Louis Pierquin, Le soir (Vieilles lunes et défroques), 1894 (9/50)

Mis en ligne le 30 octobre 2025

Louis Pierquin…

 

Le soir (Vieilles lunes et défroques), 1894

 

Au contour des ravins, sur les hauteurs sauvages,
Une molle vapeur efface les chemins.
Leconte de Lisle.

 

Vers le couchant qui s’illumine
Aussi jaune que le genêt,
Le soleil lentement incline ;
Il frise un instant la colline,
Puis s’enfonce dans la forêt,
Aussi jaune que le genêt,
Vers le couchant qui s’illumine.

La hache à l’épaule, à pas lents,
Les bûcherons gagnent la hutte ;
Ils vont évoquant dans leurs chants
Le bon Regnault, preux du vieux temps…
L’appel au loin se répercute…
Les bûcherons gagnent la hutte,
La hache à l’épaule, à pas lents.

Au gré des brises familières,
Dans l’air tout chargé de senteurs
De thym sauvage et de bruyères,
Des essarts, brûlantes tourbières,
Montent des flots d’âcres vapeurs
Dans l’air tout chargé de senteurs,
Au gré des brises familières.

Sur les grands bois silencieux
La nuit bientôt traîne son voile
En des replis mystérieux,
Pendant que, matinale, aux cieux,
Scintille brillante une étoile,
La nuit bientôt traîne son voile
Sur les grands bois silencieux.

C’est l’heure des derniers ramages
Pour les fauvettes, les pinsons
Nichés sous les épais feuillages ;
Les vaches rentrent des pacages
S’attardant à tous les buissons :
Pour les fauvettes, les pinsons,
C’est l’heure des derniers ramages.

Entre les rocs et les roseaux,
La Semoy seule est qui murmure ;
Tout se tait, bûcherons, oiseaux,
Et les clochettes des troupeaux,
Le vent s’endort dans la ramure ;
La Semoy seule est qui murmure
Entre les rocs et les roseaux.

A l’Est, à son tour, s’illumine
Aussi jaune que le genêt ;
Alors qu’au sommeil tout incline,
La lune, en haut de la colline,
Peu à peu sort de la forêt
Aussi jaune que le genêt,
Et l’Est à son tour s’illumine.

   Bohan 1883

 

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France