Herman Melville, Ma vieille vareuse, 1947 (27/50)

Mis en ligne le 30 octobre 2025

Comme l’observe Thierry Gillyboeuf*, « il est possible de diviser l’œuvre de Herman Melville en trois volets, trois pans qui, s’ils se chevauchent dans le temps, n’en constituent pas moins trois entités identifiables et distinctes. Il y aurait ainsi le Melville romancier : dix épais romans, dont un de perdu, entre 1847 et 1857 ; le Melville novelliste : quatorze nouvelles parues en revues entre 1853 et 1856, et un recueil rassemblant la moitié d’entre elles ; le Melville poète : un recueil refusé suivi d’un autre publié, une longue épopée de dix-huit mille vers qui n’a pu voir le jour que parce qu’un proche en a payé les frais de parution, deux volumes confidentiels que Melville offrit à quelques amis et parents, un manuscrit achevé et une quarantaine de poèmes épars, entre 1860 et 1891. »
On pourrait ajouter que ces « pans » de l’œuvre correspondent également à des activités professionnelles distinctes : si le « Melville romancier » s’est inspiré des cinq années d’expérience du Melville marin, assurément le « Melville poète » a nécessairement été influencé par ses « dix-neuf années et trois semaines et demie de service » passées en qualité d’inspecteur des douanes sur le port de New York entre 1866 et 1885.
Le poème qui suit, intitulé dans la langue de Shakespeare« My Jacket Old », a été publié pour la première fois en 1947 par Howard P. Vincent dans son édition des Collected Poems of Herman Meville et traduit en français en 2022 par Thierry Gillyboeuf, qui précise à son sujet :
« Comme à son accoutumée, Melville distille de précieux et rares éléments autobiographiques. Un poème comme “Ma vieille vareuse” est sans doute la seule mention ou presque que l’on puisse trouver de son interminable carrière d’inspecteur des douanes. Le terme même de jacket renvoie à la vareuse de la Vareuse blanche (White Jacket), et traduit l’idée d’un uniforme “aux étroites coutures”, donc d’une contrainte et d’un asservissement à “la morne journée de travail”, en rêvant d’Asie, par contraste avec « l’ère du Loisir édénique ».

 

Ma vieille vareuse*

 

Ma vieille vareuse, aux étroites coutures –
Quand s’achève la morne journée de travail
Je l’époussette et rêve d’Asie,
De la vieille Asie ensoleillée !
Là-bas d’autres costumes ont cours,
Oui, traînant là-bas, ni robe ni gilet,
Ce qui atteste l’ère du Loisir édénique
D’avant le Travail, hélas, venu avec ses Pleurs.

 


*Source : Poème tiré de Herman Melville, Poésies, Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thierry Gillyboeuf, © Editions Unes, 2022. L’ensemble des citations de Thierry Gillyboeuf sont issues de sa préface et de ses notes.

Tous nos remerciements aux Editions Unes pour avoir autorisé la reproduction de ce poème.