Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
L’Hôtel des douanes de Chambéry
Parmi les différents hôtels qu’occupe l’administration des douanes, celui de Chambéry est un des plus beaux, tout particulièrement depuis sa restauration réalise par étapes entre 1989 et 1998.
NDLR des Cahiers d’histoire des douanes – 1999
L’hôtel de Clermont Mont-Saint-Jean
La construction de l’hôtel a commencé vers 1784, à l’initiative d’un noble savoyard, Jacques Joseph de Clermont, marquis de Mont Saint Jean, officier dans les armées du Roi de France. Celui ci avait décidé de quitter son austère château du Bugey pour vivre à Chambéry après avoir épousé, en 1780, Louise Adélaïde Mascrany, fille d’un magistrat du Parlement de Pans.
Très certainement influencé par le goût français qu’il avait eu l’occasion d’apprécier dans les différentes villes de garnison où il avait séjourné et au contact de sa belle famille, le marquis de Clermont Mont Saint Jean ne choisit pas un architecte de l’Italie du nord, comme il était alors de régie à Chambéry, mais un architecte de Besançon, diplômé de l’Académie d’Architecture à Pans.
La disposition du bâtiment, entre une cour d’honneur et une cour de service (dite Cour des Communs), est courante en France à cette époque. C’est le seul exemple d’architecture française du XVIIIe à Chambéry.
Député de la noblesse du Bugey aux États Généraux, le marquis de Clermont Mont Saint Jean dut, par la suite, émigrer. Il ne revint jamais à Chambéry.
Lorsque les armées révolutionnaires françaises occupèrent la Savoie en 1792, les aménagements intérieurs de l’Hôtel étaient loin d’être terminés. Celui ci fut confisqué en application de la loi sur les Immigrés et vendu comme bien national.
L’acheteur termina les travaux et modifia la destination du bâtiment pour en faire un immeuble de rapport. En particulier, l’escalier monumental prévu du rez-de-chaussée au premier étage ne fut pas construit.
L’Hôtel fut loué à l’administration des Douanes et Gabelles du Royaume de Sardaigne, partiellement à partir de 1827 et en totalité en 1839. Le 1er mars 1841, cette administration achetait l’Hôtel et ses dépendances.
En mai 1860, lors du rattachement de la Savoie à la France, l’Hôtel des douanes sardes devint l’Hôtel des douanes françaises, la plupart des personnels restant en place ainsi que le Directeur, qui conserva ses fonctions jusqu’à son décès, en 1866.
Par la suite, l’Hôtel ne subit pas de modifications importantes mais il fut endommagé lors du bombardement de la gare de Chambéry par l’aviation américaine en mai 1944.
Sa restauration
La première tranche de travaux a duré de 1989 à 1991. Elle a concerné les façades de l’Hôtel et le fronton Ce dernier, qui comportait les armoiries des deux familles de Clermont et Mascrany et illustrait le métier des armes, avait été presque entièrement martelé par les révolutionnaires français.
Les travaux ont été dirigés par Jacques Desvigne, architecte des Bâtiments de France, car les façades, ainsi que les toitures, sont inscrites à l’inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.
L’objectif a été de redonner aux façades leur simplicité originelle, en accord avec les dimensions du bâtiment (28 m 50 de long sur 22 m de large). Elles ont été nettoyées, les volets extérieurs ont disparu, les fils qui couraient autour du bâtiment ont été cachés et, surtout, toutes les fenêtres et leur encadrement ont été changés. Des petits carreaux ont remplacé les grandes vitres Un vitrage isolant a été posé a cette occasion.
Dans un souci à la fois esthétique et sécuritaire, des grilles ont été placées devant les trois portes fenêtres de la façade principale, ainsi que devant ses fenêtres du rez-de-chaussée, donnant sur la place du Palais de Justice Dessinées par M. Desvigne, elles ont été inspirées par la seule grille ancienne de l’Hôtel et réalisées « à l’ancienne », sans soudure. La même technique a été utilisée pour le nouveau portail de la Cour d’Honneur.
Le fronton a été entièrement resculpté dans du marbre de Carrare par un artiste chambérien, Livio Benedetti. Les restes de l’ancien fronton ont dû être cassés pour faire place au nouveau, monté en plusieurs parties par une grue de dimension exceptionnelle et à l’aide d’un cadre métallique construit spécialement pour ce travail.
La seconde tranche de travaux, 1992 et 1993, a consisté en la réhabilitation du sous-sol de l’Hôtel Celui ci devait, dans les plans d’origine, accueillir la cuisine et ses dépendances Il n’avait en fait probablement jamais été utilisé, si ce n’est pour loger la chaudière de l’immeuble Il était pratiquement à l’abandon. La circulation y était difficile car le sol avait été rehaussé par une couche de terre de 60 cm environ sans doute par crainte des inondations (la ville de Chambéry a été construite sur des marais et la nappe phréatique est très proche).
On imaginait néanmoins quelles belles pièces on pouvait y réaliser, sous des plafonds voûtés qui évoquent ceux du sous-sol de la Maison du Directeur de la Saline Royale d’Arc et Senans, dans le Doubs, construite quelques années avant l’Hôtel des Douanes de Chambéry. L’objectif des travaux fut de restaurer les lieux tout en créant des espaces disponibles pour les besoins administratifs.
Désormais, le sous sol est utilisé presque chaque jour, le plus souvent pour la tenue de réunions ou pour la formation professionnelle mais aussi pour des concours ou des réceptions. Une exposition d’oeuvres réalisées par des agents du Ministère y a été organisée.
En 1995, a été rénové le bâtiment situé au fond de la cour d’Honneur, qui a servi d’entrepôt de douane et dont l’usage est actuellement partagé entre la Direction et la Recette régionale. Le superbe toit savoyard à fortes pentes a été refait.
En 1998, la grille historique fermant l’entrée primitive de la Cour de l’Hôtel, vers la vieille ville (actuellement rue Jean Pierre Veyrat) a été restaurée, elle a été, à cette occasion, entièrement repassée a la forge. Près de cette entrée. une fontaine en pierre, presque complètement recouverte par la végétation, a été dégagée, nettoyée et reconstituée.
Enfin, les services municipaux ont réalisé à l’automne1 998 l’éclairage de l’Hôtel (et de la fontaine) Ainsi, la construction s’intègre parfaitement, le soir venu, dans un ensemble formé par ailleurs du Palais de Justice et du Musée des Beaux Arts.
Bernard Faillie
Cahiers d’histoire des douanes et droits indirects
Numéro 20
1er semestre 1999