Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Les frontières de Rome
Dans l’imaginaire collectif, les frontières extérieures de Rome sont représentées par des infrastructures uniformes parfaitement fortifiées et défendues par l’armée romaine, délimitant de manière étanche un monde romain, stable et civilisé, d’un monde barbare, instable et imprévisible.
Cette vision n’est pas exacte et ne traduit pas la réalité des données produites par les textes, l’épigraphie et l’archéologie. Car le limes, ne s’est jamais construit ni de manière homogène, ni de manière linéaire. On peut même douter que ce terme recouvre un concept complètement défini.
Les frontières extérieures de Rome ne sont pas constituées de la même façon selon les territoires conquis et n’ont jamais formé un tout cohérent. S’adaptant aux situations militaires du moment, à la configuration du paysage, ainsi qu’aux relations diplomatiques et aux besoins économiques et commerciaux de l’Empire, elles déclinent tout un panel de situations, tout en délimitant un espace économique et sociétal qui s’efforcera constamment, lui, de maintenir son unité.
A l’origine, le limes est un chemin bordier, un passage entre deux zones, et par extension la route militaire longeant le front, qui symbolise les limites de l’Empire…. Issu du vocabulaire des arpenteurs romains, ce n’est qu’un terme parmi d’autres qui s’est imposé, surtout chez les auteurs modernes, pour désigner les frontières romaines extérieures.
L’archétype d’un limes tel qu’on peut se le représenter se retrouve plutôt sur les frontières du nord, en Germanie, ou en Bretagne (actuel Royaume-Uni) qui sont parmi les zones les mieux connues. Mais on en retrouve les déclinaisons aussi en Afrique du Nord (limes tripolitanus), en Egypte, en Arabie, et jusqu’aux bords de la mer Noire.
Selon les époques, selon les zones, la question de la frontière romaine est plus ou moins bien documentée. D’une simple zone de front stabilisée, le limes va parfois évoluer, au gré des événements, jusqu’à devenir une véritable frontière extérieure jouant un rôle de régulation des populations et des flux de marchandises.
N’ayant pas à l’origine de troupes fixes pour le défendre, les légions romaines se sont longtemps déplacées le long du limes au grè des événements ou des urgences, dégarnissant tel ou tel théâtre d’opérations afin d’éteindre des révoltes ou de contenir les incursions sur un autre secteur.
Cette contrainte, liée à l’expansion romaine, est en partie surmontée au tournant des IIIème-IVème siècles où une stratégie proprement défensive est progressivement développée. Dès le règne de Dioclétien (284-305) des « ducs » frontaliers ont autorité sur les troupes et sur une bande territoriale élargie. Certains contingents se fixent sur la défense de portions de frontière : ils forment les bases futures des limitanei (« soldats du limes »). Sorte de corps fixe de gardes frontières militaires, ils peuvent être renforcés en cas de besoin par des troupes mobiles, les comitatenses, qui à l’origine accompagnent l’Empereur dans ses déplacements.
Alors qu’il est principalement destiné à défendre Rome contre les incursions extérieures, la défense du limes reposera toujours d’avantage sur un recrutement de soldats barbares, révélateur d’une acculturation réussie mais aussi d’une montée en puissance des populations germaniques. Le limes sera ainsi affaibli autant par l’instabilité interne de l’Empire que par des incursions de populations toujours plus nombreuses, jusqu’à son délitement quasi complet aux Vème et VIème siècles.
Pour une vision globale de la construction et des du limes romain, on peut renvoyer à l’ouvrage suivant: REDDE, Michel. Les frontières de l’Empire romain (1er siècle avant J.-C. – 5e après J.-C.). Lacapelle-Marival : Archéologie Nouvelle, 2014. (Archéologie Vivante). 176 p.