Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Leude de Collioure – Leude du Boulou

Mis en ligne le 29 mars 2018

M.D.L.R.- Nous publions ci—après deux articles de M.PARES, Inspecteur Central des Douanes à Cerbere, Président d’Honneur de l’Entente Spéléologique du Rousillon, membre la Société Spéléologique de France. Ces études sont extraites d’une conférence qu’il a présentée en décembre 1957, à la Société scientifique et littéraire des Pyrénées Orientales.

Nous remercions M. Pares de cette intéressante communication.

 

Collioure était, au temps des Rois d’Aragon et de Majorque, le port principal du Roussillon. Le trafic maritime était exclusivement effectué par ce port. Aussi ces rois avaient-ils installé ici une LEUDEE à Collioure bureau des Douanes qui a survécu jusqu’à ces derniers temps. Il a fallu que l’impôt de circulation sur le sel soit aboli, pour que ce Bureau des Douanes disparaisse (1944).

 

En Septembre 1207, le Roi d’Aragon, PIERRE II, accorda aux habitants de nombreux privilèges pour aider à augmenter la population. D’accord avec son cousin Nuño SANCHEZ et sur l’intervention de Pedro GRAS, Seigneur de Collioure, il exempta les habitants du droit de « LEUDE » et de celui de « PESATJE » (droits sur les marchandises pesées), a l’ importation et à l’exportation.

 

En 1241, Nuño SANCHEZ mourut. Dans son testament rédigé le 12 Décembre 1241 à Perpignan, il reconnaissait avoir détourné à son profit une partie de la « LEUDE » de Collioure, destinée à l’entretien du port. Ce trafic illicite avait duré pendant 25 ans.

 

Le Roi Jacques le Conquérant favorisa la culture de la vigne. Sur l’insistance de ses sujets colliourencs, il prohiba par l’Edit du 13 des calendes de Décembre 1253, l’Importation des vins étrangers. Ce privilège fut maintenu jusqu’en 1258, date à laquelle la prohibition fut levée à la demande des habitants.

 

En 1274, il prescrivit que toutes les marchandises à destination de la Catalogne devaient passer par Collioure et y acquitter la « LEUDE ».

 

En 1390, le Roi de Majorque Jacques I° fit établir l’état et le Tarif des droits perçus. La statistique commerciale était créée. Le Roi pouvait ainsi se rendre compte des marchandises entrées et sorties, du chiffre du trafic et du montant total des droits encaissés.

 

Le 17 des calendes d ‘Octobre 1303, il etablit la « GABELLE », ou impôt sur le sel, en remplacement du droit de « BOUATGE » ( impôts de joyeux évènement: mariage-naissance-fête quelconque; etc… ) qui était aboli.

 

En 1317, les marchandises paient au « poids », et les tarifs .sont augmentés. Nous ne pouvons malheureusement donner que des renseignements succincts sur ces Droits Spécifiques :

 

Tarif de 1297                                                                  Tarif de 1317

XII deniers                      la balle de riz                              2 livres

XVI deniers                  la balle de cumin                     2 livres 8 deniers

 

Depuis 1312, les marchandises acquittaient les Droits de Douane en Livres Tournois.

Le Roi Pierre IV d’Aragon, prescrivit en 1345, qu’une barque armée surveillât la passe, jour et nuit, pour empêcher les débarquements frauduleux. La Douane Maritime était créée.

 

Collioure avait obtenu en 1367 le monopole du commerce maritime. Le 24 Juillet 1386, les Consuls de Perpignan réclamèrent contre ce privilège.

Ce Roi pour favoriser le commerce, autorisa l’ importation en exemption de « LEUDE » des marchandises suivantes : blé—orge—vin.

 

Le Roi Jean I d’Aragon autorisa les habitants de Collioure à recevoir des pirates, corsaires, de leur vendre du vin, et de leur acheter des marchandises. Celles—ci ne devaient pas provenir de prises faites sur ses sujets.

 

Le Roi d’Aragon Martin l’Humain promulgua une ordonnance en 1398 d’après laquelle tous les vaisseaux à destination du Roussillon devaient débarquer leurs cargaisons à Collioure. Ce privilège avant donne naissance a des abus, il fut supprime le 22 Avril 1.422. Les débarquements furent autorisés sur toute la côte (Le Barcares—Canet).

 

Lors de la première conquête française, sous le Roi Louis XI, celui—ci par lettres patentes du 5 juin 1463, datée de Toulouse, donna décharge aux habitants des impositions qui pesaient sur eux, et qui .étaient la cause de dépopulation de la région.

 

Le 6 Mai 1465, il confirma les privilèges en ce qui concerne la « Gabelle », la Leude » sur le poisson, et le droit d’aller se ravitailler en blé, en Languedoc. En 1466, il étendit aux salaisons l’exemption du droit de « gabelle ».

 

 

Si nous ne possédons pas de renseignements sur la création de la « LEUDE » de Collioure (qui était antérieure a celle du Boulou), nous pouvons dire que celle du Boulou fut créée en 1297. Et voici dans quelles circonstances:

Le Roi d’Aragon Jacques II, avant de partir pour la Sicile, voulut mettre de l’ordre dans ses affaires, et se décida à signer avec le Roi de Majorque, Jacques I, un traité qui mit fin à toutes les difficultés. Ce traité fut signé le 29 juin 1298 à Argelès sur Mer, ratifié par le Roi de France Philippe le Bel, et par son frère Charles de Valois. La paix se trouva ainsi assurée.

 

 

Prévoyant que les reprises commerciales entre la Catalogne (Royaume d’Aragon) et le Rousillon (Royaume de Majorque) étaient imminentes, le Roi Jacques I de Majorque avait fait d7s 1297 acquisition de la seigneurie du BOULOU, village situé au nord du passage du PERTHUS. Il y créa un bureau des Douanes semblable à celui qui existait a Collioure depuis fort longtemps, et qu’on appelait la « LEUDE » de Collioure.

 

 

L’établissement de ce bureau des douanes souleva des protestations des commerçants de BARCELONE qui, en 1317, firent auprès du Roi de Majorque, SANCHE, une démarche officielle afin d’en obtenir la suppression. Mais à mesure que les relations commerciales devenaient plus actives entre la Catalogne et le Roussillon, il s’éleva un tel concert de plaintes, que le Conseil des Cent Jurès de Barcelone se réunit le 4 juillet 1317.

 

Il nomma deux délégués : le Conseiller Galcerand de NAGERA et le Jurisconsulte Bertran de SERRA. ils se rendirent à Perpignan présenter au Roi de Majorque, SANCHE, et à son Conseil, un Mémoire dans lequel la Ville de Barcelone demandait, non seulement la suppression de la « LEUDE » du Boulou, mais encore de toutes les innovations faites depuis 15 ou 20 ans, et le retour aux coutumes anciennes.

 

 

Ce Mémoire, rédigé en Catalan, contient des renseignements si intéressants sur le mouvement commercial de cette époque, sur la manière d’acquitter les droits de Douane, et sur le cours des monnaies en Roussillon, que nous avons jugé d’en extraire le plus important :

 

 

Voici le Tarif de Douane de la LEUDE du BOULOU :

Le 100 de Cuirs de Cerfs

Le ballot de cuir de cheval, boeuf, âne, mulet                                                                               18 deniers1

La charge de Pastel de Dragées, confiture d’Orseille                                                                   12 deniers

La charge de Résine                                                                                                                            6 deniers

Une meule de Moulin                                                                                                                        1 quintal de Souliers

le 100 de cordes moyennes en sparte –

le Quintal d’acier – la charge de Talc                                                                                              2 deniers

100 de cordes grosses de sparte – La charge

de Paille de Sorgho – la charge de vitriol                                                                                       3 deniers

Une Meule à aiguiser – la Douzaine de Pots en

Majolique – Le 100 de cordes tressées – la douzaine de sabots

destinés au commerce – La liasse de Cabas moyens

la liasse de gros cabas de Valence – Le sac de Collioure de Charbon

La corbeille de Noix, de châtaignes — la charge de comportes

— de Cercles et de Tonneaux — la couffe de

Sandales en Sparte — la charge de grenades                                                                                  1 denier

Les filets — Toile à voile — et autres

agrès non dénommés destinés au commerce—

les arbres — les antennes — les règles pour le commerce

—.la douzaine de Bâts en sparte — La douzaine de balais                                                         1 denier par livre

La charge de Pommes de pins                                                                                                         3 deniers par Livre.

La liasse de Cabas en Typha — le Quintal de Palmes

— les Douelles — la charge de Citrons — Cedrats —

oranges — La douzaine de planches à façonner le pain —

la douzaine de Pots de Barcelone —                                                                                              1 Maille ou Obole

L’Or — L’ Argent en barres ou monnayés – le Billon —                                                            1 maille par Livre.

La charge de Jujubes, de Pignons                                                                                                  6 sous

La charge de Curcuma                                                                                                                     3 sous

La charge d’Ivoire — La charge de Séné                                                                                      2 sous

Le Sel                                                                                                                                                  20 % de sa valeur

 

 

Les autres marchandises non dénommées et non reprises dans le tarif ci—dessus paient d’après l’évaluation effectuée par le Receveur qui doit prendre pour règle le dit tarif. Malgré les défauts de preuves testimoniales, le Roi de Majorque SANCHE, voulant montrer qu’il était animé à leur égard de sentiments aussi bienveillants qu’envers ses propres sujets, décida de rayer du tarif des « LEUDES » de Collioure et du Boulou, les marchandises que les délégués barcelonais prétendaient avoir ajoutées depuis 15 ou 20 ans, dans le Mémoire précité. Il faisait exception pour l’acier, le set, le pastel. Celui—ci ne payait que 9 deniers au lieu de 12.

 

 

L’Ordonnance du Roi de Majorque Sanche contient une disposition qui fournit des renseignements précieux et curieux a la fois, sur la manière dont s’exécutaient, au commencement du XIV° siècle, les formalités du Transit :

 

 

Nous Ordonnons que les voyageurs qui passeront par Collioure ou par le Boulou, avec des montures qu’ils auront l’intention de vendre, payeront les Droits de « Leude » correspondants a leurs bêtes. Mais s’ils déclarent qu’ils ne veulent point vendre leurs montures, ils JURERONT devant le Receveur que, s’ils en opèrent la vente, ils s’engagent à payer les droits, et alors leurs bêtes entreront en franchise. En cas de contravention, ils seront passibles d’une amende de 60 Sous de Barcelone de Tern

 

 

1 Les monnaies en cours à cette époque avaient été créées par Jacques le Conquérant d’Aragon. La livre de TERN, au titre de 3 marcs d’ argent, battue en Aragon en 1258, fût introduite dans le Roussillon en 1261, elle était divisée en Liards (1/5 de livre), sous ( 1/ 100 de livre), deniers( 1/ 240 de livre) et maille ou obole ( 1/ 2 denier).

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