Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Poème : « Le douanier » de Jean Condou
Dans le cadre de « la douane littéraire », nous inaugurons ici ce « Florilège des douaniers qui se piquent de poésie » que nous avions annoncé en janvier 2022 et que nous alimenterons au fil des éditions au gré de nos trouvailles mais aussi, nous l’espérons bien, grâce à de nouvelles contributions que vous êtes invités à nous faire parvenir.
Le poème de Jean Condou que nous invitons à découvrir fut publié en 1956 et rejoint au sein de ce Florilège, le » procès-verbal versifié de Jean Antoine Trimolet » présenté en janvier 2022.
Pour consulter l’ensemble des poèmes recensés sur ce site, il vous suffira d’utiliser notre moteur de recherche avec la référence « Florilège ».
Le douanier
La tempête au dehors a balayé les rues,
L’éclair étincelant qui sillonne les nues
Menace de son feu. Pas un être vivant :
Tout se cache et s’enfuit. Soulevés par le vent,
Les toits hospitaliers, en sifflements funèbres,
Semblent se déchirer, et, parmi les ténèbres,
Chacun s’en va goûter un tranquille repos ;
La porte est verrouillée et les volets sont clos.
Il sort, lui, cependant, l’humble fonctionnaire,
Celui qui par ce temps garde la frontière :
Le douanier. C’est l’heure où l’austère devoir
L’appelle dans les champs pour y veiller ce soir.
Visage fouetté par la neige durcie,
Son premier ennemi c’est du vent la furie,
Il lutte, résigné, sur le sentier glissant,
Tombe, puis se relève. Oh ! quel drame angoissant
Se déroule en son coeur lorsqu’à l’abri d’un chêne
Il songe tristement : « L’orage se déchaîne
Pour moi seul, car là-bas, le sommeil de la nuit
Berce tous mes pareils puisque le jour a fui ;
Des rêves enchanteurs hantent les rideaux roses …
Loin du froid et du vent doucement ils reposent ».
Soudain, un bruit, des pas, parmi les flaques d’eau,
Il surgit du taillis. « Qui vive ? » – un gros ballot
Vient de choir lourdement et dans son épouvante
Un homme s’est lancé qui dévale la pente.
Le bois craque au passage. Il regarde : Minuit !
Tandis qu’au fond du val où son esprit le suit
Le nocturne fuyard a modéré sa course …
Il contemple la prise, en soupçonne la source,
Puis la tire à l’écart. Il narrera demain
Cet exploit dans l’orage. On serrera sa main …
Les journaux le diront en paroles banales ;
– Mais qui donc comptera tant de nuits cruciales,
Celles des douaniers sous la neige et le froid,
Ces marches sans histoire où se combat l’effroi ?
Qui donc reconnaîtra ces âpres randonnées
Par les chemins fangeux, les pistes ravinées ?
Dieu seul, dis-tu. Pourtant au retour, je crois voir
Du bonheur sur ton front : C’est celui du devoir.
Jean Condou (1)
Note (NDLR JFP 1957):
{1).— Jean Condou, actuellement retraité, était encore en 1954, Adjudant-chef des douanes à St-Lary. Il est l’auteur d’un recueil de poésies paru en 1940 » Fleurs de la Neste ». Nous remercions M. Borgès, Directeur-adjoint à Pau, de nous avoir adressé le poème, ainsi que d’autres du même auteur et que nous nous ferons un plaisir de publier dans notre revue.
Journal de la Formation Professionnelle
n° 61
Novembre-décembre 1956