Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Maubeuge 1944: le sacrifice d’un groupe de douaniers

Mis en ligne le 1 mars 2020

Le témoignage ci-dessous sur l’engagement des agents des douanes contre l’occupant durant le second conflit mondial s’inscrit dans le cadre de notre évocation initiée en janvier dernier et intitulée « des bataillons douaniers de 40 à la France Combattante ».

 


 

 

Résistance et libération à Maubeuge

(31 août – 4 septembre 1944)

Le sacrifice d’un groupe de douaniers

 

Dans la semaine précédant la libération, Maubeuge fut le point de passage de la retraite allemande vers la Belgique. 

 

Les résistants multiplièrent les actes de sabotage et de harcèlement, s’en prenant aux soldats isolés, pour récupérer leurs armes, édifiant la nuit des barricades aux carrefours, parsemant les chaussées de clous pour immobiliser les véhicules, etc… II est indéniable que le but recherché fut atteint; la retraite fut suffisamment retardée pour permettre aux Alliés l’encerclement d’unités allemandes. 

 

 

Si la plupart de celles-ci étaient désorganisées et démoralisées, des groupes de SS s’y rencontraient aussi, qui réagissaient sauvagement lorsque leur route était bloquée.

 

Ce fut le cas à Douzies où un cheminot et son fils, d’abord requis pour réparer des pneus, furent ensuite abattus. De même à Solre le Château, les principaux notables furent exécutés en représailles sur la Grand Place.

 

 

Journée du 31 août

 

Le préposé des douanes Bocquet, accompagné du jeune Marc Braud, fils du capitaine des douanes Jean Braud, commandant la 33ème compagnie de. F.F.I., repèrent un convoi de 105 prisonniers russes, cheminant route de Mons en direction de la Belgique. Ils préviennent le capitaine Braud, qui les rejoint avec le lieutenant Segala et les douaniers Glineur, Monin et Landbuch, ainsi que le jeune scout F.F.I. Philippe Batail. Leur but est de faire évader ces prisonniers, si une occasion favorable se présente. Le capitaine Braud a invité ses hommes à ne pas prendre d’armes pour éviter d’éventuelles représailles.

 

 

Au lieu-dit La Grisoëlle, des habitants se mêlent aux prisonniers pour leur remettre des victuailles. Le désordre qui en résulte désorganise la surveillance et un garde polonais promet de ne pas s’opposer à la fuite les Russes. Au carrefour de Mairiewi, le capitaine Braud en profite pour entraîner deux officiers russes dans le chemin du Grand-Bois, d’autres captifs s’empressent de les suivre.

 

 

Les sentinelles ouvrent le feu et, d’un camion arrivant de Belgique, des SS prêtent main-forte. Le préposé Glineur blessé, Jean Braud et Philippe Batail se réfugient dans une maison, les deux douaniers montant au grenier. Les Allemands s’en étant rendu compte, les somment de se rendre et le capitaine Braud redescend. L’officier SS, sachant qu’un homme est resté en haut, fait ouvrir le feu et, dans la confusion, reçoit une balle perdue. Fou de rage, il abat J. Braud et Glineur, fait mettre le feu à la maison, dans les décombres de laquelle on retrouvera Ph. Batail carbonisé.

 

L’officier SS décède peu de temps après au milieu de ses hommes qui, se sentant harcelés, repartent vers Mons. Les prisonniers russes évadés purent se réfugier au Grand-Bois, notamment chez Jean Foret, qui reçut par la suite la médaille du Courage soviétique.

 

Le samedi 2 septembre

 

Vers 15 heures la 3ème division blindée américaine, commandée par le général. Rose, délivre Maubeuge en franchissant la Sambre à Louvroil, sur le seul pont utilisable préservé par la Résistance. La population fêta les libérateurs, qui ne firent qu’un court arrêt, avant de foncer vers Mons pour couper la route de la retraite.

 

 

Journée du 3 septembre

 

A l’aube, des groupes isolés d’Allemands passent encore route de Mons, déchargeant leurs fusils sur les fenêtres pavoisées. Les Américains reprennent la situation en main au cours de la matinée, après un bref combat. Les F.F.I. se chargent du nettoyage de la région, faisant plus de 3 000 prisonniers à l’issue de combats sporadiques.

 

Dans ces circonstances, le brigadier-chef Malésieux, Alsacien replié à Feignies, opérait avec beaucoup d’intrépidité et fut malheureusement abattu au fort de Vaux, où un important groupe ennemi s’était retranché. Se sentant encerclés, les Allemands se rendirent dans la journée. 

 

Faut-il préciser que ce grand patriote avait un compte à régler avec eux ; son fils enrolé de forcé dans la Wehrmacht avait été tué sur le front russe.

 

Journées des 3 et 4 septembre

 

Les Américains tenant la route de Mons, bloquaient une forte colonne allemande à Gagnies-Chaussée. Leur aviation y anéantit, en de nombreuses vagués d’assaut, plus de quatre cents véhicules et engins blindés. Puis la poche de Mons fut résorbée et 27 000 Allemands faits prisonniers. En épilogue le général Rose fut tué à Paderborn le 30 mars 1945 ; engagé volontaire, il avait combattu en Argonne en 1917.

 

 

Ces pages d’histoire étant tournées, il convient de saluer la mémoire des trois agents des douanes disparus. Certes ils furent téméraires, alors que l’ennemi était en déroute, mais dans l’enthousiasme de la Libération, chacun voulait porter un coup à l’adversaire implacable et ainsi effacer la souvenir de la débacle de 1940. Y aurait-il eu Libération sans de tels actes ?

 

J. Minon

Inspecteur central honoraire

 

(*) Photographies communiquées par M. J-M. Bigorne (nous sollicitons l’indulgence de nos lecteurs pour la qualité des photographies – NDLR)

 

 

 

Cahiers d’histoire des douanes et droits indirects

N° 4 – 1987

 

 

 

 

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