Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Jacques Coeur, financier, marchand et … receveur des gabelles en Languedoc

Mis en ligne le 1 novembre 2019

Jacques Cœur, financier avant-gardiste du moyen âge…

Représentation de Jacques Coeur

Grand argentier du roi Charles VII, il est admis que Jacques Cœur doit d’abord sa fulgurante réussite à un sens aigu du commerce international. Très tôt, dès 1432, il se rend dans les pays du Levant, et s’inspire de pratiques encore peu répandues en Europe pour développer son propre commerce de tissus et peaux, reprenant la suite de sa famille de marchands pelletiers.

 

Il bénéficie d’un contexte favorable : le Royaume doit quitter Paris et le dauphin Charles VII, après la défaite d’Azincourt, se réfugie en Berry. La Cour du roi se même donc à l’univers régional de Jacques Cœur, qui obtient la charge de l’un des douze changes de la ville. Selon certaines sources, il aurait fait fortune en « falsifiant » la valeur réelle des monnaies, en n’y intégrant pas le poids attendu de métaux précieux, ou en y substituant des alliages de moindre valeur. Selon d’autres sources, sa fortune viendrait plus simplement de sa compréhension d’un écart de change entre l’Or et l’Argent négociés entre l’Orient et l’Occident.

 

Jacques Cœur, « gabelou » ?

 

Ce que l’on sait moins, c’est aussi la fortune née des charges fiscales octroyées à Jacques Cœur, qui devient rapidement l’un des confidents et hommes de confiance du roi Charles VII. En particulier, le grand argentier (charge qui consiste à assurer le suivi des dépenses de la maison du roi, sorte d’intendant personnel du monarque) assure en 1941 le rôle de commissaire du Roi pour le Languedoc, aux fins de négocier les impôts que la région devra verser au Trésor royal. De cette négociation, il tire un rôle de « visiteur des gabelles » en 1447, c’est-à-dire de percepteur de l’impôt indirect sur le sel, dont la mécanique fiscale est à l’origine des actuels impôts assis sur la consommation (en premier lieu sur les produits énergétiques).

Détail d’une cheminée du Palais Jacques Coeur (Bourges)… « Dire, Taire, Faire De ma joie », l’une des devises du grand argentier

Il semble qu’il excelle dans l’utilisation des leviers assurés par cette charge : en contrepartie de réduction de taxes payées dans la région, qu’il octroie de son propre chef, il fait voyager lui-même… son propre sel en Languedoc en franchise de péages locaux…

 

On lui attribue aussi un art dans l’utilisation des mécanismes de remboursements de gabelle acquittée sur du sel dont le moyen de transport fait naufrage. Jacques Cœur, tout à la fois marchand de sel et percepteur des droits sur le sel aurait profité de ces régimes pour maximiser ses bénéfices, en bénéficiant de remboursements pour des sinistres pas toujours vérifiés ou vérifiables.

L’aventure de Jacques Coeur en fait l’un des marchands, sinon le marchand le plus riche de l’époque médiévale.

 

Pour l’histoire douanière, il est sans doute l’un des premiers grands opérateurs de commerce international, et à ce titre utilisateur et connaisseur des différences de fiscalités sur les mouvements de marchandises entre les Royaumes et seigneuries. Habile négociant et diplomate, il devient influent auprès du Pape, ce qui lui permet de bénéficier de dérogations pour commercer librement avec les « infidèles » des terres du Levant. Au plan industriel, il développe une concentration verticale dans le domaine des soieries et draperies, par l’acquisition d’étoffes rares qu’il importe, travaillées à façon dans d’autres comptoirs, notamment en Italie.

 

Il maîtrise donc aussi les droits indirects en praticien averti, qui maîtrise les différentes subtilités d’un « régime fiscal » tel que celui mis en place sur le sel.

Le  » Grand’Palais » de Jacques Coeur à Bourges

 

La visite du « Palais Jacques Cœur » à Bourges permet de saisir les multiples facettes du destin exceptionnel de Jacques Cœur, dont la chute fut brutale. Devenu prêteur des des plus grands, il s’attire les jalousie de la cour. Il n’est pas concevable que sa fortune éclipse celle du roi. Le prétexte de l’empoisonnement de sa favorite, Agnès Sorel, conduit à son jugement… puis son exil.

Deux muids de sel exposés dans le Palais Jacques Cœur (Bourges)

 

 

 

 

Le visiteur y trouvera également deux « muids », ancien récipients en pierre permettant le calcul des taxes spécifiques sur le poids de sel.

 

 

 

 

 

 

Arnaud PICARD
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