Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
La douane à Paris au 19ème siècle
La douane à Paris
Le bureau de douane est installé rue d’Enghien en octobre 1823. Il est ouvert au public de 7 à 12 heures et de 14 à 19 heures, excepté en automne et en hiver où le service ne débute qu’à 8 heures et finit à 18 heures. «Les commis sont tenus de s’y trouver pendant lesdites heures, à peine de répondre des dommages et intérêts des redevables qu’ils auront retardés».
Afin de régler les nombreuses dépenses d’appropriation, que ni l’Etat ni la Ville de Paris n’acceptent de prendre en charge, M. de Rougemont propose à la Chambre de commerce, dès la fin de l’année, un nouveau tarif pour les frais de manutention et la vente des cordes et des emballages. Traditionnellement, les ouvertures et fermetures des colis, des ballots et des caisses sont effectuées par des ouvriers «layetiers».
L’embrigadement de ces ouvriers et l’organisation du service de la manutention sont alors réglementés. Les layetiers sont placés sous l’autorité d’un chef, M. Leblond, qui avait obtenu à l’intérieur du bureau de douane la concession exclusive de la vente des cordes à plomb et des emballages, à charge pour lui de payer les ouvriers, d’entretenir un cheval et un camion, de fournir aux préposés des douanes les divers instruments dont ils ont besoin pour les opérations de vérification des marchandises.
Désormais, il sera tenu compte des recettes et des dépenses de la manutention, le boni disponible étant affecté au paiement des installations qu’il faut effectuer dans l’hôtel. M. Leblond reste le chef des laye-tiers de Paris.
Il perd le privilège de la vente des cordes et des emballages, perçoit non plus 20, mais 5 centimes par toise de corde vendue, cependant que les frais de main-d’œuvre sont fixés à 15 centimes par colis.
En outre, M. de Rougemont a ordonné :
«1. que le nombre des ouvriers fût réduit au plus absolu nécessaire et que plusieurs d’entre eux fussent suppléés pour la surveillance dont ils étaient chargés par des employés des brigades des douanes ;
2. que les ouvriers reçussent de traitement que pour les jours où ils sont employés et nullement les jours fériés;
3. qu’il ne fût alloué aucun traitement ni à leur chef, ni à son commis, les registres de contrôle étant tenus gratuitement par les employés des douanes sous la surveillance du sous-inspecteur.
Par ailleurs, le préfet de la Seine, M. Chabrol de Volvic, que la Restauration a maintenu à son poste, charge la Chambre de commerce, en août 1824 de contrôler la comptabilité de la manutention. Pour éviter que les marchandises à exporter ne soient déballées, à la mauvaise saison, sous la pluie et dans la boue, les premières sommes disponibles (30 000 francs) servent à faire élever un hangar et exécuter un pavage.
Grâce à l’incessante activité de M. de Rougemont, dont la Chambre de commerce se plaît à louer le zèle et le dévouement, chaque année des travaux sont exécutés. En 1826, une pompe à incendie et des tables d’expertise sont acquises pour 5 000 francs; en 1827, un autre hangar d’une superficie de 600 mètres est construit; en 1828, une chaudière à feu pour les emballages est achetée et des ateliers de vérification peuvent être aménagés.
Charles X avait accordé le 28 mars 1830, au commerce de Paris (ainsi qu’à celui de Lyon) un régime de valeur:le prix du plomb apposé sur les colis avait été fixé à 50 centimes, au lieu de 75 dans les autres bureaux de douane. La loi du 2 juillet 1836 réduit encore ce prix à 25 centimes. Généralement, cette somme correspond à la fourniture du plomb et de la corde et aux frais de la main d’œuvre Toutefois, à Paris, les frais de cordage et d’emballage, ainsi que l’avait stipulé l’arrêté du 25 ventôse an VIII, continuent d’être à la charge des expéditeurs.
D’ailleurs, lors de la discussion de la loi de douane de juillet 1836. M. Delessert, député de Paris a rappelé :« La douane de Paris se trouve dans une situation exceptionnelle. L’expédition par mer d’une foule d’articles de Paris exige des caisses très volumineuses, de très grands soins, une plus grande quantité de cordes ; Il me paraît impossible de comprendre dans le prix du plomb celui des cordes. Depuis quinze ans, la douane de Paris suit à cet égard un régime exceptionnel ; personne ne s’en est jamais plaint. Nous demandons dans l’intérêt du commerce de Paris qu’il soit continué. Les députés de Paris et la Chambre de commerce sont d’accord sur ce point. »
A cette époque, la corde est fournie par M.ACOULON, fabricant installé rue de la Ferronnerie. Le prix du kilogramme en a été fixé en 1836, pour dix années ,à 1,30 franc. La vente des cordes assurera des bénéfices importants à la manutention : vers 1850, les 100 mètres de corde, achetés 85 centimes, seront revendus plus de 9 francs.
LES ENTREPÔTS DE SEL
Le 11 Juin 1806, la faculté de l’entrepôt est accordée pour les sels dans quarante-deux ports. Le décret prévoit également : « Il y aura un entrepôt réèl des sels dans les villes de Paris, Lyon, Toulouse et Orléans : il sera soumis à toutes les formalités prescrites pour les entrepôts des douanes. Les sels destinés pour ces entrepôts seront expédiés par rivière, sous la formalité d’acquit-à-caution des douanes.
L’administration des douanes sera chargée de la surveillance desdits entrepôts, et de la perception du droit sur les sels qui y seront déposés, lorsqu’ils entreront dans la consommation!’
Sous l’Ancien Régime, rue de la Chapelle-aux-Orfèvres, un important grenier avait été construit pour emmagasiner les sels qui étaient transportés à Paris par la Seine et débarqués quai de Saulnerie, devenu quai de la Mégisserie. En fait, deux greniers à sels fonctionnaient rue Saint-Germain-l’Auxerrois, et un troisième,à l’angle de cette rue et de la rue de la Chapelle-aux-Orfèvres.
Napoléon évite habilement que ces bâtiments soient utilisés. Il prescrit, en attendant que de nouvelles constructions soient édifiées, de faire constituer en entrepôts les dépôts privés des négociants en sels.
En 1807, sur l’emplacement du Petit Arsenal où se trouvaient les fabriques de poudre à canon et que Louis XVI avait vendu en 1788, le gouvernement impérial, sur la proposition de M. Cretet, ministre de l’intérieur, fait élever le grenier de réserve.
Il est établi le long du boulevard Bourdon (1 ), aménagé l’année précédente pour servir de quai au futur bassin de l’Arsenal, et du boulevard Morland (2), ancien quai du Mail. Le terrain est un vaste quadrilatère, où sera ouvert, en 1866, l’actuel boulevard Henri IV. Le grenier est immense; il s’étend sur 350 mètres et comprend cinq bâtiments larges de 25 mètres. Les caves voûtées permettent d’y entreposer les sels.
L’architecte Delannoy avait prévu de bâtir six étages, mais la construction a été interrompue et seuls quelques murs du rez- de-chaussée ont été élevés. Les travaux reprendront en 1816. Le grenier d’abondance n’aura qu’un étage; quarante-cinq milles sacs de farine pourront y être emmagasinés. Transformé en dépôt public de vivres en 1842, le grenier sera incendié sous la Commune en 1871.
Pendant la période des succès de l’Empire, le droit est resté fixé à 20 centimes par kilogramme de sel. Napoléon a appliqué le principe que la guerre doit nourrir la guerre et il a fait lever des impôts à l’étranger, dans les territoires occupés. A partir de 1813, pour faire face aux dépenses de guerre, qui sont devenues extrêmement lourdes, le droit est porté à 40 centimes.
Lorsque l’Empire, avec ses cent trente départements, s’écroule, les entrepôts de sels sont pleins. Les débouchés vers la Belgique, la Hollande et les pays hanséatiques sont coupés.
En 1814, les principaux négociants en sels de Paris, qu’animent MM. Van Dooren, Adam et Vedie, demandent au gouvernement de confier l’administration des sels à une régie qui vendrait les sels pour le compte du Roi. «Excités par l’ancien Gouvernement et par l’immense étendue de son Empire, nous avons formé à Paris des approvisionnements en sels proportionnés aux vastes débouchés qu’avait nécessairement alors l’entrepôt de la Capitale…
En sorte que les quantités aujourd’hui amoncelées à Paris (cinquante millions de kilogrammes) qui n’ont plus d’écoulement lointain, suffiraient plus de huit ans à sa population et à celle de sa banlieue, fussent-elles de douze cent mille âmes… Ainsi nos sels, qui ne peuvent soutenir la concurrence avec ceux importés par mer ou introduits en fraude, sont maintenant pour nous un fardeau accablant… Pour l’atténuer par des compensations, deviendrons-nous les complices de la fraude?
Loin de nous une si lâche pensée!
Nous préférerions plutôt rester éternellement ses victimes que nous tirer ainsi d’embarras!» L’impôt est alors réduit à 30 centimes. La douane, à qui l’Assemblée Constituante avait confié la police du commerce extérieur, continue d’assurer la surveillance des entrepôts de sels et des fabriques de soude (3), ainsi que la perception de cette taxe sur la consommation d’un produit français. Elle le fait à contrecœur, parce que cette tâche, qui ne correspond pas à sa mission, lui attire une certaine antipathie de la part de la population, et aussi parce que les préposés des douanes ont la nostalgie de la période héroïque où ils surveillaient et défendaient les territoires de l’Europe, des bouches de l’Elbe à celles du Tibre.
Références :