Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
La douane en Chine au IXe siècle, vue par des voyageurs arabes
Chronique du temps passé – La vie de la douane – mars 1982
Au milieu du IXème siècle, Sulayman et ibn Khorda-dhbeh témoignent du libéralisme de la condition des nombreux résidents musulmans à Canton. Le fait de bénéficier d’un statut définitif était déjà pour les étrangers une garantie contre l’arbitraire.
Sans doute, l’activité du marchand étranger était-elle limitée par le contrôle douanier, par le droit de préemption du prince et par les monopoles du thé et du sel :
« Quand les marins arrivent en Chine par mer, les Chinois préposés à cet effet s’emparent de leurs marchandises et les enferment dans les entrepôts. Ils en garantissent la bonne conservation contre tout accident pendant six mois, jusqu’à ce que soit arrivé le dernier navire venant avec la même mousson. Les Chinois perçoivent alors un droit d’entrée de 30% en nature sur toute marchandise importée et remettent le reste au marchand qui en est propriétaire. Ce dont le roi de Chine a besoin, il l’achète au prix le plus élevé et en paye le montant sur l’heure; il ne fait jamais de tort au marchand. Au nombre des mar-chandises d’importation achetées en priorité par le souverain est le camphre, qui est payé 50 fakkûj le mann; le fakkûj vaut mille fulûs. Le camphre qui n’est pas acheté par le souverain est vendu à tout autre acheteur la moitié du prix précédent ».
Sans doute, encore, l’étranger était-il astreint, pour ses déplacements dans l’Empire du Milieu, à des formalités de police :
« Celui qui désire voyager d’un endroit à un autre se fait remettre deux lettres : l’une ppr le gouverneur, l’autre par l’eunuque de sa résidence. Celle-là est une sorte de passeport servant pour la route où sont consignés les noms du porteur et de ceux qui l’accompagnent, son âge, l’âge de ceux qui l’accompagnent et le nom de la tribu dont il fait partie. Toute personne voyageant en Chine, qu’il s’agisse d’un Chinois, d’un Arabe, ou d’un étranger quelconque, doit être pourvue d’une pièce d’identité. Quant à la lettre délivrée par l’eunuque, elle fait mention de l’argent et des marchandises que le voyageur emporte avec lui. Sur les routes, il y a des postes de soldats qui se font présenter les deux lettres remises au voyageur. Lorsque celui-ci arrive à l’un de ces postes, le contrôleur des passeports inscrit sur les lettres le visa suivant : « est arrivé ici un tel, fils d’un tel, de telle nationalité, tel jour, tel mois, telle année, emportant avec lui telles choses et accompagné de telles personnes».
Ces mesures ont été prises pour que le voyageur ne subisse pas de perte d’argent ni de marchandises. Si le voyageur subit une perte quelconque ou meurt, ont sait ainsi comment s’est produite la perte et on lui rend ce qui a été perdu; s’il est mort, on le rend à ses héritiers ».
En fait, l’impôt sur les marchandises avait pour contrepartie la garde des biens du marchand. En cas de décès, la Chine ne connaissait pas le droit d’aubaine qui pesait lourdement sur l’étranger en Occident. En fait surtout, l’étranger circulait en sécurité, libre de connaître, d’observer, de rapporter les usages du pays.
Jean Amsler
Notes:
– Extrait de l’Histoire Universelle des Explorations, tome 11 – La Renaissance (1415-1600) par Jean Amsler, éditée à la Nouvelle Librairie de France, (page 333).
– Couverture de La vie de la douane: «Envol», tableau de J.C. Fédy, artiste peintre.
La vie de la douane
N° 190
Mars 1982