Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Précis d’histoire du drapeau des bataillons des douanes
Avant propos
A l’occasion du centième anniversaire de la remise du drapeau des bataillons des douanes, l’administration avait pris l’initiative de publier une plaquette d’information pour commémorer l’évènement. Vingt huit années se sont écoulées et l’AHAD a considéré qu’il convenait de rappeler aux douaniers entrés en fonction depuis 1980 l’historique de cet emblème. C’est donc le but de ce précis qui reprend l’exposé de la précédente plaquette et le complète. Les grandes dates de l’histoire du drapeau et les bataillons à la garde desquels il a été confié y sont ainsi précisés. Les combats menés par les douaniers aux frontières ; et en particulier lors du premier conflit mondial qui a valu l’attribution de la croix de guerre avec palme au drapeau ; y sont également rappelés. Le drapeau, emblème du corps des douanes, se voit chaque année présenter les nouvelles promotions d’agents des brigades et participe avec sa garde d’honneur aux évènements marquants de la vie de l’administration.
Le président
Roland GIROIRE
La remise du drapeau des bataillons des douanes Le 14 juillet 1880
C’est à l’occasion de l’instauration de la fête nationale, qui après avoir eu lieu à différentes dates, sera désormais célébrée le 14 juillet, que s’est déroulée à Longchamp la cérémonie de remise du drapeau des bataillons douaniers.
Une grande fête nationale
La fête, ce 14 juillet 1880, c’est aussi la grande réconciliation du peuple avec l’armée et de l’armée avec le pouvoir républicain.
Après le désastre de 1870 et les drames de la Commune, les régiments ont été reconstitués et le redressement militaire du pays est assuré.
Les cérémonies militaires sont organisées dans la plaine de Longchamp, où se pressent plus de 300 000 personnes.
Une tribune officielle a été édifiée, face aux tribunes du champ de courses.
Elle est recouverte de toile rose, à raies rouges. Cent fauteuils en velours rouge sont occupés par les ministres qui entourent M. de Freycinet, président du conseil, le corps diplomatique et les hauts dignitaires. Deux autres tribunes sont réservées aux sénateurs et aux députés.
Les troupes d’infanterie sont disposés sur trois lignes de colonnes. Elles sont encadrées, aux extrémités de l’hippodrome, par l’artillerie, alors que les régiments de cavalerie se tiennent en arrière. Les musiques sont en face de la tribune officielle.
Les 436 députations des corps de terre et de mer qui doivent recevoir drapeaux et étendards forment une longue colonne. Chacune d’elles est composée du chef de corps, d’un capitaine, de l’officier porte-drapeau et de 5 hommes.
La douane présente
En avril 1875, le maréchal de Mac Mahon a fixé une nouvelle organisation militaire des douanes. Chacune des 32 inspections forme, pour la mobilisation, un bataillon de douane qui comprend autant de compagnies, actives ou territoriales, que de capitaineries. Dès leur appel à l’activité, les bataillons font partie intégrante de l’armée et jouissent des mêmes droits, honneurs et récompenses que les corps de troupes.
Aussi, le 19 juin 1880, le ministre des finances, M. Magnin, en accord avec le directeur général des douanes, M. Ambaud, a-t-il demandé au ministre de la guerre de faire participer les bataillons des douanes à la distribution des drapeaux qui doivent être remis pour la fête nationale. Il a souligné que ces bataillons sont «disciplinés et instruits militairement, armés et approvisionnés comme les autres corps, habitués aux fatigues, comme aux dangers, par un service qui les tient constamment en campagne». Il a également indiqué que, comme pour les chasseurs à pied, un seul drapeau serait remis pour l’ensemble des bataillons.
M. GREVY à Longchamp
A midi et demie, le président de la République, Jules Grévy, arrive à Longchamp dans sa calèche. Les tambours, clairons et trompettes battent et sonnent «aux champs». Une salve de 21 coups de canon est tirée des bords de la Seine.
Sur l’estrade à laquelle donne accès un large escalier, M. Grévy est accueilli par M. Léon Say, président du Sénat, et M. Léon Gambetta, président de la Chambre.
Le ministre de la guerre, le général Farre, entouré d’une brillante escorte, plus de 40 généraux à cheval, vient de saluer et passe au galop sur le front des troupes.
Avant de remettre les drapeaux et les étendards, le président s’adresse aux délégations des unités : «Recevez-les comme les témoins de votre bravoure, de votre fidélité au devoir, de votre dévouement à la France qui vous confie, avec ces nobles insignes, la défense de son honneur, de son territoire et des lois».
La foule est enthousiaste. On crie «Vive l’Armée !», «Vive la République !».
La distribution des drapeaux
La délégation des bataillons des douanes fait partie du premier groupe, placé sous les ordres du général Clinchant, gouverneur de Paris.
Ce groupe comprend les délégations de Saint-Cyr, de la gendarmerie mobile, de la garde républicaine à pied, des sapeurs-pompiers de Paris, du 25è bataillon de chasseurs, qui reçoit le drapeau des chasseurs, de deux régiments de pontonniers, de quatre régiments du génie, du 29è bataillon de douaniers, caserné au Havre, des chasseurs-forestiers, de l’école de Saumur, de la garde républicaine à cheval, du 19è escadron du train des équipages qui reçoit l’étendard du train.
Les colonels montent sur deux files de chaque côté du grand escalier d’honneur et les porte-drapeaux s’avancent dans le même ordre par des couloirs aménagés dans la tribune. Ils se rencontrent sur l’estrade. Le colonel reçoit l’emblème des mains du porte-drapeau, passe devant le chef de l’Etat et le salue en inclinant la hampe jusqu’à terre. Au bas des marches, il remet l’emblème au porte-drapeau qui va rejoindre la députation de son unité.
Ce mouvement continue pendant une heure, ponctué de demi-minute en demi-minute par les 100 coups de canon tirés du Mont-Valérien.
La revue et le défilé
Alors que le ministre passe les troupes en revue, dans les tribunes on s’arrache des exemplaires de l’Officiel. Le gouvernement républicain a décerné plus de 600 croix de la Légion d’honneur. Plusieurs officiers des douanes sont d’ailleurs distingués à cette occasion.
Les emblèmes décorés de plusieurs régiments sont chaleureusement acclamés, cependant que les trois présidents saluent les drapeaux qui s’inclinent en passant devant les tribunes.
A quinze heures, 21 coups de canon annoncent la fin de la cérémonie. La foule, enchantée, gagne les allées du Bois de Boulogne, et les équipages et les fiacres rejoignent l’avenue des Champs-Elysées.
En demandant au ministre de la guerre d’associer les bataillons des douanes à cette fête des drapeaux, le ministre des finances l’avait assuré que le service des douanes, «…troupe d’élite sur laquelle peut compter, en toutes circonstances, le gouvernement de la République…» est digne de cet honneur, et que son «passé prouve qu’à l’occasion il défendrait vaillamment le drapeau confié à sa garde».
Le drapeau des bataillons des douanes
Le drapeau unique pour l’ensemble des bataillons -comme pour les chasseurs à pied- comporte :
– une hampe surmontée d’un fer de lance doré portant sur la face RF et sur le revers BATAI LLONS DES DOUANES ;
– une cravate bleu blanc rouge sur laquelle est épinglée la croix de guerre 1914-1918 avec palme ;
– sur la soie :
. à l’avers REPUBLIQUE FRANCAISE BATAILLONS DES DOUANES
. au revers HONNEUR ET PATRIE
. aux quatre angles une couronne de lauriers.
Garde du drapeau
Le drapeau a été successivement confié à la garde :
– du 29ème bataillon du Havre le 14 juillet 1880
– du 16ème bataillon de Marseille (1)
– du 19ème bataillon de Bordeaux le 8 août 1897 (1)
– du bataillon d’Alger le 5 avril 1903 (2)
– du 29ème bataillon du Havre le 15 mai 1903 (3)
– du 1er bataillon de Dunkerque en avril 1917 (4)
– du 8ème bataillon de Strasbourg en 1921
– du 9ème bataillon de Mulhouse le 2 mars 1936 (5)
– du bataillon n° 1 à Paris le 10 juin 1940 (6)
– de la direction générale durant le conflit
– de l’école nationale des douanes de Neuilly le 12 mai 1950 (7)
– de l’école des brigades des douanes de Montbéliard le 15 décembre 1951 à l’occasion de son inauguration (8)
– de l’école nationale des brigades des douanes de La Rochelle le 1er octobre 1967 où il demeure toujours
Quatre drapeaux ont été successivement utilisés.
Le premier drapeau est exposé au musée national des douanes et le second y est conservé.
Le troisième est conservé à l’école nationale des brigades des douanes et le quatrième y est en service.
1 Petit journal du 8/8/1897
2 Annales des douanes 1903 p. 83
3 Annales des douanes 1903 p. 101, 102 et 141
4 Annales des douanes 1917 p. 102
5 Note DG Chaudun n° 1199 du 2/3/1936
6 Revue des douanes n° 77 du 22/1/1952 et JFP n° 54 de Février 1956
7 Revue des douanes n° 44 du 6/6/1950
8 JFP n° 54 de février 1956
Les grandes dates de l’histoire du drapeau des bataillons douaniers
14 juillet 1880
Le drapeau des bataillons douaniers est remis au bataillon du Havre lors de la revue de Longchamp.
Plus de 400 drapeaux et étendards furent alors remis aux unités reconstituées de l’armée française.
14 juillet 1919
Un détachement de douaniers avec le drapeau participe au défilé de la Victoire.
Selon C. Pelerin (le fonctionnaire ancien combattant 1979) :
«Ce défilé triomphal se déroule de la porte Maillot à la place de la République en passant par la place de l’Etoile, les Champs Elysées, les places de la Concorde, de la Madeleine, et de l’Opéra puis les Grands Boulevards.
En tête du cortège mille mutilés précèdent les maréchaux Foch et Joffre et les délégations militaires des armées alliées. Les détachements des armées françaises sont placées sous le commandement du maréchal Pétain que suivent le général de Castelnau et le général Berdoulat, gouverneur de Paris, qui a incorporé les douaniers à son détachement.
Le premier groupe est emmené par les musiques de la 7ème division et compte des sections représentant l’Ecole Polytechnique, l’Ecole de Saint Cyr, la gendarmerie, la garde républicaine, puis des compagnies de sapeurs pompiers, du génie, de l’infanterie territoriale, ainsi que des sections de douaniers, de forestiers, d’infirmiers et de brancardiers.
Huit autres détachements représentant les vingt et un corps d’armée, les délégations des troupes coloniales, de l’armée d’occupation, de l’armée d’Orient, de l’armée d’Afrique, de la marine, de l’artillerie, de la cavalerie et de l’artillerie d’assaut poursuivent.
De prestigieux pilotes survolent le défilé des mille drapeaux pendant que le canon tonne et qu’il pleut des fleurs et des bouquets sur ces vingt mille soldats.»
15 janvier 1921
Le général Humbert, gouverneur militaire de Strasbourg épingle la croix de guerre avec palme au drapeau des bataillons douaniers.
Cette décoration du drapeau fait suite à la citation de la garnison de Longwy à l’ordre de l’Armée par le Ministre de la Guerre le 13 Mai 1920 pour la défense héroïque de la place au cours de laquelle le bataillon des douanes s’est particulièrement distingué.
26 août 1944
Le drapeau entouré d’une garde d’honneur (douaniers en service au ministère des finances) et porté par le lieutenant des douanes Simon est présenté 93 rue de Rivoli au général de Gaulle qui revenant des Champs Elysées se rend à Notre Dame et à l’Hôtel de Ville.
12 mai 1950
L’école nationale des douanes, lors de son inauguration, reçoit la garde du drapeau.
15 décembre 1951
Le drapeau (un nouveau, l’ancien étant conservé à Neuilly à titre de souvenir historique) est transféré à l’école des brigades de Montbéliard.
1er octobre 1967
Avec l’installation à La Rochelle de l’école nationale des brigades le drapeau quitte Montbéliard pour être confié à la nouvelle école.
19 décembre 1980
Le centième anniversaire de la remise du drapeau des bataillons est célébré à l’école nationale des brigades des douanes, à l’occasion de la sortie de la 59ème session de préposés qui comporte pour la première fois un recrutement féminin.
Historique du corps militaire des douanes
L’histoire du drapeau des bataillons de douaniers est inséparable de celle du corps militaire des douanes.
Déjà sous la ferme générale
Les brigades étaient organisées militairement sous la Ferme générale (bien que sans uniforme).
Les «gardes» (préposés de l’époque) étaient réunis en unités (brigades) encadrées par des brigadiers et sous-brigadiers. Plusieurs brigades formaient une lieutenance et deux ou trois lieutenances une capitainerie générale. Déjà à cette époque, on comptait d’assez nombreux anciens militaires au sein du service actif qui engagea de véritables batailles rangées contre Mandrin.
La période révolutionnaire
La Révolution conserva ce type d’organisation, ainsi que les appellations militaires de l’encadrement (lieutenants et sous-lieutenants, lieutenants d’ordre et principaux, capitaines de brigades). Jusqu’alors cependant les brigades n’avaient pas été appelées à jouer un rôle sur le plan militaire. Ce sont les guerres de la Révolution et de l’Empire (guerre étrangère et guerre civile) qui vinrent modifier la physionomie des choses.
Les premiers signes d’une évolution apparurent à partir de 1792. On vit alors des unités formées de douaniers se porter, par petits groupes ou en formations plus importantes, vers les points de concentration des armées pour participer à la défense de la «Patrie en danger».
Un rôle important sous l’empire
Les conquêtes impériales qui allaient par la suite porter les limites de la France non seulement sur le Rhin, mais jusqu’à Hambourg, Trieste et Rome accentuèrent et surtout rendirent en quelque sorte permanente la militarisation de fait des brigades. Ce n’est pas qu’elles aient été appelées à participer aux grandes batailles, ni même qu’elles se soient trouvées placées sous l’autorité des généraux, simplement elles se militarisèrent par la force des choses.
En uniforme depuis 1801 (et en uniforme directement inspiré de l’uniforme militaire), elles furent en effet appelées à se transporter en pays étranger, avec armes et bagages, pour y établir postes et bureaux sur les nouvelles frontières, ainsi que pour y faire respecter, au besoin par la force, les lois de l’Empire, notamment les lois prohibitives du Blocus.
Les années 1813-1814 furent parquées par l’abandon des pays conquis et ensuite par l’invasion du territoire. Les ordres étaient, pour la douane, de se replier en bon ordre en maintenant un cordon de surveillance douanière. Des unités douanières se mirent à la disposition de l’armée, soit pour concourir à la défense des places fortes, soit pour retraiter en combattant. Pyonnier, le directeur de Hambourg, constitua une légion qui se couvrit de gloire pendant le long siège de la ville, s’attirant l’estime de Davout.
Parmi les faits d’armes les plus notoires, il faut citer encore les combats de retardement menés en Savoie par les douaniers d’Adine, et Dubois de Romand, ainsi que la participation des douaniers de Clerget aux combats de Champagne et celle d’un bataillon du nord à la bataille menée sous Paris. La correspondance de Napoléon nous révèle que l’Empereur aux abois réclamait l’envoi de «chasseurs verts» qu’il considérait comme une troupe d’élite capable de renforcer la garde impériale.
L’organisation militaire des douanes en 1831
Au lendemain de la Révolution de 1830, la France craignait la reconstitution de la grande coalition de 1814-1815 et se mettait en état de se défendre. C’est alors qu’il fut décidé (ordonnance de 1831) que la douane active serait appelée à concourir à la défense du pays en se constituant, dès le temps de paix, en bataillons de réserve et compagnies de guides. Les bataillons de réserve formeraient une infanterie de ligne appelée à participer, comme en 1815, à la défense des places ainsi qu’au service des batteries côtières ; quant aux compagnies de guides, elles éclaireraient la marche des troupes de ligne.
Trois dispositions importantes furent prises. La première consistait à confondre les structures administratives et les structures militaires : la direction formait une légion, l’inspection, un bataillon, la capitainerie, une compagnie, cependant que les chefs administratifs demeuraient placés à la tête des diverses unités. La seconde mesure consistait à subordonner à une ordonnance royale la mise à la disposition du commandement militaire des bataillons de douaniers. La troisième mesure tendait à limiter cette mise à disposition au cas de guerre défensive menée sur le sol français.
Ainsi se trouvait sauvegardée l’indépendance chère au coeur des hauts responsables de la douane.
La guerre de 1870
En 1870 les brigades échelonnées le long des frontières sont appelées à échanger les premiers coups de feu avec l’ennemi.
Dès le 23 juillet 1870, les préposés Monty et Lejust de la brigade de Schrekling (en Moselle) sont assaillis par l’infanterie prussienne. Monty est tué sur place sous le nombre, Lejust est atteint de 19 blessures.
A Strasbourg la 2ème légion des douanes (400 hommes) prend part à la défense de la ville, sous les ordres du directeur, M. Marcotte, On compte 8 morts et 25 blessés aux avant-postes. 339 sous-officiers et préposés (avec leurs 3 officiers) sont emmenés à Rastadt comme prisonniers. M. Marcotte est interné à Colbentz. Mais ce sont les douaniers qui, au cours d’un vif engagement avec les assiégeants, ont fait les premiers prisonniers ennemis.
Les agents des douanes prennent également part, avec bravoure, à la défense des places de Belfort, Neuf-Brisach, Bitche, Thionville, Longwy et Montmédy. Enfin, 4 000 douaniers, soit cinq bataillons complets, participent à la défense de Paris. Les agents de la direction des douanes de Paris servent dans leurs bataillons de quartier et ceux de la direction générale dans le bataillon spécial du ministère des finances.
Les deux guerres mondiales
Durant les deux dernières guerres les douaniers ont payé un lourd tribut à la défense du pays. Les actions, en août 1914, de la compagnie des douaniers de forteresse de Longwy et des autres unités de la place ont fait l’objet d’une citation à l’ordre de l’armée et permis de décorer le drapeau des douanes de la croix de guerre avec palme. Les bataillons douaniers ont également combattu aux sièges de Maubeuge et de Lille.
En 1940 les bataillons formés dans le nord en particulier furent pris dans la tourmente des mois de mai et juin. Celui de Dunkerque fut activement impliqué dans la bataille qui se livra dans son secteur.
Au cours de la grande guerre la douane a déploré 1 421 agents morts pour la France et 1 885 blessés.
Après la deuxième guerre mondiale on a inscrit à nouveau les noms de 326 douaniers, morts ou disparus, sur le livre d’or du corps des douanes.