Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
1938 : Inauguration de l’école des douanes de Montbéliard (3)
Ouverte le premier mars 1938, l’École des douanes de Montbéliard, dont les Annales ont déjà eu, à plusieurs reprises, l’occasion d’entretenir leurs lecteurs, a été officiellement inaugurée, le 14 mai dernier. Désireuse de donner à cette cérémonie un certain caractère de solennité et de manifester ainsi tout l’intérêt qu’elle porte à cet établissement d’enseignement professionnel, la Municipalité avait élaboré, à cette occasion, un programme comportant notamment une réception à l’Hôtel-de-Ville, une visite officielle de l’École, un banquet — servi dans les locaux scolaires – et, enfin, un concert public offert à la population dans la cour du Château de Montbéliard.
De nombreuses personnalités avaient été conviées à ces manifestations, auxquelles assistaient, notamment, le sous-préfet de Montbéliard, remplaçant le Préfet empêché, le Secrétaire général de la Préfecture, le Chef de Cabinet du Préfet, M. Rucklin, ancien député, Conseiller général et de nombreux chefs de service municipaux. L’Administration des Douanes était représentée par MM. Lavigne, directeur à Besançon, Arnal, inspecteur divisionnaire à Pont-de-Roide, Leloutre, inspecteur principal, directeur de l’école, entouré de ses principaux collaborateurs. Enfin, M. le Directeur général, qu’accompagnaient, MM. Etchegoyhen, administrateur de la 3e division et Burnod, chef de cabinet, avait tenu à se rendre à l’invitation, qui lui avait été faite par la Municipalité, de Présider la cérémonie d’inauguration.
Dès son arrivée à Montbéliard, le Chef de l’Administration effectua la visite complète et détaillée des bâtiments et locaux affectés à l’École : bureaux du directeur et des officiers, salles de classes, bibliothèque, mess, cuisine, salle de douches, furent parcourus et examinés tour à tour.
Partout, le Directeur général et ses collaborateurs recueillirent une excellente impression. Aussi, M. Hyon ne manqua-t-il pas, à l’issue de sa visite, de féliciter et de remercier M. Lavigne, M. Leloutre, ainsi que l’ensemble du personnel d’encadrement, pour l’heureuse disposition, la judicieuse utilisation et le parfait entretien des locaux. Il adressa ensuite aux élèves, réunis dans une des salles de classe, quelques conseils et quelques recommandations, exprimés en un langage familier et particulièrement propre à retenir l’attention et à frapper l’esprit de ses jeunes auditeurs. Il les exhorta notamment à s’efforcer d’acquérir, pendant leur stage d’instruction, les connaissances administratives nécessaires à l’exécution de leurs futures fonctions. Il s’attacha également à leur montrer que, s’il comporte de lourdes servitudes, le métier de préposé ne manque pas de grandeur. Il leur demanda, enfin, de s’assimiler, dès leur entrée en fonctions, les traditions et les disciplines qui font la force et l’autorité du corps des douanes.
A 11 heures, eut lieu, à l’Hôtel-de-Ville, la réception organisée par la Municipalité. Indépendamment des personnalités déjà citées, on y remarquait plusieurs représentants de la Presse locale ainsi qu’une délégation des Retraités des Douanes de la Région. Cette délégation comprenait à la fois les retraités des bureaux et des brigades. La présence de ces vieux serviteurs qui, dans une émouvante intention de déférence et de sympathie, avaient tenu à venir saluer le chef actuel de l’Administration, fit l’objet des commentaires les plus favorables. Tous les assistants y reconnurent la preuve de la pérennité des liens sentimentaux qui unissent entre eux les membres de la grande famille douanière. M. le Directeur général remercia chaleureusement les délégués de leur démarche. Il s’entretint familièrement avec chacun d’eux, s’enquit avec bienveillance de leur santé, de leurs besoins matériels et moraux. Il nota, enfin, tout spécialement, le cas de l’ex-préposé Napiot, retraité, avant la création de la Médaille d’Honneur, en vue de l’attribution à titre exceptionnel, de cette distinction à ce valeureux représentant de la « vieille douane », dont la carrière avait été interrompue, en 1892, par de graves blessures reçues au cours d’une attaque de fraudeurs.
Dans une atmosphère de joie nuancée d’émotion, M. Bermont, Maire de Montbéliard, souhaita, fort aimablement, la bienvenue aux personnalités présentes. Puis, après que M. Hyon lui eut répondu, en une spirituelle improvisation, chacun se dirigea vers le Château de Montbéliard, pour y procéder, sous la conduite du Directeur de l’École à une visite de cet établissement, visite au cours de laquelle furent unanimement loués la perfection et le confort des aménagements réalisés ainsi que l’excellente tenue des occupants. Un vin d’honneur fut ensuite servi au mess, où M. Leloutre, en sa qualité de Directeur de l’école adressa, très éloquemment, aux visiteurs, en même temps que ses souhaits de bienvenue, ses remerciements et ceux de ses collaborateurs. On se rendit enfin dans une des salles de classe, coquettement transformée, pour la circonstance, en salle à manger et où fut servi un repas savoureux préparé, dans la cuisine de l’Ecole, par le chef-cuisinier de cet établissement.
Au dessert, prirent successivement la parole : MM. Bermont, maire de Montbéliard, Rucklin, conseiller général et Martin, sous-préfet de Montbéliard. Chacun des orateurs traduisit la satisfaction et la fierté qu’inspire, à la ville de Montbéliard, la préférence dont l’a fait bénéficier l’Administration des Douanes. Chacun se félicita également de l’esprit de compréhension qui a présidé dès l’origine, à l’organisation et à la mise en train du nouvel établissement scolaire.
La série des allocutions fut close par M. le Directeur général, qui, à son tour, exprima la gratitude de l’Administration pour la collaboration dont celle-ci a bénéficié de la part des autorités locales et, plus spécialement, du premier magistrat municipal.
A cette occasion, le chef de l’Administration ne manqua pas d’adresser, à chacun de ceux qui avaient collaboré à la réalisation de l’œuvre commune, la part d’éloges qui lui revenait pour cette brillante réalisation. D’autre part, après avoir indiqué succinctement les raisons qui avaient guidé le choix de l’Administration, il exprima le souhait que les stagiaires sachent, en toutes circonstances, reconnaître l’hospitalité qui leur est offerte, en entretenant avec la population des rapports empreints de courtoisie et de cordialité. Enfin, il félicita en ces termes, les Administrateurs municipaux des transformations effectuées pour adapter à sa nouvelle affectation le vieux château de Montbéliard, ancien témoin de fastes aujourd’hui révolus :
« Quant au château-fort, dont la silhouette domine votre cité et votre histoire, vous avez su, à la faveur de judicieux aménagements, en faire pour nos agents une résidence pleine de commodités et d’agrément. Vous avez su introduire dans ses vieilles murailles le progrès et le confort, sans en aliéner le caractère, la personnalité et la grandeur. Bien qu’un modernisme de bon aloi ait présidé à sa réfection, sa haute et puissante stature évoque toujours, pour le visiteur, le souvenir des vaillances passées et des héroïques résistances. Je voudrais que, dans cette heureuse adaptation, nos jeunes préposés sachent trouver le symbole de ce que doit être l’Administration à laquelle ils appartiendront demain : gardienne des vertus et, des traditions qui, de tous temps, ont fait sa force et son renom, mais animée, néanmoins, de modernisme et de progrès ; inébranlable dans ses principes de droiture, de probité et de dévouement à la chose publique, mais toujours prête aux adaptations, aux évolutions nécessaires de technique ou de méthode. C’est le voeu que je formerai, Messieurs pour terminer… ».
Un tel souhait répond assurément au sentiment profond de tout fonctionnaire des Douanes. Les Annales s’y associent pour leur part, non moins pleinement. La belle cérémonie du 14 mai comporte, à notre sens, un enseignement qui dépasse peut-être le cadre de l’École de Montbéliard. Elle est la manifestation d’une politique administrative éclairée.
Nous avons salué, le 24 mars 1936, la décision par laquelle M. Marcel Régnier alors ministre des finances, autorisait la création de l’École. Nous saluons aujourd’hui l’œuvre réalisée. Et nous la saluons avec joie parce que nous pensons qu’elle s’inscrit dans la ligne la plus sûre et la plus heureuse des meilleures traditions de l’Administration des Douanes et qu’elle sera féconde. Sous l’obscur et nécessaire anonymat qui est la règle dans le domaine administratif où l’action est essentiellement collective et impersonnelle, les artisans de la première heure, comme ceux qui ont ensuite mené à bien cette vaste entreprise, doivent trouver leur satisfaction dans la contemplation de l’édifice aujourd’hui construit. Entre les murs du vieux château, les élèves recueilleront un enseignement nourri par l’expérience et le savoir ; ils acquerront la claire notion de leurs obligations de fonctionnaires, celle de l’importance qu’elles revêtent pour l’exacte exécution d’un service auquel ils apprendront, à consacrer toutes leurs forces. Au point de vue professionnel, c’est là un immense progrès. Les jeunes préposés débuteront dorénavant dans leur brigade en possession de connaissances que l’extension des attributions des agents du service rend indispensable. Car le métier de douanier réclame aujourd’hui, outre les qualités foncières que le pittoresque et la légende ont maintes fois mises en relief et qui ont été de tout temps nécessaires, des aptitudes à l’intelligence de textes souvent complexes et d’une application délicate.
Mais, aussi bien, l’Ecole ne dispensera pas seulement cette instruction spéciale. On sait combien la valeur morale importe chez le préposé des Douanes. Celle-ci, sans doute, va se fortifier au creuset d’une vie en commun qui ne manquera pas de créer parmi ces jeunes agents appelés aux mêmes tâches un esprit de corps propre à exalter en eux le sentiment du devoir sans lequel les connaissances administratives n’auraient guère de vertu. Les élèves apprendront encore que le patrimoine d’honneur des brigades est formé d’un fonds d’une inépuisable richesse : mille exploits en attestent la grandeur, mille traits de dévouement y sont gravés qui témoignent de la valeur de leurs anciens. Ainsi, chacun d’eux fier de figurer dans de tels rangs percevra avec une conscience chaque jour plus haute, qu’il est lui-même comptable de magnifiques traditions.
En instituant l’École de Montbéliard, l’Administration des Douanes vient donc de grandement améliorer la formation de son personnel actif. Qu’on nous permette de souhaiter qu’elle poursuive ce bel effort. Elle sait que le progrès ne s’inscrit pas dans l’immobilité : il est le produit des leçons du passé et de la sage appréciation des besoins actuels et futurs. C’est donc l’instruction administrative des fonctionnaires des douanes de tous ordres qui doit solliciter sa vigilante attention afin que l’exécution du service s’effectue dans des conditions toujours meilleures.
Depuis de longues années, du reste, l’effort de l’Administration s’est porté sur le cadre si essentiel des vérificateurs et des contrôleurs-rédacteurs. L’œuvre accomplie sur ce point se poursuit. Mais nul ne conteste qu’un enseignement professionnel donné dès leur entrée dans les cadres aux contrôleurs stagiaires répondrait à un besoin d’évidence et à des considérations de logique.
Nous avancerons la même opinion au sujet des officiers. La création d’un centre d’instruction à leur intention comblerait une grave lacune. Ces agents sont investis de fonctions qui supposent, des connaissances administratives étendues dont l’enseignement gagnerait à être organisé et dispensé avec méthode. En outre, l’exercice du commandement exige une préparation d’ordre psychologique et moral. Si cette dernière trouve sans doute dans les qualités personnelles, foncières ou acquises, des candidats une base très sûre, des conférences sur des principes commentés et expliqués par des professeurs qualifiés en accroîtraient grandement la vertu. L’étude des seuls ouvrages administratifs ne saurait, en effet, faire découvrir aux futurs officiers certaines des disciplines qui devront les guider dans l’exercice de leur autorité, laquelle procède non seulement de la science du métier, mais surtout de l’exemple et du caractère.
Nous sommes persuadés que l’Administration des Douanes ne négligera rien pour parfaire ce qu’elle a déjà si heureusement entrepris. Le centre de Montbéliard n’atteste-t-il pas aujourd’hui avec éclat que ses soins, à cet égard, sont grands ? Elle sait aussi qu’à son propre effort répondra toujours la volonté de travail qui anime chacun de ses agents; quel que soit son rang dans la hiérarchie, volonté qui sans doute explique la haute conscience d’un personnel justement convaincu que son application à bien servir constitue la plus solide sauvegarde des intérêts généraux confiés à son dévouement comme à son savoir.