Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Petite histoire de l’armement douanier
I – QUELQUES REPÈRES HISTORIQUES :
C’est le secrétaire d’Etat à la guerre de Louis XIV, Michel le Tellier, Marquis de Louvois qui rationalisa les différents types d’armes en usage dans l’Infanterie du Roi de France, dont les modèles et les calibres étaient différents selon les régiments. Louvois désigna Maximilien Titon comme Directeur général du Magasin Royal des Armes de la Bastille créé en 1665. Deux manufactures de statut privé à Charleville et à St Etienne furent créées.
De nombreux artisans façonnaient les petites pièces dans leurs boutiques. Grossiers, menuisiers et ébénistes travaillaient les pièces de noyer. Toutes ces pièces terminées étaient livrées à la MANU, où elles étaient contrôlées et assemblées.
Les officiers d’artillerie qui constituaient l’encadrement, contrôlaient la bonne qualité des armes qui ne pouvaient être mises en service qu’après avoir été revêtues de leurs poinçons. Il y avait une arme «modèle de contrôle» dans chaque manufacture. Fusils et pistolets étaient ensuite stockés au «magasin Central à Paris» principalement celui de la Bastille, avant d’être cédés aux régiments (1).
L’excellent fusil à pierre de 1717 devient à cette date le modèle réglementaire militaire qui se substituera aux armes d’armuriers privés, amenant une innovation technologique majeure par l’interchangeabilité des pièces.
Cette arme donnera naissance à plusieurs modèles dérivés jusqu’en 1822.
Il faudra attendre 1841 pour que la France adopte la technologie de la mise à feu par percussion d’une capsule de fulminate, mais en conservant le système très lent du chargement par la bouche.
Le chargement par la culasse, autre innovation technique se concrétisera avec le CHASSEPOT modèle 1866, arme française à verrou et aiguille utilisant des cartouches combustibles en papier d’un calibre 11 millimètres.
Cette arme précédera le fusil LEBEL 1886 – 1893 premier fusil de guerre de petit calibre employant les poudres sans fumées et disposant d’un magasin tubulaire de 8 cartouches sous le canon.
II – LA POLITIQUE DE L’ARMEMENT :
Après la révolution c’est l’article 15, Titre XII de la loi organique des Douanes du 22 août 1791 qui a conféré aux préposés des Douanes pour l’exercice de leur fonction le port d’armes à feu et autres. Cet armement consiste en un fusil et sabre. Aucun autre texte ne définissait autrement l’armement si ce n’est l’usage.
Les agents des brigades des Douanes généralement issus des fantassins avaient porté sous le régime militaire un sabre court suspendu à un baudrier. Le sabre dit «briquet» était habituellement porté comme arme secondaire par l’infanterie du 18ème siècle en plus du fusil et de la baïonnette. Le sabre évolua jusqu’au modèle de 1816.
Un règlement du 25 février 1815 sur «les Masses» prescrit pour l’armement des préposés l’emploi exclusif du mousqueton.
Une circulaire du 4 mars 1815 annonce aux Directeurs l’envoi d’un fusil de calibre dit mousqueton «destiné à servir de modèle pour l’armement des préposés».
Jusque là, l’armement était disparate, l’employé devait d’ailleurs payer son armement. Les Directeurs étaient autorisés à traiter directement avec les armuriers fabriquants, «par les voies les plus promptes et les plus économiques».
Une circulaire du 20 juin 1816 mit fin à cette dernière disposition en obligeant les Directeurs à se fournir auprès des manufactures du Gouvernement.
Cette circulaire précisait d’ailleurs : «Son excellence le Ministre de la guerre m’a fait connaître qu’il désirait que les armes des préposés fussent désormais tirées des Manufactures du gouvernement, qui peuvent livrer au prix de 24 à 25 francs des fusils neufs, n° 1, à la vérité moins bien finis que ceux de la troupe, mais tout aussi solides».
Cette mesure fut étendue le 11 février 1817 aux sabres destinés aux préposés à pied et aux cavaliers.
Mais, en août 1817, le Directeur général constate que cette tentative d’harmonisation de l’armement est difficile à mettre en oeuvre. Certains Directeurs demandent des fusils d’infanterie, d’autres des fusils de dragons parce que leurs préposés, sont déjà pourvus de ce type d’arme. Un «conseil d’équipement» tenu au niveau national est chargé de mettre en application une certaine uniformité.
Selon cette directive le fusil qui paraît convenir le mieux à la Douane est le fusil dit «de voltigeur» qui est de quatre pouces plus court que le fusil
d’infanterie de ligne.
Une inspection (publiée dans une circulaire du 22 décembre 1822) réalisée au moment d’un versement d’armes à la Direction de l’artillerie montre que l’armement restait passablement hétéroclite et que les efforts d’unification restaient considérables.
En effet, sur 76 mousquetons :
– 25 sont sur le champ jugés inaptes à être remis au service étant formés de platines et pièces de garnitures dépareillées et de toutes nations (on à même reconnu une platine russe de la fabrique de Toula).
– 18 ont été reconnus hors service comme présentant des défauts essentiels aux canons.
– 33 sont reconnus susceptibles d’être admis après réparations.
Il s’agit de deux modèles de 1786 et de 31 modèles de l’an 9.
En 1832, des plaintes parviennent au Directeur général sur le fait que les mousquetons fournis par les manufactures à la Douane, étaient de moins bonne qualité que ceux fournis au département de la guerre. Il est donc arrêté que l’Administration des Douanes ne demandera pour l’armement de ses préposés que des fusils de voltigeurs entièrement conformes au modèle régulier de 1822. Le prix sera également le même que celui fait au Ministère de la guerre.
Mais les préposés avaient pris l’habitude d’utiliser la nuit un fusil plus ancien afin de ménager leur fusil neuf. Cette pratique simplement tolérée allait à l’encontre de l’harmonisation recherchée, car elle laissait perdurer de vieilles armes. Une instruction du 18 décembre 1841 rappelle ce principe : «Il a d’ailleurs été toujours entendu que les fusils de nuit devraient toujours être complètement en état de faire feu. Tout fusil de chasse, tout fusil de fantaisie doit être sévèrement proscrit. Tout fusil en mauvais état doit être immédiatement réformé.»
A cette date, de personnelle, la dotation de l’armement devient fonctionnelle : Les préposés devront désormais en cas de mutation, laisser leurs armes dans la Direction qu’ils quittent et recevoir de nouvelles fournitures dans la Direction où ils entrent. Un système d’évaluation de la valeur de reprise est mise en place.
Mais le fusil de voltigeur de 1822 présente des inconvénients : il est trop long et trop lourd et les préposés préfèrent continuer à utiliser leur fusil de nuit plus court.
Le choix de l’Administration se porte alors sur un fusil assez court «pour être abrité sous le collet-manteau et auquel serait adapté une baïonnette assez longue pour tenir, au besoin, à distance les adversaires avec lesquels des luttes pourront être soutenues». L’Administration souhaite aussi disposer d’une arme couramment utilisée dans l’armée «afin de toujours trouver des fusils tout fabriqués dans les arsenaux» et de profiter des améliorations.
Elle choisit donc le fusil à percussion établi pour la Gendarmerie le 17 février 1844. Cette arme a un calibre de 11 mm et présente 4 rayures. Elle tire la même cartouche que le fusil d’infanterie, le mousqueton d’artillerie et le fusil 1878 de la Marine.
Elle étend cette mesure aux pistolets le 28 mars 1844, en adoptant le pistolet de la Gendarmerie mis à percussion.
Il est formellement interdit de charger à plomb les armes de guerre sauf, sur les pantières où la contrebande, à l’aide de chiens, le nécessite.
En septembre 1845, les piquets de cavalerie voient leur équipement renouvelé : «Les mousquetons de la cavalerie légère et les pistolets d’arçon seront remplacés par le mousqueton et le pistolet de la Gendarmerie. Le sabre de la cavalerie légère (modèle de 1842) sera substitué au sabre à la hussarde d’ancien modèle.
La gratuité des services de l’habillement, de la coiffure et de l’équipement ne sera accordée qu’en 1908. A cette date, l’armement se compose en principe de fusils modèle 1886, de revolvers modèle 1873- 74 et de sabres d’adjudant modèle 1845.
Les agents sont responsables des armes qui leurs sont confiées. En cas de perte ou de destruction, la valeur en est retenue sur les appointements pour être versée au service de l’artillerie chargé de pourvoir au remplacement.
J.F. BEAUFRERE