Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
« La douane française au combat » (1870) par Raphaël Schneider (3e extrait)
Nous vous invitons à découvrir, en avant première, un troisième extrait de l’ouvrage de Raphaël Schneider « La douane française au combat: de Mandrin à la Libération » (voir souscription). Nous le remercions à nouveau d’avoir bien voulu nous en réserver la primeur. L’extrait concerné retrace plus particulièrement l’engagement des douaniers durant le siège de Paris .
L’équipe de rédaction
Les douaniers à Paris
Comme évoqué dans un chapitre précédent, plusieurs milliers d’agents sont dirigés sur la capitale dès le mois d’août, bien que cela aille en totale contradiction avec les ordonnances prises sous Louis-Philippe. Mais les Parisiens leur réservent un chaud accueil comme le souligne un officier de la garde mobile:
« Nous nous souvenons encore de l’impression profonde que produisit sur la population à Paris Paris à la vue de ces bataillons magnifiques de douaniers défilant avec ordre sur les boulevards. Ces hommes, à l’uniforme sévère, au visage bronzé, calme, résolu, dont beaucoup avaient la barbe et les cheveux blanchis avant le temps par leurs rudes fatigues professionnelles, contrastaient avec les régiments de nouvelles formations qui encombraient les rues. »
L’atmosphère de révolution latente est déjà présente dans toute la France. Ainsi, lors d’une distribution de cigarettes et rafraîchissements en gare de Libourne, le brigadier Lapierre, d’une des deux compagnies parties de Bordeaux, trouve dans son paquet un morceau de papier sur lequel on avait écrit:
« Douaniers, quoiqu’il arrive à Paris, ne tirez pas sur le peuple. Epargnez vos frères! ».
C’est à Paris seulement que les compagnies doivent se réunir en bataillons. Ce ne sont pas moins de 10 000 hommes qui sont attendus. Quasiment une division de gabelous! Malheureusement, la pagaille est telle que rien n’est prévu pour loger ces milliers de fonctionnaires. Ainsi, les deux compagnies (1) envoyées par Bordeaux et sous les ordres des capitaines Vautravers et Grenier, débarquent à la gare d’Austerlitz pour ensuite effectuer huit kilomètres à pied jusqu’au fort de Vincennes pour y être armées. Puis elles sont dirigées vers l’immense édifice construit par la société des Magasins Généraux et qui sert depuis le début de la guerre de dépôt pour les troupes transitant par la capitale. Or, rien n’a jamais été nettoyé et les immondices s’y entassent! Les douaniers sont répartis entre cet entrepôt et les douze postes-casernes de l’enceinte.
Les cinq bataillons sont regroupés en une unité sous le commandement de l’inspecteur divisionnaire à Paris Félix-Albéric Bigot, qui sera fait récipiendaire de la croix de la légion d’honneur pour son action. Dès la fin du mois d’août, on renvoi dans les brigades les hommes mariés, soit près des deux tiers, et on ne conserve à Paris que 3 500 célibataires qui forment le régiment de douaniers à cinq bataillons de six compagnies.
Puis, le 19 septembre, il ne reste que 78 officiers, 2538 agents et … trois chevaux. Et pas moins de 2 officiers et 603 hommes sont inaptes au service à ce moment ! Cette unité est purement administrative car les cinq bataillons sont disséminés dans toute la place et on leur confie autant de tâches de garde de bâtiments ou sur les remparts que de maintien de l’ordre. Les douaniers vont surveiller des ministères, des prisons, des forts, des portes… Ils sont présents dans les secteurs de La Vilette, Belleville, Vaugirard et Auteuil. Des éléments sont également postés hors des murs aux avancées de Romainville, Sant-Cloud et Billancourt. Cependant, ils ne combattront jamais au cours de ce long siège, subissant tout de même les affres des bombardements. Devant l’ampleur de la tâche, un état-major est mis en place avec Veillon de Boismartin, sous-chef à la Direction Générale, faisant fonction de major, Alexandre Leboullenger comme capitaine-trésorier, Edouard Pétrémant en lieutenant d’habillement, le lieutenant Oblet étant chargé de l’armement. On place auprès de chacune de ces unités un capitaine adjudant-major de l’armée désigné par le ministère de la Guerre afin d’aider les gabelous dans la gestion, le service de santé étant assuré par le médecin-major Piétri et l’aide-major Gallos, qui recevront tous deux la Légion d’honneur pour leur action lors du siège. Le petit état-major comprend l’adjudant Adigard du 1er bataillon, celui du 2e bataillon Fourrasté, du 3e, Lebreton, qui obtiendra la médaille militaire, celui du 4e, Birobent, et du 5e, Prévot. Conotte est sergent-vaguemestre, Le Goff sergent d’armement et Lhotellerie fourrier d’ordre. Selon Lepine:
« M. Bigot, pour l’attention toute paternelle qu’il a montrée à l’égard des cinq bataillons pendant leur long séjour à Paris, est devenu, près de tous, l’objet d’une profonde vénération ».
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Paris est assiégée par près de 630 000 fantassins, 60 000 cavaliers et bombardée par plus de 1700 canons ! Le gouvernement Paliako concentre dans la capitale sous les ordres du gouverneur militaire Trochu près de 100 000 gardes mobiles venant de tous les départements, la garnison de Paris comptant près de 400 000 hommes. Des redoutes sont construites en avant des forts avancés et des approvisionnements en perspective d’un long siège sont entreposés. L’enceinte est découpée en 9 secteurs s’étendant sur 35 kilomètres, comprenant 98 bastions, 17 portes et 8 poternes. Un décret, pris le 6 novembre, entraine la formation dans la cité de trois armées. La première est constituée par la garde nationale et la deuxième par les « lignards » et les « moblots ». La troisième forme une réserve de 80 000 hommes en 6 divisions. La première de ces divisions, commandée par le général Soumain puis par le général Malroy, comprend les régiments de la garde républicaine, de la gendarmerie à pied, de forestiers et de douaniers.
Méconnu, le 117e bataillon de Paris, celui du ministère des finances et qui comprend 900 hommes, a sa 3e compagnie composée d’agents de la direction générale, de la direction des mouvements de fonds et de celle des contributions indirectes. Cette unité passe deux fois par semaine 24 heures aux remparts de la porte Maillot. Le 31 octobre, un soulèvement de communalistes prend en otage les membres du gouvernement provisoire et les maires des arrondissements réunis à l’Hôtel de ville. C’est le bataillon ds services centraux qui délivre les politiciens et l’officier douanier Papereux recevra la Légion d’honneur recevra la Légion d’Honneur pour cette action. D’autres membres de la direction générale servent au sein du 179ème bataillon de la garde nationale.
Les unités sont donc dispersées dans la place pour assurer des fonctions de garde et de maintien de l’ordre. Ainsi, la situation des effectifs au 20 novembre 1870 permet de constater qu’il y a13 officiers à l’état-major, 45 officiers et 1113 hommes en réserve, 2 officiers et 102 douaniers au poste caserne numéro 1 dans le premier secteur ou encore 6 officiers et 173 gabelous au bastion numéro 17 du deuxième secteur. A cette date, les douaniers sont stationnés dans seize points différents pour un effectif total de 2763 hommes dont 2650 présents sous les armes, les autres étant soit en détachements soit à l’hôpital. Un poste de près de 80 douaniers est aussi envoyé pour tenir et protéger l’usine Deutsch dans le trois!ème secteur. D’autres gardent des poudrières, des états majors, des édifices publics ou contrôlent les mouvements de certaines marchandises sensibles tels que la nourriture ou les alcools. Comme le souligne à nouveau l’officier des gardes mobiles:
« A la différence des gardes nationaux, la discipline, l’ordre, la sobriété, la vigilance, le respect de soi-même et de leurs supérieurs régnaient dans les rangs douaniers, ils assuraient l’ordre public, la garde des entrepôts, des magasins, des monuments, des greniers, de l’Imprimerie Nationale, du nouvel opéra, des prisons, et les commandants des neuf secteurs leur confiaient la garde des points les plus exposées des remparts. »
Il est à noter que l’article 7 de la Convention d’armistice signée le 29 janvier 1871 précise que la garde nationale mobile, la gendarmerie, la garde républicaine, les sapeurs-pompiers et les douaniers conservent leurs armes afin de maintenir l’ordre.
Le régiment est dissous en mars 1871 et ses hommes renvoyés dans leurs affectations d’origine sur ordre de Thiers, ce qui leur évite de se retrouver impliqués dans les évènements de la Commune. Ils doivent rendre leurs chassepots, seuls les gendarmes ayant droit de garder cet armement moderne. Pendant le fameux 18 mars, des agents sont encore dans la capitale. Certains parviennent à s‘échapper, mais quelques-uns sont retenus avec le commandant Félix Bigot par les insurgés. Il parlemente avec et parvient à se faire nommer chef d’un de leurs bataillons ! Il s’enfuit le soir même avec ses hommes. Capitaine adjudant-major du 1er bataillon, Ginguené reçoit pour mission de rallier vers le Champs-de-Mars les gabelous campant à la Chapelle. Mais il est arrêté par les émeutiers. Il réussit à gagner leur confiance et lui aussi à se faire nommer chef d’un bataillon. Dès la nuit suivante, grâce à sa nouvelle autorité, il parvient à quitter la capitale avec de nombreux agents désarmés et errant au milieu du chaos. On a peu d ‘éléments sur l’attitude des agents face au phénomène des Communes de 1871. Une source se trouve dans le dossier du lieutenant Rossi à qui il est demandé de s’expliquer sur des bruits qu’il aurait propagé concernant les évènements survenus à Marseille. Dans cette ville, une insurrection de type communaliste éclate le 5 avril 1871. Une partie des préposés chargés de protéger la caisse du receveur auraient mis la crosse en l’air et crié:
« Vive la commune, Vive Paris ! »
Mais les douaniers corses envoyés dans la cité phocéenne suite à la guerre auraient désapprouvé cette manifestation en restant au port d’armes. Cela aurait provoqué l’indignation des gabelous frondeurs qui auraient alors crié:
« A bas Badinguet, à bas les Corses! »
D’où l’énervement de certains insulaires, mais la rixe aurait été évitée et les excités calmés grâce à l’énergie des chefs. Tout cela reste hypothétique à cause du manque de sources, mais le fait méritait d’être évoqué.
Raphaël Schneider
(1) Quand elles fusionnent lors du départ des agents mariés, la compagnie est commandée par le capitaine Vautravers.
(2) NDLR: les paragraphes consacrés à la composition, la provenance et aux activités de chaque bataillon ne sont pas repris dans cet extrait