Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Principes directeurs à la préparation de l’inspection principale

Mis en ligne le 1 mai 2019

Dans le premier numéro du Journal, nous avons déjà donné aux candidats quelques conseils sur l’orientation générale de leur activité. Pour compléter « l’atmosphère de départ », nous leur indiquons maintenant les principes directeurs de la préparation elle-même.

 

La préparation au concours de l’inspection principale ne saurait être conduite comme les préparations aux concours techniques qui ont principalement pour objet d’augmenter les connaissances professionnelles des candidats.

 

Il s’agit de préparer la sélection de Fonctionnaires supérieurs, de Chefs. Les bases nécessaires de cette sélection – c’est-à-dire, les qualités que l’on demande à nos Chefs divisionnaires – ont déjà été définies à maintes reprises. Il n’est cependant pas mauvais de les rappeler, ne serait-ce que pour hâter l’évolution qui doit aboutir à une appréciation plus précise des attritions de chaque cadre, à un sentiment collectif et individuel plus net des besoins de l’Administration moderne.

 

Parmi les qualités demandées aux futurs Inspecteurs Principaux, il en est qui ne pourront se révéler complètement qu’à l’occasion du stage parce que c’est seulement à cette occasion, puis lors des épreuves orles qui suivront ce stage, que pourront être créés ces contacts psychologiques à la faveur desquels le Jury jugera mieux certaines aptitudes telles que l’équilibre général, le sens de l’humain, le sens pratique, la facilité de discernement, la faculté  d’adaptation à des situations diverses. Le moment où ces qualités pourront se révéler importe cependant assez peu et la préparation, pour atteindre ses buts, doit considérer le concours comme un tout, c’est-à-dire ne point se borner à la préparation des épreuves écrites. Dans celles-ci, d’ailleurs, les aptitudes ci-dessus énoncées peuvent déjà s’apercevoir lorsque les sujets ont été convenablement choisis. On ne s’étonnera pas, dès lors, si, dans le cadre des travaux de la Préparation, nous nous efforçons d’orienter l’activité des candidats vers des matières leur donnant l’occasion de perfectionner, ou simplement de faire naître, ces aptitudes. Aucune dissociation n’existera, par, conséquent, dans l’esprit et les tendances de la Préparation, entre ce qu’une technique de bachotage pourrait répartir en matières d’écrit d’une part, matières de stage ou d’oral d’autre part. Il est évident cependant que pour tout ce oui concerne la formation psvchologique du  chef, la Préparation par correspondance devra se borner à un enseignement de base simplement destiné à orienter les préoccupations des candidats vers les problèmes humains et à préparer ainsi les travaux du stage pendant lequel ces problèmes pourront être précisés et approfondis.

En dehors des qualités déjà énoncées, on demande aux Chefs divisionnaires – qui sont, ne l’oublions pas, des agents de conception, de direction et de contrôle, c’est-à-dire en un mot, des administrateurs – d’avoir :

 

– de larges connaissances professionnelles, certes, mais moins une somme impressionnante de données livresques, risquant par leur masse même, d’avoir été mal assimilées, et d’encombrer l’esprit, qu’une science administrative solide, faite d’idées générales, de saines conceptions issues d’une étude intelligente et raisonnée de la documentation administrative, plus avide de principes et de synthèse que de détails accidentels ou épisodiques;

– un sens averti des réalités, leur permettant de faire en tout temps, un partage clairvoyant, parmi les activités de leur service, entre celles qui réclament une attention vigilante et celles qui peuvent, sous réserva de contrôles périodiques, être confiées à l’initiative, à la conscience et à la valeur professionnelle des cadres techniques;

– une aptitude naturelle, eu issue d’une longue et patiente volonté, à savoir tirer d’un état de choses ou d’un ensemble de constatations, conclusions ou déterminations qui s’imposent, à savoir transposer des faits particuliers sur un plan général; à savoir – que l’on excuse cette image – « garder la direction de l’attelage dans le cas où une cause quelconque en contrarie la marche normale ».

– un jugement sain et un équilibre intellectuel, associé à une volonté ferme et à une patiente tenacité, permettant de classer les choses suivant le rang d’importance et d’urgence qu’elles méritent; de savoir attendre, c’est-à-dire, de ne point « foncer » sur l’obstacle s’il doit en résulter un dommage inutile; de ne point, en sens contraire, fermer les yeux, pour éviter de prendre les responsabilités nécessaires ; sur une situation qui demande l’intervention rapide du Chef (savoir attendre, mais savoir être à temps);

– une culture générale étendant ses vues au delà du cadre forcément restreint des fonctions antérieures dans les services d’application et rattachant les données purement professionnelles à des notions plus vastes;

– une  curiosité attentive à tout. ce qui constitue l’évolution, quelquefois difficile à sentir au premier abord, des rapports professionnels et sociaux à l’intérieur des cadres administratifs et, en dehors d’eux, entre les divers groupes de la Société; au perfectionnement des méthodes et des moyens, que ce perfectionnement soit déjà réalisé ou seulement mis à l’étude ou même simplement souhaité.

 

Ces indications qualitatives du but à atteindre tracent d’elles-mêmes les principes d’une bonne préparation.

Celle-ci se gardera de passer en revue toutes les questions techniques qui sont, à juste titre, présumées connues par le candidat à l’Inspection Principale et dont la ratière figure dans les documents administratifs en usage dans tous les services. Point de plan de travail, par conséquent énumérant les divers régimes douaniers, comme on le ferait pour des débutants ou pour le passage d’un cadre d’écritures dans un cadre technique. Et si l’on pose des questions techniques, on recherchera dans la réponse du candidat, non point la répétition de la doctrine classique, mais l’usage qu’il a su faire, à l’occasion de l’examen d’un ces particulier, de la connaissance qu’il a de cette doc trine et de la facilité qu’il-a acquise au cours de son activité professionnelle déjà longue, dans la fréquentation des textes et du travail pratique.

 

On s’efforcera, plutôt, en matière de législation et de réglementation, de mettre l’accent : sur les interventions que l’Administration, en raison du caractère délicat ou de la complexité de certaines questions, a entendu laisser à la charge des fonctionnaire du cadre supérieur; sur les points délicats de certains contrôles; sur les possibilités de recoupement que des contrôles conduits avec méthode s’offrent mutuellement. On considérera, pour le surplus, que le Chef Divisionnaire doit avoir des préoccupations plus importantes que celles lui le conduiraient à vérifier, sans plan, sans discernement et sans méthodes, l’ensemble des opérations de dédouanement effectuées par ses services. Le contrôle du Chef divisionnaire est en effet, généralement, un contrôle du second degré intervenant après celui des Chefs de service directs et devant, dès lors, adopter d’autres moyens que ceux de la vérification primaire. Ces préoccupations plus importantes, que nous venons d’évoquer, sont celles qui touchent à l’organisation, à la coordination des services, à la « saine exploitation » de l’ensemble des moyens humains ou matériels, qui forment la « Division ».

 

L’inspecteur principal étant, avant tout, un administrateur, un organisateur, un animateur, la préparation aura constamment comme objectif d’inculquer au candidat, à ces divers points de vue, une nouvelle psychologie professionnelle. Les questions d’organisation, celles relatives aux méthodes de travail et au matériel, celles qui mettent en jeu les facteurs humains, ainsi que les questions de gestion du personnel dont le soin est laissé, par la volonté de l’Administration, à la charge des Chefs Divisionnaires, ou des Directeurs, auront donc une place primordiale dans nos plans de travail.

 

Il en sera de même des questions relatives au service des Brigades, pour ce motif qu’elles constituent, pour le candidat, des questions nouvelles au regard desquelles il n’a pu prendre, au cours de ses fonctions antérieures, une expérience suffisante.

 

Reste la question de culture générale. Chez le futur Inspecteur Principal, elle doit, au minimum, s’étendre à tous les problèmes, économiques ou monétaires, concernant les échanges extérieurs, aux travaux internationaux d’ordre économique, aux principes juridiques servant de cadres de base à la législation et à l’activité du service des Douanes, aux problèmes généraux que pose le fonctionnement des institutions et des administrations de l’Etat (Finances publiques, Budget, Fiscalité, Collaboration entre les divers services, normalisation des méthodes de travail, statut de la Fonction Publique, etc…).

 

Nous conseillons donc aux candidats de se pénétrer attentivement de ces idées directrices afin de ne point courir le risque de voir leurs travaux s’égarer dans un ténébreux enchevêtrement fait d’un excès de mémoire des textes et de l’inaptitude de le pensée, ainsi surchargée de science statique, à discerner le but des institutions, à en percevoir les fondements et à créer les aptitudes dynamiques qui font le véritable chef.

 

Article paru dans le Journal de la Formation Professionnelle n°3 de Janvier 1951.

 

Illustration : Képi de Directeur, circa 1942.
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