Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Le premier cas de franchise douanière dans l’Espagne romaine (2)

Mis en ligne le 1 novembre 2020

 

Cet article a été publié en deux parties dans la revue professionnelle « La Vie de la Douane » dans la rubrique « Chronique du temps passé » en langue espagnole  et en langue française. Ci dessous la seconde partie parue en janvier 1962.

L’équipe de rédaction

 

 

 


 

III – Frappe de monnaie à l’époque de Galba en atelier hispanique.

 

 

Pour l’étude des frappes de monnaie à l’époque de Galba par l’atelier de monnaie hispanique, il faut avoir recours uniquement comme document de base à la monographie de M. MATTINGLY, et à l’édition postérieure du Roman Impérial Coinage, tous deux ouvrages anciens. Mais il n’existe aucun travail postérieur traitant de cela et encore moins d’ouvrages émanent de spécialistes espagnols, lesquels ne se sont absolument pas occupés du sujet malgré son importance indéniable. Bien que ses points de vue soient en fréquents désaccords avec la théorie traditionnelle sur ces frappes de monnaie si discutées, et réalisées au cours de la période des guerres civile de 68-69 après J.C., on Pourrait y ajouter la monographie de Kraay qui se réfère uniquement à la frappe des monnaies de cuivre et, de ce fait, n’effleure que très rapidement le sujet.

 

Comme marque de frappe hispanique celle de Tarraco est nettement reconnue. Toutefois en considérant surtout les différences de style, l’existence d’une autre marque n’est pas exclue, bien que jusqu’à présent elle demeuré incertaine. Pour Kraay, ces différences, purement stylistiques peuvent résulter uniquement du fait que la frappe était effectuée dans plusieurs ateliers d’une même ville, où l’on fabriquait la monnaie.

 

La frappe de monnaie la plus ancienne faite à l’époque de Galba avec marque de Tarraco, est attestée par un groupe de deniers rares, qui correspondent aux types Cohen 76 et 77, et qui sont consignés dans R.I.C. sous une rubrique spéciale datée de l’année 65 après J.C. Nous ne négligeons aucun élément d’importance pour fixer une date aussi reculée qui n’est confirmée ni par des découvertes monétaires, ni par aucun document littéraire. Son avers porte l’inscription GALBA INP. ou bien la variante GALBA IMPER, et le revers HISPANIA. Cette pièce appartient à ce qu’on nomme « la série du Cavalier » dont cependant on possède des exemplaires qui sont indéniablement de frappe gauloise. Sur l’avers galope GALBA à cheval la main droite levée, et sur le revers apparaît le buste de l’Espagne avec ses attributs traditionnels : l’écu, les javelots, et l’épi de blé.

 

Postérieurement à « la série du cavalier » apparaît un groupe de deniers et de monnaies d’or incontestablement frappés à Tarraco, suivi d’un autre groupe d’as dont les avers sont ornés dans tous les cas d’un globe sous le buste. Les revers, étudiés en détail dans P.I.C. varient entre le classique Augustus P.R. et le VIRTUS sur les métaux nobles, et entre le DIVA AUGUSTA S.C. et Quadragesina Remissa S.C sur le bronze. Cependant les variantes sont très nombreuses et certaines ne peuvent être incluses dans ces groupes, sans que ce fait fasse varier dans l’ensemble les séries et les périodes de frappe de monnaie.

 

Il est plus hasardeux d’attribuer une marque espagnole qui ne peut être déterminée, mais qui est cependant différente de celle de Tarraco, aux rares deniers à revers gravés de BON EVENT et Libertas Restituta et à la monnaie d’or de même type. Les têtes de l’avers se ressemblent beaucoup, et il parut logique de penser que l’ensemble de la série est aussi de Tarraco.

 

La grossièreté de l’art, que mettent en Lumière les portraits de Galba, qui dans certains cas constituent une véritable caricature, le poids de ces pièces au-dessus de la normale pour les frappes latines de l’époque, le globe, sous le cou, et la technique négligée de frappe sur les tranches, parfois gonflées et irrégulières, sont éminemment caractéristiques d’un atelier provincial où la frappe dut être assez intense, malgré une brève durée. Galba transforme en monnaie tous les présents d’or et d’argent, y compris certainement une bonne partie des trésors locaux de Clunia et de Tarraco, car l’augmentation de la frappe à ce moment était en même temps une propagande très efficace pour ses buts politiques et de bon présage monétaire pour tout l’Empire auquel il prouvait son ascension.

 

 

IV – La frappe de la monnaie commémorative DE LA QADRAGESIMA REMISSA.

 

 

Il semble absolument démontré que la Quadragesima Galliarum fut supprimée par Galba immédiatement après sa prise de pouvoirs ; ainsi se trouvait établie une franchise douanière qui favorisait le libre passage des marchandises, entre la Gaule et l’Espagne dans les deux sens du courant commercial. Il n’existe certainement aucune source littéraire qui l’atteste et seules les monnaies prouvent ce fait. Toutefois, le rétablissement de la barrière douanière par Vespasien est parfaitement attestée par l’Autorité de Suétone.

 

Le groupe d’émissions monétaires qui prouve la suppression de ce « portorium » se compose d’as et de sesterces de bronze, tous rares, appartenant à l’atelier de Tarraco, et présentent deux types principaux de revers :

 

a) Arc de triomphe vu de face sous lequel il y a deux statues équestres. A gauche, trois prisonniers les mains liées dans le dos, avancent vers l’arc. L’un d’eux se trouve déjà sous le monument.

b) Arc de triomphe sous lequel apparait l’Empereur sur un quadrige couronné par la victoire.

 

La légende est plus ou moins abrégée. Quadragesina Remisa, et son rapprochement avec l’arc de Triomphe prouve qu’il s’agit d’une concession du nouvel Empereur, consécutive à sa victoire sur Néron. Ce qui est plus difficile d expliquer, c’est le symbolisme complet du revers type (a), surtout en ce qui concerne le prisonnier conduit sous L’Arc de triomphe ; Nattingly croit qu’il s’agit du procurateur de Néron que Galba châtia d’une façon exemplaire pour prouver aussi son hostilité à la politique d’oppression fiscale de l’empereur précédent. Quelques auteurs arrivent même à nommer ces procurateurs ou publicains, en les identifiant avec ceux que cite Tacite, c’est-à-dire Obultronius Sabinus et Cornelius Marcellus. Mais une telle identification est plus que douteuse pour de nombreux motifs historiques, et surtout parce que, sur la monnaie on symbolise seulement un fait, l’abolition d’un impôt et le châtiment de ceux qui abusèrent de la confiance officielle en opprimant le peuple par des exactions fiscales abusives. Celles-ci, si elles n’étaient pas rares, et même bien souvent tolérées par le Sénat romain, devaient être radicalement supprimées à une époque de Libertas Restituta comme celle innovée par Galba.

 

Dans les symbolismes monétaires on n’arrive presque jamais à l’identification du personnage figurant sur les revers. Etant réservés pour l’abstrait, ils ne portent pas forcément une marque personnelle comme c’est le cas ici.

 

Il est évident qu’il s’agit de la Quadragesima Galliarum et non de la Quadragesima Portuum Asiae, dont les sigles sont les seuls qui corncident à cette dpOque. Galba connaît bien et résout en Premier lieu les problèmes économiques et Politiques de ses possessions géographiques, récompensant en même temps les deux provinces qui le soutinrent dans sa lutte contre Néron : l’Espagne et la Gaule .Car en définitive, le soulèvement de Vindex fut la cause lointaine de son fulgurant succès. D’autre part, il y a le fait que les ateliers de frappe de ces monnaies sont Tarraco et Lugdunum, centres administratifs des deux régions les plus directement intéressées et bénéficiaires de cette franchise douanière.

 

Nous nous trouvons donc en présence du premier cas historiquement connu d’une liberté de droits de Douane dans la Péninsule Ibérique. Il est clair que la mesure n’eut pas une origine de type économique et ne fut pas le fruit d’un calcul préalable. Il s’agit seulement d’une démonstration de pouvoir et de reconnaissance envers ceux qui ont permis un succès. Sous l’angle fiscal, à perte de recettes. devait être de peu d’importance pour une économie en expansion telle que l’économie romaine en 68 après J.C.

 

Il n’est pas logique de penser que le rétablissement du « portorium » à cette frontière par Vespasien fut dû à des besoins monétaires, tout au moins aucun texte littéraire n’en fait mention, et ce n’est qu’à l’époque de Trajan que l’on peut penser à une politique économique uniforme et étudiée dans le genre de ce que plus tard on pourra considérer comme du protectionnisme.

 

Au 3ème siècle, compte tenu de la nécessité d’éviter le ravitaillement en armes et en vivres des tribus barbares qui menacent les frontières de l’Empire, il s’avérait déjà nécessaire d’établir des mesures analogues aux embargos actuels sur le matériel de guerre en joignant des motifs militaires aux raisons Politiques et économiques.

 

Seule l’échelle des phénomènes nous sépare.

 

Antoine Manuel de Guadan,

Administrateur principal des douanes espagnoles

 

 

La Vie de la Douane

 

N° 103

 

Janvier-février 1962

 

 

 

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