Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
L’insertion progressive des femmes en douane (réflexions en 1984 – 1)
Nous reproduisons ici un premier extrait d’un mémoire de stage rédigé par trois inspectrices des douanes stagiaires, en 1984, alors que la féminisation des effectifs amorce son véritable développement.
L’équipe de rédaction
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Situation générale
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Certes la Révolution Française a créé une douane moderne et ses deux outils fondamentaux : le Tarif et le Code. Mais elle n’a pas eu l’audace, impensable à l’époque, d’autoriser l’embauche de femmes. La douane est donc restée un bastion masculin jusqu’à la fin du 19e siècle .
C’est en 1896 que les femmes ont fait leur entrée dans les bureaux de douane au poste de dactylographes. Plus tard elles ont été admises dans les brigades comme assistantes occupant la fonction de visiteuse.
Le Statut Général de 1946 a facilité leur accès aux catégories B, C et D. Mais il a fallu attendre 1960 pour que la catégorie A soit ouverte, au compte-goutte, aux femmes : deux postes leur ont été accordé cette année-là, complétés par l’admission de la première de la liste complémentaire. Celle-ci devait d’ailleurs finir major de cette première promotion mixte.
Madame Colombani, une des lauréates, nous a donné cette précision avant de nous raconter une anecdote traduisant l’état d’esprit régnant alors dans l’Administration des Douanes : accueillant les trois premières inspectrices-élèves, le Directeur de l’École de Neuilly leur a proposé une formation « plus adaptée à leur condition » (sic) : pas de Tarif ni de Procédure au programme mais comptabilité et rédaction, car il était évident qu’à leur sortie de stage les trois jeunes femmes ne devaient occuper que des postes de rédactrices.
Le Directeur Général de l’époque, Monsieur De Montrémy, leur accordant un entretien, s’est montré surpris de l’indignation manifestée. Il leur a objecté, en substance :« Vous ne les voyez quand même pas monter sur un camion pour effectuer la visite ! ». Finalement les trois inspectrices-élèves ont obtenu de suivre les mêmes cours que leurs collègues masculins.
Mais il a fallu attendre 1972 pour voir des inspectrices au service de la visite.
Première femme à réussir la sélection d’Inspecteur Principal en 1970, Madame Colombani ne nous a pas précisé s’il lui a été alors proposé de suivre une formation différente des autres !
Actuellement Directrice—Adjointe, Madame Colombani continue à ouvrir la voie puisqu’elle a été nommée chef de bureau à la Direction Générale (B/2) en 1984. A ce jour, on dénombre 6 femmes cadres supérieurs des douanes, soit 1,01 % du corps.
Globalement l’effectif féminin des douanes représente aujourd’hui 18,70 % des agents répartis inégalement entre la surveillance (environ 7 %) et les opérations commerciales (environ 27 %).
Le faible pourcentage de femmes dans l’Administration des Douanes s’explique en partie par leur intégration récente et contingentée en surveillance..
De fait, quand/vers 1800, Bonaparte Consul a doté les brigades des douanes d’un uniforme, il a contribué ainsi à renforcer le caractère paramilitaire de ce service. Dès lors cette branche active a privilégié les anciens soldats dans ses recrutements.
La présence de femmes y était alors impensable, le Code Civil napoléonien consacrant l’infériorité de la femme par rapport à l’homme.
La situation n’a pas changé tout au long du 19e siècle et pendant une grande partie du 20e. En témoigne le rôle des bataillons douaniers pendant les guerres de 1870 – 1871, 1914 – 1918 et 1939 – 1945. En temps de paix le rôle de « gendarmes des frontières » a longtemps été un métier d’homme par excellence. Seule exception : pour les besoins de la fouille à corps a été créé un corps d’assistantes des douanes, réservé aux femmes..
Bastion masculin, le service des brigades, devenu la surveillance, ne s’est plus librement ouvert aux femmes qu’en 1978 à la publications des statuts uniques. Mais jusqu’en 1984 le recrutement féminin aux postes de préposé, agent de constatation et contrôleur de la branche surveillance était limité par un numerus clausus.
Sur proposition d’Yvette Roudy, Ministre des Droits de la Femme, le Conseil des Ministres du 4 janvier 1984 a décidé la suppression définitive des recrutements dérogatoire dans la douane.
Désormais, dans la douane aussi les femmes peuvent s’orienter toutes directions !
Source : mémoire de stage Ecole Nationale des Douanes, 36e session d’inspecteurs (1983-1984)
Avec l’aimable reproduction des auteures : Christine GUIONNET, Anne FAIVRE et Françoise ROPERT