Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Les laboratoires des douanes (1875-1936) – Partie 2 : Quelques grandes figures de la chimie au service de la lutte contre la fraude.
Les laboratoires des douanes – Deuxième partie
Chapitre 1 – Carrières d’Ulysse Gayon, de Victor de Luynes et de Frédéric Bordas.
– Ulysse GAYON (1845 – 1929) : Un parcours exemplaire.
Léonard-Ulysse Gayon naît le 8 Mai 1845 à Boueix en Charente. Il obtient son Bac au lycée d’Angoulême, puis prépare au lycée de Poitiers l’examen d’entrée dans les grandes écoles ; Polytechnique, Saint-Cyr et Normale supérieure.
Admissible aux trois, il opte alors pour l’Ecole Normale et en sort agrégé de Sciences physiques en 1871.
Ulysse Gayon est bientôt désigné comme professeur de physique au lycée de Clermont-Ferrand. Il n’aura pas le loisir de professer la physique à Clermont-Ferrand, car dès Octobre 1871, il est employé comme préparateur au laboratoire de chimie physiologique de l’Ecole Normale dirigé par Louis Pasteur.
Les fermentations étant immanquablement liées à la présence et à la multiplication d’êtres microscopiques organisés, qu’il était possible d’isoler et de cultiver, chaque type de germe correspondant à un processus particulier de fermentation.
Gayon entreprit de convaincre les sceptiques en étudiant la putréfaction de l’albumine. Son travail sur les « Altérations spontanées des œufs » fut présentée en Sorbonne en 1875 comme thèse de doctorat ès sciences.
Le retentissement de ces travaux avait attiré l’attention des pouvoirs publics sur leur auteur ; aussi le Ministère des Finances, désireux de doter l’administration des douanes des laboratoires régionaux pour lutter contre la fraude dans le domaine des sucres, fit-elle appel à Gayon en août 1875 pour organiser et diriger celui qu’elle allait créer à Bordeaux.
Il resta à sa tête pendant 44 ans, commençant par appliquer à l’étude des changements de composition des sucres bruts de canne les méthodes apprises au laboratoire de l’Ecole normale. Il montra que la transformation en glucose d’une partie du sucre était due à l’action de divers mucors, du « mucor circinelloïdes » en particulier, découvrit ensuite en collaboration avec son adjoint E. Dubourg, que le sucre de canne ne fermente alcooliquement qu’après interversion et qu’un nouveau mucor, « l’alternans » faisait fermenter la dextrine et l’amidon.
La Faculté des Sciences de Bordeaux se trouvait alors en pleine réorganisation. Beaudrimont, docteur ès sciences et en médecine, y détint la chaire de chimie de fin 1847 à février 1878, Gayon lui succéda comme maître de conférences jusqu’en février 1880, chargé de cours ensuite pendant un an, enfin professeur à partir de 1881.
Un cours de chimie agricole avait été fondé par le Ministre de l’agriculture, du commerce et de l’industrie par arrêté en date du 8 Mars 1855, Beaudrimont en fut le premier titulaire, comme il fut le premier chimiste habilité officiellement pour le contrôle des engrais et le premier directeur de la Station agronomique de Bordeaux.
Beaudrimont meurt en 1880 ; il importe de lui trouver un successeur de qualité pour diriger un organisme promis à un grand développement. Le tout puissant Jean–Baptiste Dumas, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, en offre la direction à Gayon.
C’est ainsi que tout le monde se trouve d’accord pour confier à Gayon, élève de Pasteur, des études sur la maladie qui ravage le vignoble français, le phylloxera, « en vue de découvrir un moyen spontané de le détruire ou de compléter du moins l’étude de ce dangereux ennemi de la vigne ».
A partir de 1864, le phylloxera avait ravagé le vignoble français. Il Celui-ci se relevait à peine de ses ruines qu’ une nouvelle maladie, d’importation américaine, fut signalée par Planchon en 1878.
Elle était due à un champignon microscopique, le Peronospora viticola, s’attaquant aux feuilles comme aux grappes et aux rameaux. Immédiatement, le danger paraît particulièrement grave.
Millardet, professeur de botanique à la Faculté des sciences de bordeaux, se penche sur l’examen du mécanisme des invasions. Il constate notamment que les spores du Pronospora germent normalement dans l’eau distillée, et pas du tout dans l’eau de son puits dont Gayon fait l’analyse, y découvrant des traces de cuivre.
Millardet ajoute alors des traces de cuivre dans l’eau distillée et la germination s’en trouve arrêtée. C’est cette circonstance qui est à l’origine de la collaboration des deux professeurs bordelais, le botaniste Millardet et le chimiste Gayon, dans les recherches entreprises plus tard sur le traitement du mildiou par les composés cupriques, comme l’a souligné lui-même Gayon dans la notice sur la vie et les travaux de Millardet (1838–1902), publiée en 1903 dans les mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux.
Partis en 1883, d’une mixture contenant pour 100 litres d’eau, 8 kilos de sulfate de cuivre, et 15 kilos de chaux, ils proposaient dès 1887 des formules encore aujourd’hui en usage, contenant seulement, pour cent litres d’eau : 2 kilogrammes de sulfate de cuivre et 0,670 Kg de chaux grasse de pierre, et même 1 kg de sulfate de cuivre et 0,340kg de chaux.
En 1882, Gayon, alors directeur de la Station agronomique de Bordeaux, dont l’activité scientifique se déployait dans toutes les questions de chimie agricole, et plus particulièrement dans celles qui ont trait à la viticulture, entreprit une étude systématique des engrais de la vigne. Il rechercha, dans des conditions données de cépage et de terrain, la forme sous laquelle les principaux éléments fertilisants : azote, acide phosphorique, potasse, chaux et magnésie convenaient le mieux au développement de la vigne. Malgré ses occupations de directeur de laboratoire du Ministère des Finances et de la Station agronomique et œnologique, Gayon n’oubliait pas qu’il était professeur de chimie générale, plus spécialement de chimie organique, discipline alors en pleine évolution dont il lui fallait suivre les progrès incessants. Nommé maître de conférences le 1 er Mars 1878, chargé de cours le 23 Février 1880, il occupa la chaire de chimie à partir du le 1 er Février 1881.
En 1891, Gayon, avec le concours de Joannis, ce dernier s’intéressant plus spécialement à la chimie industrielle, fonda l’Ecole de chimie appliquée à l’industrie et à l’agriculture de Bordeaux, destinée en principe à diriger ses élèves vers l’étude théorique et pratique des fermentations tout en préparant les examens de la licence ès sciences. Bordeaux n’avait plus rien à envier à Lyon, à Nancy où avait été créé en 1890 un Institut chimique auquel étaient rattachés une école de chimie, un enseignement de physico-chimie, et même une Ecole de brasserie. (Note 7).
– Victor de Luynes (1828 – 1904)
Professeur de chimie appliquée aux industries de teinture, céramique et verrerie ; (1868–1904), au Conservatoire National des Arts et Métiers.
Né le 16 avril 1828 à Paris, Victor Hyppolite Joseph de Luynes est l’un des trois enfants ;(il a deux sœurs), d’une famille bourgeoise parisienne. Son père, Laurent de Luynes, exerçait les fonctions de Secrétaire général du Ministère de l’Instruction publique.
Après de bonnes études secondaires au collège Stanislas, Victor de Luynes devient bachelier ès lettres et ès sciences mathématiques. Il fait ensuite des études supérieures à la Faculté des Sciences de Paris, et il obtient une licence ès sciences physiques. Il ne fait pas le service militaire et en 1852, il est nommé professeur de physique et de chimie au lycée Bonaparte (devenu depuis le lycée Condorcet), fonction qu’il exerce pendant trois ans jusqu’à juin 1855.
Nommé professeur le 28 Octobre 1868, de Luynes entre dans ses nouvelles fonctions au Conservatoire.
– Une carrière doublée de multiples activités.
En effet, à côté du verre et de la céramique, ce sont les sucres plus que les colorants qui vont occuper une place grandissante dans les activités de De Luynes.
D’ailleurs, chimiste auprès de la Direction générale des Douanes depuis 1869, celle-ci lui confie l’organisation et la direction d’un laboratoire des sucres en 1875. Par la suite, un réseau de vingt autres laboratoires localisés aux villes frontières et dans de grands centres industriels sera installé.
Plus tard, en 1897, le Ministère des Finances a réunit ces laboratoires à ceux du réseau des Contributions indirectes sous une direction unique.
Victor de Luynes sera à la tête de ce service jusqu’en Novembre 1903. Dans ces domaines, les méthodes d’essai des produits ont été au centre de ses préoccupations. Au niveau des revenus, ces activités complémentaires sont loin d’être négligeables. D’après une fiche administrative, au salaire de 10 000 f que de Luynes percevait en 1899 comme professeur au Conservatoire, venait s’ajouter une indemnité d’un montant égal pour sa fonction de chef de service des Laboratoires du Ministère des Finances.
– Les sucres
Dans ce domaine pourtant très suivi par De Luynes durant des décennies, il ne publie que peu de choses. Ainsi en 1875, il a fait paraître à propos de l’analyse des sucres une note sur le pouvoir rotatoire du sucre cristallisable et la méthode d’essai pour cette analyse. Par ailleurs, il réalise à la même époque une étude en commun avec son collègue Aimé Girard, professeur de chimie industrielle au CNAM (nommé en 1871) sur les sucres.
Il suit par ailleurs de près les procédés industriels de ce secteur pour la Société d’encouragement. (Note 8).
– Frédéric BORDAS (1860–1936).
Né au Pecq, en banlieue parisienne, en 1860, sa première jeunesse se passe à l’île Maurice, d’où il revint achever ses études à l’Université de Cambridge. Ingénieur agronome (Institut national d’agronomie) en 1882, il soutint sa thèse de Docteur en Médecine en 1885.
Puis, nous le voyons successivement :
– Préparateur du Professeur Brouardel, au cours de Médecine légal,
– Attaché au Laboratoire de Toxicologie avec Ogier (1888),
– Sous-directeur du Laboratoire municipal (1895) avec Girard,
– En 1903, il devient, succédant à De Luynes, directeur des Laboratoires du Ministère des Finances, fonction qu’il devait occuper pendant trente années, assisté de son collaborateur F. Touplain.
C’est à Frédéric Bordas, conseiller du Ministre Ruau, que l’on doit en effet, au milieu de difficultés sans nombre, la mise en application de la loi du 1er Août 1905, sur la Répression des Fraudes et des Falsifications, la création de ce service qui avec Eugène Roux, Toubeau, et Fialudeau, allait fixer dans notre pays les bases du commerce honnête et devenir l’organisme que l’on sait, protecteur de la santé publique, et dont l’autorité est universellement connue.
De cette œuvre découlèrent : la Société des Experts–Chimistes de France, la Société d’hygiène alimentaire, les annales des falsifications et des fraudes, dont il fut l’un des fondateurs et qui est une des revues scientifiques les plus recherchées en cette matière.
Ces travaux le désignèrent pour occuper la présidence de cinq conférences internationales qui traitèrent de la réglementation de la vente de la saccharine et de l’unification des méthodes d’analyses.
Médecin principal de 2e classe pendant la guerre de 1914 et chargé au Gouvernement Militaire de Paris, du contrôle technique d’hygiène et de prophylaxie, son activité à partir de 1917 s’orienta dans une toute autre direction : la question des combustibles.
Ses larges connaissances du sujet le firent désigner par le Commissariat Général des Essences, comme Directeur Général des Services techniques pour organiser le contrôle de la fabrication des produits pétrolifères. Ses interventions furent dès lors incessantes dans ce domaine. En 1933, il fut l’initiateur et l’organisateur du congrès de la Route.
Cependant, les questions d’hygiène et d’urbanisme ne cessent de le préoccuper. A la Préfecture de Police comme Inspecteur général des Services d’hygiène, il dirigea en particulier, ceux de la Protection de l’enfance et organisa, en 1926, l’exposition de l’enfance qui eut un très grand succès.
Dès 1921, M. d’Arsonval a confié à Frédéric Bordas, qui est devenu professeur suppléant, le Laboratoire d’hygiène hydrologique et climatologique de l’institut d’hydrologie au Collège de France.
Son long et tenace apostolat aidé dans le domaine administratif par quelques esprits clairvoyants, fait aboutir les trois décrets du 30 Avril 1930 qui constituent la charte nouvelle des eaux minérales françaises et font bénéficier celles–ci, vingt après les eaux douces, d’une législation qui tient compte des conquêtes modernes en hydrologie. Dans la surveillance de ces eaux particulières, il introduit la mesure de la résistivité électrique – expression de leurs régimes ; on n’a pas achevé de faire le tour des bienfaits que cette mesure simple apporte dans cette question.
Il est difficile de suivre l’activité polymorphe du regretté savant : en collaboration avec Eugène Roux, il fait paraître un collection de manuels pratiques d’analyses à l’usage des chimistes-Experts; avec le professeur Tanon, Bruere et le docteur Neveu, il fonde la Société d’hygiène publique, Industrielle et Sociale; il est appelé à siéger dans de nombreuses assemblées; il est membre du conseil supérieur d’hygiène publique et du comité consultatif des arts et manufactures, conseiller technique sanitaire au Ministère de la Santé publique, Commandeur de la Légion d’Honneur, etc…
On ne peut songer de même à relever ses travaux scientifiques qui l’ont fait, à plusieurs reprises, lauréat de l’Institut et de l’Académie de Médecine. Citons seulement, pour en signaler l’étonnante variété, qu’il a mis au point un procédé de dénaturation des mélanges d’alcool, de benzol, et d’essence qui résout pratiquement le problème de la dénaturation du carburant national – procédé dont il abandonnera le bénéfice à l’Etat.
D’autre part, Georges Claude étudie le Néon dans le laboratoire du professeur Bordas, « avec le concours de cet aimable ami », dit le savant académicien et celui de leur chef de travaux, F.Touplain.
Il est l’auteur d’un nouveau d’un nouveau procédé d’analyse du lait (1905) qui est devenu la méthode officielle ainsi que d’une technique analytique des matières étrangères. Il faut rappeler également, sur les problèmes d’assainissement urbain, ses remarquables recherches sur la désintégration de la matière organique par protéolyse microbienne, qui ont servi de base à toutes les modifications apportées aux traitements biologiques des ordures ménagères. Par ailleurs, chez le professeur Bordas, l’homme de science était égalé par l’homme de cœur. Le professeur Tanon, bon témoin, a pu rapporter combien dans les services d’hygiène de la Préfecture de Police qui côtoient tant de misères, la bonté et la charité de Bordas, inlassables et discrètes, avaient eu l’occasion de se manifester.
L’homme privé était séduisant : nature artiste, il peignait avec bonheur, pianiste, la musique était un de ses délassements favoris. Son éducation première et aussi sans doute une tournure d’esprit personnelle, lui avaient conféré ce comportement fait de droiture, d’équilibre et d’affectueuse maîtrise qui était un charme pour tous ceux qui l’entouraient et en particulier pour sa famille spirituelle; tous ses collaborateurs qu’il avait su profondément s’attacher. (Note 9).
Chapitre 2 : Leur action respective dans l’activité des laboratoires des Finances.
– Ulysse Gayon : il restera chimiste en chef du Laboratoire de Bordeaux pendant 44 ans.
Sa mise au point de la bouillie bordelaise, et ses recherches au profit de la viticulture du vignoble bordelais, en feront une personnalité hors norme parmi les différents chimistes en chef des laboratoires du Ministère.
– Victor de Luynes : il dirigera le réseau des Laboratoires des Douanes de leur création en 1875, jusqu’en 1897, unification avec le réseau des Contributions indirectes, puis le Service scientifique du Ministère de 1897 à 1904.
L’absence de dossier personnel au Service des Archives économiques et financières, le peu de correspondance retrouvée, rendent quasi impossible une évaluation de l’activité de cette personne à la tête du Service scientifique, et ce bien que Victor de Luynes ait travaillé vingt-neuf ans à la tête des laboratoires de 1875 à 1904.
– Frédéric Bordas : celui-ci dirigera le Service scientifique de 1904 à 1933. De par sa formation, et la polyvalence de ses fonctions, il évoque et incarne l’idéal scientifique de la IIIe République.
Pour évaluer son activité à la tête du Service scientifique, nous sommes dans la même situation que pour Victor de Luynes, nous ne possédons aucune évaluation directe de son activité.
Par contre, son activité extérieure au Ministère a laissé de multiples traces : Congrès internationaux de la Répression des Fraudes, Annales des falsifications.
Activité pédagogique : il publie une série de manuels d’analyses en collaboration avec le docteur Eugène Roux, fondateur du service de la Répression des Fraudes.
« Collection des Manuels d’analyses chimiques à l’usage des laboratoires officiels et des experts », publiée sous leur direction commune.
Éditée à la Librairie Polytechnique, Béranger Editeurs ; 15, rue des Saints- Pères à Paris, cette collection devait comprendre 24 volumes, dont nous reproduisons les neuf premiers titres tels que repris dans les Annales de Falsification pour l’année 1911; pages 491 et 492.
ALCOOLS. Alcool, alcool dénaturé, dénaturants, par M. Louis Calvet, Chimiste en chef du laboratoire central du Ministère des Finances.
HUILES MINERALES. Pétroles, Benzols, Brais, Paraffines, Vaseline, Ozokérite, par M. Henri Delehaye; chimiste en chef du laboratoire des Finances à Rouen.
SOUDE, POTASSE, SELS. Dénaturation des sels, par M. P. Méker, Chimiste principal au laboratoire central du Ministère des Finances.
MATIERES TANNANTES, CUIRS. Gélatines, Colles, Noirs, Cirages, par M. L. Jacomet, Chimiste principal au laboratoire central du Ministère des Finances.
HUILES ET GRAISSES VEGETALES COMESTIBLES par G. Halphen, Chimiste – expert près les tribunaux, directeur du Laboratoire des expertises légales au Ministère du Commerce.
MATIERES CELLULOSIQUES par MM. Francis Beltzer, chimiste, et J. Persoz, Chimiste, directeur de la Condition des Soies et du laboratoire d’essai des papiers de Paris.
EAUX DOUCES ET EAUX MINERALES par M. Diévert, Chimiste – expert près les tribunaux, Chef du service de la surveillance des eaux d’alimentation de Paris.
ALCOOL METHYLIQUE, VINAIGRES par M. L. Calvet, Chimiste en chef du laboratoire central du Ministère des Finances.
CIMENTS par MM. E. Leduc et G. Chenu du Laboratoire d’essais du Conservatoire National des Arts et Métiers. (Note 10).
– Activité éditoriale: il participe toujours avec le Dr. Eugène Roux, aux « Annales des Falsifications », dont le numéro 1 paraît en novembre 1908.
– Activité d’inventeur : toujours avec le concours du Dr. Eugène Roux, Frédéric Bordas semble avoir élaboré certains appareils scientifiques en dotation au Laboratoire de Saint Quentin :
Étuve à distillation et évaporation du Dr. Bordas, avec colonne à rectifier; (N° d’ordre 1612 – Prix d’achat : 240.00 Francs).
Lacto-nécessaire du Dr. Bordas, (N° d’ordre 2560 – Prix d’achat : 110,00 Francs – 1914).
Etuve du Dr. Roux pour fermentation (0,50 m x 0,30 x 0,20) – (N° d’ordre 504 – prix d’achat : 135,00 Francs – 1900).
– L’activité universelle du Dr Frédéric Bordas à travers la Société Universelle de la Croix-Blanche, et les Congrès internationaux de la Répression des Fraudes.
Créée à Genève le 22 Août 1907, cette société universelle avait pour but de grouper les efforts faits dans tous les pays en vue de lutter contre la tuberculose, le cancer, la syphilis, les maladies épidémiques et infectieuses et parasitaires, les maladies sociales telles que l’alcoolisme et l’opiomanie, les empoisonnements alimentaires, les maladies de la misère, etc… (Premier alinéa de l’article 1 des Statuts).
Cette société fournit à toutes les nations un Bulletin universel de la santé publique, (…), et élabore un Code universel de droit sanitaire administratif et pénal.
Et surtout, « Elle poursuit la conclusion d’accords internationaux pour la répression des fraudes et falsifications, en ce qui concerne les boissons, les denrées alimentaires et les produits agricoles » ; (Article 2 des Statuts).
On peut reconnaître en la Société Universelle de la Croix Blanche un ancêtre de l’actuelle Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S). En raison du développement incessant des fraudes alimentaires et pharmaceutiques, la Société lance en janvier 1908 un appel pour la tenue à Genève en septembre de la même année, du Premier congrès pour la répression des Fraudes alimentaires et pharmaceutiques.
Les promoteurs du Congrès ont admis a priori :
« 1° – que la répression des fraudes alimentaires ne deviendrait réellement efficace que lorsque la législation des mesures de répression et des méthodes d’analyse auraient été unifiées et codifiées.
2° qu’il était avant tout nécessaire d’établir la base de la législation future en arrêtant dans une consultation internationale contradictoire, la définition de l’aliment pur. ».
Parmi les adhérents français au Congrès de Septembre 1908, on comptera comme président de la délégation française, M. le professeur Frédéric Bordas, directeur des laboratoires du Ministère des Finances.
M. le docteur Eugène Roux, directeur du Service de la Répression des Fraudes au Ministère de l’Agriculture.
M. Charles Franche, directeur de la « Revue internationale des falsifications et d’analyses des denrées alimentaires », ainsi que M. Ulysse Gayon, chimiste en chef du laboratoire des Finances de Bordeaux.
M. le Professeur Bordas allait être le président de la délégation française pour ce premier congrès fixé à Genève du Mardi 8 au Samedi 12 Septembre 1908, dont le but principal allait être la définition de « l’aliment pur ». Le Secrétaire général en était le Dr Eugène Roux, tandis que la liste des participants français regroupait l’ensemble des sociétés du secteur agro- alimentaire de l’époque.
Le 2e Congrès international pour la répression des fraudes allait se tenir à Paris du 17 au 24 Octobre 1909. L’organisation en fut confiée par la Croix–Blanche au bureau de sa délégation en France.
Ce deuxième congrès avait un double objectif à remplir ;
1 / Terminer la tâche laissée inachevée par le Congrès de Genève en ajoutant à la définition du produit pur la liste des manipulations loyales qu’il peut avoir subi pour sa préparation.
2 / Soumettre à l’examen des hygiénistes les opérations ainsi reconnues comme loyales pour la production, l’industrie et le commerce, afin de mettre les nécessités du commerce en harmonie avec les exigences de l’hygiène.
Le Congrès de Paris, sous le haut patronage de M. Ruau, ministre de l’Agriculture, était placé sous la direction effective de M. Frédéric Bordas, président, et de M. Eugène Roux, vice–président.
Il fut divisé en trois sections, la première allait s’occuper de technologie alimentaire. On y trouvait Ulysse Gayon, chimiste en chef du laboratoire de Bordeaux, ainsi que M. Jacomet, chimiste en chef du laboratoire des Finances de Dunkerque, et Touplain, chimiste principal au laboratoire des Finances de Paris, et secrétaire de rédaction des « Annales de Falsification ».
La 2e Section, en charge de l’hygiène alimentaire, examinait les propositions de la 1 ère Section, et formulait sur chacune un avis motivé qui servirait de base aux discussions et aux décisions des Assemblées Générales.
La 3e Section comportait le programme spécial des matières premières de la droguerie, des huiles essentielles et matières aromatiques, produits chimiques et eaux minérales, on allait y trouver M. André Kling directeur du Laboratoire municipal de Paris.
Celui-ci rendrait compte de ce Congrès dans les termes suivants :
« (…) Ce 2e Congrès n’a pas épuisé l’œuvre que le Comité d’organisation s’est proposé d’accomplir, deux autres congrès seront nécessaires pour la réaliser complètement. L’un s’occupera de la question si importante et si délicate de l’unification des méthodes d’analyse et de leur interprétation ; l’autre, le dernier, réunira les légistes et les diplomates qui examineront en commun les moyens propres à concilier avec le droit international les décisions prises par les Congrès précédents et chercheront la forme à donner à ces décisions pour les faire approuver et décréter par les gouvernements du monde civilisé. (…) ».
– Bulletin des anciens élèves de l’ESPCI – 23 e Année / Bulletin mensuel n°235 – Janvier 1910.
M. le docteur d’Arsonval, devant l’académie des Sciences, allait prononcer un compte-rendu dont est tiré l’extrait suivant : « (…) la 3 e section du Congrès, que présidait M. Guignard, directeur de l’Ecole supérieure de Pharmacie, a-t- elle défini plus de soixante des matières premières de la Droguerie, notamment les nombreuses variétés de Quinquinas sauvages et cultivés, dont l’étude est ici faite pour la première fois d’une façon aussi complète, plus de cinquante produits chimiques employés en thérapeutique et de trente des huiles essentielles qui trouvent application soit dans l’alimentation, soit dans la pharmacie, en établissant pour chacun de ces corps tous les caractères chimiques ou physiques capables de fixer, d’une manière aussi certaine que possible, l’identité du produit étudié(…). ».
Compte–rendu de l’Académie des Sciences (C.R.A.S 1940, Tome 151, P.700), repris dans les Annales de falsification de Novembre 1910 / 3 e Année – Numéro 25).
Du 1er au 3 Août 1913, allait avoir lieu le Congrès international pour la Lutte contre l’Altération et la Falsification des denrées alimentaires à Gand (Belgique).
– M.le Ministre de l’Agriculture y fut représenté par M. Eugène Roux, directeur des services sanitaires et scientifiques et de la Répression des fraudes,
– M. le Ministre des Finances étant représenté par M. Frédéric Bordas, chef du service des laboratoires du Ministère des Finances.
– M. le Préfet de Police ayant désigné pour le représenter M. André Kling, directeur du laboratoire municipal de la Ville de Paris. Lors de la séance d’inauguration du Vendredi 1er Août 1913, le docteur Bordas y retraça l’historique de la lutte entreprise depuis une quarantaine d’années contre les falsificateurs, lutte dont les principales étapes ont été marquées par la série :
– des Congrès internationaux de chimie appliquée,
– par les Congrès spéciaux de Genève (1908) et de Paris (1909), pour la Répression des Fraudes,
– et par les Conférences internationales officielles de Paris, de 1910 et 1912.
(Notes 10 et 11).