René Crayssac, Le Douanier (Sous les Flamboyants), 1913 (20/50)

Mis en ligne le 30 octobre 2025

Ecrivain, journaliste, douanier, et administrateur colonial, René Crayssac (1883-1940) commença à écrire dès l’âge de 17 ans en collaborant à divers journaux libournais et bordelais (La Vie Joyeuse, le Théâtre de Bordeaux, l’Union Républicaine de Libourne). En 1903, il obtint sa licence en droit, publia son premier recueil de poèmes (“Aux flancs de la colline”), s’engagea au 9e Régiment d’infanterie coloniale et partit pour l’Indochine. Fait prisonnier et libéré en avril 1904, il entra comme commis aux Douanes et Régies, dont le directeur était un de ses parents, mais dont il démissionna au mois d’octobre de la même année pour faire carrière dans les Services civils, collaborer à la Tribune indochinoise (1904-1905) et à la Revue indochinoise à partir de 1910. En 1912, il fondait à Hanoï “La Plume”, puis les “Pages indochinoises” dans lesquelles il publiait et traduisait des poèmes annamites. Parallèlement, il réunissait ses vers parnassiens en deux plaquettes (“Au seuil de la pagode” et “Sous les Flamboyants”, recueil dans lequel il versifiait son expérience de 6 mois au sein des douanes dans le poème suivant :

 

Le douanier (Sous les flamboyants), 1913*

 

au camarade J. Marquet.

 

Abeille d’or de notre ruche indochinoise
Dont le miel se déverse en Pactole au budget,
Ton labeur incessant se rit de tout danger :
Guet-apens, coup de feu, soleil, fièvre sournoise !

Sous un ciel aveuglant, par la brousse ou la vase,
Tu vas toujours, d’un pas hardi, d’un cœur léger,
Et tu sais, noblement, jamais découragé,
Accomplir ton devoir humble et rude, sans phrase…

Mais lorsque, succombant à la rigueur du sort,
Il te faut, gabelou, douce abeille meurtrie,
Clore les yeux et replier tes ailes d’or,

La Gloire vient baiser ta pauvre chair flétrie,
Et c’est sans bruit, en souriant, que tu t’endors,
Montrant à tous comment l’on meurt pour la Patrie !

 


*Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France