Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Napoléon et les douaniers: le coup de gueule de L. Leducq

Mis en ligne le 1 mai 2021

 

N.D.L.R (1957): Nous reproduisons ci-après le texte d’une courte allocution de L. Leducq (*), diffusée la mardi 4 décembre 1956 par le poste « Radio-Lorraine ».

 


 

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Napoléon, dit-on, a gagné ses batailles avec les jambes de ses soldats; son ennemie, l’Angleterre, les gagnait, dit-on- aussi, avec la cavalerie de Saint-Georges, avec son or. C’est elle qui, finalement, l’a emporté, à Mont-Saint-Jean où pour la deuxième fois, l’Empire s’est effondré.

 

Les causes des désastres de 1813 à 1815 sont nombreuses. La principale a pris naissance, très certainement, à Berlin, le 21 novembre 1806, quand Napoléon a, non pas inventé, mais voulu mettre en application le système du blocus continental qui, d’annexion en tentatives d’annexion, l’a amené à Moscou.

 

C’est avec l’armée des Douanes, dont l’importance était aussi considérable que celle de l’Etat-Major, qu’il tentera de s’opposer à l’introduction des marchandises anglaises en France, partout où il a des troupes, chez ses alliés et ses adversaires. Partout, de Rostock à Genève et à Bayonne, en Dalmatie, en Espagne, en Italie, au Portugal, la Douane impériale monte la garde, saisit les denrées coloniales et les produits anglais, séquestre, confisque et enfin brûle, tout en se battant, chaque nuit, contre l’Anglais.

 

L’Empereur qui sait, que pour faire triompher sa politique commerciale, il ne peut compter que sur eux, les défend; ils les défend contre sa famille et l’Impératrice elle-même, qui ne peut résister à l’attrait des châles et cachemires britanniques, ce qui vaut d’ailleurs au jeune Collin de Sussy, Directeur des Douanes à Anvers et fils du Directeur Général de se faire limoger. Il les défend contre ses généraux: Soulès qu’il menace de fusiller s’il touche à un douanier, Rapp à Dantzig, contre les Consuls, contre Lebrun, gouverneur de Hollande, à qui il interdit de se mêler des Douanes après lui avoir rappelé que les douaniers doivent être soutenus.

 

Il les défend, mais ne les récompense guère; il les laisse mourir de fièvre dans les polders hollandais qu’il a jugés trop malsains pour ses soldats, il rogne sur les parts de prise qui leur reviennent.

 

Et pourtant, en 1813, en 1814, en 1815, les douaniers se formeront eux-mêmes en régiments et en bataillons, avec leurs drapeaux : à Hambourg avec Pyonnier, sous Davout dont ils constituent la garde, à Thionvillle avec Clerget, à Belfort sous Lecourbe, en Savoie avec Dubois-Aymé, à Huningue sous Barbanègre. Partout, en campagne et dans les places fortes, les verts se font, tout aussi bien que les bleus, trouer par la mitraille.

 

Ils méritent une place dans l’Histoire. Or, la légende elle-même (mais c’est sans doute bien mieux ainsi) ne s’est pas occupé d’eux. J’ai pensé qu’il était temps de faire sortir de l’ombre ces héros.

 

 

Léon Leducq 

 


 

(*) NDLR: Léon Leducq, ancien directeur des douanes, était un passionné d’histoire de la douane qui a beaucoup oeuvré pour la sauvegarde de documents relatant le passé de cette administration. Il a notamment constitué un fonds documentaire qui a été remis au musée national des douanes en 1985 (Bulletin d’information  de l’AHAD n° 9 – Juin 1985).

(**) Gravure E. Fort  (1813 Légion de douane à Hambourg)

 


 

 

Journal de Formation professionnelle

(Chronique du temps passé)

N° 63

Février 1957

 


 

 

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