Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Hermès, divinité de la frontière dans la Grèce antique ?

Mis en ligne le 1 septembre 2019

Si peu d’études ont été menées sur la fonction douanière ou l’administration douanière dans la civilisation grecque antique, quelques fragments ont pu déceler l’importance de placer les premiers traités entre villes et provinces, notamment pour régir les relations commerciales.

 

 

Comme dans tous les traités qu’ils établissaient, les États grecs plaçaient leurs engagements sous la protection de divinités. Il en est une, Hermès, qui a suscité de nombreuses interrogations. Michel Foucher rappelle, dans un article publié en 2018 dans un numéro consacré aux frontières (POUVOIRS n°165 – éditions du Seuil) la symbolique qui entoure ce dieu, par opposition à Hestia, déesse du foyer. Car les frontières sont des : « marqueurs symboliques, nécessaires aux nations en quête d’un dedans pour interagir avec un dehors […] Au-delà de l’histoire et de la géopolitique, il s’agit bien d’anthropologie, qui invite à admettre la polarité de l’espace humain bien exprimée dans les mythologies anciennes avec la double configuration d’un dedans rassurant, clôturé, stable, et d’un dehors inquiétant, ouvert, mobile. Les Grecs anciens l’avaient décrite sous la forme d’un couple de divinités unies et opposées : Hestia et Hermès ».

 

 

Représentation d’Hermès, divinité de la Grèce antique

Les éléments qui sont parvenus jusqu’à ce jour mentionnent bien la présence de « douaniers » dans cette civilisation. Leur existence est attestée par leur mention dans des traités régissant les relations entre colons athéniens de Méthone et le royaume de Macédoine, alors dirigé par Perdiccas Ier, l’un des premiers rois mentionné par Hérodote, membre de la dynastie des Argéades, qui règne au VIIe siècle avant Jésus-Christ. (voir l’étude d’Emile Egger en 1861 : Mémoire historique sur les Traités publics dans l’antiquité, depuis les temps héroïques de la Grèce jusqu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne. In: Mémoires de l’Institut national de France)

 

 

Dans cette zone, proche de l’actuelle Thrace orientale à la frontière entre greco-turque, des « gardiens de l’Hellespont » sont chargés de surveiller le commerce des blés avec les provinces voisines transitant dans la mer de Thrace et en provenance des peuples de la Mer Noire.

 

 

Ce traité ne mentionne pas la protection d’Hermès, dont la portée symbolique n’est pourtant pas sans rappeler la notion de frontière, telle que l’analyse l’historien de l’Antiquité grecque Jean-Pierre Vernant.

 

 

A l’occasion du soixantième anniversaire du Conseil de l’Europe en 2009, il écrivit : « Passer un pont, traverser un fleuve, franchir une frontière, c’est quitter l’espace intime et familier où l’on est à sa place pour pénétrer dans un horizon différent, un espace étranger, inconnu, où l’on risque, confronté à ce qui est autre, de se découvrir sans lieu propre, sans identité […] Pour qu’il y ait véritablement un dedans, encore fauti-il qu’il s’ouvre sur le dehors pour le recevoir en son sein. Et chaque individu humain doit assumer sa part d’Hestia et sa part d’Hermès. Pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c’est se perdre et cesser d’être. On se connaît, on se construit par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre ». Ce texte est gravé sur une borne figurant au pont de l’Europe, entre Strasbourg et Kehl.

 

 

Vue sur le pont de l’Europe à Strasbourg

Qui était donc Hermès chez les Grecs anciens ? Fils de Zeus et de Maïa, l’aînée des Pléiades, il est membre des douze Olympiens. Il est représenté comme un homme athlétique et en mouvement.

 

 

Selon la légende d’Hermès, il s’est vu attribuer diverses attributions : il était tout à la fois le dieu du commerce, le gardien des routes et des carrefours, le patron des voyageurs.

 

 

La filiation douanière d’Hermès n’est sans doute pas totalement erronée. Certains services douaniers, notamment d’Europe centrale et orientale, utilisent toujours dans leur emblème l’un des attributs d’Hermès : le caducée.

 

Écusson de douanier ukrainien

Cet attribut, souvent associé au monde médical, représente aussi le commerce et la paix. Il figure, notamment, sur les écussons des douaniers hongrois, polonais, lituaniens, slovaques et ukrainiens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arnaud Picard
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