monnaies, dans la feuille de vigne et, l’épi de blé, curieusement réservés aux Contributions directes, à l’Enregistrement et aux Domaines.
Pour l’Administration centrale, les conditions du port de l’uniforme ne semblent pas avoir été précisées. Aucun article du présent décret ne concerne ce point. Cependant un décret antérieur, du 1er mars 1852, «relatif aux costumes des fonctionnaires et employés dépendant du ministère de l’Intérieur », traite de cet ordre de préoccupations en spécifiant :
ART. 2. — Le Port du costume est obligataire pour les fonctionnaires de l’Ordre administratif dans les cérémonies publiques et toutes les fois que l’exercice de leurs fonctions peut rendre nécessaire un signe distinctif de leur autorité.
Et dans une circulaire d’application, propre à l’administration des Douanes, on trouve la prescription suivante :
… Ainsi, en réglant pour le ministère des Finances quels sont les agents qui devront être revêtus du costume dans les cérémonies publiques…
Ainsi donc, le port du costume restait exceptionnel dans les services centraux, réservé aux réunions officielles et réceptions à la Cour. Il n’est pas démontré, d’ailleurs, que les fonctionnaires de moindre rang aient ambitionné pour la plupart, cette distinction fort coûteuse, si l’on considère que sous le second Empire, un habit de Ministre valait pour les seules broderies 3.000 F, le traitement annuel d’un administrateur (sous-directeur) étant de 15.000 F.
Ajoutons que, pour les réceptions à la Cour, le choix entre la grande ou la petite tenue était fonction de celui de l’empereur, spécifié généralement sur le carton d’invitation; de même, on désignait les cérémonies où le costume brodé était requis.
La petite tenue suffisait alors pour les petites soirées des Tuileries où les familiers de la Cour portait l’habit noir, le gilet blanc, la culotte courte et les bas de soie de même couleur, avec pour l’Empereur, le grand cordon de la Légion d’honneur.
Par contre, dans les bals des Tuileries et les représentations, la grande tenue était obligatoire.
Quant aux autres circonstances, il faut bien avouer que les informations sont défaillantes.
Ces questions d’uniforme et de costume, que récusent nos mœurs apparemment plus démocratiques, de même qu’un statut général des fonctionnaires imbu d’esprit d’égalité, ne paraissaient nullement futiles à nos pères. Ils y attachaient, parfois même, un intérêt souligné, ainsi qu’en témoignent deux correspondances retrouvées aux Archives nationales, et dans lesquelles des fonctionnaires des Finances sont partie en cause.
La première a pour cadre les Côtes-du-Nord, en l’été de l’an XII. Le Ministre de l’Intérieur lui-même doit intervenir, pour éviter de plus graves désordres, et arbitrer un différend opposant l’Armée et la Douane, à travers certains de leurs représentants, en répondant à la lettre dont les extraits ci-après donnent le ton :
Saint-Brieuc, 24 messidor, an XII
Le Préfet du département des Côtes-du-Nord
à Son Excellence, le Ministre de l’Intérieur
«Monseigneur,
« Je suis très fâché de ce que les circonstances m’obligent à vous entretenir de choses peu sérieuses en elles-mêmes, mais susceptibles de se convertir en funestes dissensions, si l’on ne prenait, dès à présent, les moyens de les prévenir.
– M.COUTARD, colonel du 65e Régiment d’infanterie et commandant de la place de Saint-Brieuc, m’écrivit, le 29 prairial dernier, que les militaires de la garnison avaient remarqué que quelques administrateurs des Douanes et autres employés civils s’étaient permis des décorations purement militaires; que Monsieur le général de division Malher lui avait rappelé, à cet égard les dispositions d’une lettre du Ministre de la Guerre qui le chargeait spécialement, lui colonel, de tenir la main et l’exécution du règlement sur les costumes et décorations. Il m’invitait, en conséquence, à lui communiquer ceux concernant les administrations civiles, et de les prévenir de s’y conformer, sana y rien ajouter, parce qu’à ce moyen, je lui éviterais le désagrément de le leur dire lui-même…
Le préfet, ayant demandé à l’irascible colonel quelles étaient, à son sens, les décorations purement militaires, lui mandant qu’il ignorait que le Gouvernement lui donnât la surveillance des costumes civils officiels, reprend :
Par sa réponse du 1er de ce mois, Monsieur le colonel Coutard m’apprit que les objets de décoration que les militaires trouvent de trop dans le costume des fonctionnaires civils, consistent dans les glands à torsade d’argent attachés aux bottes, les glands placés dans les cornes de leurs chapeaux campés militairement, tandis qu’ils ne devraient pas l’être, et plus particulièrement la dragonne, appartenant presqu’exclusivement aux officiers supérieurs de Gendarmerie et des troupes légères des deux armées.
Cependant, m’écrit le colonel, la vanité des administrateurs et employés des Douanes, le caprice de messieurs les employés des Finances ou de l’administration des Postes, les ont fait prendre en tout ou partie.
Puis après avoir rendu compte de ses essais de conciliation et des explications pertinentes données par les intéressés, le préfet termine sa lettre :
«… Tel est, Monseigneur, l’état des choses relativement aux prétentions élevées au nom des militaires, par le colonel Coutard, se disant autorisé par le général de division Malher. Il est facile de concevoir que le droit d’inspecteur que veulent s’arroger les commandants militaires sur les fonctionnaires et employés de l’ordre civil, relativement à leurs costumes, est une chose déplacée, abusive, contraire à l’indépendance pouvoirs, et susceptible de faire naître des débats et même des querelles de nature à troubler la bonne intelligence qu’il est utile de taire, régner entre tous les membres de la Société. Dans l’intention de prévenir ces inconvénients, je vous prie, Monseigneur, de prendre telle mesure que vous jugerez convenable.
J’ai l’honneur de vous saluer,
Signé : illisible.
Et le Ministre, ainsi sollicité, prend soin de définir la, doctrine officielle, dans une réponse du 11 thermidor, an XII :
…Je pense que la surveillance des généraux, pour l’exécution de cet arrêté, ne doit s’étendre, pour les fonctionnaires qui ne sont pas attachés a l’armée, qu’autant que ceux-ci se permettraient de porter des distinctions militaires.
En principe général, les fonctionnaires ne doivent avoir que le costume qui leur a été consigné par les arrêtés du Gouvernement. La dragonne, les glands au chapeau sont des marques distinctives militaires. Elles n’ont point été comprises dans le costume affecté aux fonctionnaires civils.
Si quelques une de ceux de votre département,, qui n’auraient pas de grade dans l’armée, les avaient ajoutés à leur costume, vous auriez à les rappeler à la stricte exécution des arrêtés du Gouvernement qui l’ont fixé, et tenu la main à ce qu’ils s’y conforment. Je vous prie, M., de m’informer de ce que vous avez fait à ce sujet.
Il est à préciser que chacun se conforma à ces directives et que tout rentra dans l’ordre, car la correspondance s’arrête là.
Que l’on n’imagine pas que, seuls, les militaires, et plus particulièrement ceux de l’Empire, étaient aussi pointilleux sur cette question. Elle agitait d’autres esprits, comme le prouvent les extraits suivants d’une lettre écrite par le préfet du Bas-Rhin, le 12 décembre 1820, au directeur général de l’Administration départementale et de la police :
Monsieur le Baron,
Au moment oh deux ordonnances du Roi viennent de régler, d’une part, le service intérieur de sa Maison, et de l’autre, l’entrée dans son Palais. pour les différents fonctionnaires de l’État, modifiée d’après le rang qu’ils occupent, il est présumable que les costumes destinés à faire reconnaître les titulaires des divers emplois, qui donnent à ceux qui en sont revêtus le privilège de pénétrer dans la résidence royale vont prendre un caractère de fixité qu’ils n’avaient plus depuis plusieurs années. Je vous demande à cet égard, Monsieur le Baron, la permission de vous présenter quelques réflexions qui me paraissent. aujourd’hui„ ne pas être hors de propos.
Suivent des considérations sur l’habit de préfet, et des doléances sur le fait que les sous-préfets et secrétaires généraux ont considérablement adorné et embelli, d’eux-mêmes, leur uniformes
Toutes ces innovations portent atteinte à la partie sérieuse de l’ autorité.
Le peuple, qui ne juge que par ses yeux, ne distingue plus le supérieur du subordonné; les rangs ne sont plus aussi marqués. Mais cet inconvénient réel, Monsieur le Baron, se reproduit d’une manière bien plus choquante dans les administrations secondaires qui, n’ayant aucun rang dans les préséances, se trouvent rependant en possession d’un costume brodé, et y ajoutent encore toutes les fantaisies de la vanité. Ainsi les directeurs des Contributions et des Domaines et les conservateurs des Forêts surtout, portent des habits aussi riches que ceux des Préfets…
Lors de la création des droits réunis, il ne fut point attribué de costume à cette administration. Les receveurs généraux n’en ont jamais eu. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi des Contributions directes et des Domaines, dont les agents n’assistent point aux cérémonies publiques et n’ont certainement nul besoin d’un costume dans l’exercice journalier de leur emploi, ni même pour requérir, en cas de nécessité, le concours de l’Autorité.
« Quant aux agents forestiers, je les assimile à ceux des Douanes. Comme eux, ils commandent à une réunion d’individus assez considérable pour pouvoir, en cas de trouble majeur, se mettre à leur tête et devenir ainsi auxiliaires de la force publique. Un uniforme leur est donc nécessaire : il ne s’agit plus que d’en restreindre les insignes dans des proportions en rapport avec l’espèce des fonctions. « …Mais toute broderie ou baguette autour de l’habit, non plus que la plume dans le chapeau, devraient, à mon avis, leur être interdite…
Le Maitre des requêtes
Préfet du Bas-Rhin
SignéIllisible
Une telle missive, un Lucien Leuwen en mission n’aurait-il pu l’écrire, un peu plus tard, avec un sourire dérobé pour ces «provinciaux »?…
Ce panorama historique du port du costume au ministère des Finances ne saurait guère prétendre qu’aux repères et à l’anecdote, plutôt qu’à l’exhaustivité. Les archives de l’administration centrale opposent en effet, à la recherche, des incertitudes troublantes.
Peut-être alors certains de nos lecteurs, mieux informés, pourront-ils collaborer à cette exploration d’un passé commun.
Pour ce qui est de l’avenir, il semble bien — mais sait-on jamais — que l’histoire ait dit, ici, son dernier mot.
L. Dendene
Notes:
-
– Nous devons déjà à M. Max MEUNIER ans chronique sur L’uniforme des douaniers dans le Bulletin, n° 2, p 147.
-
– Extrait de «Le Bulletin» de l’Administration Centrale des finances n°22 juillet-Aout 1963
La Vie de la Douane
N° 113
Septembre-octobre 1963